Nous devrions connaître son nom pour trois raisons dont chacune suffirait à justifier cette mémoire.
Portrait de Mlle Schwartz à l'Opéra (1910)
Premièrement il est un peintre de grand talent. Celui dont Malraux écrivait qu'il était "capable de provoquer des émotions semblables à celles de Giotto". Quel rapprochement! quel hommage! Il fut d'ailleurs le premier peintre auquel l'écrivain consacra une étude. L'amitié entre les deux hommes ne se démentit jamais.
Rue Cortot
Deuxièmement, dans tout cet essaim d'artistes de talent et parfois de génie qui vécurent à Montmartre, il est le seul Grec!
Appartement et atelier de Galanis rue Cortot
Troisièmement il est de tous ceux-là le plus fidèle à Montmartre, le seul qui vécut au cœur de la Butte, 12 rue Cortot pendant plus d'un demi siècle! De 1910 à 1966!
Il eut donc l'occasion d'avoir pour co-locataires célèbres Francisque Poulbot pendant une année en 1911 ...
Poulbot. Musée de Montmartre.
Emile Bernard de 1910 à 1912 (ce dernier y a vécu de 1906 à 1912....)
Et enfin "Le trio infernal" Valadon, Utrillo, Utter de 1911 à 1925.
Après le départ d'Utrillo et de Valadon, Uter restera son voisin et habitera rue Cortot jusqu'en 1948.
Galanis est né dans l'île d'Eubée en 1879. Doué pour le dessin et la peinture il débarque à Paris à 21 ans pour suivre les cours de Fernand Cormon à l'Ecole des Beaux Arts.
Cormon est très lié à notre Montmartre puisqu'il ouvrit un premier atelier 10 rue Constance et un second 104 boulevard de Clichy où passeront Lautrec et Emile Bernard entre autres.
Nous connaissons ce bon peintre académique pour ses sujets bibliques ou historiques et notamment la fameuse "fuite de Caïn" (musée d'Orsay)
Galanis en même temps qu'il étudie, collabore à quelques journaux satiriques comme l'Assiette au beurre, le Gil Blas, le Rire...
L'Assiette au Beurre (Galanis)
Elle : "Trois louis! .... Tu le prends donc pour un mendiant? ...
"Les femmes sont des fleurs mon ami, il faut les arroser."
Dès 1904 il participe à des salons et se lie d'amitié avec des artistes qui l'apprécient (Matisse, Derain, Maillol). Son style s'affirme alors avec son sens des volumes qui ne cherche pas à copier le réel mais le rattache aux peintres primitifs.
Cabaret (1910)
En 1912 il s'associe au mouvement cubiste et participe à des expositions. Mais il n'est pas homme à s'enfermer dans un mouvement ou une école. Son cubisme reste empreint de classicisme et de spiritualité.
Il aime peindre des paysages et des natures mortes. Pendant la guerre il s'engage dans la Légion, ce qui lui vaudra sa naturalisation.
Paysage au rocher (1918)
De retour à Montmartre, Galanis reprend son activité et se consacre surtout à la gravure.
Il possède dans son atelier rue Cortot une presse qui lui permet de travailler comme au XIXème siècle avec son "vélo", burin à 2 ou 6 tranchants capable de tracer des lignes parallèles
Avec sa femme Fanny, il reçoit régulièrement la visite de Malraux et de Clara qui raconte cette relation :
«Parfois nous montions jusqu'à la rue Cortot où habitait Galanis, graveur et peintre, mais surtout graveur. L'atelier donnait sur un jardin; je crois qu'Utrillo, Utter et Valadon habitèrent un temps ce même immeuble. J'aimais la netteté du trait gravé de Galanis et la sensualité sans vulgarité dont il marquait ses sujets, instruments de musique, fruits ou paysages, mais je m'étonnai quand j'entendis mon compagnon affirmer – en 1922 ou 1923 – que l'année suivante serait l'année Galanis. Plus juste me sembla cette constatation : «Il est un des rares peintres intelligents.» «Cultivé aussi. Liseur et musicien.»
C'est par Galanis que Malraux entre dans le monde des peintres.
C'est pour parler de lui qu'il trouve sa vocation de critique. Il aime parler de sa simplicité et du dépouillement de ses compositions que certains ont taxée d'art archaïque. Il n'hésite pas à rapprocher la maîtrise de la gravure de son ami de celle des artistes italiens de la Renaissance.
Il aime se rappeler leurs balades à Montmartre, les rencontres avec les peintres de la Butte et le jour où après un long périple il l'écoute dans son atelier jouer du Bach au piano.
Nul doute que cette amitié, les fréquentes visites rue Cortot, les rencontres avec les artistes à Montmartre, pousseront plus tard Malraux, ministre de la Culture, à jouer un rôle décisif dans la sauvegarde des hôtels de la rue Cortot et de leur transformation en musée.
Le peintre, sa femme et son fils
Portrait de son épouse
Admirateur de Bach, Galanis avait appelé son fils Jean Sébastien.
Ce fils pour lequel Malraux écrivit un "Tombeau" après que son navire Le Lisieux eut fait naufrage en 1940 au large de Terre Neuve.
(Parmi les rescapés figurait Sébastien Daragnès, fils de Jean-Gabriel Daragnès dont l'atelier était situé avenue Junot et qui figure parmi les plus grands illustrateurs du XXème siècle.)
Rue Saint Vincent. (Daragnès 1946)
Malraux écrit en hommage à Jean Sébastien :
«Comme le visage de L'Enfant au cheval mécanique, si souvent dessiné par Galanis, était devenu pour nous tous inséparable de son art, Jean Sébastien est maintenant inséparable de tous ceux dont le murmure fraternellement mêlé de tués et de survivants maintient, sous l'épouvantable silence, l'accent de ce que fut la voix de la France – de ceux qui permettront à la France d'avoir encore une voix.»
Galanis est reconnu par ses pairs et il est nommé professeur à l'Ecole des Beaux Arts avant de devenir en 1945 membre de l'Académie des Beaux Arts.
Cette reconnaissance vient nous interpeler en un temps où son nom est presque oublié et où le Musée de Montmartre lui accorde si peu de place.
Les amateurs de beaux livres, eux, ne l'ont pas oublié et s'arrachent les ouvrages qu'il a illustrés (Jammes, Nerval, Gide, Arland etc...)
Souhaitons qu'une prochaine exposition au Musée de Montmartre permette de redécouvrir ce beau peintre qui fut la majeure partie de sa vie Montmartrois! Et terminons avec les mots de Malraux sur l'art de son ami :
«Si la peinture qu'expose aujourd'hui Galanis doit être rapprochée de quelque autre, c'est de celle des primitifs italiens de la première Renaissance. Non qu'elle procède d'un même idéal artistique ; mais grâce à la susceptibilité qu'elle possède de faire ressentir à un artiste moderne des émotions du même ordre que celles que lui pourrait faire éprouver un Giotto. Il y a chez les deux peintres une simplicité, une suppression d'artifices capable d'émouvoir, et qui créent une sentiment d'une extrême distinction».
Annexe. Quelques rares dessins et toiles représentent Montmartre. Je n'ai pu trouver celle qu'il peignit sous la neige et fait partie d'une collection privée.
Affiche pour le bimillénaire de Paris
Paris vu de Montmartre
Rue des Abbesses
En faisant quelques recherches sur Galanis, j'ai reçu des témoignages de gens qui l'avaient connu. Ils me décrivirent un homme chaleureux, facétieux et disponible. Quand le Musée fut créé et les jardins redessinés, il y avait au pied de l'atelier un tertre recouvert de végétation sauvage qui avait été formé, jour après jour, par les cendres du poêle que le peintre descendait et qui au fil des années avaient formé ce terril. Le terril fut arasé, le jardin aplani. Au grand regret du Montmartrois qui me raconta cette anecdote. Elle me touche. On imagine 56 ans de cendres qui restaient vivantes avec les herbes qui la recouvraient.
Il a été donné à Montéhus un petit espace ridiculement réduit, une "placette" comme l'indique la plaque de la ville de Paris.
Il est vrai que nous voyons depuis quelques années une multiplication spectaculaire de ces trottoirs baptisés place ou placette, de ces modestes espaces entre deux rues, parés de noms nouveaux! Comme juste en face, la place Suzanne Denglos-Fau.
Une mode qui a aussi de bons côtés puisqu'à Montmartre de nombreuses femmes ont pu, grâce à elle, attirer notre attention et réparer l'injustice d'une surreprésentation mâle des plaques indicatrices!
Placette côté Lamarck et Couté
Montéhus a donc fait son apparition sur un court terre-plain situé entre les rues des Saules, Caulaincourt et Lamarck, quelques mètres carrés sans grand intérêt sur lequel ne donnent que deux immeubles, celui qui fait l'angle avec la rue des Saules et celui qui fait l'angle avec la rue Gaston Couté.
Placette côté Caulaincourt et rue des Saules
49 rue Lamarck (placette Montéhus)
Un seul immeuble possède une entrée sur la place. Apparemment il a gardé son ancienne numérotation rue Lamarck. Donc aucun Parisien n'a le nom de Montéhus pour adresse. Le Cocci Market lui même préfère le 49 rue Lamarck!
L'immeuble porte le nom de son architecte et sa date de construction : A. Coudert 1913.
Nous retrouvons cet architecte sur la façade de quelques immeubles parisiens, notamment rue Beaubourg, aux 82 et 84.
Rien à dire des deux autres immeubles dont l'adresse n'est pas sur la placette!
Quelques mots maintenant sur l'homme qui a l'honneur de lui donner son nom : Gaston Mardochée Brunswick, futur Montéhus qui vit le jour le 9 juillet 1872 non loin de Montmartre, dans le Xème arrondissement de Paris dans une famille qui comptera 22 enfants.
Les bonnes fées ne se sont pas penchées sur son berceau en faisant de lui un Juif allemand (tiens, souvenir de 1968 et de Cohn Bendit, "Nous sommes tous des Juifs allemands")!
(Dreyfus, parodie du tableau de Gill (1875) pour le Lapin Agile.)
Entre la haine de la Prusse qui a écrasé la France un peu avant sa naissance et l'antisémitisme qui va se déchaîner en 1894 avec l'Affaire Dreyfus, Gaston Mardochée préfèrera troquer son patronyme pour celui de Montéhus.
Un nom rare qui concerne peu de familles en France mais qui s'accompagne dans une dizaine de cas du prénom Gaston.
Gaston Montéhus 1918
Si notre Gaston aime se balader sur la Butte et péleriner sur les lieux des massacres versaillais, ce n'est pas à Montmartre qu'il commence à chanter. Son premier texte qui le fait vraiment connaître, c'est "La Grève des Mères" en 1905.
Il provoque une vive réaction du gouvernement qui le fait condamner pour "incitation à l'avortement" alors que le pays a besoin plus que jamais de chair à canon.
Refuse de peupler la terre,
Arrête ta fécondité.
Déclare la grève des mères
Aux bourreaux crie ta volonté !
Défends ta chair, Défends ton sang,
À bas la guerre et les tyrans !
C'est en 1907 qu'il connaît une vraie popularité avec sa chanson toujours célèbre : "Gloire au 17ème" qui rend hommage au régiment qui refusa de tirer sur les manifestants pendant la révolte des vignerons à Béziers.
Les mutins du 17ème refusant de tirer sur les révoltés
Salut, salut à vous,
Braves soldats du 17e !
Salut, braves pioupious,
Chacun vous admire et vous aime !
Salut, salut à vous,
A votre geste magnifique !
Vous auriez, en tirant sur nous,
Assassiné la République.
Cette chanson vite devenue un étendard des pacifistes n'empêchera pas Montéhus de changer radicalement pendant la première guerre pour écrire des textes patriotiques et militaristes (la Voix des mourants, Debout les morts).
Lui qui ne fut pas mobilisé, qui ne connut rien des horreurs et des souffrances des tranchées, n'hésita pas à monter sur scène, la tête entourée de pansements.
Après la guerre, nombreux sont ceux qui lui reprocheront cette mise en scène.
Il essaie de la faire oublier en écrivant une chanson qui se répandra plus tard dans les milieux pacifistes : "La Butte Rouge". Il n'y est pas question de Montmartre et de la Commune mais d'une bataille terrible sur la Somme, pour conquérir la butte de Bapaume. Cette chanson est celle de Montéhus qui a été le plus souvent reprise (Montand, Ogeret, Renaud, Escudero...)
(...)
La butte rouge, c'est son nom, l'baptème s'fit un matin Où tous ceux qui grimpèrent, roulèrent dans le ravin Aujourd'hui y a des vignes il y pousse du raisin Qui boira d'ce vin là boira l'sang des copains
Sur cette butte là, on n'y f'sait pas la noce, Comme à Montmartre où l'champagne coule à flots Mais les pauvr' gars qu'avaient laissé des gosses Y f'saient entendre de terribles sanglots
(...)
Avec le Front Populaire dont il est un ardent défenseur, il retrouve la scène et obtient du succès avec ses chansons engagées.
Il en compose une pour Léon Blum qu'il admire (peut-être pense t-il en écrivant les paroles aux moulins de la Butte!)
Vas-y Léon, défends ton ministère
Vas-y Léon, Faut qu'Marianne ait raison
Car Marianne est une meunière
Et les ailes de son moulin
Doivent tourner pour les prolétaires
Pour qu'le peuple ne manque pas de pain
Pendant l'occupation, malgré le port de l'étoile jaune, il parvient à se cacher et à échapper à la déportation. Il écrit en 1944 une pièce "Le chant des gaullistes" en hommage aux résistants. Mais il est déjà oublié et ne survit pendant ses dernières années (il meurt en 1952) que grâce à sa famille. N'oublions pas qu'il est d'une fratrie de 22 frères et soeurs!
Rues Lamarck et Gaston Couté (à droite)
La placette qui porte son nom rend justice à cet idéaliste toujours engagé du côté des plus humbles, un homme au grand cœur dont le nom à Montmartre voisine celui de Gaston Couté.
Les deux Gaston doivent bien s'entendre c'est certain!
Je n'ai rien dit de sa voix claire et précise, à la diction parfaite, de l'intensité de ses interprétations généreuses. Cet homme-là aimait l'humanité et se sentait proche des plus humbles. Une autre époque!
Et revoilà Novembre dont le nom révolutionnaire va de Brumaire à Frimaire. Des noms qui donnent envie de rester sous la couette! Pourtant ma passion photographique m'entraîne dans les rues de la Butte à la recherche sinon du soleil, du moins de la lumière des visages.
1er novembre. Une certaine tristesse avec les suites de Bach pour violoncelle (jouée ce matin-là sur une contrebasse).
2 novembre. Couple et dormeur
3 novembre. La vie en bleu!
4 novembre. Heureux et fier comme un petit chien aimé.
5 novembre. Spiderman junior.
6 novembre rue de la Bonne.
7 novembre. jour d'automne rue Ronsard
8 novembre. Les escaliers de la Butte quand on a l'estomac en pente.
9 novembre. Bouddhiste en couleurs dans rue grise.
10 novembre. Début d'éradication des cadenas après la chute d'une grille surchargée. Travail de Sisyphe!
11 novembre. Du vent dans les voiles
12 novembre. Pigeon vole
13 novembre. Approche en douceur
14 novembre. Rue Gabrielle, la maison Neumont en automne.
15 novembre. Pompon rouge ou nez de clown?
16 novembre. Ils avaient disparu depuis les Jeux Olympiques. Ils sont revenus toujours complices.
17 novembre. Place du Tertre sous les parapluies. Plus belle que sous les hangars des restaurateurs!
18 novembre. Place des amours.
19 novembre. Square Nadar
20 novembre. Singing in the stairs (rue Foyatier)
21 novembre. Neige place du Tertre
22 novembre. Avant que ne fonde la neige! La dernière datait d'il y a plus de 5 ans!
23 novembre. Plus une trace de la neige!
24 novembre. Anniversaire des 5 ans de ce brave chien!
25 novembre. Les amoureux qui s'bécotent sur les bancs publiques
26 novembre. La mélancolie sur un air de guitare (rue saint Eleuthère)
27 novembre. Sous la protection du feuillage d'or.
28 novembre. Ange musicien rue saint Rustique.
29 novembre. Bébé ne sait pas qu'il est sur la balançoire de Renoir!
30 novembre. Toujours dans le jardin Renoir ces enfants et ce chat... peut-être celui de Suzanne Valadon?
Le mois s'achève avec quelques jours de soleil, trop rares. Il paraît qu'il n'y a eu à Paris que 15 heures de soleil pour tout le mois! Mais les lumières de Noël commencent à briller. Bonjour décembre! Comme dit la sagesse populaire : "Novembre a sa fin, Décembre au matin!"
La Place en 1901, appelée par les riverains Place des Hirondelles.
La place Jeanne Bohec a été baptisée ainsi par la Mairie en octobre 2014 et inaugurée en 2016. Il lui a été donné le nom d'une résistante de la première heure, Française libre qui rejoignit De Gaulle en 1940.
Elle fut parachutée en Normandie en 1944 et après quelques actions héroïques reçut le surnom de "Plastiqueuse à bicyclette". Titre qu'elle donna au livre qu'elle écrivit plus tard pour retracer ces années sombres.
Après guerre elle fut prof de maths au collège Dorgelès voisin et maire adjointe à la mairie du XVIIIème de 1975 à 1983.
Elle aimait Montmartre où elle a vécu jusqu'à sa mort en 2010 dans une cité d'artistes de l'avenue Junot.
La place qui n'en est pas vraiment une mais plutôt un carrefour entre 4 rues, sans terre-plein central n'avait pas de nom officiel avant ce baptême.
Pourtant les Montmartrois lui en avaient donné un, fort poétique : Place des Hirondelles.
Ce nom venait de la compagnie d'omnibus (les Hirondelles) qui s'appelait ainsi avant d'être intégrée avec d'autres, sur la demande du baron Haussmann dans la CGO, Compagnie Générale des Omnibus.
Les omnibus de la ligne 25 avaient leur terminus et tête de ligne à ce confluent de 4 rues auquel les Montmartrois donnèrent le nom de place.
La place actuelle n'invite pas à la flânerie, n'offrant qu'un seul trottoir élargi entre la rue de Clignancourt et la rue Christiani devant le plus bel immeuble de l'endroit.
Ce somptueux immeuble (1856) est intégré dans le quadrilatère des Galeries Dufayel.
Il est dû à l'architecte Lebègue et offre une belle décoration de pilastres corinthiens, têtes de Mercure (pour honorer le commerce), caducées, balcons ouvragés.
Dans cet immeuble, au 17 de la rue Christiani a vécu et est décédé l'un des plus célèbres Montmartrois . Aristide Bruant.
Ayant cherché fortune autour du Chat Noir comme il l'écrit dans une de ses chansons reprises ad nauseam par les noctambules de la Butte : "Je cherche fortune, autour du Chat Noir, au clair de la lune, à Montmartre le soir", il a fini par la trouver cette sacrée fortune! Au point d'acheter un château et un grand appartement dans cet immeuble bourgeois du bas Montmartre où il rendit l'âme en 1925:
La rue Christiani est la première sur la droite à venir terminer sa course sur la "place".
Elle a été en 1981 et pour plusieurs années le siège du journal "Libération".
Son nom rend hommage au général de la Révolution et de l'Empire dont le nom est gravé sur l'Arc de Triomphe, Charles-Joseph Christiani.
Après la rue Christiani, c'est la rue Myrha qui donne sur la place. Elle reçoit en 1868 le nom d'une des filles de l'ancien maire (de 1843 à 1847) de Montmartre Alexandre Biron, après s'être appelée rue Frédéric et rue de Constantine. Le nom de la rue est attaché à un épisode héroïque de la Commune et à la résistance désespérée d'une barricade en mai 1871 où mourut Jaroslaw Dombrowski.
L'immeuble le plus original de la rue ouvre sur la place, comme une proue de navire entre les rues Myrha et Poulet.
C'est un vaisseau de verre dont l'harmonie et la clarté attirent le regard. J'ai longtemps pensé qu'il était post Art Déco avec sa géométrie et ses verrières, mais en réalité il a été construit en 1952 pour abriter une imprimerie-papeterie.
Aujourd'hui un restaurant spécialisé dans la cuisine méditerranéenne offre à ses clients un espace étonnant par sa lumière et son architecture : le Double Vie. Une boutique permet d'acheter des T-shirts qui arborent quelques uns des cocktails maison!
Un clin d'œil en passant à une peintre remarquable, Michèle Lemercier, qui a entre autres, décoré de fresques le hall d'entrée de son immeuble 7 rue Poulet.
L'angle de la rue Poulet avec la rue de Clignancourt est occupé par un bistro restaurant dont une vieille enseigne subsiste : Le Diplomate.
La photo est intéressante car elle montre à la fois un omnibus, le café restaurant et le petit immeuble de village qui a été remplacé par le bel édifice de l'ancienne imprimerie.
Voilà donc une rapide visite de la place et des rues qui y convergent. Peut-être serait-il judicieux d'ajouter sur la plaque actuelle "anciennement place des Hirondelles" afin de garder la mémoire du vieux Montmartre.
Ou bien cet "oubli" est-il volontaire afin de ne pas évoquer d'autres hirondelles (disparues en 1984) qui parcouraient la ville à bicyclettes, pélerine au vent et laissaient sur les pare-brises de petits mots qui n'étaient pas d'amour!
La place du funiculaire à la rue Livingstone (toute sa longueur)
Beaucoup moins connue que celle du Vatican, notre modeste place Saint-Pierre montmartroise cache bien son jeu car elle n'a de place que de nom et de Saint-Pierre que la vieille église de l'abbaye au sommet de la Butte, qui donne sur une place, baptisée depuis quelques années Jean Marais! Une vraie place, contrairement à celle dont nous parlons aujourd'hui!
Imaginez! Une place de 166 mètres de long sur 11 mètres de large! Une place qui aurait tout d'une rue et non d'un large espace où l'on aurait envie de s'asseoir sur un banc pour regarder passer les heures!
Le pied de la Butte en 1920
Avant sa naissance, il y avait à son endroit des monceaux de terre et de déblais venus des carrières dont une des entrées principales se trouvait rue Ronsard, là où de nos jours s'envolent les marches de l'escalier de la rue Paul Albert (jadis rue Notre-Dame).
C'est en 1853 que le maire de Montmartre dont une rue derrière l'église Saint Jean porte le nom : Piemontesi, fait niveler les débris, ce qui libère un espace ouvert au pied de la Butte, assez large pour une vraie place qui s'étendrait en partie sur le bas du square Louise Michel. Elle ne sera jamais créée, les promoteurs veillant à profiter de l'opportunité qu'offrait ce terrain de rêve. De Piemontesi nous ne savons pas grand chose sinon qu'il fut l'avant dernier maire de Montmartre ( de 1851 à1854) avant le rattachement à Paris.
1 place Saint Pierre
Notre place Saint-Pierre commence rue Livingstone (ouverte en 1867). Un ensemble d'immeubles un peu agressif vient se terminer avec un magasin de tissus "Les Coupons de Saint Pierre." qui portent le numéro 1.
L'immeuble, lui, a son entrée au 7 rue Livingstone. On peut voir sur cette photo, le nom de la rue Livingstone et celui de la place Saint Pierre sur le même mur, de part et d'autre des fenêtres. L'architecture est encore influencée par l'Art Déco mais datant de 1934, elle se rigidifie, devient moins élégante malgré le souci des architectes (Henri Bedot et Chantereau dont plusieurs immeubles à Paris et en banlieue portent le nom) de laisser entrer la lumière par de nombreuses fenêtres qui ouvrent sur des balcons.
Dreyfus emblématique du Marché Saint Pierre ne donne pas sur la place mais rues Livingstone et Nodier. Cette dernière fait face aux Coupons de Saint Pierre.
Nous trouvons ensuite deux autres magasins consacrés aux tissus. Tout d'abord "Reine" aux numéros 3 et 5.
Au numéro 7 "Les merveilles de Saint Pierre"
La place n'a pas de numéro pair. Face aux magasins la Halle Saint Pierre rescapée du vandalisme des années Pompidou (destruction du chef d'œuvre de Baltard) développe sa belle architecture de briques et de fonte. L'entrée du musée donne rue Ronsard.
La place Saint pierre est coupée par le carrefour, Ronsard d'un côté, Seveste de l'autre :
Rue Seveste
Il y avait au début du XXème siècle un restaurant là où se trouvent aujourd'hui "Les Merveilles de Saint Pierre". La vocation du quartier pour les tissus de mode et d'ameublement n'est pas très ancienne. Elle date des années 1920 avec Edmond Dreyfus.
De l'autre côté de la rue il y avait une grande épicerie là où s'élève aujourd'hui l'usine Saint Pierre construite en 1887. Ses pompes de relevage permettaient d'approvisionner le haut de la Butte et le réservoir de la rue Azaïs construit la même année. Une haute cheminée de briques crachait sa fumée dans le ciel de Montmartre et les poumons des Montmartrois car elle était alimentée avec du charbon.
Après le 9, par une bizarrerie bizarre, nous passons directement au 13!
Nous sommes au Ronsard, restaurant-bistro qui offre une vue imprenable sur la Butte dominée par sa basilique.
Le côté impair de la place ne possède aucun immeuble, il passe de l'arrière du musée de la Halle Saint Pierre au square Louise Michel (auparavant square Willette, chassé pour cause d'antisémitisme notoire, encore plus auparavant Jardin Saint Pierre). C'est de cet endroit, près du platane vénérable planté en 1854 que d'envolèrent pendant le siège de Paris les fameux ballons.
Le 23 septembre 1870, le Neptune chargé de dépêches officielles pour le Gouvernement replié à Tours.
Le 7 octobre, l'Armand Barbès, le plus célèbre, avec Gambetta pour passager.
Le 7 octobre encore, le George Sand.
Le Ronsard fait l'angle avec la rue de Steinkerque.
De l'autre côté, au 15, le Studio Café rend hommage au cinéma avec Mary Poppins, L'homme de fer blanc du Magicien d'Oz, Hitchcock....
Et avec Mickey occupé à filmer Gene Kelly en train de chanter sous la pluie!
Hommage bien à sa place quand on se rappelle que dans cet immeuble vivait Antoine Doinel qui dans "Baisers volés" de Truffaut répétait son nom sur tous les tons devant son miroir.
Il ne reste que deux immeubles donnant sur la prétendue place Saint Pierre. Le 17 est récent, bâti sur ce qu'on appelle "une dent creuse", un petit immeuble survivant du vieux Montmartre.
La "dent creuse" au 17.
Le dernier immeuble de la place est le 19.
Belle construction en pierres de taille; comme celles qui côté impair formeront la rue Tardieu, celle qui prend le relais de la place Saint Pierre sans avoir la prétention de se prétendre "place"!
Evidemment, face au jardin et au funiculaire, les boutiques veulent attirer un maximum de touristes avec une infinité de babioles pour la plupart made in China!
Et voilà! fin de la visite! Sans doute nécessaire car, ayant posté une photo de la place sur un site dédié à Montmartre, j'ai reçu un grand nombre de réfutations et de critiques!
Certains Montmartrois ignorent donc encore que cette rue s'appelle Place Saint Pierre!
(Je republie cet article en cet été 2024 grâce à des amis de Montmartre qui m'ont envoyé de nouvelles et rares photos de cette mystérieuse Tour)
Avant que le Sacré-Cœur ne dominât la Butte de toute sa blancheur, le plus beau panorama sur Paris s'offrait aux visiteurs depuis une tour de 43 mètres de haut où il était possible d'accéder par un escalier afin de profiter moyennant un modeste droit du "point de vue" exceptionnel.
Adolphe Joanne évoque l’établissement dans son ouvrage Paris illustré :NouveauGuide de l’étranger et du Parisien : « Aux coins des rues de l’Empereur et du Vieux-Chemin [actuelle rue Ravignan], en face d’un petit réservoir octogone des eaux de Paris, sur les bâtiments du café de la Tour Montmartre, dont l’enseigne porte cette inscription prétentieuse : Au plus beau point de vue du monde, s’élève une tour-belvédère à deux étages, avec balcons, et du haut de laquelle on découvre absolument la même vue que de la terrasse des Moulins. D’autres belvédères ont été construits, dans ces dernières années, sur différents points du versant méridional de la butte » (
Ce daguerréotype rarissime dévoile la vue que l'on pouvait avoir du haut de cette Tour-Panorama. On reconnaît la rue Lepic (rue de l'Empereur), la courbe et le moulin de la Galette (Radet) et plus bas le Blute-Fin.
Nous connaissons donc l'emplacement précis de cette guinguette et de sa tour, sur ce triangle qui fait aujourd'hui partie de la place Jean Baptiste Clément, devant le vieux réservoir que l'on aperçoit sur la droite.
Et que savons-nous d'autre? Rien! ou presque! Sinon qu'elle était située 114 rue de l'Empereur, ce qui nous permet de la dater entre 1852 et 1864. C'est en effet pendant ces années que l'actuelle rue Lepic s'appelait rue de l'Empereur.
La tour Montmartre pouvait se vanter d'être la seule à offrir un panorama impressionnant sur la ville car sa rivale, La tour Solférino, ne rivalisa avec elle qu'à partir de 1859, date de son érection.
Les deux tours offraient bien des ressemblances. La tour Solférino élevée à côté d'une guinguette qui portait son nom, reliée à elle par une passerelle, était située à l'emplacement de la crèche israélite actuelle, rue Lamarck, sur le versant est de la Butte.
Elle sera en partie détruite en 1870 car elle risquait de servir de repère aux tirs prussiens.
1ère décapitation de la tour en 1870
Elle sera entièrement rasée quatre ans plus tard.
Mais si nous avons de nombreuses informations sur la Tour Solférino, il n'est est pas de même pour notre Tour Montmartre dont il ne subsiste pour l'évoquer qu'un bas relief de stuc au-dessus de la porte d'entrée d'un petit immeuble bien plus jeune qu'elle, 10 place Jean Baptiste Clément.
Nous nous contenterons donc de ce modeste hommage dont Montmartre a le secret (stucs sur l'horrible immeuble qui écrasa la maison de Mimi Pinson. Stucs sur le non moins hideux immeuble qui fit disparaître la maison de Berlioz).
Par chance aucun immeuble locatif de briques grises n'est venue prendre la place de notre Tour. Un jardin ouvert sur le ciel et sur le paysage urbain, permet à notre imagination de l'ériger à nouveau et d'entendre les flonflons de la guinguette.
C'est une courte rue de 100 mètres de long sur 7 mètres de large. Une rue un peu prétentieuse car elle n'est en réalité qu'une impasse prenant naissance 22 rue Lepic et venant se cogner au bout de sa course sur les grilles qui la séparent de la Villa des Platanes.
Villa des Platanes, côté boulevard de Clichy
Elle faisait partie de la commune de Montmartre comme "impasse Gaillard" du nom du propriétaire des terrains qui furent lotis.
En 1843, l'impasse prend du galon et se baptise "Avenue des Tilleuls". Il y avait en effet tout au long de l'artère de ces arbres abondamment plantés en France à l'époque révolutionnaire.
Les arbres furent coupés et l'avenue sans tilleuls fut appelée par un décret de 1926 "rue Robert Planquette".
Un compositeur (1848-1903) un peu oublié aujourd'hui mais qui connut en son temps un grand succès populaire.
Il avait commencé par des marches militaires parmi lesquelles "le Régiment de Sambre et Meuse" connut et connaît encore une grande popularité.
Parmi ses nombreuses opérettes, une seule a survécu grâce à sa grande notoriété qui lui permit de s'exporter aux Etats-Unis ou en Angleterre : "Les Cloches de Corneville".
La rue modeste n'a pas compté beaucoup de célébrités parmi ses habitants.
Le plus notoire est sans doute François Coppée (1842-1908), le poète des humbles et du Paris des pauvres qui y passa quelques années.
Il a vécu au fond de l'impasse, un petit immeuble disparu derrière une ancienne folie de 1830 qui sera détruite ,pour être remplacée par un ensemble immobilier néo Renaissance vers 1880. Le terrain s'était appelé Clos Lucas avant de devenir par ironie La petite Californie. en raison des quelques palmiers qui y furent plantés.
Coppée par Jules Emmanuel Valadon
Ses poèmes traduisent sa proximité avec les "petites gens" et avec les animaux. Je ne résiste pas au plaisir de publier quelques vers de son poème sur la mort des oiseaux :
(...) Pendant les tristes jours de l’hiver monotone
Les pauvres nids déserts, les nids qu’on abandonne,
Se balancent au vent sur le ciel gris de fer.
Oh ! comme les oiseaux doivent mourir l’hiver !
Pourtant lorsque viendra le temps des violettes,
Nous ne trouverons pas leurs délicats squelettes.
Dans le gazon d’avril où nous irons courir.
Est-ce que « les oiseaux se cachent pour mourir ? »
Le début de la rue côté pair est occupé par un café-restaurant dont l'adresse est rue Lepic mais dont la plus grande façade se développe rue Planquette. "Chez Marie" succède à un autre restaurant qui lui même avait succédé à un autre restaurant.... comme le prouve la photo de 1902...
La carte postale nous permet de constater que sur le côté impair un important commerce de bouche occupait l'espace. Aujourd'hui c'est le Cocci market, petite supérette dont les murs sur la rue Planquette sont une aubaine pour les artistes de rue :
L'immeuble de pierres de taille est bien représentatif de l'embourgeoisement d'une rue restée longtemps populaire.
Il porte le nom de ses architectes : V. Lesage et Ch. Miltgen (1904) qui ont collaboré à de nombreuses constructions dont le Palais de la Mutualité aujourd'hui classé.
Il n'y a pas beaucoup d'éléments remarquables dans la rue. Ce qui frappe avant tout c'est le nombre de commerces abandonnés, rideaux tirés, façades taguées. L'impasse échappe aux nombreux passants de la rue Lepic. Le contraste entre les deux est impressionnante. Commençons par le côté pair :
Le 2
Le 2 bis
Le 6
Le 8
Beaucoup de petits immeubles modestes se succèdent côté pair. Ils sont le témoignage du Montmartre de la deuxième moitié du XIXème siècle, habité par des artisans, des ouvriers. Une classe populaire qui aujourd'hui n'existe plus et dont les logements se vendent à des prix qui l'exclut.
passage Lepic rue Planquette
Passage Lepic rue Lepic
Le 10 est particulier car il protège derrière ses grilles un passage, le passage Lepic qui commence rue Lepic, fait un coude avant de se terminer à la grille de la rue Planquette. Le passage a survécu aux projets de lotissements et il a reçu son nom par décret en 1867.
Au 10 toujours, une librairie-bibliothèque anarchiste a fermé boutique. "La rue" se couvre de tags et d'affiches en attendant sa destruction. Un habitant de l'immeuble m'a affirmé que Brassens avait mis la main à la poche pour permettre sa création. On aimerait y croire mais la mort du chanteur poète plusieurs années avant l'implantation de la librairie rend la chose contestable!
Sur les volets de la librairie. Le vin de la Commune!
Les derniers immeubles construits dans les années 1970 sont aussi peu montmartrois que possible.
Ils nous projettent dans une improbable banlieue sans âme. Le seul point positif, hommage au passé, c'est la présence de quelques tilleuls qui ne parviendront pas à cacher une façade sans grâce.
Le côté impair collectionne lui aussi les boutiques fermées.
(dans l'ordre les 1bis, 3, 5, 7 et 9)
Nous pouvons apprécier une tentative assez réussie de modernisation de deux de ces immeubles dont les lignes et la modification sont harmonieuses.
Les grilles qui ferment la rue et la séparent de la Villa des Platanes portent dans un cœur les lettres A et J. Je n'ai pas trouvé l'origine de ces lettres. Imaginons pour quitter la rue en beauté que ce sont deux amoureux qui ont voulu symboliser leur union !
Je mets à jour cet article en y ajoutant des photos de ce mois de juin 2024. On verra qu'aujourd'hui la plantation de simples n'est pas vraiment entretenue. Espérons qu'elle le sera bientôt pour le plaisir de tous!
2017
2024. Sur l'arcade : "Avancer sans voir avec les yeux fermés, avancer sans voir"
2017
C'est un jardin caché dans le passage des Abbesses, souvent inaccessible derrière sa grille cadenassée.
2024
C'est un endroit dont la discrétion vous attire comme le font dans les contes les jardins secrets...
2017
2017
Un beau jour vous tombez pile poil au bon moment, dans le bon créneau. Vous n'en croyez pas vos yeux : la grille est ouverte, le jardin se révèle!
2017
Vous avez pu y accéder par le square Jehan-Rictus, celui du fameux mur des "Je t'aime" sur la place des Abbesses.
2017
2017
Vous découvrez un monde nouveau, à la fois ordonné et sauvage avec des plantes exubérantes qui grimpent sur les murs et s'entrelacent!
Cette terre nouvelle porte le nom de "jardin des Abbesses"...
Un panneau informatif donne un petit cours d'histoire au visiteur et lui rappelle l'importance de l'Abbaye de Montmartre dont il ne resta presque rien après les années révolutionnaires...
Abbaye de Montmartre (abbaye d'en-haut et abbaye d'en-bas)
Si la jeune République de 1789 prit possession des bâtiments de l'Abbaye, ce fut pour la dépecer et la vendre...
On sait qu'il valait mieux alors ne pas être "abbesse" et qu'on courait le risque comme la dernière titulaire, Mme de Montmorency Laval, de finir sur la guillotine!
La vieille femme, sourde et aveugle fut condamnée pour avoir conspiré "sourdement et aveuglément". L'accusateur public avait le sens de l'humour noir.
Destruction de l'abbaye 1794
Les temps changent et la République de 1936, celle du Front Populaire, arracha à la spéculation immobilière qui allait bon train à Montmartre, ce bout de terrain resté sauvage, pour le transformer en jardin ouvert à tous.
Un jardin qui prit le nom des Abbesses!
2017
2024
La bonne idée des jardiniers est d'avoir créé un espace qui évoque un cloître, avec un puits en son centre.
2017
Autour de ce puits, ils ont planté des simples comme on en cultivait dans les monastères qui pratiquaient une médecine naturelle en utilisant les plantes dont on connaissait alors les vertus.
Ainsi trouve t-on dans ce jardin, entre autres plantes bénéfiques, la sauge dont le nom vient du latin "salvare" (sauver).
2017
2024
Céleri perpétuel ou livèche
On trouve encore le céleri perpétuel ou livèche, apprécié pour ses vertus diurétiques et stomachiques...
La véronique
La véronique était cultivée dans tous les monastères et abbayes qui s'occupaient des lépreux car elle était censée cicatriser les plaies. On lui donnait aussi le nom "d'herbe aux ladres" mais on lui préférait celui de Véronique, la sainte femme dont le linge qui avait essuyé le visage du Christ avait guéri l'empereur Tibère de la lèpre.
l'absinthe
Parmi les simples remarquables du jardin des Abbesses, comment ne pas s'arrêter devant l'artemisia absinthium?
L'absinthe était utilisée comme vermifuge et pourtant ce sont des faiseurs de vers comme Rimbaud, Baudelaire ou Verlaine (qui l'appelait "herbe sainte") qui l'apprécièrent sous forme de liqueur qui faisait "voyager"...
Ode à l'absinthe écrite par Musset :
Salut verte liqueur, Némésis de l'orgie!
Bien souvent, en passant sur ma lèvre rougie,
Tu m'as donné l'ivresse et l'oubli de mes maux;
J'ai vu plus d'un géant pâlir sous ton étreinte!
Salut sœur de la mort! Apportez de l'absinthe;
Qu'on la verse à grands flots!
2017
2024
2017
2017
Un habitué, le moineau du jardin des Abbesses qui en apprécie les plantes!
Et on pense à lui comme le montre cette photo de 2024
Les abbesses, si elles pouvaient revenir pour faire un petit tour dans notre époque, trouveraient ici de quoi se purger, se calmer, soigner les petits bobos et parfumer les armoires.
Enfin... disons qu'elles le trouvaient en 2017 mais qu'elles seraient bredouilles en 2024. J'espère qu'avant longtemps, les simples seront de nouveau plantées et que les abbesses trouveront de quoi apaiser leurs maux!
L'Art des Rues peut être agressif, provocateur, insolent et inventif. Il peut être aussi rêveur, poète, mystérieux. C'est à cette catégorie qu'appartient une artiste qui signe pourtant d'un nom peu romantique : "13 bis".
Eglise Saint Merry (juin 2016)
Voilà qu'elle a choisi pour s'exprimer une impasse de Montmartre, parmi les plus paisibles, les plus provinciales.
Il s'agit de l'impasse Marie blanche qui donne dans la rue Constance et la rue Cauchois. Un endroit habité par bien des fantômes qui ne se résolvent pas à disparaître. Copi, Koltès, Souplex, Mac Orlan, Morelli, Cormon...
Quand on avance dans la ruelle, ce qui attire tout d'abord c'est la douceur, le velouté mauve des teintes, la transparence, avant même de découvrir ce qui émerge de cette douceur.
Il s'agit d'une femme mélancolique telle que les peintres aimaient les représenter au début du XIXème siècle. On pense à Ingres sans être sûr de reconnaître le modèle repris pas l'artiste.
Beauté, tristesse, rêverie autour de laquelle se posent des fleurs, des papillons, des oiseaux.
Fidèle à son art, 13bis utilise ces éléments comme des collages surréalistes qui nous laissent libre interprétation.
Autour de la porte d'entrée, la flore devient luxuriante, presque étouffante.
Une porte est invitation à l'aventure, à ce qui se cache derrière elle, rassurant ou inquiétant.
Des sphinx protégeaient les temples d'Egypte. Ici ce sont des chats, divinités sensuelles et vigilantes.
Ils font corps avec la femme que l'on devine sur un divan dans un monde de luxe, calme et volupté.
Et puis notre œil est attiré par un objet mis en valeur, protégé de la profusion de fleurs et de feuillage. C'est une serrure ouvragée, comme celles des secrétaires précieux où se cachaient les lettres secrètes et interdites. Non pas la bonne serrure utilitaire de la porte verte qu'un cambrioleur avisé saurait forcer mais celle qui ne s'ouvre qu'aux rêveurs audacieux
La femme aux chats peut nous aider.
Il faut savoir l'approcher, l'apprivoiser peut-être afin qu'elle accepte que notre main se tende vers son oreille et saisisse le sésame, la clé qui nous permettra d'entrer dans son jardin!
Et je vous avoue que je suis entré dans ce jardin mélancolique où devisaient à l'ombre des grands arbres, Koltès et Copi, Mac Orlan et Morelli...
Montmartre corps et âmes.
Montmartre secret. Nombreux articles sur le street art. Quelques exemples :