Elle semble avoir l'âge des pierres qui la composent. Elle aligne ses vestiges, ses arcs, ses tours comme une Palmyre néanderthalienne dans le désert.
Elle émerge au pied des dunes, le plus loin possible d'un océan qui la guette.
C'est une ville brute, comme on parle d'art brut.
Un facteur cheval sans marteau ni ciseau est passé par là.
Il a ramassé des pierres venues de la nuit des temps géologiques, façonnées par les vents et les marées.
Il les a assemblées en utilisant leur compatibilité pour former une arche, comme faisaient les premiers bâtisseurs, en confiant à l'une de ces pierres le rôle de clé de voûte.
Il a disposé ces arches en cercles autour d'un obélisque lui même entouré de cailloux blancs.
Autour du cercle principal, Stonehenge mystérieux, peut-être voué au culte solaire, d'autres cercles gravitent avec leurs arches autour d'un lingam.
Parfois les arches se croisent en ogives trapues et vulnérables malgré leur allure de cage thoracique de dinosaure.
De loin on pourrait croire que la ville est un cimetière d'animaux préhistoriques. L'illusion disparaît quand on s'approche. Un artiste est passé par là.
Il s'appelle Jochen, Joe pour les intimes...
Il est capable de s'envoler avec les goélands
Comme les enfants, comme les poètes, il porte avec lui un monde, il crée sur le sable des villes mystérieuses, offertes à tous ceux qui savent rêver.
2023 année du centenaire de la mort de Pierre Loti. Rochefort rend hommage à cet écrivain, artiste, dessinateur, rêveur qui aima cette ville. Sa maison est en restauration depuis une dizaine d'année. La ville espérait la réouverture cette année. Hélas il faudra attendre encore un an ou deux à cause des travaux de consolidation pour sauver la maison construite sur une ancienne zone de marais.
Cabine de Loti sur La Flore.
En attendant ce jour tant désiré par les lotistes, une exposition passionnante est proposée par le musée Hèbre de Rochefort, consacrée au voyage que fit l'écrivain, à bord de La Flore, en 1872 dans le Pacifique.
L'affiche reproduit un dessin de Loti, un des plus beaux, des plus mystérieux. J'oserais dire sa "Joconde"! Il s'agit de la reine Vaékéhu.
Vaékéhu, née en 1835, a presque cinquante ans lorsque Loti fait sa connaissance pendant les 5 jours où son navire fait escale sur l'île de Nuku Hiva aux Marquises. Elle fait partie d'une famille qui règne sur la baie de Taihoae. Loti est aussitôt impressionné par cette "reine déchue, avec ses grands cheveux en crinière et son fier silence "(...)
Elle pose pour lui dans son ample robe, tenue imposée par les missionnaires qui veulent préserver les faibles hommes de la tentation des seins nus et des corps libres. Décidément les religions aiment couvrir les femmes!
Elle tient un éventail, le tahii qui est réservé aux femmes de son rang. Son visage fier et fermé intrigue Loti :
"Les pensées qui contractent son visage étrange restent un mystère pour tous, et le secret de ses éternelles rêveries est impénétrable. Est-ce tristesse ou abrutissement ? Songe-t-elle à quelque chose ou à rien? Regrette-t-elle son indépendance et la sauvagerie qui s'en va, et son peuple qui dégénère et lui échappe?"
Vaékéhu, son fils, les suivantes Elisabeth et Aléria
Cette description pourrait déranger certains visiteurs : "abrutissement", absence de pensée...
La case de Vaékéhue (dessin de Loti)
Il y a une contradiction apparente entre l'attention que Loti porte à cette femme et cette réflexion que l'on pourrait dire "colonialiste". Même si je sais que l'on peut reprocher à Loti son "racialisme" qui n'est autre que le racisme ordinaire de son époque, je crois comprendre ce qu'il écrit à propos de Vaékéhu. Son regard qui semble s'échapper s'expliquerait par la tristesse qui habite la reine ou par le recours à des "drogues" naturelles qui font planer et que l'on prend justement pour éloigner ce qui nous déprime. Qu'en est-il de la "sauvagerie" et "du peuple qui dégénère".
Gardons-nous du contresens. La sauvagerie n'est pas un terme péjoratif pour un adepte de Rousseau et la thèse du bon sauvage. Dégénérer c'est changer de nature, c'est à dire, passer du bon sauvage au "civilisé". Quelques jours plus tard, à Tahiti, Loti ira à la rencontre des "sauvages", il les admirera et ne trouvera pas leurs mœurs dégénérées!
De nos jours où la pensée woke irrigue la réflexion sur les oeuvres littéraires, Loti n'échappe pas à la critique. Certains de ses ouvrages comme "le roman d'un spahi" contiennent des lignes qui passent mal, comme passent mal des descriptions caricaturales de Juifs dans Aziyadé. Mais il faut se garder d'une telle critique à propos de son séjour en Polynésie et de ces quelques lignes.
Les tatouages auxquels s'intéresse Loti font peut-être partie de cette "sauvagerie" qui s'en va. Il est l'un des premiers à les reproduire, à les dessiner avec précision, conscient qu'ils font partie de la civilisation des Marquises. Il dessine la main de la reine et ses pieds.
Il dessine également les tatouages qui couvrent le corps du fils de la reine.
Après les quelques jours aux Marquises, la prochaine escale sera Tahiti où Pierre Loti rêvait de se rendre depuis que Gustave son frère tant chéri lui avait décrit paysages et habitants. Il en avait rapporté des objets de nacre, des armes, des statuettes.
Gustave Viaud (Marie Bon)
Loti fera le portrait d'une autre reine, Pomaré IV, et il tombera sous le charme de l'île, de ses habitants, de ses mœurs! C'est là que Julien Viaud, comme l'on sait deviendra Loti, nom que lui donnent des suivantes de la reine. C'est là qu'à la vaine recherche d'enfants qu'aurait eus Gustave, il trouve le matériau du roman qui le fera connaître : "Le mariage de Loti", histoire de l'amour qui unit Rarahu une jeune vahiné de 14 ans et Harry Grant un aspirant de marine qui a bien des points communs avec l'écrivain.
Mais c'est une autre histoire. Revenons à la rencontre, pendant 5 jours de Loti et de la reine Vaékéhu. Une rencontre qui fut l'occasion pour Loti de dessiner un portrait, un des plus beaux qu'il ait jamais produits, d'une femme à la fois altière et mélancolique, déchue de son rang par les nouveaux maîtres. Elle reste vivante, avec son étrange regard, avec ses tatouages, grâce aux dessins qui traversent le temps, ce temps qui obsédait Loti. Grâce à lui, la reine Vaékéhu n'a pas été entièrement emportée par "la reine des épouvantements".
Montmartre me fait un petit clin d'œil alors que je vais rendre visite à l'église de Saint-Denis. Outre que le saint en question a été décapité à quelques mètres de chez moi, sur la butte, il y a dans la rue qui mène au centre un moulin de la Galette!
La petite église est avec celle de Saint-Georges, la seule de l'île à avoir préservé quelques souvenirs de sa naissance romane. La façade classée donne une idée de ce qu'elle a pu être au XIème et au XIIème siècles, alors qu'elle était propriété de l'Abbaye aux Dames de Saintes.
La pierre claire qui a survécu aux pillages des pirates espagnols, aux saccages des Guerres de Religions, à la tourmente révolutionnaire, a subi néanmoins l'érosion du temps, des pluies et des vents marins particulièrement violents à l'extrême nord de l'île.
La façade garde malgré tout un grand attrait. Elle est à la fois simple dans sa structure et riche dans sa décoration géométrique qui nous paraît aujourd'hui inventive et moderne.
Les motifs végétaux qui ornent les fûts des colonnes rappellent certaines réalisations de l'époque gallo-romaine que l'on peut admirer au musée archéologique de Saintes.
Les sculpteurs ne se privaient pas de copier les belles colonnes antiques rudentées ou à feuilles imbriquées qui subsistaient alors (l'église de Pont-l'Abbé-d'Arnoult, sur le continent, en est un autre exemple). Sur une des colonnes, on peut voir la marguerite rectangulaire qui est une figure très ancienne déjà gravée sur un couvercle de sarcophage mérovingien
Une partie de la nef est ancienne. On y voit ces chapiteaux rescapés. Le reste de l'édifice reconstruit au XVIème siècle, saccagé, remanié, date en grande partie du début du XIXème siècle. Le clocher n'est venu se dresser avec son coq qu'en 1877...
L'intérieur est simple et familier. Il invite à la pause et à la rêverie (à la prière pour ceux qui prient). Peu de mobilier, pas de tableaux... Quelques vitraux, comme celui de l'assomption qui rappelle l'œuvre d'Omer Charlet au Château :
Les apôtres découvrent le tombeau vide...
Ils sont incrédules et s'étonnent...
Jean, "le disciple que jésus aimait" et à qui il a confié sa mère, sourit et pose son visage sur sa main, comme s'il sentait une tendresse venue de loin, une caresse divine...
Parmi les autres vitraux remarquons le visage du Christ de l'atelier A Berges..
Quelques médaillons de saints et au-dessus de la tribune d'orgue une colombe du Saint Esprit..
Il y a également, sous vitrine, une belle maquette de bateau qui est un ex-voto du XVIIIème, remanié au siècle suivant par un ancien marin du Napoléonqui a modifié son gréement et sa mâture ainsi que sa poupe.
Il a ainsi "modernisé" cette frégate de 52 canons avant de la rebaptiser : "Napoléon"!
Avant de quitter cette petite église, ma préférée de l'île, un dernier regard sur ses pierres vivantes où les fleurs s'accrochent pour monter vers le ciel...
3 juillet. Mes amis les ânes avec qui les poètes vont au paradis.
4 juillet. Alone surfer.
5 juillet. Ombre dansante.
6 juillet. Le p'tit chien revient du surf.
7 juillet. Le marigot.
8 juillet. bien-être amniotique.
9 juillet. Les bâtisseuses d'empires.
10 juillet. Le garçon et son double.
11 juillet. Mickey rit, le garçonnet pleure.
12 juillet. Le premier dans l'eau a gagné!
13 juillet. Un démon dans le dos.
14 juillet. Port des barques, un petit air breton.
15 juillet. Main dans la main face au danger.
16 juillet. Salon avec vue.
17 juillet. Gouttière-poisson à Saint-Trojan.
18 juillet. Roses trémières sur le port de Saint-Trojan.
19 juillet. Le vent dans les voiles
20 juillet. Le repos du surfeur
21 juillet. Goélands argentés et immatures sur la plage de Grand-Village
22 juillet. La voile orange
23 juillet. Chevaux près de l'étang de Montravail.
24 juillet. Atterrissage des bernaches du Canada
25 juillet. jaillissement.
26 juillet. Concours de skimboard.
27 juillet. Un trou pour deux avec eau courante.
28 juillet. Balcon sur la mer. (Citadelle du Château d'Oléron,)
29 juillet. 9h du matin. deux fauteuils dans l'infini. (Plage de Grand Village).
30 juillet. Chacun ses couleurs.
31 juillet. Les demoiselles de Grand-Village.
Et voilà! Juillet s'achève déjà. Dans l'île lumineuse, le soleil, le vent, les vagues, les oiseaux ont fait comme si le monde n'était pas en guerre, comme si certains de ceux que nous aimons n'étaient pas menacés par des crabes qui n'ont rien d'Atlantique. Ces photos paisibles, ces moments heureux.... Ne nous réveillons pas trop vite.