1er janvier. Montmartre revêt les couleurs de l'Europe. Grosse polémique ridicule à propos du drapeau européen à l'Arc de Triomphe!
Pas encore de polémique sur le bleu du Sacré-Coeur!
2 janvier. Le soir avec la foule devant le Sacré-Coeur.
3 janvier. Dans le jardin des chiens, square Nadar. Le petit animal n'a pas besoin de masque.
4 janvier. La nuit le Sacré-Coeur est bleu mais le jour c'est le ciel!
5 janvier. Place du Calvaire.
6 janvier. Nouveau décor du restaurant du moulin, influence mexicaine.....
7 janvier. Petite famille au complet, square Nadar.
8 janvier. Le visage de l'amour. Square Louise Michel.
9 janvier. Sourires d'Asie! Escalier du sacré-Coeur.
10 janvier. Comment traumatiser un bébé! Place Saint-Pierre.
11 janvier. Au-dessus de la ville brumeuse.
12 janvier. Se tenir chaud devant la ville glacée.
13 janvier. Le cheval et la lune. Square Louise Michel.
14 janvier. Le roi doré se maquille. Place Saint-Pierre.
15 janvier. Solitude.
16 janvier. 17h. Le nuage comme un oiseau de Magritte qui se dissout.
17 janvier. On s'aime à Montmartre.
18 janvier. Le parasol bleu. La place du Tertre est débarrassée jusqu'au printemps des structures sinistres qui abritent les terrasses envahissantes des restaurants!
19 janvier. Le chat dans la vitrine avec Bouddha. Haut de la rue Lepic.
20 janvier. Le moulin dans le ciel (rue Lepic)
21 janvier. vivre dans une bulle!
22 janvier. L'arbre coupé. Rue Paul Albert.
23 janvier. "Frères humains qui devant nous passez, n'ayez le coeur contre nous endurci..."
24 janvier. Le petit lapin a perdu son bébé. Grilles de la basilique.
25 janvier. Marches du Sacré-Coeur. Le monde brillerait comme un soleil si nous aimions comme savent aimer les chiens.
26 janvier. Il y a toujours des amoureux qui s'embrassent au sommet de la ville, là où tant de couples ont accroché un cadenas avec leurs noms afin que leur amour dure toujours, ou presque.
27 janvier. Un soir froid et magique où la rue de l'abreuvoir m'appartenait!
28 janvier. Un échappé de Jurassic Park!
29 janvier. Nouveaux amateurs de peinture sur la place du Tertre.
30 janvier. Un petit goût d'été!
31 janvier. Dernier soir du mois. En attendant le printemps!
Voisin de l'Auberge du Clou vandalisée légalement en 2021 pour laisser place au Seasons Martyrs, il y eut un autre cabaret flamboyant de Montmartre : l'Âne rouge.
Là ou était l'âne rouge, vous trouverez le "paprika"!
Il a depuis fort longtemps cessé de braire et au 28 avenue Trudaine il a laissé place au "Paprika" du nom d'une épice de couleur rouge elle aussi, mais il est hors de question de ne pas le "ressusciter" le temps d'un article, tant il fait partie de l'histoire de notre quartier.
Cartouche (illustration de Tessier et Sarrou).
Remontons au second Empire, en 1870, avec le père Laplace que certains appellent "le père de Montmartre". En effet, marchand de tableaux avisé, il eut l'idée d'organiser des rencontres d'artistes, poètes et peintres autour d'un verre, dans sa boutique. Devant le succès, il la transforma en café, "La Grande Pinte", hommage à un célèbre débit de boissons (créé en 1724) situé à la barrière d'Antin, là où trône aujourd'hui l'église de la Trinité et qui eut pour fidèle client le brigand Cartouche qui appréciait le puits de l'établissement donnant accès à des souterrains précieux en cas d'alerte.
La Grande Pinte de Laplace peut être considérée comme un des premiers cabarets montmartrois où s'exprimaient et étanchaient leur soif poètes et chanteurs!
C'est en 1889 que commence l'histoire de notre cabaret quand la Grande Pinte est rachetée par Gabriel Salis pour devenir l'Âne Rouge.
Le Chat Noir de Rodolphe Salis, d'abord sur le bd de Rochechouart (ensuite rue de Laval, aujourd'hui Victor Massé)
Le nom de Salis est familier aux oreilles des Montmartrois ! Salis! Le Chat Noir! Le cœur même du Montmartre des artistes et de la Bohême! Mais attention, un Salis peut en cacher un autre! Le Chat Noir appartient à Rodolphe Salis tandis que l'Âne rouge est la propriété de Gabriel Salis, son frère cadet.
Enseigne de Willette pour le Chat Noir, rue de Laval (aujourd'hui Victor Massé)
Les deux frères ne s'entendent pas, ou alors comme chien et chat (à cause d'une rivalité féminine)! C'est pour concurrencer Rodolphe que Gabriel ouvre son cabaret à proximité du Chat Noir.
Le nom aurait été trouvé par Willette pour se moquer du mauvais caractère un tantinet buté de Rodolphe et de sa crinière rousse.
Caricatures de Willette :
- Il fut un temps où je portais la farine au moulin...
_ Mais j'en avais plein le dos de Pierrot et de sa farine...
- Et il est mort depuis...
- Là ousqu'est mon mouchoir?
- Mes amis tout ça est à vous... pour de l'argent! Buvez et multipliez!
- C'est pour la réparation de la Butte qui s'écroule sous le poids de ma gloire
- De l'audace, de l'audasse et encore de l'audasssse et toujours de l'audasssssse! (Willette)
Gabriel Salis surnommé le léopard ou encore le don Quichotte de Montmartre, moins autoritaire que son frère entraîne avec lui une partie des habitués du Chat Noir, à commencer par Willette qui accroche dans la grande salle son tableau peint après la Commune "la fédérée de la place du Tertre".
Tableau inspiré par un poème de Richepin qui sera plus ou moins copié par Bruant :
"Le drapeau rouge autour du corps
Lui allait mieux qu'un linceul d'or
Elle est tombée la gueule ouverte
A Mont-merte".
Parmi les artistes qui participent au "décor" en accrochant quelques unes de leurs œuvres, nous trouvons Steinlen, celui-là même qui a créé pour Salis l'affiche devenue icône de Montmartre.
Nous trouvons encore Georges De Feure peintre symboliste qui avait son atelier à proximité, rue de l'agent Bailly et qui mérite d'être redécouvert.
Georges de Feure (femme dans la neige)
L'Âne rouge connaît un grand succès avec la venue de la bande des Hydropathes de Goudeau et avec quelques personnalités marquantes de la bohême montmartroise. Il suffit de citer Verlaine, Charles Cros, Xavier Privas, Marcel Legay, Gaston Couté, Paul Delmet, Willette, Steinlen, Bottini.... Toutes ces figures montmartroises habituées de l'Âne rouge n'en fréquentent pas moins d'autres cabarets, d'autres lieux mythiques aujourd'hui qui se réclament de leur célébrité.
Gabriel Salis dans son cabaret (caricature de Lepetit)
Gabriel Salis contribue à l'ambiance joyeuse et impertinente. Il se réjouit de voir s'anémier le Chat Noir de son frère tandis que son Âne est en pleine forme.
Rodolphe Salis tente de retrouver le succès en organisant des tournées dans toute la France et en innovant avec le théâtre d'ombres dont certaines silhouettes sont conservées au musée de Montmartre. La dernière séance eut lieu en 1896, après quoi Rodolphe pris d'une folie destructrice s'acharna contre le mobilier et la décoration de son établissement, hâtant sa mort définitive.
Il meurt l'année suivante, en 1897. Gabriel Salis eut-il du remords, retrouva -t'il l'affection perdue pour son frère? Toujours est-il qu'il vendit son Âne rouge peu de temps après, en 1898.
Son acquéreur fut André Lesage, dit Andhré Joyeux, compagnon de la première heure et chansonnier apprécié qui n'eut pas le temps de faire ses preuves à la tête de son cabaret car, atteint d'un cancer à l'estomac, il se suicida en septembre 1899.
Il ne reste que quelques années de vie à notre Âne rouge qui est racheté en 1900 par Mauricette Renard puis en 1903 par Léon de Bercy, chansonnier, parolier, membre du Club des Hydropathes et ami de Bruant avec qui il écrit un dictionnaire de l'argot, mais mauvais gestionnaire qui abandonne le pauvre Âne en 1905.
C'est la fin du cabaret mais pas de son nom. Un certain monsieur Choulot ouvre un restaurant qui garde pour sa publicité l'enseigne devenue célèbre.
Quelques années plus tard le nom disparaît à son tour. Les fourneaux du restaurant s'éteignent et c'est une boulangerie qui s'installe à sa place. Fin de l'Âne Rouge!
Le Paprika qui aujourd'hui occupe son emplacement n'a pas détruit la céramique originelle au-dessus de la porte avec notre âne rouge gourmand, tenu en laisse par une femme nue virevoltante! Ultime relique du célèbre cabaret!
L'auberge du clou, 30 avenue Trudaine, fait partie de l'histoire montmartroise. Il était difficile d'imaginer qu'elle serait un jour sacrifiée malgré les protestations des riverains et des amoureux de Montmartre. Voilà! C'est chose faite, elle a été saccagée et remplacée il y a quelques mois par un établissement aseptisé et sans âme qui fait partie d'une chaîne : le Season Martyrs, "restaurant healthy au cœur de Pigalle"!
"Season" un nom angliche pour être branché et faire comme si le mot ne venait pas du français "Saison" et "Martyrs" pour rappeler la rue voisine plus "bobo" que l'avenue Trudaine qui est la véritable adresse du restaurant.
Martyrs, c'est bien choisi au fond pour un lieu historique saccagé
Il faut rappeler ce qu'était ce lieu et l'importance qu'il a eue dans la vie mouvementée et créatrice du quartier.
Il est créé en 1881 par Jules Mousseau, acteur qui jouit d'un certain renom pour avoir joué avec succès dans l'Assommoir, pièce tirée du roman de Zola. Mousseau a pour associé Paul Tomaschet dont la femme (la mère Tomas) figure dans l'encadrement de la porte sur le cliché ci-dessus.
Jules Mousseau (à gauche) dans l'Assommoir).
Le succès de l'auberge est immédiat. Il est dû en bonne partie à Depaquit. Ce dernier s'est brouillé avec Rodolphe Salis et pour marquer son irritation décide de ne plus fréquenter le Chat Noir. Il quitte ce cabaret avec toute sa bande des hydropathes et trouve refuge à l'auberge du clou!
Depaquit, maire de la Commune libre de Montmartre.
Une précision sur le nom de l'établissement. Il est dû à une habitude que l'on trouve dans d'autres cabarets, celle de planter sur le mur des clous qui permettent aux artistes fauchés d'accrocher un tableau afin de payer leur écot.
Les murs sont vite surchargés et il faut entreposer les oeuvres dans la cave! D'autant plus que neuf grandes toiles de Willette occupent une bonne partie des surfaces disponibles! Malheureusement ces toiles ont disparu comme beaucoup d'autres qui ornaient les cabarets de Montmartre.
Un autre artiste de Montmartre, et non des moindres, participe au décor. Il s'agit de Steinlen, le peintre des chats, l'humaniste du Cat's cottage.
Dans la cohorte qui suit Depaquit on trouve Alphonse Allais, Jehan-Rictus, Léon Paul fargue, Alfred Jarrry... Que du beau monde, des artistes marginaux qui mettent de l'ambiance dans les cabarets montmartrois qu'ils fréquentent.
Dans la grande pièce du rez de chaussée trône un vieux piano qui malgré ses notes déficientes permet à Erik Satie d'improviser de courts récitals qui servent à régler ses additions fortement alcoolisées par l'absinthe.
Satie (Valadon)
C'est à l'auberge du clou que Satie rencontre Valadon pour qui il éprouve illico une passion dévorante. La liaison durera cinq mois, ce qui n'est pas mal à Montmartre. Il n'est pas sûr que Suzanne ait éprouvé la même attirance pour le musicien mais ce qui est sûr c'est que ce dernier eut l'imprudence de lui présenter un de ses bons amis, Paul Moussis, qui séduira la jeune femme et l'épousera.
Un autre musicien aime se mettre au piano, c'est Achille de Bussy, le futur Claude Debussy! Il vient sans doute mettre en pratique les leçons qu'il a reçues d'Antoinette Mauté, sa prof qui le reçoit non loin de là, rue Nicolet où sa fille Mathilde élève son fils George, fruit de son mariage avec Paul Verlaine qui s'est enfui loin du logis familial avec Rimbaud.
Courteline (Charles Léandre)
Un des habitués les plus fidèles n'est pas musicien mais écrivain. Courteline a sa table située à un endroit stratégique d'où il peut observer et entendre. Il note dans ses carnets les réparties les plus savoureuses susceptibles d'être réutilisées dans ses pièces. Il est au fond l'inventeur des "brèves de comptoir".
"Le chalet" du 5 rue d'Orchampt où habita Courteline.
Il ne fait défection qu'en 1903 lorsqu'il quitte Montmartre, le cœur brisé, pour s'installer dans un quartier en pleine expansion du côté de Picpus. Il a 45 ans et il vit cet exil comme un adieu à sa jeunesse excentrique et bohême. Il cesse d'écrire neuf ans plus tard, loin de son "cabinet de travail" de l'auberge du clou.
Pour le plaisir, quelques phrases qu'il a peut-être écrites à l'auberge du clou :
"On change plus facilement de religion que de café".
"L'alcool tue lentement. On s'en fout. On n'est pas pressés."
"Les pianos devraient être frappés de deux impôts. Le premier au profit de l'Etat, le second au profit des voisins." (j'imagine qu'il ne parlait ni pour Debussy ni pour Satie!)
"Je ne vais pas à la messe car c'est à l'heure de l'apéritif."
Maurice Chevalier et Mistinguett.
Parmi les derniers clients célèbres on peut citer Raimu qui peut-être venait jouer aux cartes à se fendre le cœur, Maurice Chevalier et Mistinguett...
Le clou peu avant sa "transformation"
le Seasons Martyrs!
Et de nos jours, il y a quelques mois, à l'abri du silence covidien, en l'an de grâce 2021, l'auberge du clou a rendu son âme qui faisait partie de la grande âme de Montmartre. Rien ne rappelle son existence 30 avenue Trudaine, pas une plaque, pas une décoration....
Un habitant révolté rapporte ce qui lui a dit un ami américain : "C'est comme si on transformait le Lapin agile en Mc Do".
S'il est un endroit qu'aimait Utrillo c'est bien ce croisement entre les rues Saint-Vincent et du Mont-Cenis. Montmartre y tentait de survivre et résistait tant mal que bien aux assauts de la spéculation immobilière.
Il fallait se hâter de sauver ne serait-ce qu'en images le vieux village qui sur ce versant nord voyait disparaître une à une ses vieilles maisons. Utrillo qui ne peignait pas toujours en s'inspirant de cartes postales venait de la rue Cortot voisine où il vivait avec sa mère Suzanne Valadon et Utter depuis 1912. Il n'avait à parcourir que deux cents mètres à peine!
Le triste carrefour aujourd'hui! Sur la droite l'école reconstruite, au 2ème plan l'immeuble qui a écrasé la maison de Berlioz et en face l'autre immeuble qui l'a devancé.
Le même carrefour en 1912...
Au 1er plan la maison de Berlioz, en face l'autre maison villageoise. Les deux maisons ont été remplacées par les grands immeubles ingrats. et écrasants!
Triste spectacle! Le même endroit aujourd'hui
Songez qu'il y avait là la grande ombre de Louise Michel qui avait été directrice de l'école 26 rue du Mont-Cenis, celle de Berlioz qui avait vécu trois ans dans la maison d'en face, et un peu plus bas le vieux cimetière du village où quelques Montmartrois devenus célèbres reposaient.
Berlioz avait "choisi" Montmartre pour des raisons financières, les loyers sur la Butte incommode d'accès étant bien inférieurs à ceux pratiqués dans Paris et notamment dans le quartier à la mode de la Nouvelle Athènes pourtant construit sur les terrains de la vieille commune de Montmartre
Angle actuel Saint-Vincent, Mont-Cenis.
La maison avait alors pour adresse 10-12 rue Saint-Denis (aujourd'hui 22-24 rue du Mont-Cenis). La rue ne changera de nom qu'après le rattachement de Montmartre à Paris, par un décret de juillet 1868, un an avant la mort du compositeur.
Harriet Smithson par Dubufe.
Berlioz y emménagea en 1834 et y resta jusque fin1836. C'est là que naquit son fils Louis, fruit de l'amour du compositeur et de l'actrice irlandaise Harriet Smithson.
Maison côté jardin
Pendant cette période paisible, le jeune garçon vécut librement : "Nous avons une vue superbe sur la plaine Saint-Denis et un grand jardin où notre garçon court, crie et rit de toutes ses forces".
Le jardin et le puits.
La maison à gauche et la montée de la rue du Mont-Cenis.
La maison et l'escalier en 1905
Berlioz composa pendant ces années intenses Harold en Italie, Sara la baigneuse sur un poème de Victor Hugo (1834), la cantate "le cinq mai" (1835), l'opéra Benvenuto Cellini (1836), tout en appréciant la beauté de la campagne montmartroise : "Notre jardin est magnifique, on ne se lasse pas du coup d'oeil de la plaine Saint-Denis..."
Maison côté rue Saint-Vincent.
Maison angle St-Vincent et Mont-Cenis
Mais la solitude en couple avec enfant finit par peser et les charmes campagnards par lasser.
"Il n'y a que les rossignols ici qui, tout le jour et toute la nuit, chantent sous nos fenêtres et commencent à me fatiguer."
Les hivers sont longs loin d'un Paris qu'il est difficile de gagner quand les chemins boueux entravent la circulation des calèches : "Nous sommes seuls ici, dans une maison isolée. Dans l'été nos amis viennent bien nous voir, mais l'hiver les abords sont si rudes qu'ils s'abstiennent volontiers d'encourir embourbage."
En 1836, après un hiver particulièrement rude, la famille Berlioz revient vivre à paris, rue de Londres.
Rue Saint-Vincent. Sur la gauche le mur du vieux cimetière.
En 1844, c'est la séparation, sans divorce, et Harriet comme si elle voulait se rapprocher de l'endroit où elle avait été heureuse s'installe rue Blanche, puis rue Saint-Vincent. Elle mourra dix ans plus tard et sera enterrée dans le vieux cimetière du village. Berlioz n'aura cessé de prendre soin d'elle, d'assurer tous ses frais, d'être présent pendant sa maladie.
Cimetière Saint-Vincent. Tombe d'utrillo.
C'est dans le petit cimetière Saint-Vincent (où sera inhumé Utrillo) qu'elle est enterrée, non loin de la maison qui donnait côté nord sur cette rue Saint-Vincent. En 1864, ses restes seront transférés au cimetière de Montmartre où deux ans plus tôt avait été enterrée Marie Recio, la 2ème femme de Berlioz.
Louis Berlioz, l'enfant qui aima Montmartre et y vécut ses années insouciantes, meurt en 1867 de la fièvre jaune à La Havane. Deux ans plus tard, son père meurt à son tour et rejoint dans la même tombes ses deux épouses.
Il reste donc montmartrois et passe avec les femmes qu'il a aimées son éternité temporaire.
Utrillo s'attacha à la maison de Berlioz, comme à un lieu hanté. Les murs se fissuraient et parfois devaient être étayés. De l'autre côté de la rue un massif immeuble de briques grises avait mangé le ciel, mais le jardin subsistait, les ombres du couple romantique se devinaient à travers les fenêtres.
De nombreuses toiles représentent la petite maison proche de l'immeuble qui lui fait face rue du Mont-Cenis.
Maurice Utrillo pouvait s'imaginer enfant, jouant près du puits, aimé par sa mère artiste et par un père qui l'aurait reconnu.
Le peintre connaissait les menaces qui pesaient sur la maison qui se délabrait. Des amis et admirateurs avaient bien tenté de la sauver en créant la Fondation Berlioz.
Un pélerinage fut même organisé le 13 décembre (anniversaire de Berlioz) 1908 au cours duquel fut apposée la plaque qu'Utrillo ne manqua de représenter sur la façade de la rue du Mont-Cenis.
Pendant quelques années le pèlerinage fut maintenu. Une souscription fut proposée pour racheter la maison et en faire un musée. Mais ce fut un échec et la dernière propriétaire, Mademoiselle Barbier ne put lutter contre l'expropriation et la destruction. Un gros immeuble gris et disgracieux enlaidit définitivement la Butte...
Sur la façade, bien piètre hommage à la demeure disparue, des moulages grossiers représentent la maison et le puits. Une nouvelle plaque fut aposée en 1984.
Si la maison disparue de Berlioz reste vivante malgré le vandalisme immobilier, ce n'est pas grâce à cette plaque mais à Utrillo qui fut aussi, à sa façon, un romantique, c'est à dire un homme de tourments habité par des forces contraires et qui avec des couleurs comme Berlioz avec des notes de musique contribua à embellir le monde.
Il serait logique que la rue d'Athènes fût rattachée au quartier de l'Europe, or il n'en est rien puisqu'elle fait partie du quartier Saint-Georges, un quartier dont une partie a été édifiée sur les terrains communaux de Montmartre.
Rue d'Athènes vers la rue de Clichy
Mais.. en réalité il n'est pas si étonnant que cette rue fît partie d'un quartier qu'on appelait, par sa richesse créatrice et le nombre d'artistes qui l'habitaient "la Nouvelle Athènes"!
Jardins de Tivoli
En 1826, à sa création, la rue s'appelle rue de Tivoli, ce qui est naturel puisque comme plusieurs rues du quartier elle est édifiée sur l'ancien parc de Tivoli.
Elle ne devient rue d'Athènes qu'en 1881.
Début de la rue d'Athènes à partir de la rue de Clichy
Longue de 211mètres et large de 12, elle commence rue de Clichy (19) et se termine aux 38 rue de Londres et d'Amsterdam.
Début de la rue côté impair
Premier numéro
Le 1, abrite un café "le Hollywood" qui était déjà là au début du XXème siècle.
Intérieur du Hollywood
Le 1 bis (1840) est classé et mérite de l'être.
Non seulement il est digne d'intérêt architecturalement parlant, de style Louis-Philippe avec son décor composite.
il fut l'adresse quelques années de celle qui allait devenir la plus grande star de son temps, Sarah Bernhardt.
Immeuble modeste comparé aux hôtels particuliers qu'elle habitera et notamment à celui de la rue Fortuny qu'elle se fera construire et qui a pour propriétaire actuel un certain Dominique de Villepin!
Le 3
Les 2 et 3 n'ont pas grand chose à nous raconter sinon qu'ils ont été touchés en janvier 1918 par les bombardements allemands. Le 3, immeuble de rapport, date de 1830 et présente une décoration plus riche que celle que l'on trouve habituellement sous la Restauration.
Le 3bis
Le 3 bis est classé. Il date de 1857 et a pour architectes "Roze Henri et fils". Malgré mes recherches je n'ai trouvé que peu de renseignements sur ces architectes sinon, conservé aux Archives un "Nouveau projet de Halles" pour Paris accompagné du plan d'un nouveau quartier d'habitation "les Innocents". On sait que la commission chargée d'étudier les projets préféra celui de Baltard (en 1845). Un ensemble remarquable détruit pendant les années vandales de Pompidou.
4 et 6 sont un même immeuble élégant du début du XXème siècle. Il y eut à l'emplacement du 6 un hôtel particulier qui appartint à Jules Jaluzot, fondateur des magasins "Au Printemps".
De son époque subsiste au Printemps Haussmann les belles façades fin de siècle et les rotondes (façades enlaidies par la surélévation commise dans les années 60)
Le 5.
Le 7.
Le 8
Le 8 d'une indigence architecturale consternante a détruit pour créer des bureaux et salles de réunion un bel immeuble appartenant à la famille Montblanc, acquis en 1892 par la Société des Agriculteurs de France.
Une salle de théâtre à l'italienne y fut alors construite, remarquable par son architecture et sa décoration. Pendant des années elle accueillit, outre les réunions des agriculteurs, des concerts et récitals (de 1894 à 1925).
Congrès de la Société en 1913
Il n'en reste rien aujourd'hui sinon le souvenir photographique! Les agriculteurs sans utiliser de pesticides ou autres produits calamiteux ont fait disparaître ce bel ensemble pour nous offrir une de ces constructions qui enlaidissent la ville.
10-12-14-16
Les quatre immeubles pairs suivants quasi identiques sont représentatifs des immeubles de rapport de la période de la Restauration.
Le 21
Le 21 est un hôtel qui a changé de nom et qui d'hôtel d'Athènes est devenu hôtel ATN!
Il est connu pour avoir été celui où pendant des années, de 1921 à 1932, Maurice Ravel occupait une chambre chaque fois qu'il rendait visite à ses amis qui habitaient en face, au 22.
Le 22
Ses amis étaient les Godebski.
La famille Godebski par Bonnard
Cipa Godebski et sa femme Ida recevaient dans leur salon leurs amis les peintres Vuillard et Bonnard, le poète Valéry et Maurice Ravel. Pour Ida, Ravel écrivit sa sonatine et pour les deux enfants du couple, Jean et Mimi, "Ma mère l'oye".
Réunion musicale chez Cipa Godebski (assis à gauche) avec son fils jean... Accoudé au piano Maurice Ravel. (D'Espagnat).
Le 23
Encore un hôtel, le Villathéna, au 23. Il compte trois étoiles dans son ciel de lit mais sa principale étoile est son architecte, Edmond Navarre (1828-1937) qui venait superviser les travaux en voisin car il était un véritable enfant du IXème arrondissement où il naquit et mourut!
Villa Louis
Il a conçu plusieurs immeubles et hôtels particuliers dans Paris mais s'est rendu célèbre surtout pour la villa Louis de Lion sur mer dont les céramiques Art-nouveau sont dues à Alexandre Bigot (celui de l'église Saint-Jean aux Abbesses, du Castel Béranger de Guimard, du Céramic Hôtel avenue Rapp et de tant d'autres chefs d'oeuvre dont l'immeuble fantastique de la rue d'Abbeville....
Rue d'Abbeville, grès de Bigot
Edmond Navarre 53 rue Nollet (grès de Bigot)
Notons qu'il collabora avec Edmond Navarre pour l'hôtel particulier de la rue Nollet dans le XVIIème.
Le 26, dernier numéro de la rue est une belle maison d'angle construite en 1830, la première sur les terrains de la Folie Tivoli.
Notre Dame de Bonne Nouvelle
Elle est due à l'architecte Hippolyte Godde (1781-1869) très en vogue dans la première moitié du XIXème siècle, représentatif de l'architecture néo classique. À Paris, il a participé à la reconstruction de l'Hôtel de Ville incendié sous la Commune, il a construit plusieurs églises (Notre Dame de Bonne-Nouvelle, Saint-Pierre du Gros Caillou, Saint-Denys du Saint-Sacrement....)
Nous sommes maintenant au coeur du quartier de l'Europe et sortons des limites de l'ancien Montmartre. Nous remontons donc vers la Butte sans imiter le pas de ma mère l'oye qui rappellerait une trop sinistre époque!
1er décembre. Travail de force. Les escaliers de la Butte sont durs aux éboueurs. (rue Utrillo)
2 décembre. Tendresse.
3 décembre. Le photographe surpris. (square Louise Michel)
4 décembre. La robe rouge. 'rue du cardinal Dubois)
5 décembre. Apparition des pères Noël avec quelques semaines d'avance!
Le 6 décembre. Le peintre et son reflet sous la pluie, place du Tertre.
Le 7 décembre. Le ginkgo met des couleurs dans la brume. (de la rue Ronsard)
8 décembre. La Tour Eiffel vue depuis Montmartre, le soir. (square Nadar)
9 décembre. Une photo pour que le petit chien n'oublie pas sa visite à Montmartre.
10 décembre. Photo de famille. (escaliers du Sacré-Coeur)
11 décembre . Le Cadet de Gascogne en tenue de Noël. (place du Tertre)
12 décembre. Rue Chappe.
L'autrice de ce collage est Marianne Mazel. Je me suis dépêché de photographier une autre de ses œuvres, très montmartroise, place Emile Goudeau :
13 décembre. Tenue assortie pour la Maison rose. (rue de l'abreuvoir)
14 décembre. Entraînement à la lutte (rue Foyatier).
15 décembre. Un sourire d'Asie qui nous manquait sur la Butte. (square louise Michel)
16 décembre. La tête engazonnée! (square Louise Michel)
17 décembre. Le penseur. (fontaine de Gasq)
18 décembre... "Je cherche fortune tout autour du Chat Noir, et au clair de la lune à Montmartre le soir."
19 décembre. La musicienne à la cithare chinoise (guzheng) ressemble à la mère Noël!
20 décembre. Les escaliers avec le ciel de Paris le 1er décembre et le 1er juillet par Henri Alekan, directeur de la photo chez Cocteau, Carné, Wenders...
21 décembre. Les sœurs guitaristes....
22 décembre. La statue rentre chez elle. (rue St Eleuthère)
23 décembre. Le moulin de la Galette dans le ciel et les nuages.
24 décembre. Distribution de colis alimentaires.
25 décembre. Coiffure-pompons dans le ciel de Noël.
26 décembre. Rue du Calvaire, lendemain de fête.
27 décembre. Un éveil? Une danse? Un envol?
28 décembre. Comme sur un balcon pour regarder les lumières du dernier mardi de l'année sur Paris.
29 décembre. Le petit prince a des oreilles.
29 décembre. Moment de tendresse volé, square Nadar.
30 décembre. Couple en couleurs, l'avant-dernier jour de l'année sqare Nadar
31 décembre. Dernier jour de l'année. Des mariés dans la foule. Le soleil au rendez-vous!
Elle est une des figures les plus étonnantes et les plus originales de la Butte où malgré le succès qu'elle rencontra dans les plus grands cabarets, elle continua de chanter dans les rues pour rester au contact des gens simples et pour donner ce qu'elle récoltait aux pauvres et aux malades. Elle est unique parmi les artistes montmartrois, on pourrait la qualifier de sainte laïque!
Enfin! On aurait pu si ses engagements politiques n'avaient été, hélas, pour le moins contestables : la Ligue des Patriotes où elle soutint Boulanger (elle fut d'ailleurs emprisonnée pour avoir crié "Vive Boulanger au passage de Carnot) et les Croix de Feu où elle obtint le grade de sergent! Plus tard, elle acquerra une autre image, patriotique et engagée en chantant pour les poilus de la première guerre. Elle sera nommé "caporale des poilus" et deviendra pour les soldat la caporale Nini!
Eugénie Buffet (Steinlen)
Elle est née à Tlemcen, en Algérie en 1866
Elle évoque son enfance dans un livre de souvenirs : "Ma vie, mes amours, mes aventures".
Couverture illustrée par Steinlen pour les mémoires d'Eugénie Buffet (recueillis par Maurice Hamel)
Après avoir été violée par son cousin, elle est contrainte par sa mère d'aller à Oran, où elle est employée comme femme de ménage.
Sa patronne l'envoie régulièrement porter des pâtisseries à un homme qui vit seul, plongé dans l'étude du Coran et de la Bible, Charles de Foucauld.
Eugénie n'oublia jamais cette rencontre.
Charles de Foucauld
"Ah les bons regards de Charles de Foucauld ! Regards d'amour sincère, de tendresse vraie. Comme ils me soutinrent aux heures de défaillance."
Lorsqu'elle a 20 ans, Eugénie quitte l'Algérie. Après être passée par Marseille, elle arrive à Paris où elle prend pour chanter et se faire connaître, la dégaine et la toilette des "pierreuses", nom que l'on donnait alors aux femmes qui racolaient dans les rues.
Dessin de Toulouse Lautrec
Elle est très vite remarquée et invitée à chanter dans les cabarets, notamment à la Cigale sur le boulevard de Rochechouart.
Affiche de Luc Métivet
Elle habite alors non loin de là, 3 avenue Frochot, au rez de chaussée, et vit une liaison qui durera 18 ans avec Léopold Stévens.
Entrée de l'avenue Frochot
Léopold Stevens: affiche pour Eugénie Buffet "la chanteuse populaire".
Elle connait un grand succès et très vite, Botrel et Bruant composent pour elle.
Son plus grand succès, son "drapeau", c'est "la sérénade du pavé", sérénade reprise en choeur par les montmartrois qui s'arrêtent sur le boulevard ou sur les petites place pour l'écouter...
"Sois bonne ô ma chère inconnue Pour qui j'ai si souvent chanté! Ton offrande est la bienvenue, Fais-moi la charité!"
Elle plaît aux poètes et aux compositeurs montmartrois pour qui elle est le type même de la chanteuse des rues. Richepin écrit à son sujet :
Richepin (Ensor)
"Pour ma gloire de poète, je ne souhaiterais qu'une chose, c'est d'écrire beaucoup de chansons naïves et profondes dont elle pût répandre la belle aumône, sans en dire l'auteur, dans cette affreuse et étrange forêt parisienne où les bêtes de proie et les bêtes immondes ont besoin de pleurer parfois, en écoutant pleurer leur âme avec celle du rossignol".
Piaf-Eugénie Buffet dans "French Cancan"
Jean Renoir choisira pour incarner Eugénie Buffet dans son film "French Cancan", celle qui lui ressemble le plus et qui comme elle se fit connaître en chantant dans les rues : Edith Piaf.
Willette, caricature d'Eugénie Buffet et son cabaret
Mais elle n'a pas l'étoffe d'une femme d'affaires... Elle ne sait pas en fondant, au 75 boulevard de Clichy, le Cabaret de la Purée, que ce nom sera prémonitoire! Toutes ses économies et celles de Stevens y sont englouties et les restrictions que lui impose le préfet de police Louis Lépine inquiet de l'influence de la chanteuse sur les électeurs de 1902 précipitent la fermeture de l'établissement.
Eugénie chante alors au cabaret de la Nouvelle Athènes, place Pigalle. Mais les soucis ont eu raison de son couple. Elle quitte Stevens et va habiter seule rue Fontaine.
Elle tente de se refaire une santé financière aux dépens de sa santé physique en s'embarquant dans d'épuisantes tournées en Amérique, aux Antilles...
Lorsqu'éclate la guerre, elle se consacre corps et âme aux blessés. Elle chante pour les poilus et donne tout l'argent qu'elle récolte aux malheureux et aux veuves. Elle sera décorée plus tard, en reconnaissance de son dévouement, la Légion d'Honneur.
En 1915, les Poilus la nomment caporale! Elle écrit dans ses mémoires :
" L'un d'entre eux détacha le galon rouge de sa veste et vint l'accrocher sur ma manche. Ce jour-là j'ai failli mourir de bonheur".
C'est ainsi qu'Eugénie Buffet devient la Caporale Nini!
Après la guerre, elle continue de chanter pour les pauvres, pour les grévistes dont elle soutient le combat. Elle s'épuise, sa santé se dégrade et lorsqu'elle a besoin d'être soignée, à une époque où la Sécurité Sociale n'existe pas, une véritable mobilisation des artistes (Gaby Morlay, Maurice Chevalier...) et du public permet de récolter des fonds au cours d'un gala mémorable organisé "pour donner un peu de pain à la cigale qui toute sa vie, n'avait songé qu'à empêcher les malheureux de mourir de faim".
Eugénie Buffet, quelques mois avant sa mort.
Elle y apparaît sous un tonnerre d'applaudissements et chante "Ma chanson" :
J'ai chanté comme une cigale
Soeur pauvre des déshérités,
Laissant aux fourmis la fringale
De l'argent et des vanités.
j'ai chanté de toute mon âme
A l'âge de Mimi Pinson
J'avais donné mon cœur de femme
À la chanson
Photo-montage de Navema. "Eugénie Buffet in Mexico". (flickr)
Eugénie Buffet meurt en 1934. Elle est enterrée loin de la Butte, dans le cimetière de Montrouge, 51ème division. Sur sa stèle, deux mots sont gravés après son nom : Cigale nationale... Les lettres s'effacent peu à peu...
Cimetière de Montrouge.
Mais si la cigale a rendu l'âme, elle ne cesse de chanter et d'émouvoir ceux qui ont la curiosité de se promener dans le passé
Quand elle vient habiter avec sa mère le bas Montmartre, la jeune Marie-Clémentine Valadon a 16 ans.
Sa beauté qui allie grâce et vigueur attire les peintres qui font d'elle des portraits aujourd'hui célèbres.
La jeune femme, pendant les séances de pose chez Puvis de Chavannes, Renoir ou Lautrec, ressemble aux chats indifférents qui en réalité observent et méditent...
Raminou (Valadon 1920)
C'est ainsi qu'elle fait l'apprentissage d'un art pour lequel elle avait sans le savoir un véritable don. Elle devient elle même peintre et il n'est pas étonnant qu'elle ait aimé représenter les chats auxquels elle ressemblait!
Etude pour le chat Raminou (Valadon) 1917? Au crayon "mon chat Raminou"
Sur cette photo prise dans l'atelier de la rue Cortot, on la voit entre son fils et son mari.
C'est un moment heureux, un moment de pose et de pause, d'autant plus harmonieux qu'il y a sur ses genoux le chat Raminou, tête levée vers elle.
On imagine qu'il ronronne.
Utrillo l'envie peut-être, lui qui a tant souffert de l'absence de sa mère pendant son enfance, lui qui a vu son meilleur ami, André Utter, plus jeune que lui, devenir l'amant puis le mari de sa mère.
Raminou s'enfuit sous un meuble ou dans les jardins quand Utrillo est en proie à l'un de ses accès de folie. Il attend que le calme revienne avant de retrouver l'atelier lumineux où Suzanne Valadon travaille.
Raminou (Valadon) 1920
De temps en temps, c'est lui qui se retrouve sur la toile ou sur le carton. Il ignore qu'il sera un jour admiré par les visiteurs des plus grands musées! Les chats n'ont aucune vanité et ne trouvent d'intérêt qu'à la seconde présente!
Renoir a croqué Raminou.
Steinlen, l'ami qui vient , en voisin de la rue Caulaincourt dans les jardins de la rue Cortot, l'a souvent caressé. C'est un chat sociable et bien nourri, différent des matous efflanqués du maquis que Steinlen aime saisir dans leur fière indépendance.
Chat sur une balustrade (Steinlen)
Portrait de miss Lily (Valadon) 1922
Sur cette toile de 1922 Raminou s'est posé sur les genoux de miss Lily Walton. Il profite de ce temps de silence pour regarder sa maîtresse et s'interroger sur son étrange activité, sur ce pinceau qui court sur la toile comme un moineau. Il a bien essayé alors qu'il était petit de l'attraper mais il a reçu une tape sur l'arrière train qui l'a dissuadé de recommencer!
Parfois d'autres chats que le seigneur Raminou se laissent peindre....
Mais le plus souvent, c'est Raminou qui reçoit sur la toile, les caresses de sa maîtresse. Entre le tableau de 1917 et celui de 1932 le représentant, le temps a passé, les jours agités mais souvent heureux de la rue Cortot se sont enfuis.
11 avenue Junot. Maison où mourut Suzanne Valadon.
Suzanne Valadon et André Utter se sont séparés en 1926.
Elle quitte la rue Cortot pour habiter avenue Junot (au 11) dans la maison achetée par son fils avec l'argent qu'a rapporté la vente de ses tableaux.
De ces années date le dernier portrait de Raminou. De 1932 exactement. Le chat est âgé d'au moins 16 ans, peut-être 18 puisqu'il a été recueilli adulte.
Le portrait est émouvant. Le vieux Raminou a perdu son éclat fauve. Il est couché sur une table de jardin près d'un bouquet d'œillets dans un pichet.
A côté de lui est posé un linge blanc qui évoque un linceul. Il a les yeux ouverts et regarde toujours sa maîtresse.
Utrillo, Lucie Valore et un chat, au Vésinet.
Peut-être vivra t-il encore quelques mois après cet ultime portrait. Trois ans plus tard, c'est Suzanne qui sera hospitalisée et consciente de sa fragilité poussera son fils à quitter l'avenue Junot pour épouser Lucie Valore et vivre avec elle au Vésinet.
Les trois dernières années de Suzanne sont terribles. Elle supporte mal sa solitude, ne sort plus que la nuit pour traîner avec les clochards de la Butte.
Elle meurt d'une hémorragie cérébrale en 1938.
On dit que les chats ont des pouvoirs magiques.
Raminou, le petit compagnon des années heureuses est sans doute venu, à pattes de velours, dans cette nuit brutale. Il a entraîné sa maîtresse dans le grand jardin de la rue Cortot qu'elle aimait tant et où le printemps les a accueillis...
Un homme qui a marqué la Butte de sa gouaille et de sa fantaisie. Un épouvantail, un ivrogne, un dépravé, un magouilleur...
Clochard sublime, roi de la bohême, mythomane kleptomane, affabulateur narquois... Que n'a-t-on dit de lui !
De son vrai nom, André Joseph Salis de Saglia, Bibi La Purée était un trouble personnage, fascinant et repoussant à la fois...
Il était mendiant, pique-assiettes, cireur de chaussures, entremetteur et selon certaines langues vipérines (ou non), indic !
Ce qui est certain c'est qu'il errait dans Montmartre, entre deux vins ou deux absinthes, vêtu de hardes malodorantes. Il assurait aux passants qu'il était en mesure de leur fournir tout ce dont ils avaient besoin. Ainsi était-il souvent chargé d'objets hétéroclites, selon les demandes qu'il avait reçues.
Il s'était spécialisé dans les vols de parapluie et le cirage des pompes.
Bibi cireur de chaussures (Jacques Villon)
Ce Bibi (1847- 1903) fut aussi compagnon de Verlaine qu'il rejoignait au Quartier latin. Il prétendait être son secrétaire et avoir été son amant. On ne prête qu'aux riches !
Verlaine, Bibi et Mallarmé au Procope. (1890, Serafino Macchiati)
C'est en partie grâce à cette relation avec le poète que l'on parle encore de lui aujourd'hui.
C'est aussi parce qu'il a attiré l'attention de peintres et de poètes qui fréquentaient la Butte et le choisirent pour modèle...
Bibi la Purée. Picasso.
Bibi la Purée assis. Picasso.
Bibi (Jacques Villon)
Bibi la purée (Bottini)
Bibi à la pittoresque allure a été peint par Picasso, jacques Villon, Bottini et croqué par Steinlen qui avait l'habitude des matous efflanqués...
Il aurait pu l'être par Renoir dont il fréquentait la cuisine, rue Girardon, où Adèle le laissait vider un bocal de cornichons et un litre de rouge, en écoutant d'une oreille distraite les poèmes qu'il débitait pour payer son écot !
Il a même été immortalisé dans le bronze par Bailleul!
...Et il apparaît ici ou là dans des poèmes ou des romans.
Jehan Rictus lui consacre une complainte :
Dessin de Steinlen pour "Les Soliloques du Pauvre" de Rictus.
Complainte pour complaire à Bibi-La-Purée
"Stupeur du badaud, gaîté du trottin,
Le masque à Sardou, la gueule à Voltaire,
La tignasse en pleurs sur maigres vertèbres
Et la requinquette au revers fleuri
D'horribles bouquets pris à la poubelle,
Ainsi se balade à travers Paris,
Du brillant Montmartre au Quartier latin
Bibi-La-Purée, le pouilleux célèbre,
Prince des crasseux et des Purotins.
(...) Va comédien, noble compagnon,
Cabot de misère, ami de Verlaine,
Errant de Paris, spectre d'un autre âge
Que ne renieraient Gringoire ou Villon."
Dessin de Sophie Pimberton
Paul Fort le cite dans son poème "L'Enterrement de Verlaine", comme compagnon fidèle et garde du corps du poète !
Poème que Brassens enregistrera un demi siècle plus tard !
L'enterrement de Verlaine.
(...) N'importe ! Je suivrai toujours, l'âme enivrée
Ah ! Folle d'une espérance désespérée
Montesquiou-Fezensac et Bibi-la-Purée
Vos deux gardes du corps - entre tous moi dernier."
Bibi par Géo Dupuis
Raoul Ponchon lui consacre un poème sans concession :
(...) "Qui étais-tu? D'où venais-tu?
Espèce de Bibi têtu,
Entre le vice et la vertu.
Paresseux jusqu'au délire
Et maigre au point qu'on pouvait lire
Toutes les cordes de ta lyre !
Que le Seigneur et Notre-Dame
Prennent pitié de ta pauvre âme
Ta pauvre loque et chiffe d'âme !"
Voilà qui n'est pas très flatteur, mais que savait Ponchon de l'âme de Bibi?
Ce Bibi qui lui-même se prétendait poète. Ce qui à en juger par ses vers n'est pas évident...
Portrait d'homme (Bibi la purée) Picasso.
La Lettre à deux sous
"Depuis Monsieur Grévy, l'on corne à nos oreilles
Des journaux, chaque matin
Qu'on nous mijote un beau destin
Tout de velours, d'or, de satin :
Des impôts pour la frime et des lois sans pareilles,
Du pain garni de beurre, au-dessus, en-dessous,
Rien que des folles nuits, après des jours bien calmes,
Des rubans et des croix, des poireaux et des palmes
Et surtout la lettre à deux sous !!!" (...)
Portrait de Bibi (Sophie Pimberton)
Après la mort de Verlaine, en 1896, Bibi se transforme en revendeur officiel d'objets, de lettres, ayant appartenu au poète. Il en fait un commerce lucratif, comme le fut le celui des reliques de la vraie croix au Moyen-Âge!
Ainsi, parvint-il à fourguer plusieurs dizaines de cannes ayant appartenu à Verlaine
Bibi meurt quelques années plus tard à l'hôpital de la Pitié. Pendant quelques années son souvenir reste vivace à Montmartre et au Quartier latin. Un char à son effigie est promené par les étudiants lors d'un carnaval et plus tard, en 1934, le film de Léo Joannon portera son nom!
Personnage étrange qui semble faire un pied de nez à la mort avec son sourire matois et sa dégaine de j'menfoutiste, il n'a pas disparu de la Butte...
Vous le rencontrerez peut-être, rue Lepic ou rue Norvins, et comme il pleut souvent sur la Butte, vous aurez l'occasion de lui acheter un parapluie!
C'est une tradition et l'on n'y peut rien changer, Novembre commence toujours par le jour des morts, le jour où les cimetières fleurissent sous les feuillages embrasés des grands arbres.
Les larmes des statues coulent sur les visages de pierre ou de bronze. Visages de femmes surtout, les hommes dissimulent leur peine de peur d'être jugés trop sensibles, même quand ils sont statues!
Le 2 novembre
Sur la rue Muller et la rue de Clignancourt, soleil et pluie jettent leurs couleurs
Le 3 novembre. Ma rue André del Sarte et le jardin vertical.
Le 4 novembre square Louise Michel. Mais que regardent l'enfant et le triton?
5 novembre. Place des Abbesses. Dans le soleil, en écoutant les musiciens.
Le 6 novembre. Reflet dans le vélux.
7 novembre. Les bulles légères!
8 novembre. En vert et contre tout!
10 novembre. La tour derrière les barreaux. Rue saint-Eleuthère.
11 novembre. La foule, le soir, la basilique.
12 novembre. Maquillage du roi doré, "statue vivante" place St-Pierre.
13 novembre. Amour toujours à Montmartre!
14 novembre. Dis-moi la vérité ou ton nez va grandir!
15 novembre. Elle n'a pas l'air contente mais que dira t-elle quand elle verra son "portrait"?
16 novembre. Un rayon de soleil froid.
17 novembre. Reflet du soir dans le vélux.
18 novembre. Jeux dangereux.
19 novembre. Triplette à roulettes devant la réalisation expresse de Kayone aujourd'hui....
20 novembre. Brocante rue Azaïs.
21 novembre. Elégance du chanteur.
22 novembre. Le ginkgo, le magnolia et le Sacré-Coeur.
23 novembre. L'arbre aux perruches square Louise Michel.
24 novembre. Amour sans paroles, square Nadar.
25 novembre. Sur les carrières de Montmartre, les rues dansent! (rue Paul Albert).
26 novembre. Solitude de Mickey rue de Steinkerque.
27 novembre. Soir tourmenté.
28 novembre. Comme au sommet d'une falaise.
29 novembre. Laurel et Charlot et Hardy à la fenêtre rue Muller.
30 novembre. La statue termine le mois dans la bonne humeur.