L'escalier Foyatier avec ses 222 marches fait partie du Montmartre le plus connu et le plus pittoresque. Il va de la station du funiculaire au Sacré-Cœur.
Pour la fête des vendanges d'octobre, il a été peint par Ojan, peintre connu pour ses fresques urbaines spectaculaires. Le thème proposé par la mairie est celui de l'égalité. Précieuse égalité qu'encadrent la liberté et la fraternité.
Ojan n'a pas essayé d'être démonstratif ou pédagogue, il a coloré les marches d'un arc en ciel de silhouettes, toutes distinctes et cependant différentes.
Chaque volée de marches se teinte de couleurs franches, comme autant de pays, autant d'univers, autant de rêves qui ne forment qu'un seul escalier, je serais tenté de dire une seule échelle qui va de la terre jusqu'au ciel.
En bas, le symbole des vendanges montmartroises, trois bouteilles qui dessinent la silhouette de la basilique. Hommage à Rabelais et sa "dive bouteille"!
La 2ème volée : une guirlande découpée dans du papier déroule une farandole de vivants colorés de leur différence qui ne rompt pas la chaîne. "Si tous les gens du monde voulaient s'donner la main..." ils formeraient ce tapis de couleurs, ce chant de fleurs.
La 3ème volée : Le soleil rayonne dans un ciel qui évoque l'Inde. Le soleil est souvent présent dans les réalisations d'Ojan. Il est l'emblème de ceux qui aiment la vie.
Fresque d'Ojan pour le Grand Palais éphémère, 2020
La 4ème volée : de nouveau ce ciel indien mais les rayons sont devenus des étoiles que représentent les petits personnages.
La 5ème volée : une des plus belles. L'astre est toujours présent mais comme une lune dans la nuit verte. Les hommes sont faits d'ombre bleue comme des algues dans l'océan.
La 6ème volée : De nouveau le soleil triomphant. Couleurs franches, comme un drapeau. Hommage à l'Ukraine.
7ème volée : le plus sombre. Astre et nuages n'éclairent pas le ciel gris anthracite. Nulle silhouette n'habite le paysage....
8ème volée : le ciel redevient bleu, les nuages redeviennent "les merveilleux nuages. Si les humains y sont encore absents c'est qu'ils nous attendent tous dans la dernière volée, nombreux, divers, égaux, fraternels sous le soleil rouge comme la vie.
Le peintre n'a pas résisté à la tentation d'écrire son nom, au sommet, dans le soleil, un nom qui apparaissait déjà sur la première contremarche de chaque volée.
Une occasion rêvée de se faire mieux connaître en ce lieu où se pressent des gens du monde entier. Des gens comme les personnages de cette immense peinture joyeuse et généreuse que nous aimerions ne jamais voir disparaître!
1er septembre. Les goélands reprennent possession de la plage.
Voilà le beau mois de septembre qui prolonge l'été. Les vacanciers sont presque tous partis, les enfants retrouvent le chemin de l'école qui n'est pas buisonnière. De nouveaux vacanciers arrivent, plus lents, moins sportifs, la tête couverte d'argent. Il fait beau mais il flotte dans l'air un je ne sais quoi de mélancolique. Le sable a coulé dans le sablier.
2 septembre. Comme une image déchirée. (matin au port des Salines)
3 septembre. Une tribu dans le désert.
4 septembre. Le héron cendré sur l'étang de Montravail (Le Château).
5 septembre. Casquette et museau face aux vagues. (La Giraudière)
6 septembre. Mère et mer.
7 septembre. L'arbre noyé aux bras ouverts.
8 septembre. Voiles bleues dans le gris.
9 septembre. Le kite surfeur menacé d'être avalé.
10 septembre. Le guetteur de vagues.
11 septembre. Sea, sun and love in september
12 septembre. Le surfeur mangé par la vague
13 septembre. La Palmyre. Tendresse.
14 septembre. "Sur la plage abandonnée, coquillages et crustacés...qui l'eût cru déplorent la fin de l'été...Qui au loin s'en est allé."
15 septembre. Comme au premier jour du monde.
16 septembre. Heureux élèves oléronais après la classe.
17 septembre. Les bernaches du Canada (outardes) sur les marais.
18 septembre. Un dimanche loin de la salle de classe.
19 septembre. La voile noire sur la mer de diamants.
20 septembre. Le port de Saint-Trojan à marée basse.
21 septembre. Bonheur d'un été qui ne veut pas mourir.
22 septembre. La classe de mes rêves.
23 septembre. Rencontre avec Crin-Blanc dans les marais.
24 septembre. Une pincée de sel sur l'horizon.
25 septembre. Mettre la mer dans un seau.
26 septembre. En automne, un homme et son chien dans l'infini
27 septembre. La revanche des nuages.
28 septembre. L'écume de la mer et du ciel.
29 septembre. Le repos du surfeur.
30 septembre. Le dernier jour de septembre. Le rouge comme une annonce du prochain été.
Les derniers jours de septembre, pour faciliter notre retour, se sont mis en gris et en pluie. Comme chaque fin de nos trois mois dans l'île, je me chante un petit air, le temps de me secouer, de sourire à Montmartre qui m'attend pour les vendanges!
En septembre j'ai retrouvé Louise Michel à Rochefort où le musée de la Vieille Paroisse présente une expo sur le bagne et les insurgés de la Commune.
Musée de la Vieille Paroisse
Musée de la Vieille Paroisse
Comme beaucoup je voue une admiration sans limite à celle que Victor Hugo appelait sa chère fille et qui est toujours vivante à Montmartre où le square qui porte son nom escalade la Butte à deux pas de chez moi.
Le square Louise Michel
Rappelons qu'elle est arrêtée après son dernier combat sur la barricade de la Chaussée de Clignancourt à la fin de la Semaine Sanglante. Le 16 décembre 1871, elle est mise en jugement par le 6ème Conseil de guerre de Versailles. Elle refuse d'être défendue : "Si vous me laissez vivre, je ne cesserai de crier vengeance".
Le conseil de guerre à Versailles
Elle est condamnée à l'unanimité à la déportation et transférée à la prison d'Auberive, ancienne abbaye où sont regroupées les femmes. Elle y retrouve Nathalie Le Mel, figure majeure de la Commune.
Cloître de l'abbaye d'Auberive
20 mois plus tard, elle est transférée en voiture cellulaire à La Rochelle.
Elle fait partie d'un double convoi de 24 femmes qui arriveront à la maison d'arrêt de La Rochelle, rue du Palais, les 6 et 7 août, après plus de 17 heures de voyage.
Dans la maison d'arrêt, rue du Palais, elle reste pendant deux jours. Sur les 24 femmes convoyées, 20 sont jugées aptes au long voyage pour la Nouvelle Calédonie. 13 sont condamnée à la déportation simple, 7 dont Louise Michel à la déportation en enceinte fortifiée.
La quasi-totalité de ces femmes viennent de Paris où elles exerçaient de petits métiers, blanchisseuses, lingères, relieuses, coiffeuses et, pour Louise Michel, institutrice. Six sont célibataires et l'une d'elles, Lucie Boisselin, épouse Leblanc, âgée de 29 ans est incarcérée avec son garçon de 6 ans et sa fille de 6 mois née en prison. Son mari Auguste Leblanc fait partie du voyage.
Les 20 femmes, ainsi que 149 condamnés dont Henri Rochefort embarquent sur la Comète pour atteindre l'île D'Aix où mouille la frégate la Virginie qui doit les emmener jusqu'à Nouméa. Avant de monter à bord, elles reçoivent leur tenue pénale : une longue robe de bure et un fichu de coton.
La Virginie est un bâtiment de 52,8 m de long et 13,4 de large. Elle a été construite à Rochefort en 1827 et baptisée "Niobé". Elle change de nom en 1839 pour devenir la Virginie. Elle participe à la guerre de Crimée en 1854 avant d'être utilisée plus tard pour le transport des condamnés.
La Virginie à Brest
La frégate appareille le 10 août 1873 sous l'autorité du Commandant Launay. Elle doit parcourir 30 000 km en quatre mois.
Grâce aux souvenirs de Louise Michel, nous pouvons suivre ce long périple. Les conditions de vie sont difficiles. Un espace grillagé est réservé aux femmes qui dorment dans des hamacs.
Une heure par jour, par souci d'hygiène, elles montent sur le pont. Il est à noter que le médecin major Perlié est soucieux de la santé des condamnées. Il n'y aura aucun décès pendant la traversée et contrairement à ce qu'il advint pendant d'autres transports, le scorbut est évité. Ce qui n'empêche pas Henri Rochefort d'être malade, pris de vomissements et de diarrhées pendant tout le voyage!
Henri Rochefort
Louise Michel passe plus de temps à s'occuper des autres qu'à penser à elle-même.
Elle assiste notamment Nathalie Lemel qui souffre du mal de mer.
Une anecdote est révélatrice : le Commandant Launay voyant Louise Michel pieds nus sur le pont transformé en patinoire par la glace décide de lui donner des chaussons. Il sait qu'elle n'acceptera rien venant de lui. Il demande alors à Rochefort de les lui donner en prétendant que sa fille les avait mis dans son paquetage mais qu'ils étaient trop petits pour lui. Louise Michel les accepte. Le 3ème jour ils se retrouvent aux pieds d'une autre déportée qu'elle avait jugée plus faible et plus fatiguée qu'elle.
Maquette de La Virginie
Elle ne se plaint pas et n'intervient que pour aider les autres et les défendre comme elle le fera bientôt pour les Canaques.
Un autre aspect de sa personnalité et de sa force apparaît dans ses mémoires. Plutôt que de se morfondre et s'enfermer dans la peine et le regret, elle prête attention aux oiseaux de mer, aux rivages aperçus, aux vents et aux vagues. elle s'émerveille, elle dessine.
Elle écrit à la date du 16 août : "Le soleil fait mille facettes sur les lames; deux rivières de diamants semblent glisser sur les flancs du navire."
A l'approche du Cap de Bonne Espérance : "La haute mer au Cap fut pour moi un ravissement (...) Nous vîmes la mer polaire au sud où, dans une nuit profonde, la neige tombait sur le pont."
Panorama de Nouméa
Quand le 8 décembre la Virginie arrive en rade de Nouméa, Louise Michel qui n'a cessé d'écrire des poèmes qu'elle veut envoyer à Victor Hugo avec qui elle correspond, écrit : "Je me reprochais vraiment de trouver le voyage si beau."
Déportés débarqués par la Danaé
les sept condamnées à la déportation en enceinte fortifiée sont débarquées à la presqu'île Ducos où rien n'est préparé pour les recevoir. L'aumônier des déportés réussit à convaincre l'administration de les transférer à Bourail où les conditions sont plus favorables pour des femmes. Louise Michel refuse : "On cherche comme toujours à faire un sort à part aux femmes. si les nôtres sont plus malheureux à la presqu'île Ducos, nous voulons être avec eux."
La presqu'île Ducos
Elle y reste donc, fidèle à elle-même et dans le baraquement réservé aux femmes, elle recueille des animaux blessés ou affamés, chiens, chats, chevreaux. Pour elle la manière de traiter les animaux est liée à la manière dont on conçoit la société : "Plus l'homme est féroce avec la bête, plus il est rampant devant les hommes qui le dominent."
La grande aventure calédonienne de Louise Michel commence.... Elle fait l'apprentissage de la langue, se passionne pour la culture et obtient une baraque pour faire l'école aux Canaques. Jamais désespérée, jamais défaitiste, elle agit comme elle pense, avec son cœur.
Film "Louise Michel le rebelle" avec Sandrine Testud. (Solweig Anspach)
J'aime cette femme éprise de justice et d'idéal. Elle devrait reposer au Panthéon, dans la ville qu'elle aima et pour qui elle lutta.
La belle exposition de Rochefort m'a donné l'occasion de penser à elle, loin de Montmartre où elle est si présente. Merci aux organisateurs et à Hervé Porcher auteur d'un numéro de "Roccafortis" dédié à Louise Michel qui m'a fourni de précieux renseignements.
Avant de retrouver Louise Michel dans un prochain article sur ses années de bagne, voici quelques mots qu'elle écrivit et qui sont plus d'actualité que jamais :
"Chacun cherche sa route; nous cherchons la nôtre et nous pensons que le jour où le règne de la liberté et de l'égalité sera arrivé, le genre humain sera heureux."
Louise Michel en Nouvelle Calédonie
Liens vers un article consacré à Louise Michel dans ce blog :
Le 11 septembre est une triste date pour les animaux libres et sauvages. C'est l'ouverture de la chasse qui met en branle une armada de canardeurs, pour la plupart des hommes dont la virilité est peut-être aléatoire.
J'ai voulu rendre visite aux animaux du zoo de la Palmyre, un endroit unique où l'on sauve des bêtes et tente de préserver certaines espèces menacées. La forêt alentour résonne déjà des détonations qui signent l'arrêt de mort des chevreuils et des lièvres quand ce n'est pas celui d'oiseaux menacés d'extinction.
J'ai pris quelques photos, comme ça, sans déranger les bêtes, observateur admiratif de leur beauté et de leur naturel.
On se promène dans ce grand parc comme s'il n'y avait pas de grillages, comme si le paradis promis, de Saint François et d'Isaïe se réalisait enfin. Illusion passagère bien sûr mais qui fait du bien quand partout dans la nature confisquée, les guerriers d'opérette que le gouvernement subventionne plus que n'importe quel autre, sont à l'affût, prêts à tuer les animaux innocents et sauvages.
Je n'ai jamais compris quel plaisir on pouvait prendre à faire souffrir et à tuer des êtres qui ne vous demandent rien, ne font de mal à personne et tentent d'assumer l'existence qu'ils ont reçue, comme nous.
Beauté du monde, beauté de la nature, beauté des animaux... nous avons charge de la protéger, de la chérir et de la remercier de nous aider à vivre différemment notre condition de grand singe évolué, seul animal capable de s'inventer des dieux mortifères et des livres "sacrés" qui nous empêchent d'être intelligents et sensibles
Seul animal capable de s'arroger le droit de vie et de mort sur tout ce qui existe, océans, forêts, faune et flore...
1er août. Le portable en vacances au bord de la mer!
2 août. Les bâtisseurs.
3 août. Jeux sportifs comme une frise sur un vase grec!
4 août. Spectacle magique des cygnes sauvages sur le Pertuis de Maumusson.
5 août. Mon chien, ne sois pas inquiet, je sais nager!
6 août. Jamais sans mon livre. (Plage de Grand-village)
7 août. Le club des bouées intrépides. (Plage des Allassins)
8 août. Sans vagues, le surfeur a besoin de tendresse.
9 août. Moïse et le rouleau de la Torah.
10 août. L'endroit rêvé pendant la canicule.
11 août. 9 heures ce matin sur la Grande Plage de Saint-Trojan.
12 août. Le radeau de la Méduse!
13 août. Apprentissage de la zénitude sur la plage du Château.
15 août. Jamais sans mon chien.
16 août. Amour des vagues.
17 août. La pêche aux louisettes (tellines) en famille.
18 août. Les lutins joueurs.
19 août. Matin brouillé sur le port de St-Trojan et le pertuis de Maumusson.
20 août. 18h sur la plage de Grand-village. Une lumière de fin de saison.
21 août. Une vie de chien. Compagnons jusqu'au bout du monde.
22 août. Vite! Les vagues nous attendent!
23 août. Le cercle solaire.
24 août. Saint-Christophe 2022.
25 août. Naissance de mini-Vénus.
27 août. Et dire que dans cinq jours c'est la rentrée!
28 août. L'homme des sables.
29 août. Ombre chinoise.
30 août. Vague à l'âme du surfeur sans vagues
31 août. Ciel d'orage pour le dernier jour du mois.
Encore un mois de nos étés qui s'achève. Demain c'est septembre, le mois de la rentrée des élèves et de la sortie des chasseurs. Les premiers pour apprendre, les seconds pour tuer.
Elle est modeste sur sa pelouse au coeur du village et ressemble à une église de tableau naïf. C'est l'église Notre-Dame de Monthérault.
août 2022
Rien de spectaculaire ni de prestigieux mais un charme discret qui se marie à la douceur de la campagne environnante et au ciel changeant.
Eglise de Dercie
Elle ressemble à d'autres églises "rurales" de la région comme celle de Dercie ou de Sainte Radegonde.
Eglise de Sainte Radegonde.
De plan très simple, elle est constituée d'une nef en moellons prolongée par un chœur roman en bel appareillage de pierres.
Dans la nef unique à la charpente de bois, aucun décor sculpté. Les murs en moellons sont percés de petites fenêtres à linteaux monolithes. Il s'agit d'une architecture de type pré-roman.
La légende attribue sa fondation à Charlemagne après sa victoire en 777 sur les Sarrazins. En réalité cette fondation daterait plus certainement de la fin du Xème siècle-début du XIème.
Etat avant restauration
L'église fut désaffectée après avoir été en 1826 rattachée à Trizay.
La municipalité de Trizay entreprit sa restauration entre 2009 et 2014. Son état d'abandon était tel que le clocher mal assuré s'était écroulé pendant la tempête de 1999.
Ce clocher-arcade a été reconstitué avec les pierres récupérées après son effondrement. Les cloches volées avant la tempête de 1999 dont on a oublié qu'elle portait le joli nom de Lothar, ont été remplacées par celles qui ont été fondues sur le chantier de restauration.
(Un clocher-arcade est comme son nom l'indique, formé d'une ou plusieurs arcades qui laissent voir les cloches, en haut du mur pignon à l'une ou l'autre des extrémités de la nef).
Ce qui explique que l'église ne disparut pas tout à fait est la vénération portée à la statue de la Vierge, toujours présente bien que dégradée. Elle était placée dans la niche formée par le vitrail condamné dans le choeur.
La statue mutilée a été placée sur l'autel après pose d'un nouveau vitrail. Si la vierge a gardé la tête sur les épaules, son fils a perdu la sienne. Un tournesol a pris sa place mais ni la main ni le pied n'a été ressuscité.
Elle est typique des vierges gothiques portant leur enfant dans un léger déhanché qui ne manque pas d'élégance.
Le chevet rectangulaire en pierres de taille, précédé d'un voûte en arc brisé, a remplacé l'abside primitive dont on a retrouvé les fondations sous le chœur lors des campagnes de restauration.
Cuve baptismale
On peut remarquer si l'on est attentif quelques vestiges de chapiteaux décorés avec des motifs floraux et des visages, rares témoins du décor originel.
Des vitraux ont été posés en 2013. Il sont dus à Bertrand Deguilhem
Ils ont pour motif les courbes du relief tout autour de l'église, mais représentées verticalement, comme dans un élan vers les hauteurs célestes.
Il y avait au Moyen-Âge un cimetière autour de l'églises. Il reste de cette époque quelques sarcophages alignés contre un mur. Les autres tombes plus modestes ont disparu.
Des panneaux explicatifs très clairs sont mis à la disposition des visiteurs qui entrent dans l'église mais il n'est pas besoin d'explication pour y ressentir la paix et l'harmonie.
Comme chaque été je reviens au refuge des chats du Château d'Oléron et comme chaque été je découvre de nouveaux chats recueillis dans les rues ou les campagnes, abandonnés, meurtris, blessés parfois. Ils ont pris la place laissée par ceux qui sont morts pendant l'année, au bout de leur vie que la bonté des bénévoles du refuge a permis de prolonger à l'abri de la misère et des cruautés.
J'ai rencontré leur regard levé vers moi et comme à chaque fois qu'un animal me regarde j'ai senti à quel point l'homme n'était pas à la hauteur du rôle qui devrait être le sien de protecteur des êtres vivants. L'homme le plus souvent dispose d'eux à son gré pour son plaisir ou ses intérêts. Le Création est en souffrance et en agonie, les forêts, les rivières, les animaux... et les humains les plus vulnérables.
Cosette qui a créé ce refuge et y consacre un temps qu'elle ne compte pas, fait partie avec les bénévoles, des humains qui sont aux avant-postes et qui tentent de colmater les brèches de notre égoïsme et de notre inconscience.
Elle m'a donné quelques nouvelles du refuge qui a remodelé ses espaces. Une nursery a été installée pour recevoir les chatons dans un espace paisible.
Parmi les nouveaux pensionnaires j'ai rencontré Miaou, un beau chat qui a été recueilli après la mort de son ami, de son maître, avec qui il avait vécu une dizaine d'année dans une complicité et une affection si profondes qu'il ne voulait s'éloigner, ne serait-ce qu'un moment de celui avec qui il mangeait, dormait, rêvait.
Quand son ami, son maître est mort, le chat est resté terré dans un recoin de la maison. Personne ne pouvait l'approcher, il n'y avait qu'un humain au monde pour lui. Quand enfin il a pu être capturé et emmené au refuge, il a fallu l'enfermer à part. Il ne supportait pas les autres chats et il avait décidé de se laisser mourir. Des mois sans manger, maintenu en vie grâce à des soins vétérinaires, il attendait que cesse cette vie dont il ne voulait plus.
Et puis un jour, Cosette qui avait remarqué que dans son ancienne maison il y avait sur le sol quelques crevettes desséchées, a eu l'idée de lui proposer sa pâtée avec sur le dessus quelques unes de ces crevettes qu'il avait dû aimer. Miaou a respiré son plat, il a ronronné et s'est mis à manger pour la première fois depuis son arrivée. Les crevettes lui rappelaient son ami, son maître qui se privait pour les lui offrir.
Mon chat Loulou recueilli dans un refuge ressemble
Maintenant Miaou accepte de manger, après quatre mois de repli, comme si cette habitude retrouvée allait lui ramener son ami. Il reste farouche mais accepte de cohabiter avec d'autres chats. Il commence à comprendre qu'il est chez lui dans ce refuge où il a sa corbeille où la nuit il peut rêver à celui qui viendra le rechercher, il en est sûr.
Parmi les autres nouvelles des mois écoulés, comment ne pas dire un mot de deux belles histoires. Un chat recueilli qu'il a fallu câliner, nourrir, surveiller, soigner. Le vétérinaire a pu l'identifier. Il venait de l'autre côté du Pertuis, de la Tremblade. Comment avait-il pu traverser ce bras de mer aux courants redoutables?
Son maître contacté par le refuge est venu sans attendre le chercher. Il nous a donné la résolution de l'énigme. Son chat avait disparu 10 mois plus tôt, le jour où son fils était venu avec sa camionnette de l'autre côté du Pertuis pour lui rendre visite. Sans doute le chat avait-il sauté dans le véhicule sans qu'il s'en rende compte. Au retour, le camion a été garé dans la cour de la maison du Château d'Oléron. Le chat a dû sauter, effrayé sans doute par le voyage bruyant qu'il venait de faire et il s'est réfugié là où il avait pu, tentant de survivre jour après jour jusqu'au moment où maigre et terrorisé il a été cueilli par un bénévole du refuge.
Des histoires comme celles-là, il y en a beaucoup, comme celle de cette chatte que son maître parisien avait perdue pendant les vacances et qui a retrouvé son foyer trois mois plus tard grâce à son identification. Il y eut des retrouvailles faites de sourires, de caresses et de ronrons, interminables, toujours recommencés...
Inutile de dire à tous ceux qui ont des chats que l'identification est une nécessité. Nous en avons la preuve chaque jour dans l'île où les propriétaires de chats viennent passer les vacances avec leur petit compagnon. Les chats sont curieux, enivrés de senteurs et de découvertes. Ils trouvent le moyen de sortir d'une maison qu'ils ne connaissent pas assez pour la retrouver et ils se perdent, devenant la proie des gens malveillants, des autos, et en automne des chasseurs.
Voilà quelques uns de ces visages avec les interrogations et les prières que nous pouvons lire dans les regard levés vers nous.
Les Pachats du Bastion : 10 rue des Remparts. Le Château. 17480. 0666974178
Nous reprenons notre ascension de la rue Blanche où nous nous étions arrêtés au 25, devant l'église protestante allemande.
Où s'élève aujourd'hui le 27 a vécu un peintre oublié, Achille Gratien Gallier (1814-1871).
L'immeuble de 1910 qui a remplacé l'hôtel où vivait Gratien mort en 1871.
Il fait partie de ces peintres paysagistes très appréciés au milieu du XIXème siècle dont les paysages (surtout italiens) étaient à la mode. Il paraît banal aujourd'hui bien que Corot paraît-il l'eût admiré.
Vue de la campagne romaine
Les 24-28 sont l'adresse des pompiers! Ils accueillent le 1er groupement d'incendie et de secours de la 7ème compagnie.
La partie la plus ancienne a servi d'hôpital à la maison militaire de Louis XVIII puis d'école pour les musiques de la garnison de Paris sous Louis-Philippe avant d'être intégrée à l'ensemble construit entre 1901 et 1907 par l'architecte Louis Sauffroy.
Il s'agit d'ailleurs du dernier ouvrage de Louis Sauffroy (1847-1907). Parmi ses réalisations les plus spectaculaires, citons le Grand Hôtel de Saint-Lunaire et le Castel Sauffroy qui est aujourd'hui le siège de la mairie..
Le 43 rue Blanche est connu des fans de Berlioz bien qu'il n'y ait jamais vécu.
Il utilisa pour lui-même cette adresse postale mais c'est surtout là qu'en 1844 vint vivre Harriet Smithson alors que son mari après l'avoir quittée s'était installée avec Marie Recio rue de Provence. Harriet y vivra pendant 4 ans avant de déménager au 65 rue Blanche puis rue Saint-Vincent où elle mourra non loin de la maison où elle avait vécu avec Berlioz et où son fils était né.
Aujourd'hui une même adresse réunit au cimetière de Montmartre, un peu plus haut, Berlioz et les deux femmes de sa vie.
Toujours au 43 a vécu en 1836 Paul Gavarni, dessinateur, illustrateur qui reste très lié au quartier (il habita rue Fontaine et rue Saint-Lazare).
Il a immortalisé les petits métiers de Paris et a donné l'image la plus connue des lorettes et des grisettes. Le monument de la place Saint-Georges lui rend hommage.
Avant la construction du 44, immeuble assez banal, il y avait à cet emplacement un hôtel particulier où vivait Jean-François Boursault dont le nom de comédien était Boursault-Malherbe (nom choisi pour l'admiration qu'il portait au poète).
Jean-François Boursault (1750-1842) fut un révolutionnaire prudent mais surtout un homme de théâtre passionné.
Charles-Philippe Ronsin (1751-1794)
Il fit construire à paris en 1791 près de la rue Quincampoix le théâtre Molière où il monta les pièces révolutionnaires de Ronsin, général de division de la Révolution et auteur dramatique. Ses pièces cessent d'être jouées et le théâtre est fermé le jour où il est guillotiné, accusé à tort de complot militaire. En 1795 (an IV) Boursault reprend la salle qu'il nomme "théâtre des Variétés nationales et étrangères" et y monte des pièces de son auteur favori Shakespeare.
Ce personnage étonnant était passionné d'horticulture et fit installer des serres sur des terrains alors campagnards qui allaient jusqu'au Pigalle actuel. Il introduisit de nouvelles fleurs en France et fut le créateur de la rose "Boursault" qui existe encore aujourd'hui, contrairement à la Rose de son poète, préféré : "Et Rose elle a vécu ce que vivent les roses, l'espace d'un matin"
Alberte de Rubempré peinte par Delacroix en Catherine d'Alexandrie
Pour l'anecdote, notons qu'une de ses filles, d'une grande beauté, Alberte Alexandrine, mariée à 17 ans à Marie Emile Cozette de Rubempré, malheureuse dans son couple, fut la maîtresse de Stendhal à qui elle inspira quelques aspects du personnage de Mathilde de la Mole dans "Le Rouge et le Noir". Elle avait fort bon goût puisqu'elle fut également la maîtresse de Mérimée, Delacroix et Rossini!
Au 45 vécut Pierre Humbert (1848-1919) un des plus importants architectes parisiens qui contribua à la transformation de Paris. On ne compte plus ses réalisations parisiennes, hôtels particuliers, immeubles, notamment dans le XVIème arrondissement. Un Montmartrois ne manquera pas de retenir qu'il fut l'auteur du 58 rue Caulaincourt où vécut Steinlen et qu'il créa l'élégant square de Montmartre (aujourd'hui Kriegel-Valrimont).
124 av. Victor Hugo (Pierre Humbert)
J'ai une sympathie particulière pour le 124 avenue Victor Hugo, élevé à l'emplacement d'un hôtel où vécut l'écrivain représenté au-dessus de l'entrée.
Le 47
Au 47 (à son emplacement plus exactement) a vécu Manuel Francisco de Barros e Sousa (1791-1856),homme politique portugais qui fut ministre d'Etat et ministre des Affaires étrangères.
Jugé trop modéré il s'exila à Paris où il se consacra aux études historiques qu'il aimait. Il fut à l'origine du terme de "cartographie".
Carte de l'Atlas de Barros e Sousa
Le 49 a perdu la mémoire. Il s'est transformé en un passage qui conduit à une résidence Alzheimer! "Les parentèles de la rue Blanche".
Les notes de piano qui s'y élevaient ont disparu elles aussi. C'est pourtant un des plus grands pianistes français qui y vécut : Louis Diémer (1849_1919). Il se produisit dans de nombreux pays et il redécouvrit le répertoire du clavecin.
Il eut pour élèves au Conservatoire, à la fin du XIXème siècle, entre autres, Robert Casadesus, Alfred Cortot, Georges Enesco, Marcel Dupré.
Il fut aussi compositeur apprécié. Il repose aujourd'hui au cimetière de Montmartre où son buste semble humer le ciel et entendre venues des nuages, des notes légères de clavecin.
51
Le 51 est un immeuble protégé, typique de l'architecture de la Restauration avec sa cour en U et son portail fermé orné de vasques.
Le 54 est plus récent, construit dans la deuxième moitié du XIXème et adresse aujourd'hui d'un restaurant.
Il y eut à cet endroit une institution-pension pour jeunes-filles dont l'une des directrices fut Euphémie Vauthier, autrice, journaliste, enseignante qui marque une date dans l'histoire toujours à approfondir des femmes.
Elle dirige avec trois de ses soeurs l'institution du 54 rue Blanche tout en ne cessant d'écrire. Sa rencontre avec Lamartine l'impressionne et l'encourage. C'est lui qui écrira la préface de son roman "Léonie" (1860) après l'avoir incitée à se lancer : "Mademoiselle il faut tout quitter pour écrire".
Féministe, elle milite dans plusieurs associations comme celle du "Droit des femmes". Son nom restera célèbre car il est celui de la première femme à avoir été poursuivie pour un délit commis par voie de presse.
Louis Rossel
En effet, engagée dans la défense des victimes de la Commune, elle écrit un article après l'exécution de Louis Rossel, colonel qui a rejoint la Commune et après l'écrasement a refusé l'exil que lui proposait Thiers soucieux de ne pas en faire un martyr. Il fut fusillé à 27 ans :
"Ils croient l'avoir tué et à jamais ils le font vivre" écrit Euphémie.
Lors de son procès en cour d'assises, elle est soutenue par Victor Hugo. Elle sera acquittée et restera dans l'histoire!
C'est toujours au 54 que Firmin Gémier mourut en 1933. Cet acteur marqué par les théories d'Antoine fut un de ces hommes qui œuvra pour un vrai théâtre populaire. Il est d'ailleurs le créateur du TNP (Théâtre National Populaire) en 1920.
Notons qu'il fut, comme Malraux le sera pour Jean Moulin l'organisateur du transfert de Jean Jaurès au Panthéon.
Le fils qu'il eut avec Mary Marquet, mourut au camp de Buchenwald en 1943.
Le 70 fut le domicile (1er étage) de la baronne Copens, de son vrai nom Stéphanie Marie Arnoult de Joyeuse. Elle fut une adversaire active du coup d'Etat du Prince Président en 1851 et elle réunit dans son appartement de la rue Blanche, le 2 décembre, une soixantaine d'opposants dont Victor Hugo, Arago, Edgar Quinet...
C'est aussi à cette adresse que vécut, après son exil, le patriote vénitien Daniele Manin (1804-1857) qui lutta contre les Autrichiens et fut chef de la République de Saint-Marc. Il mourra à Paris sans avoir vu se créer l'unité italienne pour laquelle il s'était engagé corps et âme. Une statue lui rend hommage à Venise.
Une rue de Paris, près des Buttes Chaumont, le rappelle à notre mémoire.
Vue d'ensemble
Au 72 a vécu presque toute sa vie Jules Garcin (1830-1896) violoniste, chef d'orchestre et compositeur. Il déménagea quelques années avant sa mort pour la rue Victor Massé voisine.
Il fut élève de maîtres célèbres comme Adolphe Adam et Ambroise Thomas. Premier prix de violon, il rejoignit l'orchestre de l'Opéra de paris où il fut ensuite chef d'orchestre.
Il est enterré au cimetière de Montmartre.
Toujours au 72 nous rencontrons un auteur dramatique, vaudevilliste à succès, bien oublié aujourd'hui : Paul Barré (1854-1910).
Il a écrit des livrets d'opérettes, des pièces qu'on pourrait appeler "de boulevard" dans lesquelles il aimait laisser libre cours à sa verve gauloise. Ce qui le rend un peu plus actuel, c'est le titre de sa première pièce, en 1877, "Les Gilets Jaunes"!
Le 75
La façade du 75 porte une plaque, fait rarissime dans cette rue qui a pourtant abrité de nombreuses célébrités.
Cette plaque prend une valeur particulière car il est impossible de se recueillir sur la tombe d'une belle actrice qui a voulu donner son corps à la science et dont les cendres ont été dispersées dans la fosse commune du cimetière de Thiais.
Entrée à la Comédie Française, elle y a passé l'essentiel de sa vie professionnelle. Quand en 1966, elle la quitte c'est pour être professeur au Conservatoire et former de jeunes comédiens parmi lesquels Daniel Auteuil, Patrick Chesnais, Nicole Garcia, Sabine Azéma, Francis Huster...
Dans la Marseillaise de Renoir
Elle a connu une brillante carrière cinématographique sous la direction de quelques uns des grands cinéastes français (Renoir, Tourneur, Cayatte, René Clair).
Dans le Capitan de Hunebelle
Le 77
Au 77 Edgar Degas eut un atelier de 1873 à 1876, une de ses nombreuses adresses à Montmartre. Ces années correspondent à une intense créativité du peintre.
Le 78, classé, est un des beaux immeubles de la rue. Il s'agit d'un hôtel particulier construit dans la deuxième moitié du XIXème siècle dans le style néo Renaissance par l'architecte Théodore Ballu, pour lui-même.
L'architecte qui est grand connaisseur de l'histoire de l'architecture et des styles, a laissé de nombreux témoignages à Paris de son talent et de son éclectisme.
Le "etc" de la plaque aurait pu être précisé par l'église Saint Ambroise, l'église Saint-Joseph, le beffroi de la mairie du Ier arrondissement entre Saint-Germain l'Auxerrois et la mairie construite par Hittorf, la restauration de la tour Saint-Jacques....
Une rue qui commence rue Blanche porte son nom
Voilà que nous arrivons à la fin de cette rue qui avait tant à nous raconter. Un dernier numéro, le 96, aura droit à notre attention. C'est en effet dans cet immeuble qu'André Antoine, si présent à Montmartre, loua en 1887 un atelier. C'est l'année où il crée au 37 de la rue Antoine actuelle "le Théâtre Libre".
Et maintenant nous sommes sur la place Blanche qui, elle aussi, a bien des souvenirs à nous raconter pendant que le Moulin Rouge laisse entendre à l'ombre de ses ailes immobiles le frou frou des dentelles qui affolèrent les noctambules!
Certains de mes lecteurs m'ont interrogé sur Pierre Loti qui est pour moi un de nos grands écrivains (pas seulement pour moi!)
La maison des aïeules choisie comme dernière demeure par Pierre Loti
Profitant d'une nouvelle visite à Saint-Pierre où il dort, délivré du "grand épouvantement" je republie cet article, un de ceux que j'ai consacrés à cet homme que j'admire.
Contemporain de Proust mais combien différent, aussi voyageur que l'autre était casanier, Loti n'en reste pas moins obsédé par le passage du temps et la disparition des êtres chers. Ses romans autobiographiques sont, à leur manière, une recherche du temps perdu... une tentative sans illusion de le retrouver et de lui donner un sursis de mémoire, aussi durable que le succès de librairie, "l'éternité" de papier.
Dans l'île d'Oléron où je passe l'été, je pense souvent à lui qui aimait ce berceau de ses aïeux huguenots et qui désira être enterré dans le jardin de la maison de Saint-Pierre.
J'ai relu son "Roman d'un enfant" et "Prime jeunesse" et j'ai noté quelques passage révélateurs de sa sensibilité tourmentée, de son incapacité à vivre pleinement le présent menacé de disparition. La mort qu'il appelle "la reine des épouvantements" est présente dans son œuvre où elle règne en despote...
Il écrit le "Roman d'un enfant" à 40 ans, en pleine maturité et en pleine gloire (il sera reçu bientôt à l'Académie) tandis que "Prime jeunesse", plus amer, plus désabusé paraît 30 ans plus tard, quatre ans avant sa mort.
"... Laisser un journal que des survivants liront peut-être… C'est ce que j'ai fait ici, et je prie ceux qui jetteront les yeux sur ce livre, de l'excuser, comme la tentative désespérée d'un de leurs frères qui va sombrer demain dans l'abîme et voudrait, au moins pour un temps, sauver ses plus chers souvenirs."
Prime Jeunesse (Un court prélude)
" Ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âges Jeter l'ancre un seul jour?...
(…) Oserai-je dire ici que Lamartine m'était déjà antipathique, dès le collège, par sa poserie et son grand profil pompeux; cependant le début incontestablement splendide de ce poème, que je m'étais presque lassé d'accompagner si souvent au piano, avait peut-être amené en moi le premier éveil de mes terreurs en présence de notre course au néant…"
Prime jeunesse (chap.III)
"Ce fut sans doute un des malheurs de ma vie d'avoir été beaucoup plus jeune que tous les êtres qui m'aimaient et que j'aimais, d'avoir surgi parmi eux comme une sorte de petit Benjamin tardif sur lequel devaient converger fatalement trop de tendresses, - et puis d'être laissé si affreusement seul pour les suprêmes étapes de la route!"
Prime jeunesse (chap. III)
"Pour nous qui n'avons pas de durée et qui ne devinerons jamais le pourquoi de rien, la presque éternité des plantes frêles ajoute encore à l'immense étonnement douloureux que l'ensemble de la Création nous cause…"
Prime jeunesse (chap.XX)
Après la mort de sa chère tante Claire, il conserve sa chambre intacte, comme un sanctuaire.
"Voici trente ans bientôt qu'elle nous a quittés, et sa chambre est restée telle que si elle venait d'en sortir pour revenir demain; dans ses tiroirs, dans ses armoires, elle retrouverait toutes ses petites affaires, devenues pour moi des reliques."
Prime jeunesse (chap. XXIII)
"La pensée que le visage de ma mère pourrait un jour disparaître à mes yeux pour jamais, qu'il ne serait qu'une combinaison d'éléments susceptibles de se désagréger et de se perdre sans retour dans l'abîme universel, cette pensée, non seulement me fait saigner le cœur, mais aussi me révolte, comme inadmissible et monstrueuse."
Le Roman d'un enfant (chap.V)
Il raconte comment une lecture qui lui est faite, alors qu'il n'a que 7 ans le touche… Tante Claire lit l'histoire d'un petit garçon qui s'est enfui de la maison familiale et n'y revient que des années plus tard. ses parents et sa sœur sont morts. L'enfant va dans le vieux jardin abandonné et trouve sur le sol une perle bleue qui a appartenu à sa sœur...
"Oh! Alors je me levai, demandant que l'on cessât de lire, sentant les sanglots qui me venaient… J'avais vu, absolument vu, ce jardin solitaire, et, à moitié cachée sous ces feuilles rousses, cette perle bleue, souvenir d'une sœur morte… Tout cela me faisait mal, affreusement, me donnait la conception de la fin languissante des existences et des choses, de l'immense effeuillement de tout…"
Le Roman d'un enfant (chap.XIII)
Il se rappelle les veillées dans le salon rouge avec, autour de lui sa mère, sa grand-mère, ses tantes, sa sœur….
"Hélas! avec quel recueillement triste je les passe en revue, ces figures aimées ou vénérées, bénies, qui m'entouraient ainsi les dimanches soir; la plupart ont disparu et leurs images, que je voudrais retenir, malgré moi se ternissent, s'embrument,, vont s'en aller aussi…"
Le Roman d'un enfant (chap.XXIII)
Adolescent, il regarde les objets du quotidien utilisés par sa mère et il pense au jour où elle ne sera plus là pour les utiliser :
"Et sa corbeille à ouvrage, toujours celle d'autrefois, que je l'ai priée de ne jamais changer, même malgré un peu d'usure, - et les différents bibelots qui s'y trouvent, étuis, boîtes pour les aiguilles, écrous pour tenir les broderies! - L'idée que je pourrai connaître un temps où les mains bien-aimées qui touchent journellement ces choses ne les toucheront jamais plus, m'est une épouvante horrible contre laquelle je ne me sens aucun courage. Tant que je vivrai, évidemment, on conservera tout tel quel, dans une tranquillité de reliques; mais après, à qui écherra cet héritage qu'on ne comprendra plus; que deviendront ces pauvres petits riens que je chéris?
Le Roman d'un enfant (chap. LIII)
Quand il pense à la profession qu'il devra exercer (il est question qu'il étudie à Polytechnique) et qu'il regarde les hommes mûrs qui sont passés par là :
"Il faudra un jour être comme l'un d'eux, vivre utilement, posément, dans un lieu donné, dans une sphère déterminée, et puis vieillir, et puis ce sera tout… alors une désespérance sans bornes me prenait; je n'avais envie de rien de possible ni de raisonnable; j'aurais voulu plus que jamais rester un enfant, et la pensée que les années fuyaient, qu'il faudrait bientôt, bon gré, mal gré, être un homme, demeurait pour moi angoissante."
Le Roman d'un enfant (chap.LIII)
Il tient un journal et il souhaite qu'il soit brûlé à sa mort et que personne ne lise ses pensées secrètes. Plus tard, il se rend compte qu'il a changé :
"J'en suis venu à chanter mon mal et à le crier aux passants quelconques, pour appeler à moi la sympathie des inconnus les plus lointains; - et appeler avec plus d'angoisse à mesure que je pressens davantage la finale poussière… Et, qui sait? en avançant dans la vie, j'en viendrai peut-être à écrire d'encore plus intimes choses qu'à présent on ne m'arracherait pas, - et cela pour essayer de prolonger, au-delà de ma propre durée, tout ce que j'ai été, tout ce que j'ai pleuré, tout ce que j'ai aimé…"
Le Roman d'un enfant (chap.LVIII)
Le moment du réveil, le matin, est particulièrement important, c'est alors que se présentent à nous les tristesses, les inquiétudes….
"Plus tard, ils devaient bien s'assombrir , mes réveils! Et ils sont devenus aujourd'hui l'instant de lucidité effroyable où je vois pour ainsi dire les dessous de la vie dégagés de tous ces mirages encore amusants qui, dans le jour, reviennent me les cacher; l'instant où m'apparaissent le mieux la rapidité des années, l'émiettement de tout ce à quoi j'essaie de raccrocher mes mains, et le néant final, le grand trou béant de la mort, là tout près, que rien ne déguise plus."
Le Roman d'un enfant (chap. LXVIII)
Le roman d'un enfant se termine sur une évocation des étés passés dans le midi, des étés de soleil et de jeux. Pierre Loti revient dans la maison où il a connu ces vacances de rêve. Tout a changé, tout s'est "rapetissé".... Il lui semble entendre une chanson des rondes du passé...
"(…) La petite voix était flutée, bizarre; surtout elle était triste, triste à faire pleurer, triste comme pour chanter, sur une tombe, la chanson des années disparues, des étés morts."
La reine des épouvantements a cessé de tourmenter Pierre Loti. Pourtant il lui échappe en partie et reste vivant grâce à ses écrits. La maison de Rochefort dont il a tant parlé, où il a été si heureux et si malheureux rouvrira bientôt ses portes, rénovée, telle qu'elle était jadis…avec les bibelots, les collections, les objets qu'il aimait tant...
Il est le seul à ne pas le savoir là où ses restes reposent, dans le jardin de la maison des aïeules dans l'île d'Oléron..