Avant même de visiter cette exposition c'est l'affiche qui mérite qu'on la regarde. Il s'agit d'une œuvre de Suzanne Valadon, habituellement visible dans une petite salle du musée et qui éclate comme une fleur qui s'ouvre et dévoile dans sa corolle le pistil d'une jambe féminine.
Toile remarquable, chef d'œuvre de Suzanne Valadon qui sera peut-être un jour reconnue comme l'égale de ses grands contemporains et infiniment plus douée que son fiston Maurice Utrillo.
Il y a dans cette peinture, la liberté d'un Toulouse Lautrec, l'art du mouvement d'un Degas… il y a tout simplement le génie de Suzanne Valadon à qui une salle entière de l'exposition est consacrée et qui jouxte son atelier reconstitué et son appartement de la rue Cortot.
Les salles d'exposition malgré leur exigüité présentent divers aspects de la peinture des grandes années montmartroises, plus particulièrement autour de 1900.
Une place importante est donnée aux illustrateurs comme Albert Guillaume dont un album de chansons est presque intégralement exposé.
Il fut un des artistes en vogue de la Belle Epoque, affichiste, portraitiste, caricaturiste et illustrateur d'albums comme ce remarquable "Tristes et gaies"
…. On trouve également Ibels qui aimait peindre les artistes du cirque Fernando et qui illustra de nombreuses partitions...
L'exposition d'une grande unité et d'une variété qui rend hommage à la diversité et au talent des artistes montmartrois offre à tous l'occasion de connaître la collection de deux Américains Weisman et Michel amoureux de la Butte. Elle est à la fois éclectique et cohérente, fruit d'une passion commune.
Je retiendrai parmi toutes les œuvres présentées les quelques toiles de Bottini, un peintre au destin douloureux qui aurait eu à n'en pas douter s'il avait pu vivre plus longtemps une plus grande place dans le panthéon pictural.
Femme au renard et à l'éventail (George Bottini 1901)
Evidemment Willette, Adolphe de son prénom, créateur du Pierrot de Montmartre trouve sa juste place avec deux tableaux sensuels et poétiques.
Le tableau "une paire d'amis" représente sur l'épaule de Louison la chatte de Willette, Boulette. Salis, ami du peintre l'a accroché dans son cabaret du Chat Noir.
Willette crée son personnage de Pierrot, artiste et marginal, mal à l'aise dans une société bourgeoise. Ici Pierrot tente en vain de séduire une femme perchée sur une colonne, autant dire inaccessible, fière de montrer une poitrine réservée à d'autres hommes qu'à un Pierrot sans le sou.
Steinlen l'amoureux des chats est à l'honneur avec la quasi totalité de la frise "Chats et lunes" qui orna sans doute quelque temps les murs du cabaret de Salis. Illustrateur, affichiste et peintre, Steinlen était un homme engagé, un homme de cœur. Pas étonnant qu'il eût aimé les chats du maquis, recueillant les éclopés dans sa maison nommée à juste titre le cat's cottage!
Quelques toiles encore que j'ai particulièrement aimées….
Alfred Emile Méry : Chat noir tuant un rat.
Détail d'une toile au format original, étroit et haut… Elle était accrochée aux murs du cabaret. Salis y faisait passer un message très clair : le nouveau cabaret avait supplanté son rival de la place Pigalle le Café du Rat mort
George Luks, Scène de nuit, (1900)
Ici comme dans les toiles de Lautrec, dans l'ombre des femmes flamboyantes, se devine un homme inquiétant… souteneur, client… en tout cas prédateur.
Louis Legrand. Elégante à l'éventail (1900)
Edmond Lempereur. Yvette Guilbert (entre 1895 et 1900)
Cappiello. "Mieux vaut laver son linge chez soi" (1898)
On reconnaît le talent du grand caricaturiste et affichiste que fut Cappiello. Humour, traits précis et surlignés...
Loïe Fuller (Charles Maurin)
Les amoureux de Montmartre ont jusqu'au 19 janvier pour flâner entre les œuvres de la collection Weisman-Michel et pour entendre à l'étage des illustrateurs la grande voix populaire de Monique Morelli chantant les poème de Bruant.
Nostalgie…