Voilà encore un personnage de la Butte qui a marqué le quartier et enrichi la légende de Montmartre : Frédé... inséparable de son âne Lolo.
Frédé et Lolo rue des Saules
De son vrai nom Frédéric Gérard (né à Athis-Mons en 1860), il arrive à Montmartre dans les dernières années du XIXème siècle.
Frédé dans le jardinet du Lapin agile.
En 1901, pour exercer ses talents de chanteur et guitariste, il reprend à bas prix un cabaret fondé en 1900 par l'anarchiste Gilbert Lenoir, Le Zut, au 28 rue de Ravignan, nommé ainsi en hommages aux zutistes de Charles Cros.
Frédé et Lolo rue des Saules, devant le lapin agile.
Frédé veut diversifier la clientèle constituée presque exclusivement d'anarchistes prompts à la bagarre. Il y parvient et le cabaret s'ouvre à, de nouveaux habitués comme Léon Paul fargue, Max jacob ou Mac-Orlan.
Picasso n'a que quelques pas à faire, depuis le Bateau-Lavoir voisin. Il apprécie le lieu et il décore deux murs. L'un d'eux représente la Tentation de Saint-Antoine.
Frédé, inspire le personnage de Frédéric du "Quai des Brumes" de Mac-Orlan porté au cinéma par Carné. Une bagarre mémorable se retrouve également dans le film, celle qui éclate un soir de 1902, dure toute la nuit et se termine par un véritable siège à la suite duquel le cabaret est fermé par la police.
Une partie du film a été tournée au Lapin Agile, mais c'est bien de la bagarre du "Zut" qu'il s'agit...
Quant au Lapin, c'est là que Frédé se retrouve avec sa compagne Berthe Sebource qui a repris le cabaret.
La famille recomposée y vit avec la fille de Berthe, Marguerite dite Margot, Victor et Paulo, deux des six enfants que Frédé a eus avec sa femme Pauline Gacogne.
Frédé y abrite aussi son arche de Noé : son singe, son corbeau, ses souris blanches, son chien et son âne connu de tout Montmartre, avec lequel, pour arrondir les fins de mois difficiles, il parcourt les rues, les hottes chargées de poissons.
Frédé apprécie son nouveau domicile où il se métamorphose en potier le jour et en animateur la nuit.
Il aime prendre sa guitare et chanter des chansons réalistes, qu'écoutent avec amitié à défaut d'admiration les habitués... tandis que Lolo, dans le jardinet de la rue des Saules, ponctue de ses braiements le tour de chant de son maître...
Frédé et Mac orlan.
Frédé essaye comme il l'avait presque réussi au Zut de diversifier la clientèle et de privilégier les artistes. Il accueille ceux qui n'ont pas de quoi payer et leur offre tartines de pâté et verres de vin.
Mais rien à faire, les habitudes ont la vie dure et les voyous de la Goutte d'or viennent certains soirs, tirer à travers les vitres et provoquer de nouvelles bagarres.
L'une d'elles en 1910 cause la mort de Totor, le fils de Frédé, tandis que Lolotte qui n'est pas la copine de Lolo mais la servante du cabaret est grièvement blessée.
Il faut croire que bien des témoins avaient intérêt à ce que l'on ne retrouvât jamais les responsables car l'affaire ne fut jamais élucidée... L'omerta n'est pas une exclusivité corse !
..Et Frédé avec son improbable tenue de bandit calabrais ou de Robinson parigot a continué de tirer sur sa bouffarde, sans desserrer les mâchoires.
Marguerite Luc, la fille de Berthe devient l'épouse de Mac-orlan qui est un des familiers des lieux. Picasso qui aime s'installer à la terrasse, la représente avec le corbeau de Frédé.
C'est encore au Lapin qu'il peint son "Arlequin au verre".
En 1910, Lolo inspire aux joyeux buveurs du cabaret une farce restée célèbre. Il est initié à la peinture au cours d'une séance mémorable par Dorgelès et Warnod, encouragés par les applaudissements des clients. Ils fixent une brosse à la queue de Lolo, la trempent dans la peinture, approchent une toile que les battement de queue de Lolo couvre en rythme de couleurs...pendant que Frédé lui offre des gâteries pour accélérer le mouvement caudal....
La toile est signée Boronali (anagramme de l'âne de Buridan, Aliboron). Elle est envoyée au Salon des Indépendants, avec pour titre "Et le soleil se coucha sur l'Adriatique". Elle connaît un certain succès et est saluée par la critique.
Voilà comment à Montmartre, avec le concours de Lolo, on choisit de se moquer des critiques d'art, si souvent aveugles...
En 1913, les affaires vont mal. Le Lapin risque d'être saisi et démoli. Bruant qui sympathise avec Frédé le rachète et laisse la gérance à son ami. Mais la guerre arrive, beaucoup d'artistes sont mobilisés, certains ne reviendront pas.
La vie montmartroise est en veilleuse et après guerre sera concurrencée par Montparnasse...
Frédé voit peu à peu disparaître le vieux Montmartre et pousser les immeubles sur les cabanes du Maquis.
Sa santé se dégrade et Lolo gravit plus difficilement les rues en pente. Le fils de Frédé va prendre la relève en 1922 quand Bruant qui a fait de lui son élève et lui a appris à chanter ses poèmes, lui cède le Lapin.
Mais c'est une autre histoire...
Frédé s'exile dans un petit hameau, les Armenats, non loin du village de Mac Orlan, Saint-Cyr sur Morin, aujourd'hui jumelé avec Montmartre.
Lolo est trop habitué à Montmartre, aux hommages que lui rendaient chaque jour les fêtards pour se plaire dans la campagne ennuyeuse et humide. Il déprime et un jour, on le retrouve noyé dans le petit ruisseau qui court en bas du champ.
Frédé meurt peu de temps après, en 1938.
En cette fin d'année, un manège est venu s'installer devant la basilique que Frédé et Lolo avaient vu, sans enthousiasme s'élever au sommet de leur colline...
... et c'est peut-être Lolo qui est venu retrouver son Montmartre...
C'est peut-être lui qui tourne à la recherche de son Frédé !
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Liste et liens: Peintres et personnages de Montmartre. Classement alphabetique.
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Barbara a chanté la chanson de Michel Vaucaire écrite pour Frédé...
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