Vers la rue André del Sarte et le fronton des Galeries Dufayel
square Louise Michel
Montmartre aime les fleurs et les arbres. Le printemps s'y promène et se rappelle le temps où la Butte était une campagne verdoyante avec des merles moqueurs, des cerises, des terrains sauvages où les poulbots découvraient l'Amérique...
Le printemps n'est plus le même, il a été congédié par les promoteurs partout où la campagne qui subsistait a été sacrifiée pour que s'élèvent des immeubles gris… Sur la maison de Mimi Pinson, sur celle de Berlioz...
Et Pourtant, ici et là il revient, pour nous inviter à aimer...
Square Louise Michel
Sacré-Coeur
Rue Ronsard
Rue Cardinal Dubois.
Le tamaris (rue des saules) et la maison rose (rue de l'abreuvoir)
Cimetière Saint-Vincent
Square Louise Michel
Square Louise Michel
Square Louise Michel
Les vignes rue Saint-Vincent
Square Louise Michel
Square Louise Michel
Square Louise Michel; L'ancien torrent.
Rue Cortot
Place du Calvaire La glycine détruite en mars 2021
Vignes
Rue Cortot
Rue Paul Albert
Sacré-Coeur
Louise Michel
Square Louise Michel
Cimetière de Montmartre
Cimetière de Montmartre
Rocailles square Louise Michel
Jardin religieux rue Saint-Vincent
La glycine de chez Plumeau place du Calvaire détruite en mars 2021
28 ans déjà! Qui pourra le croire! 28 ans que Monique Morelli a quitté la Butte, un jour de printemps.
Je suis passé hier devant sa maison restée telle qu'elle était du temps où elle y vivait. Il y a depuis 28 ans le même chapeau de paille à la fenêtre, celui qu'elle portait pour marcher sous le soleil de Montmartre. La maison s'écaille, le chapeau s'ennuie. Morelli n'est plus là.
Elle est à quelques centaines de mètres, à des années lumière, sous les arbres du cimetière Montmartre.
Elle y a pour presque voisin, à quelques tombes près, un homme qu'elle a connu et apprécié, le peintre et défenseur des mômes, Poulbot.
Elle collectionnait sans se lasser ses dessins qu'elle découpait dans les revues et les magazines avant de les coller sur des cartons.
Ce fut impressionnant de voir, quand ce qu'elle possédait a été dispersé dans les ventes publiques, tous ses classeurs bourrés à craquer de dessins des gosses des rues... ces mômes dont elle avait chanté la misère et l'effronterie dans les chansons de Bruant.
Dans la librairie, 5 rue Tardieu, dont les propriétaires furent ses amis, on peut encore trouver quelques uns de ses vinyles dont la rare "Messe pour Elsa" et des dizaines de ses poulbots découpés...
Le 19 où j'habitais et la maison du 17bis où habitaient Morelli et Léonardi.
Quand je suis venu habiter sur la Butte, 19 rue Paul Albert, j'ignorais qu'elle était ma voisine.
Un soir j'ai entendu sa voix. Elle répétait, accompagnée de Léonardi. Elle chantait un poème d'Aragon. J'ai ouvert mes fenêtres. Je me suis penché vers la façade couverte de lierre.
J'ai reconnu sa grande voix, celle qui vient de la nuit des révoltes, qui tremble avec les drapeaux, s'élève avec les barricades... celle qui hurle à l'amour et regarde la mort dans les yeux...
La maison de Morelli.
Morelli et Leonardi.
Elle chantait "l'Affiche Rouge", le poème d'Aragon mis en musique par Ferré.
Elle en avait été la première interprète et Léo la considérait comme la plus juste.
Pendant les douze mois où j'ai vécu à côté d'elle, j'ai ouvert mes fenêtres chaque fois qu'elle chantait.
... J'ai acheté tous ses disques et grâce à elle j'ai redécouvert Villon, Ronsard, Corbière...
J'ai écouté Carco,Mac Orlan, Couté, Rictus, tous ceux qui avaient habité sur la Butte du temps où malgré la spéculation immobilière et le tourisme elle respirait encore du souffle de la Commune...
Quand je suis parti pour le Liban, j'ai emporté tous ses disques avec moi.
J'enseignais à l'Université libanaise à Tripoli, non loin de la frontière syrienne et du Krach des Chevaliers aujourd'hui saccagé par les grands humanistes et amoureux de l'art que sont les fachos de Daesh.
Pendant mes cours j'ai plus d'une fois illustré les poèmes que nous étudiions avec les chansons de Morelli.
L'Orient aime les grandes voix, celles d'Oum Kalthoum, de Fairouz, de Piaf ( dont un cabaret célèbre de Beyrouth portait le nom).
Les étudiants ont aimé Morelli. Ils ont apprécié son phrasé impeccable, sa sensibilité à fleur de voix, l'intensité de son interprétation.
J'ai le souvenir d'un cours dans l'ancienne caserne française qui abritait l'université.
C'était un matin de novembre. Alors que nous écoutions un poème de Villon, une rafale de mitraillette brisa les vitres et constella le tableau à quelques centimètres de ma tête.
Tout le monde se réfugia sous les tables et moi sous le bureau!
Le silence succéda au fracas et à la frayeur.
La voix de Morelli ne s'était pas interrompue. Je me rappelle comme si c'était hier. C'était le poème "Mort" écrit par Villon comme une supplique pour que cette mort qui lui avait ravi son amour, l'emportât à son tour.
Cette adresse à la "Mort" résonna dans le silence et le bleu du ciel qui entrait par les vitres brisées, comme une protestation, comme les bras ouverts de la vie.
Comme l'homme en chemise blanche debout devant les fusils dans le tableau de Goya "Tres de Mayo"
Et puis le temps a passé (c'est ce qu'il fait avec le plus de talent et d'efficacité!)
Je suis revenu vivre à Montmartre. Je n'étais plus le voisin immédiat de Morelli mais de mes fenêtres de la rue rue Muller je pouvais voir sa maison sous le lierre.
J'ai déjà dit dans un article comment j'avais rencontré Léonardi, son compagnon de vie, compositeur, accordéoniste, sur la petite place au pied de l'escalier de la rue Utrillo.
Morelli et Léonardi
Je lui ai demandé des nouvelles de sa compagne. Il m'a alors confié qu'elle allait très mal et devait rester alitée, je pouvais passer si je le voulais pour lui parler, lui raconter comment je l'avais emmenée avec moi dans ce Liban où elle avait touché les cœurs (j'avais raconté à Léonardi l'épisode de la rafale de kalachnikov).
Sur le marché Dejean
J'ai eu peur. J'ai promis de passer mais plus tard. J'ai dû prétexter une quelconque occupation sans doute!
Je n'ai jamais pu dire à Morelli que je l'aimais et que sa voix m'accompagnait depuis que je l'avais découverte.
Elle est morte le lendemain, c'était le 27 avril 1993.
Aujourd'hui je vis toujours à Montmartre et je passe souvent devant sa maison.
Il y a un chapeau de paille à sa fenêtre. J'ai l'impression qu'il était déjà là quand j'habitais l'immeuble voisin. Je m'imagine que Morelli vit toujours dans sa maison de contes de fées et qu'elle chante, le soir, accompagnée de Léonardi.
Gambrinus roi de la bière à Béthune. Photo du blog sur les géants.
Je ne sais pas grand chose d'elle.
Ce que j'ai appris ici ou là me la rend plus proche même si je sais qu'il suffit de l'entendre pour connaître l'essentiel et l'incandescent de son être...
Elle est née en 1923 dans le pays des Géants, à Béthune, ville proche de ma ville de naissance, Arras!
Il n'y avait pas plus banal que son nom : Dubois!
Pas plus banale que sa famille de bons fonctionnaires qui rêvaient pour elle d'un destin de pharmacienne derrière un comptoir.
Mais jamais elle ne serait Mme Homais!
Il y a en elle une révolte, une indépendance qui lui rendent insupportables les salles de classe et l'ennui des leçons. Elle s'échappe, fugue dans la ville, se fait renvoyer de tous les établissements, publics ou privés où elle est inscrite!
Dès qu'elle le peut, elle vient à Paris. En ce temps-là Paris était encore une fête. Elle y respire la liberté, même s'il faut bien vivre et accepter des petits boulots. Elle en trouve un qui la comble de bonheur : cornac au Cirque d'Hiver!
C'est Sacha Guitry qui après l'avoir entendue chanter une chanson réaliste de Fréhel lui conseille de se lancer dans la carrière.
Elle est une des premières artiste à se produire à la mythique "Rose Rouge".
En 1958, elle forme un couple à la ville comme à la scène avec Léonardi qui met de la musique sur les poètes qu'elle aime et qui l'accompagnera jusqu'au bout du chemin.
Entre Brassens et Brel.
Brassens et Mac Orlan avec morelli.
Elle fait vite partie de la famille des poètes de la chanson : Ferré, Brel, Brassens (qui lui confie la première partie de son spectacle à Bobino en 1969)...
Colette Magny et Morelli
Elle ouvre son propre cabaret à quelques mètres de chez elle, Chez Ubu, 23 rue du Chevalier de la Barre.
Elle y reçoit Colette Magny, Brigitte Fontaine...
Avec Doisneau
Cette photo permet de voir sur la droite la maison de Morelli et sur la gauche, là où l'on voit des verrières, l'emplacement de son cabaret.
Dans les escaliers de la rue du Chevalier de la Barre près de chez elle.
Elle est montmartroise d'adoption et de coeur, amie des peintres et des écrivains. Elle aime se balader dans son quartier...
Morelli par Henri Landier
J'ai un autre souvenir qui me revient...
Monique Morelli donnait un récital au Touquet.
J'y suis allé bien sûr avec des amis. Ce soir-là, elle a eu un trou de mémoire, ce qui ne lui arrivait quasiment jamais...
Elle chantait un poème d'Aragon sur l'angoisse de perdre l'être aimé menacé par la maladie ...
C'est un des plus beaux textes du poète qui veille toute la nuit au chevet de son amour :
"Un jour j'ai cru te perdre".
Morelli et Aragon
Arrivée à la dernière strophe :
"Il a passé sur moi des heures et des heures
Je ne remuais pas tant j'avais peur de toi..."
Morelli hésita...
Du premier rang où j'étais je lui soufflais : "Je me disais je meurs..."
Elle reprit aussitôt en me souriant:
"Je me disais je meurs, c'est moi, c'est moi qui meurs...
Tout à coup les pigeons ont chanté sur le toit!"
Morelli par Landier.
Tombe de Monique Morelli au cimetière Montmartre.
C'est ce sourire et ces paroles de renaissance que je porte avec moi quand je vais au cimetière Montmartre.
La dernière fois, dans les feuilles mortes qui recouvraient l'allée où se trouve sa tombe, un chat roux et blanc sommeillait au soleil. (ou soleillait au sommeil!)
Le marbre gravé.
Sur la tombe, un livre porte gravées dans le marbre, les paroles qu'Aragon a écrites pour elle:
"Il y a chez Monique Morelli ce moment quand elle chante qui fait que j'apprends soudain ce que je cherchais d'une main hésitante dans la nuit."
Je ne sais pas ce que cherchait Aragon dans la nuit!
Mais je sais que dans la nuit de la peur que je traverse parfois, c'est ce poème de la vie fragile qui ne veut pas lâcher prise, ce sont ces paroles et c'est la voix de Morelli que j'entends!
C'est une courte rue qui va de la rue de Douai à la rue Blanche dans ce quartier qui devint à la mode pendant les années de la Monarchie Constitutionnelle de Charles X et Louis Philippe.
À son ouverture la rue porta le nom de Percier, architecte qui fut avec Fontaine (dont la rue est voisine) l'un des principaux initiateurs et créateurs de ce qu'on appellera le style Empire. L'harmonieux arc du Caroussel (avec Fontaine) est une de ses réalisations les plus connues et reconnues.
On ne sait pourquoi Percier disparut des plaques pour être remplacé en 1864 par Mansart. Sans précision de prénom, ce qui permet de rendre un double hommage à François Mansart et à son neveu Jules Hardouin.
François (1598-1666), grand bâtisseur de châteaux qui font la synthèse et la transition entre Renaissance et grand art classique (châteaux de Balleroy, de Maisons-Laffitte, galerie Mazarine).
Jules Hardouin (1646-1708) premier architecte de Louis XIV à qui Paris doit quelques unes de ses merveilles (Place Vendôme, place des Victoires, pont Royal, église des Invalides....)
La rue a une particularité : son côté nord, premier construit, offre une certaine homogénéité dans le style sobre et élégant de la première moitié du XIXème tandis que le côté sud plus tardif est plus disparate va du 2nd Empire aux années trente!
Au commencement était la môme Bijou! En effet le 1 est l'adresse du café Mansart, endroit très fréquenté par ceux qu'on appelle par facilité et conformisme bobos et par les touristes. Pendant l'occupation un personnage haut en couleurs est habitué du lieu (et de quelques autres à Pigalle comme le bar de la lune).
Il joue sur l'ambigüité, entre prostituée et travesti, entre clocharde et célébrité déchue. la môme Bijou est connue aujourd'hui encore pour avoir été photographiée par Brassaï
Elle est présentée dans le catalogue de l'exposition consacrée au grand photographe à Beaubourg en 2000 comme "une masse de graisse et de perlouses posée dans l'angle d'un bistrot".
Elle aurait inspiré autant que Marguerite Moreno le personnage de la Folle de Chaillot de Giraudoux.
Mais elle méritera qu'on lui accorde du temps car elle a gardé son mystère. Son regard triste et attentif émerge au-dessus de tous les portraits nauséabonds qui ont été faits d'elle.
Capture d'écran du blog "Haro sur les féminicides)
Alors qu'elle est très jeune (17 ans) elle se produit sur de petites scène comme mime.
Elle est remarquée par Willy qui lui donne son nom de scène, Louise Willy, et dont elle devient la maîtresse. Elle joue dans un grand nombre de petits films érotiques comme "le coucher de la mariée".
photo de Germaine Krull
Le succès n'est pas au rendez-vous. On n'entend plus parler d'elle à partir de 1912 et le temps passant, on la retrouve dans les années trente à Pigalle où pour quelques sous elle lit les lignes de la main. Willy la retrouvant, vieillie et pitoyable, écrit : "Bijou, matrone cuirassée de crasse et de fard qui procure à quelques paternels sénateurs, la joie d'éduquer quelque lycéen."
En 1945, Kessel parle d'elle en entrevoyant sa blessure : "La vieille affreuse et fascinante qui portait au bord de sa folie et de sa déchéance, je ne sais quel reflet obscur de grâces perdues, de pourrissantes amours."
Marguerite Moreno. La Folle de Chaillot.
Je ne sais pourquoi ce personnage me touche et pour ne pas trop y penser, je continue ma balade dans la rue.
Au 3, voisin du Mansart, nous trouvons "La Cloche d'or".
Ce restaurant a dès sa création été fréquenté par les artistes. Dans les années 20, il est dirigé par Anatole Moreau et son frère Arsène.
Anatole Moreau vit en couple avec une danseuse anglaise qui se produit dans les music-halls: Katleen Sarah Buckley.
Ils donnent naissance en 1927 à Jeanne Moreau dont on connaît l'importance qu'elle a eue dans le cinéma au temps de la Nouvelle vague et bien après....
Celle qui fut l'inoubliable Catherine de Jules et Jim habite aujourd'hui à trois cents mètres de la rue Mansart, au cimetière Montmartre.
La Cloche d'or fut fréquenté par bien des célébrités parmi lesquelles il suffit de citer Edith Piaf, Marcel Cerdan, Cocteau, Kessel... et elle fut le cadre d'une rencontre devenue mythique entre le jeune Yves Saint Laurent et celui qui allait devenir son mécène, son mentor, son amant pour la vie....
Nous restons du côté impair et cherchons en vain la maison qui s'élevait au n° 5, 5 bis. Il y a là où elle se croyait bâtie pour l'éternité, un immeuble sans grâce conçu en 1935....
Les fumeurs de kif (Gabriel Ferrier)
Elle abrita l'atelier d'un peintre et illustrateur, Nicolas Maxime Leboucher, mort en 1886, dont je n'ai rien trouvé sinon qu'il fut l'élève de Gabriel Ferrier, peintre orientaliste.
Le 8
Le 9
Le 9 est un lourd immeuble sans charme construit en 1932. Il n'a pas de scrupule à exposer sur sa façade le nom de son entrepreneur, un certain A. Chaize, et celui de son architecte D. Rotter.
Dumitru Rotter, roumain d'origine, naturalisé en 1907 a aimé travailler en Corse où on lui doit entre autres le monument commémoratif du sergent Casalonga à Alata.
Le 12
Le 15
Il y eut au 15 une salle de culture physique qui fut gérée pendant l'occupation par l'ancien champion de boxe Victor Waintz. Elle était fréquentée par de nombreux acrobates et artiste de music-hall comme les Carletti, trapézistes et contorsionnistes qui donnèrent parfois leur numéro sur la scène du Louxor. Leur fille, Louise, fut actrice dans des films de L'Herbier, Feyder, Christian-Jaque, Delannoy...
La salle était fréquentée également par des acteurs et actrices ainsi que par des personnalités diverses et variées soucieuses de perdre les kilos superflus!
Aujourd'hui l'atelier Petit Picotin qui a pris sa place a pour clientèle des bébés qui ne se soucient pas de leur poids et pour qui sont exposés draps et serviettes, peluches et jouets...
La courte rue n'a plus grand chose à nous raconter. Bonne raison pour laisser la parole à celle qui y vécut des années de son enfance, Jeanne Moreau :
"Je n'ai pas de mémoire, je n'ai que des souvenirs."
Les habitants du quartier connaissent bien cette fresque de 15 mètres de long qui court sur tout le rez de chaussée de l'immeuble du 8 rue de l'agent Bailly.
Ils n'y prêtent plus attention, elle fait partie de leur paysage.
C'est le plus beau compliment qu'on puisse faire à l'art dans la ville. Il est là, essentiel, comme le ciel ou les arbres. S'il disparaissait, alors soudain on serait moins heureux, on respirerait moins bien.
Yvon Taillandier (né à Paris en 1926, mort en Avignon en 2018) choisit cette ancienne menuiserie pour atelier en 1970. Pendant 40 ans elle le resta!
Dès son arrivée dans cette étroite rue il peignit tous les volets de la façade puis l'ensemble jusqu'à l'encadrement de la porte d'entrée de l'immeuble.
On dit que les taggeurs qui n'hésitent pas à utiliser toute surface disponible quelle qu'elle soit, respectèrent ce monde foisonnant et joyeux créé par leur aîné.
Au fond c'était très diplomatique car nous sommes en présence d'une ambassade, celle du Taillandier-Land!
Et quelle ambassade! Celle de la vie dans sa diversité, son foisonnement, sa gaité, sa folie, son incongruité, son érotisme, ses machines, ses tubes, ses manèges, ses rêves.
Parce que ces images de "figuration libératrice" ne cherchent pas à vous en mettre plein la vue, elles cherchent seulement à capter votre regard pour l'intégrer à son mouvement. Elle cherche à faire de vous l'un des acteurs de cet univers où nous sommes tous reliés les uns aux autres. Où nos jambes, nos têtes se multiplient et se métamorphosent, où nos bouches, nos ventres abritent de petits êtres prêts à participer au jeu.
Les machines font partie de ce monde et cessent d'être métalliques et bruyantes, elles sont de matière charnelle et n'interrompent pas la grande unité, la grande communication.
Il y a quelque chose de vertigineux en même temps que rassurant dans cet univers où tout est mouvement.
Le vertige c'est la rencontre et la multiplication des taillandiers, c'est le labyrinthe, la jungle où ils naviguent. Ce qui est rassurant c'est qu'il y a des frontières qui empêchent l'éclatement, la dissolution, l'éparpillement dans l'espace de tout ce peuple qui se tient.
Une ambassade représente un pays.
Un pays donne à ses habitants des frontières qui loin d'enfermer, protègent. Elles permettent au rêve de se déchaîner en douceur, au chaud à l'abri des murs familiers.
Bon! je délire! Mais c'est parce que je réponds à l'invitation d'Yvon Taillandier! Il vous invite vous aussi, avec votre monde qui rejoindra le sien, accueilli, respecté, enfantin et joueur.
Vous aurez des pieds en surnombre...
des têtes démultipliées...
des aéronefs complices
des animaux familiers comme des maisons.
"Mes tableaux se veulent des chants joyeux, voire des hymnes à la joie"
Parmi les sept chapelles qui rayonnent autour du chœur, la plus belle assurément est celle de la Vierge. La richesse de son décor nous laisse imaginer ce qu'aurait pu être la splendeur des mosaïques si, conformément au projet initial, tous les culs-de-four des chapelles avaient reçu leur parure.
Cul de four de la chapelle de Saint Ignace. Mosaïque du Christ au cœur
Pour rappel, une seule chapelle, celle de Saint-Ignace de Loyola a vu cette partie richement décorée.
La chapelle de la Vierge est située au milieu du déambulatoire. Elle est différente des autres par son plan carré.
L'ornementation est d'inspiration byzantine caractérisée par les fonds dorés. On est frappé par la lumière profonde et chaude qui en émane.
D'où vient cette vibration des fonds dorés? C'est que les tesselles utilisées pour ces ciels mystiques ne sont pas semblables. Elles ont des tons différents et sont de tailles variées, ce qui au lieu de donner un fond uni et plat, le transforme en surface vivante comme un pointillisme d'or. Voilà qui contredira ceux qui ne veulent voir que l'académisme dans cette basilique.
mur ouest
Avant de revenir à la coupole, nous voyons sur les murs latéraux, entre les arcatures, les médaillons de vierges vénérées dans le monde chrétien.
mur est
On y reconnaît quelques Vierges célèbres :
N. D. du Mont Carmel
N.D. de Boulogne sur sa barque
N.D. de Pontmain
N.D. du perpétuel secours
N.D. de grâce
N.D. du Sacré-cœur
Au-dessus des portes, deux médaillons, toujours en mosaïques : Mère des douleurs et Mère des bons conseils :
Les mosaïques reproduisent des cartons qui eux-mêmes reproduisent des représentations connues de la vierge et vénérées dans des sanctuaires. Pas d'innovation, une copie aussi fidèle que possible... le grand art des mosaïstes reste cependant admirable.
L'autel est dominée par une statue de la vierge et son enfant, devant des vitraux qui remplacent ceux que le bombardement de 1944 a détruits. On peut le regretter car ils étaient l'œuvre de Henri Marcel Magne qui en a réalisé dans différentes églises où on peut admirer leurs teintes profondes et leur sty art-déco.
Et maintenant, il faut lever la tête pour découvrir la fameuse coupole, œuvre elle aussi de H.M. Magne.
Les écoinçons représentent quatre saints qui ont privilégié la place de Marie dans leur spiritualité :
Saint-Bernard qui porte le livre "Missus est" de ses homélies à la gloire de Marie
Saint-Dominique qui serait l'initiateur du rosaire, prière qui s'égrène avec le chapelet.
Louis Marie Grignon de Montfort ne sera proclamé "saint" qu'en 1925. Il fonda la Compagnie de Marie et il expose grand ouvert son "Traité de la vraie dévotion à la très Sainte Vierge."
Jean Eudes qui au XVIIème siècle, bien avant Marguerite-Marie, est un ardent propagandiste du culte du Sacré-cœur.
Il ne sera proclamé "saint" qu'en 1947.
La coupole représente l'assomption de la vierge qui bien que fêtée depuis Byzance n'est devenue dogme qu'en 1950 sous le pontificat de Pie XII.
La base de la mosaïque représente le tombeau de la Vierge avec, constatant le miracle : Jean, Marie-Madeleine, Thomas, Pierre...
Tout autour se développe une procession de saints telle qu'on peut en voir dans l'église Saint-Apollinaire de Ravenne ou, au XIXème siècle dans l'église Saint-Vincent de Paul (œuvre de Flandrin)
La grande réussite de la coupole est assurément la ronde des anges autour de Marie, dans cette vibration des ailes blanches sur un fond qui scintille comme sable au soleil!
L'ensemble a été réalisé d'après les cartons de Henri Marcel Magne (1877-1944). Il était bien placé pour participer à l'immense chantier de la basilique, étant arrière-petit fils, petit-fils et fils d'architecte! Son père Lucien Magne fut choisi pour être architecte du Sacré-Cœur en 1905.
Peut-être est-ce la troupe de ces anges qui sont légion dans la basilique qui lui permet de s'élever comme une montgolfière dans le ciel de Montmartre!
Liens : quelques articles sur le Sacré-Coeur dans mon blog :
1er mars. La nuit sur la Butte. Que sera ce mois qui dit-on "rit malgré les averses et prépare en secret le printemps"?
2 mars. Rue Lepic. Copines après le collège...
3 mars. De la musique avant toute chose... Au moindre rayon de soleil, ils sortent avec leur instrument... Montmartre est leur domaine.
4 mars. Square Nadar. C'est un des rares endroits de Montmartre où la Tour Eiffel se laisse voir. "Bergère ô Tour Eiffel" comme l'appelle Apollinaire.
5 mars. Les ailes de la rue Lepic. (Pour Pierre)
6 mars. Un drôle de chien sur un étalon! Square Louise Michel.
7 mars. Amateurs d'art place Suzanne Valadon. On dit que Suzanne Valadon est la mère d'Utrillo. C'est faux. Utrillo est le fils de Suzanne Valadon.
8 mars. Tous les endroits sont bons pour prendre le soleil! (boulevard Marguerite de Rochechouart)
9 mars. Le visage de la musique. Place des Abbesses.
10 mars. C'est un nid de verdure...
11 mars Square Louise Michel
11 mars. Le petit chien a vu le photographe! Square Louise Michel.
12 mars. Garez-vou!
Samedi 13 mars. Sacratissimo. Ou le pigeon qui se prend pour le "Saint-Esprit"!
13 mars. Sportifs du week end dans l'escalier Foyatier!
14 mars. Un cycliste rue Saint Rustique. Pas besoin de piste cyclable.
Lundi 15 mars. Sur les pavés de l'escalier Chevalier de la Barre
Mardi 16 mars. Un rayon de soleil rue Antoine.
17 mars. Mise en scène pour fêter la Commune. Marianne a trouvé un amoureux (square Louise Michel)
18 mars. Ier jour de la Commune (18 mars 1871)
Louise Michel. Enseignante, poète, féministe, protectrice des animaux, humaniste adepte de la laïcité qui libère et de la justice sociale qui ensoleille le monde.
19 mars. Le bas de la rue du Chevalier de La Barre. Départ de l'ascension...
20 mars. Passage Cottin. Un des endroits préférés d'Utrillo.
21 mars. Impasse Girardon. Une assise et deux allongés de papier.
22 mars. Toujours des amoureux par tous les temps.
23 mars. Loïe Fuller de retour place du Tertre.
24 mars. L'armée a remplacé les touristes! (Esplanade du Sacré-Coeur).
25 mars. Trois amis pour la vie. Square Nadar.
26 mars. Je ne chante pas pour passer le temps... (Place Emile Goudeau)
27 mars. Menace sur la ville. Rue Azaïs.
28 mars. Rue Azaïs... Un collage rappelle qu'à cet endroit étaient entreposés les fameux canons de Montmartre.
29 mars. Le dernier salon où l'on cause. Rue de la Mairie.
30 mars. Une plage à la mode.
31 mars. "Sur la place chauffée au soleil, une fille s'est mise à danser, elle danse toujours pareille aux danseuses d'antiquité". (Jacques Brel)
... Et voilà le mois de Mars est parti en beauté, dans un soleil qui aime fouiner dans les moindres ruelles de Montmartre et qui nous ferait presque oublier la présence parmi nous d'un ennemi invisible et perfide qui nous oblige à nous masquer alors que nous voudrions rire, visage nu dans le soleil!