C'est une courte rue de 100 mètres de long sur 7 mètres de large. Une rue un peu prétentieuse car elle n'est en réalité qu'une impasse prenant naissance 22 rue Lepic et venant se cogner au bout de sa course sur les grilles qui la séparent de la Villa des Platanes.
Villa des Platanes, côté boulevard de Clichy
Elle faisait partie de la commune de Montmartre comme "impasse Gaillard" du nom du propriétaire des terrains qui furent lotis.
En 1843, l'impasse prend du galon et se baptise "Avenue des Tilleuls". Il y avait en effet tout au long de l'artère de ces arbres abondamment plantés en France à l'époque révolutionnaire.
Les arbres furent coupés et l'avenue sans tilleuls fut appelée par un décret de 1926 "rue Robert Planquette".
Un compositeur (1848-1903) un peu oublié aujourd'hui mais qui connut en son temps un grand succès populaire.
Il avait commencé par des marches militaires parmi lesquelles "le Régiment de Sambre et Meuse" connut et connaît encore une grande popularité.
Parmi ses nombreuses opérettes, une seule a survécu grâce à sa grande notoriété qui lui permit de s'exporter aux Etats-Unis ou en Angleterre : "Les Cloches de Corneville".
La rue modeste n'a pas compté beaucoup de célébrités parmi ses habitants.
Le plus notoire est sans doute François Coppée (1842-1908), le poète des humbles et du Paris des pauvres qui y passa quelques années.
Il a vécu au fond de l'impasse, un petit immeuble disparu derrière une ancienne folie de 1830 qui sera détruite ,pour être remplacée par un ensemble immobilier néo Renaissance vers 1880. Le terrain s'était appelé Clos Lucas avant de devenir par ironie La petite Californie. en raison des quelques palmiers qui y furent plantés.
Coppée par Jules Emmanuel Valadon
Ses poèmes traduisent sa proximité avec les "petites gens" et avec les animaux. Je ne résiste pas au plaisir de publier quelques vers de son poème sur la mort des oiseaux :
Le début de la rue côté pair est occupé par un café-restaurant dont l'adresse est rue Lepic mais dont la plus grande façade se développe rue Planquette. "Chez Marie" succède à un autre restaurant qui lui même avait succédé à un autre restaurant.... comme le prouve la photo de 1902...
La carte postale nous permet de constater que sur le côté impair un important commerce de bouche occupait l'espace. Aujourd'hui c'est le Cocci market, petite supérette dont les murs sur la rue Planquette sont une aubaine pour les artistes de rue :
L'immeuble de pierres de taille est bien représentatif de l'embourgeoisement d'une rue restée longtemps populaire.
Il porte le nom de ses architectes : V. Lesage et Ch. Miltgen (1904) qui ont collaboré à de nombreuses constructions dont le Palais de la Mutualité aujourd'hui classé.
Il n'y a pas beaucoup d'éléments remarquables dans la rue. Ce qui frappe avant tout c'est le nombre de commerces abandonnés, rideaux tirés, façades taguées. L'impasse échappe aux nombreux passants de la rue Lepic. Le contraste entre les deux est impressionnante. Commençons par le côté pair :
Le 2
Le 2 bis
Le 6
Le 8
Beaucoup de petits immeubles modestes se succèdent côté pair. Ils sont le témoignage du Montmartre de la deuxième moitié du XIXème siècle, habité par des artisans, des ouvriers. Une classe populaire qui aujourd'hui n'existe plus et dont les logements se vendent à des prix qui l'exclut.
Passage Lepic rue Lepic
Le 10 est particulier car il protège derrière ses grilles un passage, le passage Lepic qui commence rue Lepic, fait un coude avant de se terminer à la grille de la rue Planquette. Le passage a survécu aux projets de lotissements et il a reçu son nom par décret en 1867.
Au 10 toujours, une librairie-bibliothèque anarchiste a fermé boutique. "La rue" se couvre de tags et d'affiches en attendant sa destruction. Un habitant de l'immeuble m'a affirmé que Brassens avait mis la main à la poche pour permettre sa création. On aimerait y croire mais la mort du chanteur poète plusieurs années avant l'implantation de la librairie rend la chose contestable!
Sur les volets de la librairie. Le vin de la Commune!
Les derniers immeubles construits dans les années 1970 sont aussi peu montmartrois que possible.
Ils nous projettent dans une improbable banlieue sans âme. Le seul point positif, hommage au passé, c'est la présence de quelques tilleuls qui ne parviendront pas à cacher une façade sans grâce.
Le côté impair collectionne lui aussi les boutiques fermées.
(dans l'ordre les 1bis, 3, 5, 7 et 9)
Nous pouvons apprécier une tentative assez réussie de modernisation de deux de ces immeubles dont les lignes et la modification sont harmonieuses.
Les grilles qui ferment la rue et la séparent de la Villa des Platanes portent dans un cœur les lettres A et J. Je n'ai pas trouvé l'origine de ces lettres. Imaginons pour quitter la rue en beauté que ce sont deux amoureux qui ont voulu symboliser leur union !