Rue Ravignan. Utrillo.
La rue Ravignan suit le tracé d'une des plus anciennes voies qui menaient au sommet de la Butte. On en trouve des traces dès le XIVème
siècle.
Rue Ravignan. Utrillo.
Carte postale. haut Ravignan.
C'était le chemin de Sacalie dont la pente raide était embourbée à chaque pluie. La vigne du même nom était réputée pour donner le meilleur raisin et le
meilleur vin du village. Elle était orientée plein sud, contrairement à sa jeune consoeur, dernière vigne de Montmartre, plantée au début du XXème siècle sur un terrain vague menacé par les
promoteurs et qui donne aujourd'hui la folklorique piquette montmartroise.
Ravignan sur son lit de mort.
Le chemin de Sacalie fut appelé par la suite Vieux Chemin puis rue du Vieux Chemin de Paris avant de prendre en 1867 son nom
actuel en hommage à un prédicateur jésuite bien oublié aujourd'hui : Xavier de Ravignan (1795-1858).
Ce grand homme, rival de Lacordaire, lutta pourtant aux côtés de ce dernier et de Monseigneur Dupanloup (j'adore ce nom) pour défendre l'enseignement
catholique.
La loi Falloux lui donna satisfaction ("Dieu dans l'éducation. Le Pape à la tête de l'église. L'église à la tête de la civilisation"
Falloux. Mémoires.)
Eglise Saint-Pierre. la tour du
télégraphe Chappe.
Le vieux chemin abrupt se vit concurrencer par la rue Lepic. Il faut avouer qu'il montra beaucoup de mauvaise volonté lorsque Napoléon 1er, désireux d'aller
voir le télégraphe Chappe récemment installé sur l'église Saint-Pierre, l'emprunta en chevauchant son meilleur cheval. Hélas! la pente ravinée (tiens voilà un mot qui va bien avec Ravignan!)
rendue glissante par plusieurs jours pluvieux, l'obligea à laisser sa monture à la hauteur de l'actuelle place Emile Goudeau et à poursuivre à pied en salissant ses belles bottes de cuir
fauve.
Le curé le reçut en lui suggérant de créer une nouvelle voie d'accès plus confortable. Ce qui fut fait. La rue Lepic, appelée alors rue de l'Empereur, plus
large et bien pavée fut créée et supplanta le vieux chemin.
Début de la rue depuis les Abbesses.
La rue, côté impair, commence par un immeuble qui n'en fait pas partie ! Bizarrement cet ilôt continue de porter le nom des Abbessses jusqu'à la rue
Durantin à gauche.
Le vieux bar "Fauvet" a été détruit. On ne pourra plus imaginer les joyeuses réunions des peintres et des poètes venus du bateau-Lavoir, ni deviner où était
assise Marie Laurencin lorsqu'un soir elle s'alcoolisa plus que de raison et fit un scandale mémorable...
Il a été remplacé par un hôtel : Le Bouquet de Montmartre...
Immeuble sans originalité et sans charme, récemment restauré pour être vendu en appartements...
Adieu Fauvet, adieu Bouquet... bonjour Immobilier Triomphant...
Place
Emile Goudeau. façade du Bateau-Lavoir. De dos, l'acteur Dominique Pinon, habitant du quartier...
La Place Emile Goudeau et son célèbre Bateau-lavoir coupe la rue en deux parties bien distinctes.
Encore Pinon... A droite, donnant sur la rue D'Orchampt, les ateliers du Bateau-lavoir épargnés (ainsi que la façade) par l'incendie de mai 1970.
Le 1...
La rue n'est longue que de 140 mètres. Dans sa première partie entre la rue des Abbesses et la Place, quelques immeubles construits sur les carrières sont
pris de tremblements...
Au 1bis de la rue se situe l'immeuble où dans le film "La Chienne" Maurice (Michel Simon) tue Lulu (Janie Marèse) tandis que sous les fenêtres un
chanteur des rues entonne la célèbre chanson d'Eugénie Buffet : "Sois bonne ô ma belle inconnue"
Jean Renoir qui connaissait bien Montmartre pour y avoir passé son enfance, a choisi de tourner plusieurs scènes en extérieur, ce qui était encore rare à
l'époque. Les Montmartrois reconnaîtront l'escalier de la rue Antoine, la rue Ravignan, la place Emile Goudeau..
Le 2. Immeuble de rapport du XIXème typique du vieux Montmartre.
Le 7.
Une plaque rappelle que "le poète Max jacob (1876-1944) a habité cette maison de 1907 à 1911".
C'est dans cet immeuble qu'il vit, le 22 septembre 1909 apparaître sur le mur de sa chambre l'image d'un ange.
Cette "apparition" allait le conduire sur le chemin de la conversion...
"Rien ne me préparait au coup de foudre qui brûla d'un coup mon passé et fit naître en moi un homme nouveau".
"j'ai vu un ange sur mon mur".
J'aime croire que cet ange a pris le poète dans ses bras quand après avoir été raflé à l'abbaye de Saint-Benoît sur Loire, il mourut à Drancy où on l'avait
enfermé avec ceux que les trains allaient emmener à Auschwitz.
Le 8.
C'est un bel immeuble construit en 1879 par l'architecte Moitet. Homme si célèbre que je n'ai strictement rien trouvé sur lui sinon la mention de son nom
dans le plan de protection patrimoniale du XVIIIème arrondissement!
A l'emplacement du 8, dans une petite maison du village, vécut le Comte de Guadella (1737-1805). Un inconnu pour beaucoup d'entre nous mais pas pour les
Corses !
Ce demi-frère de Pascal Paoli combattit avec lui contre les Gênois qui occupaient Bastia. Il vécut quelque temps à Montmartre où il avait, dit-on, une
réputation de grand séducteur qui butinait d'une femme à l'autre...
Début de la rue. au fond, le théâtre des Abbesses.
Le 9.
Un antiquaire mesure le temps qui passe et propose des horloges bien incapables de nous ramener en arrière, du temps où le Zut était un cabaret situé plus
haut dans la rue et tenu par Frédé (Frédéric Gérard) l'anarchiste qui se baladait avec son âne dans les rues de la Butte.
Frédé et son âne
Le cabaret ainsi nommé en hommage aux zutiste de charles Cros fut le siège d'une bagarre mémorable qui entraîna sa fermeture et conduisit Frédé au Lapin
Agile ( Frédé,
le Lapin Agile et l'Âne Lolo).
Angle avec la rue Berthe
Au croisement un immeuble typique du vieux village qui donne 63 rue des Trois frères.
Le 12
Le 12, aujourd'hui Relais de la Butte est l'ancien café "Chez Azon", restaurant fréquenté par les artistes qui louaient presque en
face les ateliers du Bateau-Lavoir.
Picasso et sa compagne Fernande Olivier étaient familiers du lieu.
les Fauves y établirent leur quartier général. Van Dongen et Vlaminck y rencontraient Apollinaire, Max jacob ou Salmon...
Le 12 depuis la Place Emile Goudeau.
Il y avait, à côté du restaurant la blanchisserie de Madame Rouzaire où les cubistes amateurs d'art nègre exposaient les statues qu'ils ne pouvaient
entasser dans leurs ateliers.
Il paraît que l'accueillante blanchisseuse y gagna la visite de nombreux curieux et y perdit une partie de sa clientèle !
1ère partie de la rue vers le sud (depuis la Place Emile
Goudeau).
Même vue en 1904
Avant de poursuivre la visite de la rue... ce poème de Max Jacob : la rue Ravignan :
(...)Je te regrette O ma rue Ravignan
De tes hauteurs qu'on appelle antipodes
Sur des pipeaux m'ont enseigné l'amour
Douces bergères et leurs riches atours
Venues ici pour nous montrer les modes
L'une était folle
Elle avait une bique
Avec des fleurs sur ses cornes de paon
L'autre pour les refrains de nos fêtes bachiques
La vague et pure voix qu'eût rêvée Malibran
L'impasse de Guelma a ses corregidors
Et la rue Caulaincourt ses marchands de tableaux
Mais la rue Ravignan est celle que j'adore
Pour les coeurs enlacés de ses porte-drapeaux
Là taillant des dessins dans les perles que j'aime
Mes défauts les plus grands furent ceux de mes poèmes
Max Jacob. La rue
Ravignan. Extrait de "Le Laboratoire Central". Poésie/Gallimard
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Suite : la 2ème partie de la rue : Rue Ravignan (2)
Montmartre.
Lien : Rues de Montmartre. Classement
alphabétique.
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Liens : rue du quartier :
Rue Germain Pilon.
Rue d'Orchampt.
Rue des Trois Frères. (1)
Rue de la Mire.
Rue de l'Abreuvoir.
rue
Girardon.
Rue Cortot.
Place des Abbesses.
Rue Norvins.
Place du Tertre.
Rue Lepic (1).
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