C'est la période de l'année où l'île est la plus belle avec ses floraisons, ses ciels où les nuages voyagent, ses plages libres….
Grand-Village
Grand-Village
Saint-Trojan Grande Plage
Déjà des amoureux de la mer se risquent dans les vagues…
Saint-Trojan Grande Plage
Plage de Grand-Village
La Perroche
La Perroche
La Perroche
Grand-Village
Vert-Bois
Mais le vent du nord-ouest est aux aguets, avec les pluies et la froidure...
Saint-Trojan
Saint-Trojan
Grand-Village
Vert-Bois
La Perroche
Peu importe!
Les changements de lumière, les brusque éclats de soleil, les tombées de grisaille, le frémissement du vent sur le sable… l'île vit intensément chaque moment, sans souci du lendemain...
Le Château
Les Saumonards Boyardville
Les Saumonards
Les Saumonards
Pointe de Maumusson
Gatseau
Tantôt grise, tantôt bleue, toujours en voyage malgré le pont qui la retient comme une chaîne...
Marais d'Ors
La Cotinière
Plage de la Giraudière
Les Allassins.
Grand-Village
Gatseau
Je l'aime simplement
Humble et fière, familière et sauvage
Avec mon enfance de dunes et d'oyats, de jeux et de peurs…
Avec la maison de mon père comme un feu dans la cheminée..
Avec mes deux chats recueillis dans le refuge du bastion…
Avec ma femme qui est méditerranéenne mais qui accepte par amour de vivre avec moi près du Vieil Océan
Elle est passée par ici, elle est revenue par là... Comme le furet, la Belle Gabrielle a été aperçue à différents endroits de Montmartre!
Les Montmartrois qui, comme chacun sait, aiment se parer des plumes du paon n'ont pas manqué de la "montmartriser" et d'embellir avec elle la légende de la Butte.
Pardonnons leur ce péché mignon (bien que nous soyons au temps d'Henri IV et non d'Henri III)!
Rue Cortot.
Les lieux qui ont reçu son nom sont pour la plupart situés au cœur de la Butte, à quelques pas de l'ancienne abbaye. Ils s'étendent rue Cortot (côté pair) du début à la fin de la rue, englobant la maison où Satie a vécu, le musée et ses jardins jusqu'à la dernière maison à l'angle de la rue des Saules, emplacement de celle où vécut Aristide Bruant.
Rue Cortot. La 1ère maison à gauche a été bâtie sur les ruines de celle qu'habita Aristide Bruant.
On trouve dans ce pâté de maisons : le parc de la Belle Gabrielle :
Entrée du parc de la Belle Gabrielle
Une partie du parc de la Belle Gabrielle et la "maison"
Dans le même parc, la maison de Henri IV :
La maison de la Belle Gabrielle (parfois appelée "manoir") :
Cette photo nous montre la maisonqui est en fait celle du Bel Air (XVIIème siècle) et qui fait partie aujourd'hui du musée.
Le parc est devenu la vigne de Montmartre.
La vigne au printemps
Le Puits de la Belle Gabrielle :
La vérité sort-elle toute nue de ce puits? Apparemment non!
N'oublions pas, en bas de la rue du Mont-Cenis, un autre Manoir de Gabrielle d'Estrées!
Qui était parfois appelé bergerie!
Le "manoir" peint par Utrillo.
Un dernier endroit porta le nom de la Belle Gabrielle...
Il s'agit du cabaret au rez-de chaussée d'un immeuble toujours debout à l'angle des rues St Vincent et du Mont-Cenis. Il a été peint et repeint par Utrillo qui aimait y boire quelques verres d'absinthe et qui avait pour payer son ardoise recouvert de fresques les murs des toilettes. Elles furent lessivées par la propriétaire qui ne supportait pas l'odeur de la peinture.
Cette présence si importante de la Belle Gabrielle à Montmartre dans ce périmètre bien délimité entre les rues Cortot, Saint-Vincent et du Mont-Cenis peut nous intriguer.
Tentons, en historien que nous ne sommes pas de démêler le vrai du faux (car nous le verrons, il y a plus qu'un nuage de vrai).
Je remercie mon ami Pierre qui sans qu'il eût été besoin d'un clair de lune m'a prêté non pas sa plume mais son érudition!
Gabrielle est passée dans le ciel de l'histoire, comme une météorite, éblouissante et fugace. Neuf années de sa courte vie lui ont permis, grâce à l'amour que lui portait le roi, d'éclairer le ciel souvent ténébreux de son époque.
En 1590, Henri de Navarre assiège Paris et pour avoir une vue stratégique sur la ville établit son camp sur la Butte. Il choisit de loger dans l'abbaye où vit la jeune et belle abbesse Claude de Beauvilliers.
Les adversaires, nombreux, du Navarrais, prétendent qu'il aurait eu avec elle une liaison passionnée (on ne prête qu'aux riches) tandis que ses capitaines, pour suivre comme il se doit l'exemple de leur chef, auraient à leur tour butiné les jeunes nonnes. L'abbaye aurait été appelée "le magasin à putes de l'armée"!
Rabelais n'est pas mort depuis longtemps qui en avait autant pour les monastères d'hommes et écrivait qu'il suffisait qu'une femme passât à l'ombre de leurs murs pour tomber enceinte! Pas forcément du Saint-Esprit!
Claude de Beauvilliers qui sera récompensée de ses bons et loyaux services en recevant du roi la juteuse abbaye de Couilly Pont-aux-Dames avait pour cousine la belle Gabrielle d'Estrées qu'elle eut l'imprudence de présenter à son royal amant.
Entre les deux, arriva ce que l'on sait et Gabrielle mena pendant neuf ans une vie de reine (le roi étant séparé de la reine en titre, la fantasque Marguerite de Valois)
Maison de Gabrielle d'Estrées (Utrillo)
Voilà donc la légende montmartroise qui dans son désir de servir de décor à une amour historique attribua à Gabrielle un manoir, une maison, un parc, un puits...
La réalité historique est tout autre.
Oublions la grande confusion sur des sites divers entre Marie-Catherine et Claude de Beauvilliers, toutes deux sœurs et abbesses de Montmartre.
Le choeur des Dames dans l'église de l'abbaye.
Admettons qu'une relation biblique ait uni le roi et Claude de Beauvilliers, acceptons de reconnaître la réputation sulfureuse de l'abbaye… mais ce qui est certain c'est que jamais Claude de Beauvilliers ne provoqua la rencontre de sa cousine et du Vert Galant.
On sait que c'est au château de Coeuvres que Roger de Bellegarde, grand Ecuyer de France, présenta sa maîtresse, Gabrielle, au roi qui avait entendu parler de sa beauté.
Roger de Bellegarde
Il y eut un coup de foudre, du moins pour le roi qui lui fit la cour pendant des mois avant de faire craquer celle qui le trouvait laid et odorant, sentant puissamment "de l'aile et du gousset". Sans doute les riches perspectives qu'offrait cette liaison vinrent-elles à bout de ses réticences et transformèrent-elles le "fumet" en parfum!
On sait que l'amour du roi ne se démentit pas pendant neuf années et que seule la mort sépara les amants. Gabrielle mit au monde trois enfants et c'est pendant la quatrième grossesse qu'elle rendit l'âme. Quelque temps avant, le roi avait en public déclaré que contre vents et marées et malgré l'opposition du pape, il épouserait Gabrielle. Il lui avait offert à l'occasion son anneau d'or du sacre, celui là même qu'elle tient entre les doigts sur le fameux tableau où sa sœur lui saisit le téton pour vérifier qu'elle est bien enceinte.
Elle mourut dans d'atroces souffrances, présentant tous les symptômes d'un empoisonnement (les adversaires à son mariage étaient légions (Parisiens catholiques partisans de Guise, aristocrates scandalisés par l'argent dépensé pour la dame…)
Vraisemblablement l'empoisonnement fait lui aussi partie de la légende et selon toute probabilité, elle mourut d'éclampsie.
Rue Gabrielle. (photo Montmartre-secret)
Il y a à Montmartre une rue Gabrielle qui n'a rien à voir avec celle qui fut aimée par Henri IV (il s'agit de la fille d'un propriétaire lotisseur) et tous ces lieux que nous avons énumérés....
Pourquoi cette présence si forte de la Belle? Pourquoi les Montmartrois l'ont-ils vue à tant d'endroits?
A quelques mètres de l'ancien cabaret, à l'angle des rue St-Vincent et du Mont-Cenis une école a été construite à l'emplacement d'une autre école, communale, où Louise Michel fut directrice .
Cette école était elle-même à l'emplacement d'un hôtel particulier qui figure sur les anciens plans de Montmartre sous le nom de "Pavillon de Gabrielle d'Estrées". C'est lui qui va nous donner la résolution de l'énigme...
En effet, mon cher Whatson, la Belle a effectivement vécu à Montmartre, dans un hôtel loué par sa cousine Claude de Beauvilliers qui ne voulait pas abriter dans les murs de l'abbaye la maîtresse du roi qui était marié!
L'école à l'emplacement de la maison de Gabrielle.
En 1593, avant sa conversion, Henri IV évitait de se montrer avec sa maîtresse et c'est la raison pour laquelle il l'exila hors de Paris, sur cette Butte champêtre qu'il pouvait apercevoir depuis les fenêtres du Louvre. De nombreux historiens corroborent ce fait...
Le Louvre d'Henri IV
Gabrielle y demeura pendant plus d'une année avant de redescendre dans ce Paris où son amant s'ennuyait d'elle et trouvait harassantes ses chevauchées pour la rejoindre.
L'hôtel montmartrois que l'on voit sur le vieux plan de Montmartre sous le nom de "pavillon de Gabrielle d'Estrées" était bâti le long de la rue Saint-Denis (Mont-Cenis) et Saint-Vincent. Ses jardins s'étendaient jusqu'à la rue de la Bonne.
Voici la seule photo connue de ce qui restait de cette "maison" au milieu du XIXème siècle avant sa destruction et l'édification de l'école communale.
Gabrielle profita plus d'une année du bon air de la Butte, de sa verdure et des chants d'oiseaux avant de regagner Paris, rappelée par le roi qui lui trouva un hôtel près du Louvre.
Hôtel Du Bouchage. Détruit comme tant d'autres au XIXème siècle.
.....Il s'agit de l'hôtel Du Bouchage situé entre la rue du Coq (aujourd'hui rue Marengo) et la rue de l'autruche (aujourd'hui rue de l'Oratoire).
Mais c'est une autre histoire… et notre enquête est terminée!
Tout n'était donc pas faux dans la légende de la Belle Gabrielle et Montmartre peut s'enorgueillir d'avoir abrité la maîtresse du roi Henri IV!
Pas de doute Montmartre sera toujours Montmartre! Une colline où légende et vérité sont indissociables comme le vent et les ailes des moulins!
Le 23 mars Montmartre a jauni! Tout a commencé par une épaisse fumée et s'est achevé par un arrêt prolongé sur les pelouses du square Louise Michel.
Je ne sais pas ce que la "Vierge Rouge" si elle était revenue du cimetière de Levallois aurait pensé de ce mouvement.
Je pense à elle, amie des hommes et des bêtes, persuadée que la poésie sauverait le monde : " Je voudrais que tout le monde fût artiste, assez poète pour que la vanité humaine disparût."
Il n'y a pas eu de violence cette fois, ni infâmes quenelles sur les marches. Les marchands de tissus du Marché Saint-Pierre n'ont pas baissé le rideau de fer.
Les Gilets jaunes sont repartis comme ils étaient venus et la floraison printanière a pris le relais de leur couleur!
24 mars. Jaune printemps. Rue Ronsard.
25 mars. Attente-inquiétude. Rue des Abbesses.
26 mars. La cariatide vous a à l'œil! (Fontaine Wallace, place des Abbesses).
29 mars. Christ footballeur. Esplanade du Sacré-Coeur.
30 mars. Amour inconditionnel. Devant le Sacré-Coeur.
31 mars. Les serpents de ciel! Esplanade du Sacré-Coeur.
1er avril. D'un dôme à l'autre. Square Louise Michel.
2 avril. La rue Paul Albert depuis le square Louise Michel.
3 avril. Contre-ciel rue Utrillo.
4 avril. Le marchand fait grise mine! Place du Tertre.
5 avril. La rue qui tourne. Rue Feutrier.
6 avril. Le sourire. Rue Chevalier de La Barre.
7 avril. Petits chapeaux chinois. Rue André Del Sarte.
8 avril. Le SDF et les touristes. Place Marcel Aymé.
9 avril. Place Dalida. Un inconsolable.
10 avril. Sens interdit rue Gabrielle.
12 avril. Selfie avec le Sacré-Coeur entre les doigts!
13 avril. Un cœur prêt à éclater. Rue du Calvaire.
14 avril. Dimanche des Rameaux au Sacré-Coeur.
15 avril. Prendre un enfant par la main.
16 avril. D'une dame couronnée à la Dame sans couronne… Là-bas, à gauche, Notre-Dame sans toiture...
17 avril. A fleurs de peau. Parvis du Sacré-Cœur.
19 avril. La foule du Chemin de Croix. Vendredi Saint.
20 avril. S'embrasser devant la porte d'Erik Satie. Rue Cortot.
21 avril. Fleur et fleurs. Lundi de Pâques square de la Turlure.
23 avril. Pigeon à cheval. Square Louise Michel.
24 avril. Le repos du "jogger". Rue du Chevalier de La barre.
25 avril. Le temps des cerises à la guitare et à l'accordéon. Place du Calvaire.
26 avril. Pique nique rue du Calvaire.
27 avril. Le triton n'est pas de pierre. fontaine de Gasq.
Nous repartons à la découverte de la rue La Bruyère qui nous réserve comme la plupart des rues de la Nouvelle Athènes de belles surprises.
Le 15
Le 15 est un immeuble haussmannien où ont vécu un grand écrivain Roland Dorgelès et un journaliste et critique d'art André Warnod . Ils étaient amis et n'avaient pas un grand chemin à parcourir pour se rencontrer !
Dorgelès
Roland Dorgelès (1885-1973) est un amoureux de ce Montmartre qui a fait l'objet de plusieurs de ses livres. Il a vécu rue Lepic, rue Truffaut, rue Victor Massé. C'est dire qu'il connaissait bien le quartier!
C'est en1912 qu'il vient habiter rue Labruyère, deux ans après le fameux canular qu'il organisa chez Frédé, au Lapin Agile.
Est-il utile de rappeler qu'il accrocha un pinceau à la queue de l'âne de Frédé. Il la trempa dans un seau de peinture et approcha une toile que les battements caudaux de l'animal recouvrit de couleurs qui donnèrent naissance à un chef d'œuvre aussitôt nommé "Coucher de soleil sur l'Adriatique" exposé au Salon des Indépendants où il reçut des critiques élogieuses!
L'auteur des "Croix de Bois" gardera un souvenir ému de sa vie de bohême montmartroise. Son ami André Warnod fréquenta comme lui Carco et Mac Orlan. Il illustra des livres consacrés à la Butte, dans un style précis et sans grande originalité
Le 21
Le 21 est un bel exemple de l'architecture romantique...
Croisement avec la rue de La Rochefoucauld
Le premier immeuble côté pair après le croisement avec la rue de La Rochefoucauld, le 26, porte une plaque commémorative.
Auguste Renoir est très lié à Montmartre; après son premier atelier rue Saint-Georges, il a vécu de 1875 à 1877 au coeur du vieux village, rue Cortot, dans l'hôtel qui abrite aujourd'hui le musée de Montmartre et qui fut une pépinière de grands peintres. Il occupait un deux pièces dans l'aile gauche et utilisait un appentis au rez de chaussée où il entreposait une toile de grande dimension, un de ses chefs d'œuvre : "Bal au Moulin de la Galette"
Rue Cortot. Partie occupée par Renoir.
Il a vécu également au Château des Brouillards, rue Girardon où naquit son fils Jean.
Quand il déménage pour la rue Labruyère, il est un peintre reconnu et sa situation financière lui a permis d'acquérir une propriété à Essoyes près de Troyes. C'est là qu'il a un accident de bicyclette et se fracture le bras droit. Les années qui suivent ne sont pas les plus créatrices. Peut-être à cause de son succès, se répète t-il sans innover comme il le fit dans ses années difficiles.
La lettre (Renoir)
Parmi ses toiles peintes pendant ses années rue Labruyère en voici quelques unes ….
Yvonne et Jean (1899)
Elles portent en elles en même temps que le grand art du peintre, les signes de l'affaiblissement de sa créativité et d'une facilité que le succès commercial encourage.
Claude Renoir (1901) Auguste Renoir.
En 1902, il quitteParis pour aller vivre à Cagnes sur mer, quittant définitivement Montmartre.
Le 28
Le 28 pose un petit problème. D'après plusieurs sites par ailleurs sérieux, il aurait abrité le poète-acteur génial et embrasé Antonin Artaud à partir de 1928.
Il s'agit sans doute d'une erreur due à la confusion avec la date. En effet un document indéniable, une lettre manuscrite d'Artaud indique de sa main avant de signer le 38 rue Labruyère.
Le 38
Quoi qu'il en soit, il est émouvant de savoir qu'il a vécu un temps dans notre quartier. Nous savions déjà qu'il fut proche de Dullin avant de se brouiller avec lui et qu'il joua à l'Atelier, notamment dans l'Avare. Peu avant d'habiter rue Labruyère, il fonda le théâtre Alfred Jarry.
Antonin Artaud. Autoportrait.
Cet homme incandescent au corps torturé par des douleurs incessantes due à une syphilis héréditaire nous a laissé son image grâce aux films dans lesquels il joua (Tourneur, Abel Gance, Dreyer). Nul ne peut oublier sa présence dans le chef d'œuvre de Dreyer "La Passion de Jeanne d'Arc".
La Passion de Jeanne d'Arc.
Le 31
Au 31 a vécu le peintre Pino della Silva (1904-1987) quand il vint habiter à Paris en 1931.
Son œuvre est sous estimée aujourd'hui peut-être parce qu'elle a beaucoup évolué, passant des portraits à la peinture sociale puis au surréalisme et à l'abstraction. Il a été également graveur comme on peut l'apprécier avec ce chat d'Henriette Korner :
Le 41
Au 41 a vécu pendant les dernières année de sa vie le peintre Jean-Jacques Henner (1829-1905).
Grand Prix de Rome en 1858, il mène une carrière brillante et reconnue à l'écart des courants picturaux de son temps dont il n'ignore pas l'ambition et les qualités.
Jean-Jacques Henner par Nadar
Il défend notamment Manet. Mais il reste à sa manière un romantique à l'image de ses femmes nues aux chevelures de feu.
On a pu dire de lui qu'il était le peintre des rousses!
Son atelier est place Pigalle, dans le même immeuble que Puvis de Chavannes. Et sa dernière demeure sera le cimetière de Montmartre. De nombreux musées exposent ses toiles mais le musée qui porte son nom se situe dans un hôtel particulier à une adresse où il n'a jamais vécu (43 avenue de Villiers).
Le 42
Le 42, d'apparence plus modeste, fut le siège de la JAC, la jeunesse agricole catholique, mouvement soucieux de défendre les jeunes ruraux contre la tentation de l'athéisme!
Le 45
Le 45 est l'immeuble de la rue Labruyère qui a le plus d'histoires à nous raconter mais il a joué les grands timides devant ma curiosité et il s'est abrité derrière échafaudages et bâches de plastique!
Il aurait à nous raconter comment il fut construit en écrasant un petit hôtel particulier de deux étages sur jardin, propriété d'Eugène Lecomte, grand-père de Jean Cocteau. C'est dans cet hôtel que le poète, cinéaste, dessinateur, metteur en scène… passa les 16 premières années de sa vie et en fut durablement marqué.
Ses parents, Georges et Eugénie occupaient le 1er étage :
"Mes grands-parents habitaient à l'étage supérieur un appartement que les caprices de l'architecte avaient distribué de telle sorte qu'il fallait suivre des couloirs, monter et descendre des escaliers à pic afin de passer d'une chambre à l'autre."
Son père Georges, avocat, est un artiste dans l'âme, amateur de musique, dessinateur. Il apprend à son fils le maniement du crayon et du pinceau.
Dessin. Jean par son père Georges. Année du suicide.
C'est l'époque heureuse où l'enfant s'amuse à construire dans la cour des théâtres de carton. Le 5 avril 1898, le malheur frappe comme un coup de tonnerre : un coup de feu tiré par le pistolet que Georges pointe sur sa tempe.
Il y aura plusieurs hypothèses sur les raisons qui l'ont poussé au suicide. Celle que formulera Jean sera la plus sensible et la plus douloureuse. L'enfant se sentait si proche, si ressemblant de ce père aimé qu'il ne peut s'empêcher de penser qu'il était comme lui homosexuel et qu'il avait dissimulé au prix de la plus grande souffrance ce penchant :
"J'ai toujours pensé que mon père me ressemblait trop pour différer sur ce point capital. Sans doute ignorait-il sa pente et au lieu de la descendre en montait-il péniblement une autre sans savoir ce qui lui rendait la vie si lourde. À cette époque on se tuait pour moins. Mais non, il vivait dans l'ignorance de lui-même et acceptait son fardeau."
La mère de Cocteau. Eugénie.
Après la mort de son père, Jean se rapprochera de son grand-père, mélomane, collectionneur d'art. Il vit dans ce milieu privilégié auquel participe sa mère, musicienne de talent qui reçoit dans son salon les Daudet, la princesse Murat…
Portrait de Jean Cocteau par Lucien Daudet
Ces années sont encore celles de la scolarité de Jean au petit Condorcet puis au grand dont il est renvoyé, alors qu'il a 15 ans à cause de ses absences répétées. On sait que c'est dans ce lycée qu'il fait la rencontre décisive avec Dargelos.
Dargelos
"Un des élèves, nommé Dargelos, jouissait d'un grand prestige à cause d'une virilité très au-dessus de son âge. Il s'exhibait avec cynisme et faisait commerce d'un spectacle qu'il donnait même à des élèves d'une autre classe en échange de timbres rares ou de tabac."
Le grand-père meurt en 1906 et une année plus tard la famille quitte la rue Labruyère. Jean Cocteau y reviendra plus tard et retrouvera les saveurs du passé en faisant le chemin qui allait du domicile au lycée, touchant de la main ces murs et ces portes qu'il avait effleurées jadis...
Le 53
Au 53 a vécu pendant 7 ans Hector Berlioz. Il avait quitté en 1849 la rue La Rochefoucauld pour cette adresse. Il vivait alors avec Marie Recio.
C'est à cet endroit qui était à l'époque le 19 de la rue Boursault qu'il composa son oratorio "L'Enfance du Christ" et sa cantate "l'Impériale". Il y acheva son "Te Deum" et y rédigea "Les soirées de l'orchestre".
On aimerait quitter la rue avec ce génie romantique, si lié à Montmartre, mais en nous approchant pour lire la plaque apposée à gauche de l'entrée, alors que nous étions persuadés qu'elle nous parlerait de Berlioz, c'est une autre réalité que nous avons découverte, et combien triste :
La rue s'arrête au croisement avec la rue Blanche… mais c'est avec la couleur rouge de la décapitation que nous la quittons.
C'est un jardin fleuri avec ses allées sous les grands arbres et sa ville de chapelles comme autant de maisonnettes qui se tiennent chaud.
Je m'y suis promené sous le soleil pour dire bonjour à quelques amis, Stendhal, Heine, Berlioz, Truffaut, Jeanne Moreau, Monique Morelli… sans oublier les chats...
Et puis je suis passé devant une tombe modeste, en bord d'allée et mon regard a été attiré par une photo fixée sur le marbre.
Une jeune-femme tient dans ses bras une fillette. Elles sont au bord de la mer par un beau jour paisible. Un petit chien, heureux et attentif se tient à côté d'elles.
La femme fait un signe de la main, sans doute à celui qui la photographie. elle sourit. On sent la douceur du soleil, le vent léger, l'odeur de la mer.
Je m'approche et je lis, gravés dans le marbre le nom de Pascale, 36 ans, Ludivine 10 mois, Gégé le petit chien.
C'est le 16 juin 2000 que tous trois moururent. Un accident de voiture peut-être, une tragédie brutale….
Je les regarde, si proches, si familiers, si présents dans ce moment de bonheur où ils sont photographiés par celui qui les aime...
La main de Pascale ressemble soudain à ce geste que l'on fait pour dire au revoir sur le quai d'une gare.
La rue La Bruyère prend naissance place Saint-Georges au cœur d'un quartier qui a gardé l'empreinte de son riche passé culturel et historique.
C'est en 1824, dans le Paris romantique que son tracé fut dessiné en même temps que celui de la rue Fontaine….
Les 1 et 3 rue La Bruyère
La rue Pierre Fontaine rendant hommage à l'architecte-décorateur de l'Empire, il fut proposé de donner à la rue voisine le nom de son ami et complice Charles Percier, à ce point lié à lui dans le travail qu'il est difficile sinon impossible d'attribuer à l'un ou à l'autre ce qui lui revient dans leurs multiples collaborations.
L'arc de Triomphe du Carrousel (Percier Fontaine)
Mais l'homme, insensible aux honneurs, contrairement à Pierre Fontaine, le refusa et ce fut le moraliste du Grand Siècle, célèbre pour ses Caractères, La Bruyère qui fut choisi!
La Bruyère (Largillière)
La rue a été habitée par tant d'artistes, hommes célèbres etc... que nous lui consacrons deux articles.
Commençons par le 1, siège aujourd'hui de la Fondation Taylor qui depuis 1844 œuvre à la défense des artistes qu'elle aide et promeut. C'est dans cet immeuble que vécut Albert Maignan (1845-1908) qui fut président de la Fondation à laquelle il légua son immeuble. Il est connu surtout pour ses talents de décorateur. Il reçut de nombreuses commandes, pour l'hôtel de ville, pour le Palais du Luxembourg, pour l'Opéra Comique…
Les notes. (Plafond du foyer de l'Opéra Comique)
… et pour l'extraordinaire "Train Bleu" de la gare de Lyon. Certains pourront s'amuser à reconnaître dans son "Théâtre d'Orange", Sarah Bernhardt, Réjane et Edmond Rostand :
Théâtre d'Orange (Albert Maignan)
La chronologie et les règles de préséance auraient dû présenter le beau père avant le gendre!
Il s'agit de Charles Philippe Larivière (1798-1876) dont la fille Etiennette épousa Albert Maignan. Il fut un peintre reconnu, grand prix de Rome en 1824.
La mort d'Alcibiade (Charles Philippe Larivière)
A la fois néo-classique et romantique, il finit par se spécialiser dans les scènes historiques qui, il faut bien l'avouer, nous lassent aujourd'hui. Il peignit trois des grandes toiles de la Galerie des Batailles de Versailles et il décora une des chapelles de Saint-Eustache.
La Petite Loge 2 rue La Bruyère.
Au n°2 La Petite Loge s'enorgueillit d'être "le plus petit théâtre de Paris". Comme quoi on peut être riquiqui et avoir la folie des grandeurs! Surtout quand on se pare des plumes du paon car il y a plus petit à Paris, à Montmartre...
Il s'agit du Petit théâtre du Bonheur qui n'a que 20 places alors que la Petite Loge en compte 25! Mais soyons plus sérieux, c'est un lieu sympathique, ouvert aux jeunes spectateurs et spécialisé dans les "Seul en scène" (ça vaut mieux).
Le 3bis
Le 3bis abrita plusieurs hôtes illustres. Le plus proche de nous est Albert Brasseur (1862-1932) non pas le père de Pierre Brasseur comme l'affirment certains sites dont celui des rues de Paris. Il est vrai qu'il fut lui aussi comédien et chanteur d'opérette. De son vrai nom Albert Jules Dumont il fut apprécié pour son humour et sa décontraction.
Albert Brasseur, Ménélas dans "La Belle Hélène".
Un autre habitant célèbre de l'immeuble fut le journaliste et écrivain Aurélien Scholl (1833-1902). Un homme plein d'esprit et de mordant qui aimait dans ses chroniques souligner les travers de ses contemporains. On l'appelait "le chroniqueur étincelant"!
Il créa des journaux, participa à "la Justice" de Clémenceau avec qui il avait alors en commun des idées et une maîtresse, l'actrice Léonide Leblanc qui n'en était pas à un amant près puisqu'elle avait accroché à son tableau de chasse le Prince Napoléon et surtout le Duc d'Aumale qui lui offrit une fortune et lui resta fidèle dans la vieillesse.
Scholl changea de bord avec la Commune dont il fut un adversaire haineux, capable de dénoncer Lavalette, mari de la sœur de sa femme. Il est tombé dans les oubliettes malgré son humour vachard et parfois absurde….
Pour Sarah Bernhardt qu'il n'aimait pas, il écrivit :
-Un fiacre vide s'arrête devant le théâtre; Sarah Bernhardt en descend.
Autres citations :
-Il fut un temps où les bêtes parlaient; maintenant elles écrivent.
-Non je ne crains pas la mort. Seulement je trouve que la Providence a mal arrangé les choses. Ainsi je préférerais de beaucoup qu'on enterre mon âme et que ce soit mon corps qui soit immortel"
-Voyons si Dieu n'existait pas comment aurait-il eu un fils?
Medusa (Lévy-Dhurmer) Musée d'Orsay
Le 3ème homme du 3bis fut un peintre de grand talent : Lévy-Dhurmer (1865-1953). En artiste curieux de différentes formes de création il se consacra pendant des années à la céramique. Quand il privilégia la peinture, c'est vers le symbolisme qu'il se tourna.
Rodenbach (Lévy-Dhurmer)
Il a été proche de Rodenbach dont il peignit le portrait le plus connu et de Pierre Loti qui le complimenta en affirmant que c'était la seule image de lui qui resterait.
Pierre Loti (Lévy-Dhurmer)
Le 5 est l'adresse du théâtre La Bruyère qui était à l'origine une salle de conférence reprise en 1943 par de jeunes comédiens pour être transformée en théâtre.
Le succès de Robert Dhéry et de ses "Branquignols" en fit une salle branchée qui programma Audiberti puis les dramaturges anglo-saxons. Le théâtre collectionne depuis les Molière!
Le 8
Au 8 a vécu avec sa famille, pendant deux ans une des grandes poétesses françaises : Marceline Desbordes Valmore (1786-1859).
C'est alors qu'ils revenaient ruinés d'Italie que les Valmore choisirent cet appartement relativement modeste. Ils y restèrent jusqu'en 1840 avec leurs enfants dont Ondine qui est sans doute la fille de l'amant de Marceline, Henri Latouche, présent comme une ombre discrète et blessée dans son oeuvre.
Cet acteur et écrivain fut sa grande passion. Il resta en relation (au moins épistolaire) avec elle pendant une trentaine d'années.
Médaillon de Latouche par David d'Angers, daté de l'année de sa mort, 1851.
Marceline Desbordes Valmore publia pendant les années de la rue La Bruyère un roman "Violette" et un recueil de poésies "Pauvres Fleurs".
Verlaine la tient pour une poétesse novatrice et sensible, Baudelaire écrit qu'elle est "une âme d'élite qui est et sera toujours un grand poète", enfin Sainte Beuve écrit le plus beau compliment, hommage à son naturel et sa sensibilité : "Elle a chanté comme l'oiseau chante"
Marceline Desbordes Valmore par Antoine Carrière (1823)
Qu'en avez-vous fait? (Pauvres Fleurs)
Vous aviez mon cœur,
Moi j'avais le vôtre :
Un cœur pour un cœur ;
Bonheur pour bonheur!
Le vôtre est rendu,
Je n'en ai plus d'autre,
Le vôtre est rendu,
Le mien est perdu!
(…)
Savez-vous qu'un jour
L'homme est seul au monde?
Savez-vous qu'un jour
Il revoit l'amour?
Vous appellerez,
Sans qu'on vous réponde;
Vous appellerez,
Et vous songerez!...
Vous viendrez rêvant
Sonner à ma porte;
Ami comme avant,
Vous viendrez rêvant.
Et l'on vous dira :
"Personne! … elle est morte."
On vous le dira ;
Mais qui vous plaindra?
Le 9
Le 9 est un bel hôtel particulier néo-Renaissance. C'est celui où vivait Daniel Iffla, connu sous le nom d'Osiris.
Cinq hôtels de la rue La Bruyère lui appartenaient.
Etages supérieurs de l'hôtel Osiris, avec dans les sculptures du balcon supérieur le "I" d'Iffla et le "O" d'Osiris.
La vie de cet humaniste et mécène est faite de générosité et de dévouement. Jeté dans la vie active alors qu'il était encore adolescent, il réussit grâce à son intelligence des affaires. Il faudrait un volume pour détailler toutes ses donations. Notons qu'il fut le premier qui créa des "restos du cœur" ouverts aux hommes et femmes sans moyens… Il mit à la disposition du maire du IXème arrondissement ses cinq hôtels pour que soient accueillis les réfugiés pendant le siège de 1870… il légua sa fortune à l'Institut Pasteur qui put créer grâce à cette donation l'institut du radium où travaillera Marie Curie… Il légua à l'Etat son domaine viticole du bordelais afin que soit créée une école d'œnologie et de viticulture, l'école de la Tour blanche.. il légua toujours à l'Etat le château de la Malmaison… Bref! Quelle différence avec les richissimes privilégiés qui aujourd'hui n'ont de cesse de dénicher des paradis fiscaux et de se réfugier à l'étranger pour échapper à l'impôt de leur pays!
Cet homme-là était exceptionnel en tout. Amoureux fou de sa femme qu'il perdit alors qu'il n'avait qu'une trentaine d'années, il conserva intact le décor où elle avait vécu et il ne voulut jamais se remarier.
Sa tombe est une des plus spectaculaires du cimetière de Montmartre, surmontée d'un immense Moïse, réplique de celui de Michel Ange. Mais ce qui nous interpelle aujourd'hui c'est qu'Osiris dut se battre pendant plus de trente ans pour obtenir l'emplacement où il a été érigé. Juif assigné à la partie du cimetière réservée aux juifs, il tenait à reposer à la limite extrême, à côté de la partie chrétienne, afin d'être le plus près possible de sa femme comme il le lui avait promis.. Triste époque où les préjugés étaient si forts qu'ils empêchaient deux êtres qui s'étaient aimés de partager la même tombe! Et quelle ingratitude envers un homme qui avait tant donné à son pays! Il est vrai que nous sommes encore dans les miasmes de l'affaire Dreyfus qui empoisonna l'atmosphère pendant plus de 12 ans!
Heureusement, avant sa mort le mur fut détruit et les règles radicales des religions purent être contournées.
Aujourd'hui le couple et ses enfants morts nés vit dans la même terre son éternité temporaire.
"J'ai lutté avec mon cœur de mari. Je suis arrivé après 33 ans de luttes de toute sorte à occuper définitivement et perpétuellement le terrain qu'elle avait désigné. Je viens de reconnaître ma place. C'est à ses pieds que je dormirai de mon dernier sommeil"
Le 11.
Au 11 a vécu plusieurs années Adolphe Tavernier, journaliste (au Gil Blas, à l'Evènement) et… escrimeur! Il a écrit un livre préfacé par Aurélien Scholl : "L'art du duel".
Mais ce qui le caractérise mieux que le fleuret c'est son goût très sûr pour la peinture de son temps et pour son amitié indéfectible avec Sisley dont il collectionna les toiles.
Première neige à Veneux-Nadon (Sisley). Toile ayant appartenu à Adolphe Tavernier.
Il ne s'en sépara qu'à contre cœur quand il quitta Montmartre pour acheter un vaste appartement dans le XVIème arrondissement!
Meule de paille en octobre (Sisley)
Nous faisons halte à ce niveau de la rue dont nous reprendrons la visite après avoir admiré quelques Sisley qui appartenaient à Tavernier!
Au début de la rue de l'abreuvoir, séparée de la maison rose par un seul immeuble, une maison à l'architecture composite attire l'attention des passants. Il s'agit de la maison des aigles.
Sur les photos du début du XXème siècle, elle n'existe pas encore. Elle n'a pas encore remplacé une modeste demeure villageoise dont un mur pignon donnait sur la rue et dont les pierres auraient été réutilisées dans la nouvelle construction.
(On peut voir sur la carte ci-dessus, un peu avant le personnage, la vieille maison et son mur pignon).
Il faut attendre 1924 pour voir la maison des aigles nidifier sur la Butte.
De style rustique et composite, elle serait si l'on en croit André Roussard, grand érudit montmartrois malheureusement décédé, l'œuvre de Joseph de la Nézière. (Dictionnaire des lieux de Montmartre. Editions andré Roussard).
Je ne sais qu'en penser pour la bonne raison que Joseph de La Nézière (1873-1944) n'était pas architecte mais peintre, intéressé non par Montmartre mais par les pays du Maghreb où il résida souvent et pour lesquels il créa de nombreuses affiches. Peut-être a t-il dessiné cette maison avant qu'un architecte ne la réalise?
Mais pour qui a t-elle été construite ? La réponse est plus facile, une plaque apposée sur la façade nous renseigne!
Elle fut la demeure du "commandant Henry Lachouque, historien de Napoléon et de la Grande armée (1883-1971)".
Lachouque? Le touriste restera dubitatif, comme je le fus devant cet illustre commandant. Napoléon éveillera sans doute plus de clignotants dans sa cervelle.
Le commandant fut pourtant un historien passionné par Napoléon.
Il fut formé à Saint-Cyr, promotion Austerlitz (!) et combattit pendant la 1ère guerre avec les gants blancs et le casoar. Ilfut blessé en 1914 à la bataille de la Marne et dut quitter l'armée.
Les toqués de Napoléon qui comme on sait rendit fous de nombreux de ses fans, le connaissent bien sûr et ont dévoré la quinzaine de livres qu'il consacra au grand homme et à son armée.
Il fonda l'Association des amis de Sainte-Hélène, il fit restaurer la fameuse maison de Longwood où l'empereur déchu passa ses dernières années, il fut enfin conservateur pendant dix ans du musée de la Malmaison. Une vie consacrée à Napoléon!
La Malmaison
Cette passion a envahi la maison des aigles. Les pièces abritaient un musée de souvenirs napoléoniens, d'objets divers ayant appartenu à Napoléon, à Joséphine ou aux princes impériaux.
L'extérieur n'est pas en reste! L'entrée est surveillée par deux aigles prêts à fondre sur leur proie. Ils ont donné son nom à la maison.
On retrouve l'aigle impériale sur l'enseigne qui se balance au vent….
Une des curiosités de la maison est le cadran solaire, un des plus photographiés de France et de Navarre.
Ce n'est pas un aigle mais un coq (dessiné par Henry Lachouque lui-même) qui s'exprime...
Il s'adresse au campanile du Sacré-Cœur voisin et il lui dit qu'au moment où il fera sonner ses cloches pour les Laudes matinales, il l'accompagnera de son chant.
Le campanile du Sacré-Coeur vu de la rue de l'abreuvoir et de la maison des aigles.
Et voilà ce qu'on peut dire de cette maison qui suscite l'intérêt des passants!
Notons que Henry lachouque, reconnu comme spécialiste sérieux de l'Empire fut sollicité à plusieurs reprises pour donner des conseils à des cinéastes dont les films se situaient à cette époque.
J'ai oublié un détail intrigant. La phrase prononcée par le coq comporte une curiosité.
Le "N" de "quand" est écrit à l'envers, comme une lettre de l'alphabet cyrillique.
Est-ce une allusion à la désastreuse campagne de Russie?
Il n'est jamais trop tard pour découvrir un grand artiste oublié! Voilà un homme exceptionnel, un artiste profond et original dont j'ignorais l'existence, je l'avoue.
Déjà, quelques mois après sa mort on pouvait lire : "Dorignac est mort. N'organisera-t-on pas une rétrospective? Ce serait une révélation pour beaucoup de gens qui n'ont pas su voir les œuvres de ce bel artiste." (Le Rapin, Comoedia, 1926)
Une révélation? Ce le fut pour moi et pour les trop rares visiteurs de l'exposition "Corps & âmes".
Il faut dire que l'affiche est ratée. Une figure noire tronquée sur fond rouge… qui ne respecte pas le fond blanc original et la force de l'œuvre.
Le choc pour moi a été la rencontre avec les œuvres noires. Leur modernité m'a sauté au visage. Il y a dans leur ombre qui apparaît d'abord massive, une richesse de détails qui se révèle peu à peu et laisse filtrer une lumière intérieure, comme à travers des feuillages nocturnes.
Georges Dorignac (1879-1925) a vécu quelques années à Montmartre, au 22 rue du Chevalier de La Barre.
Le 22 aujourd'hui. (reconstruit après les bombardements de la 2ème guerre.)
Ses premières toiles sont encore marquées par l'impressionnisme. Il peint Céline sa compagne et leurs filles. On pense à Renoir mais déjà on sent dans ces visages une gravité presque sacrée. Le portrait de Georgette, une de ses filles a quelque chose d'une princesse de Vélasquez.
Portrait de Georgette (1916)
On ressent dans ses portraits une attention exigeante à ses modèles, une volonté de rendre leur beauté, non pas seulement celle du corps mais encore celle, secrète et discrète de l'âme.
La famille (1906)
Il aime peindre sa compagne Céline qui a déjà une fille de 5 ans, Suzanne, lorsqu'il la rencontre, avec qui il aura trois filles. Ils formeront tous les 6 une famille aimante, unie dans l'adversité, une petite constellation de tendresse et de confiance.
Georges Dorignac, Céline et les 4 filles.
Après la période colorée, vient la période du noir qui correspond à l'installation du peintre à la Ruche, à Montparnasse, où il est accueilli après la rude épreuve qu'a été le vol de toutes ses œuvres. Il est ruiné mais poursuit son travail, soutenu par ses proches. Le voleur est un escroc qui s'empare des toiles et des dessins pour les signer d'un peintre coté et les vendre au meilleur prix. Par malheur il n'a pas été trouvé trace de ces œuvres disparues.
Les portraits noirs sont ce qu'il y a sans doute de plus original et de plus novateur dans l'œuvre de Dorignac.
Certains parleront d'influence de la statuaire egyptienne ou khmère. Peut-être, mais ce qui frappe, c'est cette "matière" qui semble dense, taillée dans le granit, et qui cependant porte vers la lumière, montée des profondeurs, une humanité vulnérable.
L'influence de Rodin est manifeste dans certains "masques" qui évoquent par exemple le visage d'un bourgeois de Calais, Pierre de Wissant...
Rodin. Pierre de Wissant.
Dorignac parvient à donner sur une surface plane cette épaisseur charnelle des sculptures.
"Dans ses dessins, Dorignac creuse dans la profondeur des corps comme le sculpteur dans la masse des pierres." Gaston Meunier du Houssoy.
Rodin
Dorignac
"Dorignac sculpte ses dessins." Rodin.
Les hâleuses
A la même époque, Dorignac qui a beaucoup admiré Millet et sa manière respectueuse et quasi religieuse de représenter les paysans, les dessine avec un trait fort et précis, tout entiers requis par leur tâche. Bien qu'il y ait chez lui une grande précision anatomique, on pense aux figures cernées de plomb des vitraux.
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Il y aurait beaucoup à dire encore sur les œuvres nombreuses de l'exposition.
Comme par exemple la représentation inattendue des danseuses, non comme des créatures de légèreté et d'envol mais des athlètes, des forces concentrées prêtes à se libérer.
Quand la guerre éclate, Dorignac est mobilisé mais (comme Poulbot) il est réformé, à cause d'une maladie osseuse. Il est de santé fragile et opéré d'un ulcère à l'estomac, c'est des suites d'une opération abdominale qu'il mourra en 1925.
Mais il ne cesse de peindre, comme s'il était conscient de l'urgence. La dernière partie de l'exposition montre l'évolution de Dorignac vers un art sacré. Il commence à avoir du succès, la vie matérielle est alors plus facile et il reçoit des commandes.
La Vierge à l'enfant, projet pour une mosaïque, n'est pas sans rappeler l'art roman ou l'art byzantin. Le hiératisme des personnages n'est pas austère, il est transformé par le rayonnement des auréoles qui semble vibrer pour atteindre le spectateur.
Détail du carton "La Vierge et l'enfant".
Jeanne d'Arc écoutant les voix
En 1918, en pleine guerre, il crée pour une tapisserie cette Jeanne d'Arc dont l'auréole est illustrée par ses exploits guerriers qui mettent l'ennemi en fuite.
Son style a changé, il se réfère à la tradition, aux tapisseries du Moyen-Âge. Dans un jardin clos ou paissent les agneaux, les fleurs symboliques s'épanouissent : le lys, pureté de la sainte, l'œillet, l'amour divin.
Jeanne est assise entre l'arbre de la vie et celui de la connaissance du bien et du mal. Elle écoute les voix qui lui ordonnent de combattre l'ennemi. Notons que Dorignac, sensible dès le début à la dimension sacrée de l'art était agnostique.
Ses créations plus amples sont destinées à l'art décoratif, mosaïques tapisseries, vitraux. Comme ces "Biches", projet fait sans doute pour un mur ou un plafond.
Sur un fond de fleurs et d'oiseaux, tapis de Perse, enluminure, les cervidés sont accompagnés dans leur mouvement de tendresse par les branches qui font une arcade protectrice au-dessus d'eux.
Parmi ses dernières œuvres, montrant sa curiosité pour les spiritualités orientales, il peint un mandala où se retrouvent au centre les 4 continents et autour, les symboles des principales religions : croix, étoile de David, bouddha, croissant, vache sacrée...
… et il n'oublie pas d'y insérer des dessins de femmes qu'il a réalisés une dizaine d'années plus tôt, comme si c'était lui-même avec son œuvre qui prenait place dans l'univers qui continue de tourner et d'entraîner avec lui l'humanité.
Dorignac meurt en 1925. Il a 46 ans. On aimerait que cette exposition réalise la prophétie écrite en 1928 :
"L'œuvre qu'avait réalisée Georges Dorignac demeure, et de jour en jour elle se classe, conquérant la place définitive qui lui est assignée dans l'histoire de l'Art Contemporain."(le Carnet d'un curieux. Galerie Marcel Bernheim)
Poulbot est notre Montmartrois de cœur, un homme généreux et actif un artiste qui a mis son art au service de son engagement. C'est donc avec plaisir que nous le retrouvons au musée de Montmartre où il occupe avec ses dessins exécutés pendant la guerre, le rez-de-chaussée de l'hôtel qui abrite la remarquable exposition consacrée à Dorignac (courez-y vite! C'est une révélation!)
Poulbot et le chien Tutu en 1916
Musée de Montmartre.
Poulbot dessine les gosses de la Butte pendant les années terribles de la Grande Guerre. Tout en représentant leur spontanéité et leur fraîcheur enfantines, il leur prête une ironie, une arrogance, une intelligence qui font d'eux des témoins et des critiques.
Lui-même est frustré et amer de ne pouvoir être au front. Il a 35 ans quand la guerre est déclarée. Il est mobilisé mais ses problèmes de santé nécessitent en février 1915 sa réforme. Il vit mal ce retour à l'arrière et c'est avec ses armes de dessinateur qu'il poursuit la lutte.
Il publie ses dessins dans plusieurs journaux et revues, participe à des campagnes pour récolter des fonds (pour les orphelins de guerre, pour les prisonniers…).
Ses dessins et ses affiches des années de combat font partie de ce qu'il a produit de plus engagé et souvent de plus émouvant.
Il observe les enfants qui continuent de jouer malgré le départ des pères et la rude vie des mères. Ils mettent en scène ce qu'ils savent ou perçoivent du conflit et se montrent plus patriotes que les patriotes! Les garçons creusent des tranchées, bricolent des canons et des fusils tandis que les filles, en un temps où le rôle assigné à chaque sexe est sans appel, réconfortent les guerriers ou deviennent infirmières!
Des expositions des dessins de Poulbot sont organisées, comme celle des "Alliés" en décembre 1916. C'est celle que nous propose le musée de Montmartre avec ces 24 lithographies.
Les enfants d'aujourd'hui jouent à d'autres jeux, ils sont souvent avalés par leur tablette ou leur smartphone. Poulbot n'est plus là pour les croquer avec tendresse. Les guerres d'aujourd'hui ne semblent plus les concerner… On ne joue pas au Bataclan ni aux embarcations qui font naufrage…
On ne joue pas avec le dérèglement climatique non plus…
Et pourtant on voit dans les rues défiler en chantant collégiens et lycéens plus conscients que leurs aînés. C'est peut-être là, parmi eux que Poulbot sortirait ses cahiers à dessins.
De nombreux articles sont consacrés à Poulbot sur ce blog.
Il est le plus célèbre des acteurs du boulevard du Crime, immortalisé par le film de Carné "Les Enfants du Paradis" : Antonin Louis Prosper Lemaître (1800-1876), connu sous son nom de scène : Frédérick Lemaître.
Frédérick Lemaître interprété par Pierre Brasseur dans "Les Enfants du Paradis".
Son rapport avec Montmartre?
Sa dernière adresse… dans le cimetière de l'avenue Rachel!
Son corps a été couché là, dans la 28ème division, première ligne, n°4. Il a fallu attendre 13 ans après sa mort pour qu'une souscription lancée par "l'Avant-Scène" recueille assez de fonds pour élever ce monument surmonté d'un buste de bronze.
Le buste dû à Pierre Granet fut volé puis retrouvé et gardé à l'abri en attendant d'être replacé, un jour peut-être, dans ce cimetière où pillage et vols ne sont pas rares.
Il est possible de voir sa réplique dans le square Frédérick Lemaître, Xème arrondissement (quartier où vivait l'acteur). Personne n'a encore eu l'idée de le dérober!
Pierre Granier (1842-1910) n'a pas laissé beaucoup de chefs d'œuvre et il n'est pas sûr que son buste de Frédérick Lemaître en soit un, mais il est une image artistique, rare, du grand acteur. Parmi les quelques œuvres de Granier figure "la renommée au combat" sur le pont Alexandre III, avec une trompette qui, si l'on en croit Brassens, doit être "mal embouchée"!
La renommée au combat. Pont Alexandre III (Pierre Granier).
La renommée de Frédérick Lemaître est un lointain souvenir et les promeneurs qui passent allée Troyon devant sa tombe, ignorent le plus souvent qui était cette "star" si populaire que Victor Hugo, l'opposant aux autres acteurs qui incarnaient des héros ou des rois, disait de lui "Il a été le peuple. Pas d'incarnation plus féconde et plus haute; étant le peuple, il a été le drame".
Allée Troyon. La 1ère tombe à gauche est celle de Frédérick.
Antoine Louis Prosper Lemaître est né en 1800 au Hâvre. S'il y avait vécu il aurait pu être aventurier, explorateur, pirate. On imagine pour lui les destins les plus spectaculaires, avec premiers plans vigoureux et environnement de vents et d'oiseaux plus criards que les spectateurs du paradis!
La mort de son père est le grand déchirement de sa vie d'enfant. Ce père qu'il idolâtrait meurt alors qu'il n'a que 9 ans.
Pour trouver du travail sa mère vient vivre à Paris. Frédérick est élève au collège Sainte-Barbe. Dès qu'il est en âge d'aider sa mère, il accepte des petits boulots avant de se décider à suivre les cours du Conservatoire. À sa sortie, il ne trouve d'engagement que dans un théâtre proche du Bd Saint-Martin, "Les Variétés Amusantes" où est donnée sur le mode comique "la triste aventure des amoureux Pyrame et Thysbé".
Le lion du magicien d'Oz
Frédérick (qui se choisit alors ce nom de scène) joue le troisième personnage, le brave lion soupçonné à tort d'avoir croqué la belle. C'est donc par le roi des animaux dont le déguisement a le poil quelque peu dégarni que Frédérick Lemaître se fait connaître et déjà apprécier du public populaire par ses apartés et ses mines entendues.
Boulevard du Temple. (1845)
Nous sommes sur le boulevard du Crime, surnom donné au boulevard du Temple où de nombreux théâtres se spécialisent dans les mélos sanglants.
Boulevard du Crime (Enfants du Paradis)
C'est sur ce boulevard, à l'Ambigu, que Frédérick trouve le rôle qui va l'installer pour toujours dans le cœur des spectateurs, celui du bandit de grand chemin, Robert Macaire (dans l'Auberge des Adrets)
Le coup de génie de Frédérick Lemaître fut de rendre bouffon un mélodrame censé tirer des larmes. Il trouva la pièce si nulle qu'il tira partie de chaque réplique, de chaque situation pour la transformer en farce tandis que les autres acteurs jouaient sérieusement leur rôle. Il fit du mélodrame ampoulé un triomphe de drôlerie et d'humour noir et le public conquis adopta l'acteur qui avait fait d'eux ses complices!
Dès lors, il emplira toutes les salles où il se produira. Il aura une foule d'admiratrices qui l'attendront à la sortie des théâtres et en homme galant il fera de son mieux pour rendre hommage à leur beauté! La scène culte des Enfants du paradis nous le montre en séducteur qui trouve en Garance une égale, aussi spirituelle que lui.
Il lui demande une adresse où la retrouver :" Paris est grand vous savez." Elle répond l'œil ironique "Paris est tout petit pour ceux qui s'aiment comme nous d'un aussi grand amour!"
Parmi les actrices qui ont joué avec lui, la plus célèbre est sans doute Marie Dorval. Ils sont partenaires dans "Trente ans ou la vie d'un joueur", mélo où elle se fait remarquer en 1827, cinq ans avant de devenir la maîtresse de Vigny et de donner la mesure de son talent au théâtre français.
Vigny et Marie Dorval
"Je fus vivement impressionné par cette nature à la fois ardente et timide, par cet accent pénétrant et inspiré" (Frédérick Lemaître. Souvenirs.)
Frédéric Lemaître interprète lui aussi de grands textes qui lui permettent de donner sa mesure sans perdre l'adhésion du public populaire. Il est Othello, il est Hamlet, comme on imagine que ces personnages étaient proposés au Théâtre du Globe devant un parterre mêlé et souvent bruyant.
Pierre Brasseur en Frédérick Lemaître (Les Enfants du paradis)
Il joue dans des pièces de Hugo (Lucrèce Borgia, Ruy Blas). Hugo qui était exigeant avec ses interprètes admire Frédéric Lemaître :
"Cet homme est à tout prendre le premier ou plutôt le seul comédien de notre temps".
Dessin de Léon Noël
On le trouve encore dans "La maréchale d'Ancre" de Vigny ou dans des pièces d'un auteur dont il aime le romanesque, Alexandre Dumas. Il s'illustre dans "Kean" et dans "la tour de Nesles"
Photo de Carjat
Cette possibilité pour lui de s'investir dans des rôles si variés donne une idée de son génie, du respect aussi qu'il porte aux grandes œuvres dans lesquelles il "est" le personnage qu'il joue sans avoir besoin comme dans les mélos médiocres de prendre ses distances, de se moquer, de transformer son public en confident!
Dans sa vie privée, Frédérick qui a du mal à dissocier sa carrière d'artiste de celle d'amoureux, passe d'un amour à l'autre avant d'épouser Sophie qui se révélera compagne vigilante et fidèle.
"J'eus un fils que j'appelais Frédérick comme moi. Quelque temps après ma chère Sophie me donna une fille, ma belle Caroline, et l'année suivante Charles, qui lui aussi devrait être là pour me fermer les yeux quand sonnera mon heure."
L'heure de Frédérick viendra après celle de ce fils qu'il aimait et qui mourut à 40 ans. C'est sur la fin tragique de son fils que Frédérick Lemaître, après avoir évoqué ses souvenirs de théâtre, clôt son livre.
"Charles était atteint de cet horrible mal qui depuis six mois décimait tant de familles dans Paris : la petite vérole noire (…)
Le 5 mars 1870 vers six heures du soir, dans un accès de fièvre, il s'était vu entouré de flammes et s'était précipité par une fenêtre. Je n'eus que le temps d'accourir pour recueillir son dernier soupir. Il est mort dans mes bras."
Après la mort de son fils, Frédérick Lemaître se réfugie dans la solitude. Son fils Frédérick évoque les dernières humiliations qu'il subit de directeurs de théâtre qui ne misent plus sur lui.
"La mort le trouva calme et fort. Il ne regrettait rien. Une partie de ceux qu'il aimait l'avaient déjà précédé dans l'inconnu"
Avec quelle ironie et quel sadisme la "nature" peut se jouer de nous! Le lion du théâtre aux rugissements puissants, le brigand aux invectives malicieuses, l'acteur total, maître de la parole comme un virtuose de son instrument, est atteint d'un cancer à la langue.
Son martyre dure huit mois. "Je meurs de faim. Je voudrais tout croquer! Hélas ces diables d'aphte s'y opposent"
Il meurt le 26 janvier 1876.
L'enterrement marqua tous les esprits tant la foule était dense sur le trajet qui allait de l'église de la rue des marais dans le Xème arrondissement au cimetière de Montmartre.
"Le char se fraye difficilement un chemin entre les maisons garnies jusque sur les toits" (Victor Hugo)
Victor Hugo sur la demande du fils de Frédérick Lemaître improvise un discours sur la tombe.
"Je salue dans cette tombe le plus grand acteur de ce siècle, le plus merveilleux comédien peut-être de tous les temps."