Chaque mois de juin dans l'île d'Oléron les roses trémières s'élancent vers le soleil.
Il y en a plus que d'Oléronais!
Elles sont plus accueillantes que les Charentais qui voient débarquer les vacanciers comme des envahisseurs qu'ils traitent de "baignassoutes"
En voici quelques unes rencontrées
- sur le port de Saint-Trojan où elles égaient de leurs couleurs toujours renouvelées les cabanes ostréicoles qui s'écaillent (ce qui est naturel pour des cabanes ostréicoles!)
-d'autres dans les ruelles et les remparts du Château d'Oléron, la capitale méridionale de l'île
-d'autres enfin au Grand Village où elles sont mes voisines avec les bignones et les albizias...
J'ai écrit pour elles un poème que je leur dédie après ces photos de notre rencontre...
I SUR LE PORT DE SAINT-TROJAN
II AU CHÂTEAU D'OLERON (le bastion, la porte du refuge des Pachats)
Les remparts
Les remparts.
Le Château. les cabanes d'artisans
III LE GRAND VILLAGE. Passage des ïles
Le Grand Village. Rue des Saulniers
La rose trémière
La rose dans mon île est rose du vertige
Sur sa dernière fleur il pousse une autre fleur
Qui se hausse du col au sommet de sa tige
Et par-dessus le mur jette un oeil en couleur
La rose dans mon île est la rose trémière
Elle est née au printemps sur le chemin de pierres
Dans la ruelle étroite au pied des maisons blanches
Sur un mur de la Galerie d'art de la place du Tertre, un grand panneau est apparu en avril 2021 avec les lettres de l'amour.
Montmartre qui a déjà élevé dans le square Jehan-Rictus de la place des Abbesses le mur des "Je t'aime" semble vouloir mériter une réputation qui attire les amoureux du monde entier.
Le nom de l'auteur est écrit en-dessous, sur un fond blanc : Patrick Rubinstein.
Ce créateur né en 1960 est désormais célèbre et on peut voir ses oeuvres dans divers musées du monde.
On pense aux tableaux de Vasarely, père de l'art optique, qui nous donnait à voir une réalité trompeuse, mouvante, différente selon les angles de vision (il a sa photo sur le tableau).
Il suffit de bouger pour découvrir, surgissant d'un fond qu'on croyait uni et abstrait tout un monde concret.
Rubinstein pour moi, c'était Arthur, un immense pianiste que j'ai eu l'occasion d'applaudir au théâtre des Champs Elysées. C'est étrange mais je pense à lui devant ces lamelles de couleur qui racontent une histoire dès que nos yeux s'y fixent, comme les touches de piano le font dès que les doigts du pianiste s'y posent.
Ainsi avons-nous l'impression de participer à une création qui est aussi un jeu, un puzzle de l'humanité dont chaque pièce est un visage.
Sur le côté de l'oeuvre nous sont données les clés, les réponses à nos interrogations avec le nom de chaque visage révélé par les lames. Il y a neuf panneaux et neuf listes avec numérotation...
Des visages de la terre entière, d'époques différentes, d'hommes et de femmes qui se sont illustrés dans divers domaines
Des peintres, écrivains, poètes, musiciens, cinéastes, artistes, hommes et femmes politiques....
...et mêlés à eux des visages imaginés par des peintres comme celui de Vénus de Botticelli...
Tous participent à l'enchantement du monde. Tous font notre humanité dans son universalisme. Tous sont unis sous les quatre lettres de LOVE.
On rêve que notre monde leur ressemble et que tous les humains se réunissent sous le même drapeau, sans préjugés, sans race.... Humains tout simplement.
L'impasse Girardon n'est pas une impasse et elle ne devrait plus s'appeler Girardon puisqu'elle forme en réalité le côté pair de l'avenue Junot.
Mais enfin, elle est là, faussement modeste mais fière au fond de rappeler son histoire aux Montmartrois souvent oublieux.
A l'origine il y avait Montmartre, un village où jaillissait une source au fond de l'impasse actuelle. Elle était sacrée, plus que les autres fontaines du village, car Saint-Denis en personne s'y était arrêté pour laver son chef décapité tout ruisselant de sang, avant de reprendre sa marche vers la plaine et s'arrêter là où on élevera en son honneur une des plus belles églises gothiques de France.
La fontaine fut vénérée et elle produisit des miracles si nombreux qu'elle s'épuisa et disparut en 1810 dans les sous-sols crayeux pour ne jamais revenir. Elle avait eu le temps de donner son nom à la petite rue qui fut pendant des siècles la rue de la fontaine miraculeuse.
En 1850 une nouvelle fontaine fut aménagée à quelques dizaines de mètres plus au nord, dans ce qui est aujourd'hui le square Suzanne Buisson. Une statue de Saint-Denis portant devant lui sa tête mitrée y fut élevée.
Fontaine du But
La rue avait déjà changé de nom et s'appelait rue de la Fontaine du But, sans raison, car cette fameuse fontaine du but se situait en bas de la rue de l'abreuvoir actuelle.
Impasse Girardon
En 1863 l'impasse reçut enfin le nom que nous lui connaissons toujours.
Impasse Girardon
La Butte n'était pas encore écrasée par les immeubles qui allaient bientôt se précipiter sur elle comme une horde barbare. Partout où ils s'installèrent, l'herbe ne repoussa pas.
Evidemment nous regrettons cette époque où Montmartre appartenait aux artistes sans le sou et aux pauvres gens mais c'est une vision romantique que nous en avons et qui fait fi de la grande misère qui y régnait du temps du maquis dont les baraques de bric et de broc venaient jusque là, constituant en partie notre impasse Girardon.
Une des baraques les plus connues était la maison du philosophe ainsi nommée par les maquisards moqueurs car elle ressemblait à un gros tonneau et que son propriétaire, barbu et à moitié nu, se prenait pour Diogène. Il cherchait un homme, il trouva des promoteurs!
Avenue Junot (Leprin 1912)
Promoteurs qui vinrent avec leurs plans et leurs banquiers pour faire du bidonville et du chemin de terre qui grimpait entre les moulins le quartier huppé de la rue Caulaincourt et de l'avenue Junot.
Photo 1925. Début de l'avenue Junot et côté droit notre impasse Girardon.
Une partie de l'impasse Girardon fut détruite au bénéfice de l'avenue mais une autre partie resta debout car s'y étaient construites des maisons plus solides habitées par des artistes bien décidés à ne pas se laisser faire. C'est comme ça que notre impasse garda son nom modeste qui fait le pied de nez à l'avenue prestigieuse.
Avenue Junot (le théâtre 13 de Lelouch). Le côté pair est occupé dans sa première partie par l'impasse Girardon.
Plusieurs personnages ou personnalités de Montmartre ont vécu à cette adresse. Tout d'abord, au temps du maquis, nous trouvons le baron Pigeard dont l'atelier est situé au fond de l'impasse. Artiste qui ne vend pas ses toiles et préfère confectionner des maquettes de bateau, il aime monter des canulars avec ses copains de l'hôtel Bouscarat. Il est ainsi le fondateur de la célèbre UMBM, Union Maritime de la Butte Montmartre.
Il disparaît en même temps que les cabanes du Maquis.
S'il est difficile de trouver aujourd'hui des toiles de Pigeard, il n'en est pas de même d'un autre peintre qui débarqua à la fin du XIXème siècle et sans un sou en poche trouva refuge dans une roulotte de tziganes au fond de l'impasse Girardon.
Femme couchée (Van Dongen) Guus, sa femme. 1904.
Il s'agit de Van Dongen, un des peintres qui contribua à la renommée de la Parisienne sensuelle, mangée par ses yeux, à la fois gaie et mélancolique. Avant de vivre au Bateau-lavoir, il resta pendant 5 ans dans l'impasse avec sa femme Guus et sa fille Dolly. Il survécut grâce à de petits métiers et à la vente de quelques aquarelles sur le trottoir du cirque Médrano sur le boulevard de Rochechouart.
Les fêtards 1903. Van Dongen)
En 1904, il exposa avec Matisse chez Vollard et commença à être reconnu des amateurs.
Le guitariste (Paco Durrio) par Gauguin
Un autre artiste a trouvé refuge dans l'impasse. Il s'agit de Paco Durrio, sculpteur, céramiste, orfèvre, ami de Picasso.
Après avoir vécu au Bateau Lavoir où Picasso reprit son atelier, il habita place de l'Abreuvoir (aujourd'hui place constantin Pecqueur) dans une petite maison villageoise qui y subsistait encore mais d'où il fut expulsé quand furent construits les gros immeubles que nous voyons aujourd'hui.
Maison de Paco Durrio, impasse girardon.
Il trouva alors une maison dans l'impasse et il y fit construire un four pour ses céramiques. Il ne quittera cette maison qu'en 1939, un an avant sa mort.
Signalons encore la présence pendant deux ans (1910-1912) d'un garçon qui deviendra un grand écrivain : Jules Romains. Son père Henri Farigoule avait été nommé instituteur en 1887, il déménagea plusieurs fois dans le quartier à la recherche d'un loyer modeste. Il habita rue Marcadet, rue Simard, rue Lamarck et enfin impasse Girardon.
Le jeune Louis Farigoule a donc été enfant de la Butte et il put y assister à la métamorphose du quartier. Peut-être a t-il joué dans les rues avec les petits poulbots!
D'autres peintre encore ont vécu plus ou moins longemps dans cette impasse Girardon. Parmi eux, Jules Pascin, en 1909. Ce peintre qui a transformé sur le conseil de Picasso son nom de Pincas en Pascin est arrivé à Paris en 1905 où il a acquis très vite la réputation d'être le peintre des nuits parisiennes. "Anarchiste déguisé en dandy", il a connu le fauvisme, le cubisme, et s'est créé son propre univers. Après une vie mouvementée, il se suicida dans son atelier du 36 boulevard de Clichy.
Mais s'il n'a été qu'une étoile filante impasse Girardon, ce ne fut pas le cas de celui dont le nom reste attaché au lieu, Gen Paul (1895-1975), le seul à avoir sa plaque sur le mur!
Eugène Paul dit Gen Paul est un vrai montmartrois, né rue Lepic, vivant et peignant pendant 58 ans (de ses 22 ans à sa mort) dans l'impasse Girardon.
Il est doué pour la peinture quasi spontanée, comme née d'un élan physique qui jette sur la toile les touches rapides et nerveuses. Il laisse presentir un art abstrait que cependant il ne tentera pas. Ami de Juan Gris au Bateau Lavoir, il subit diverses influences avant de trouver son propre style. Ses meilleures oeuvres datent des années 1925-1930. Il tombera ensuite dans la répétition et la facilité.
Personnellement je n'aime pas son travail mais ce n'est qu'un avis personnel. Il paraît que les goûts et les couleurs ne se discutent pas! Ce qui est idiot, car de quoi discuterions-nous?
Il est connu également pour avoir été ami de Céline qui lui demanda d'illustrer ses deux meilleurs romans, "le Voyage au bout de la nuit"et "Mort à crédit."
Bardamu-Céline (Gen Paul)
Il partageait avec lui un antisémitisme virulent et les deux copains restaient des soirées entières à partager leur passion raciste. Gen Paul appelait son voisin de la rue Girardon Ferdine. Il apparaît sous les traits d'un cul de jatte dans "Féérie pour une autre fois" de Céline. Il est vrai qu'il claudiquait depuis qu'il avait perdu une jambe pendant la guerre de 14.
Le Vigan dans "Les bas-fonds" de Renoir
On ne peut s'empêcher de penser à ces deux "amis" qui n'avaient que quelques pas à faire pour se retrouver. On peut penser à un troisième, l'acteur Le Vigan qui vivait lui aussi, comme Céline, rue Girardon, partageant la même haine des Juifs. C'est plutôt son chat que nous avons envie d'évoquer, parce que les chats ignorent le racisme!
Le chat c'est Chibaroui que Le Vigan et son amie Tinou ont acheté à la Samaritaine. Il est laissé en semi liberté et il aime se dorer au soleil de l'impasse qui s'ouvre devant l'immeuble où habitent ses maîtres. Lucette Almanzor tombe amoureuse de l'animal et convainct sans mal Céline de l'adopter. Il ne sait pas Chibaroui qu'il va devenir Bébert, le chat le plus célèbre de la littérature!
Il n'a pas sa plaque sur les murs mais c'est à lui que je pense en quittant l'impasse Girardon!
Voilà un petit square qui survit vaillamment dans le bruit et la pollution de la rue Lafayette toujours encombrée et nerveuse.
Adolphe Alphand par Alfred Roll
Il est là depuis qu'Alphand "le père des espaces verts parisiens" l'a terminé en 1863 comme 23 autres dans paris. Notre homme était écologiste dans l'âme et il aménagea quelques uns des plus beaux jardins de Paris : parc Monceau, des Buttes Chaumont, bois de Boulogne et Vincennes, jardins des Champs-Elysées.....
Auparavant le terrain où le square est implanté faisait partie des jardins de l'hôtel particulier de Charles Sanson, 2ème du nom et bourreau officiel de la ville de Paris. Il succèda à son père en 1707 et il eut à son palmarès la décapitation d'une femme et l'exécution de Cartouche, le brigand légendaire. Son palmarès néanmoins reste modeste comparé à celui de son petit fils Charles-Henri Sanson qui, la guillotine aidant fit tomber dans le panier de son quelques 3000 têtes dont celle, découronnée de Louis XVI.
Le square ne garde aucune trace du bourreau qui repose avec sa dynastie dans le grand jardin qu'est le cimetière de Montmartre, à moins d'un km de là.
Du square des origines peu d'éléments subsistent car l'espace a été remodelé en 1981 et découpé en carrés et rectangles, espaces de jeu pour les petits, de sport pour les ados... L'harmonie initiale a disparu comme dans de nombreux squares parisiens qui finissent par se ressembler,
Ont subsisté quelques arbres dont deux magnifiques platanes âgés de plus de 150 ans.
Les grilles également sont d'origine, en forme de coeur avec entrelacs de fleurs et d'épis. Les lignes centrales autour d'une fleur-soleil dessinent une lyre.
Elles sont dues à Gabriel Davioud (1824-1881) qui fut un architecte très actif pendant le 2nd Empire et qui a laissé à Paris quelques unes de ses plus belles fontaines: fontaine Saint-Michel, fontaine des quatre parties du monde (avec Carpeaux), fontaine de la place du Châtelet...
Sans compter des bâtiments remarquables comme les deux théâtres de la place du Châtelet.
En 1879, la ville fit l'acquisition d'une statue qu'elle plaça au centre du square, au milieu d'une pelouse : "Gloria Victis" d'Antonin Mercié.
La statue réalisée après la défaite de 1871 était vite devenue populaire. "Vae victis" (malheur aux vaincus) la célèbre formule de Brennus devient "Gloria victis" (gloire aux vaincus). La renommée ailée et cuirassée emporte vers le ciel un jeune soldat dénudé dont la main droite tient un sabre brisé. Statue patriotique s'il en est! Le héros mort pour la patrie entre dans l'immortalité...
La statue dont plusieurs villes réclament aussitôt une copie ne reste que cinq ans square Montholon avant de s'envoler à tire d'ailes jusqu'à l'Hôtel de ville où elle séjourne jusqu'en 1930. Elle est alors cachée dans le dépôt d'Auteuil, ce qui lui épargne l'humiliation d'être fondue pendant l'occupation par les descendants des Prussiens de 1871. Enfin, en 1930, elle s'envole une dernière fois vers le Petit Palais où elle se trouve bien, sur ces Champs Elysées où comme l'on sait les héros antiques trouvent le repos.
Il reste dans le square un groupe qui depuis son installation en 1925 n'a pas bougé. Il est vrai qu'il n'est pas ailé contrairement à lastatue dont il apris la place. Il s'agit de "La sainte Catherine" marbre sculpté par Julien Lorieux en 1908 et acheté par la Ville.
Il représente cinq catherinettes qui ont mis leur plus belle tenue, coiffé le fameux chapeau avec fleurs d'oranger et sortent de l'atelier, le 25 novembre, pour se rendre au bal et rencontrer peut-être l'homme de leur vie.
C'est souvent dans les milieux modestes (couturières, modistes) que les femmes restaient plus longtemps célibataires. Cet aspect social, Julien Lorieux ne l'ignore pas, lui qui est né et a vécu dans le IXème arrondissement. Voilà pourquoi il complète le nom qu'il donne à son groupe par une dédicace "à l'ouvrière parisienne".
Julien Lorieux avait été élève d'Antonin Mercié dont le "Gloria victis" a laissé la place libre pour "la sainte Catherine". Or, Julien Lorieux, tel le jeune soldat dénudé, est mort en 1915, touché à la tête par un éclat d'obus. La Renommée ailée a peut-être emporté vers les Champs-Elysées ce jeune mort pour la patrie. Ou plus simplement, ce sont les sourires juvéniles de ses catherinettes que se sont chargés de sa renommée!
On aimerait quitter le square avec ces sourires mais avant de pousser les belles grilles de Davioud, nous découvrons entre les buissons en fleurs une plaque de verre que nous n'avions pas remarquée.
Elle égrène les noms des enfants juifs arrêtés sous Vichy et assassinés dans les chambres à gaz. Ils étaient trop jeunes pour être scolarisés et leurs noms ne figuraient donc pas sur les plaques apposées sur le mur des écoles. Ils ont trouvé place sur cette plaque de verre, légère, fragile, à peine visible.... dans ce jardin où leur mère n'osaient plus s'asseoir sur un banc, comme les autres mères, pour les regarder sourire sous les feuillages des platanes centenaires.
Adieu mai 2021! On ne peut pas dire que tu aies été glorieux! Entre masques, gestes barrières et météo automnale, tu ne nous laisseras pas un souvenir lumineux! Je pense à Apollinaire, mon poète de chaque jour: