Avec le confinement je n'ai pu revoir le refuge en avril comme chaque année. Il a fallu attendre l'été pour retrouver cet endroit que j'aime et d'où sont venues deux des plus mystérieuses et des plus tendres chattes avec qui Nicole et moi ayons jamais eu la chance de vivre.
Comme chaque fois que j'écris sur le lieu où je les ai recueillies, je publie une de leur photo, avec un pincement au coeur puisque la tricolore Bella est morte en septembre dernier et dort sous les roses trémières du jardin.
J'ai retrouvé avec bonheur Cosette la créatrice du refuge, infatigable combattante toujours sur le chemin de ronde, à guetter les appels déchirants ou silencieux des chats en détresse.
Beaucoup de nouvelles depuis la dernière fois... des morts, des guérisons, des sauvetages...
Quelques uns de ces sauvetages parmi d'autres :
Le premier dit beaucoup de l'indifférence de certains à la condition animale. Une femme arrive avec un carton contenant quatre minuscules chatons d'à peine quinze jours. Cosette lui demande de les rapporter à leur mère car ils ne sont pas sevrés et risquent de mourir. Tant pis dit la femme, je vais les mettre à la poubelle.
(C'est triste mais il y a pire... ceux qui n'essaient même pas de les apporter au refuge et se débarrassent des chatons sans état d'âme, sans état de coeur!)
Les bénévoles du refuge vont se relayer pendant des jours et des jours, biberonnant et câlinant jusqu'à ce que les quatre abandonnés soient sortis d'affaire et adoptés.
Ekky
Un autre sauvetage a eu pour origine l'arrestation à un barrage d'un jeune homme recherché par la police. Il fut aussitôt emmené au poste et incarcéré, sa voiture restant garée près de l'endroit où il avait été arraisonné. Quatre jours après l'événement, des miaulements avertirent les passants de la présence de chats à l'intérieur du véhicule. Ils étaient deux. L'un disparut quand on le libéra, l'autre fut recueilli aux Pachats. Il était pucé, soigné. Il s'appelle Ekky. Peut-être retrouvera t-il un jour son maître...
Une des rescapées de Saint-Trojan
Le sauvetage le plus spectaculaire et le plus triste a eu lieu à Saint-Trojan. Une kiné de la ville qui vivait avec une trentaine de chats s'était laissée mourir après le décès de sa vieille maman qui habitait dans la même maison. Les héritiers débarquèrent pour récupérer la villa mais pas les chats dont ils ne voulaient pas. Une vingtaine d'entre eux se volatilisèrent. On ne tient pas à savoir quel fut leur sort tandis qu'une dizaine réussit à s'enfuir et se réfugier chez une voisine. Le refuge des Pachats vint les chercher. Ils sont maintenant à l'abri et retrouvent soins et caresses même si dans leurs rêves ils entendent toujours la voix de leurs anciennes maîtresses.
Enfin, la dernière aventure du refuge concerne une adorable chatte abandonnée, nourrie par une personne de St-Trojan qui fut prise de pitié pour l'état lamentable où elle était. Une maladie (prolapsus anal) provoquait la sortie de plusieurs centimètres de son colon qui traînaient dans le sable. Elle aurait été condamnée si Cosette ne l'avait accueillie et n'avait contacté le vétérinaire qui veille sur la santé des Pachats.
Victoire encore apeurée
L'opération était telle qu'il refusa d'abord. Une des opérations les plus risquées et les plus délicates... Il accepta enfin sans s'engager sur le résultat. Les frais d'une telle intervention étaient élevés et une fois encore les bénévoles se liguèrent pour l'assumer. Aujourd'hui la petite chatte est sauvée. Elle a été baptisée Victoire!
Victoire! comme on aimerait pousser ce cri pour chaque animal sauvé! Pour la fin des corridas! Pour la fin des chasses à courre, la fin du piégeage à la glu..... et tant d'abominations! Notre quatrième ministre de l'écologie flanquée bientôt d'un ministre du bien-être animal parviendra t-elle à redresser la barre? Rien de moins sûr quand on apprend que ses premiers invités ont été les sinistres représentants des chasseurs, ceux-là même qui provoquèrent la démission de Hulot!
Que Victoire nous aide à croire en un monde meilleur avec des responsables politiques qui auraient le coeur aussi grand que celui des bénévoles du refuge des Pachats!
Rien ne nous consolera de la destruction sauvage du cirque Médrano qui fut indépendamment de son architecture remarquable un lieu historique que fréquentèrent quelques uns des plus grands peintres qui vivaient alors à Montmartre...
Picasso
Aucun amoureux de paris ne se consolera du vandalisme des années Pompidou qui écrasa les Halles de Baltard, le Palais de marbre rose, les quais historiques…
Les promoteurs connurent avec ce président agrégé et amateur d'art leur âge d'or!
Le cirque est l'école de la fraternité.
Sur l'indigent immeuble qui a pris la place du cirque Médrano, une fresque a été peinte, côté rue des Martyrs. Elle rend hommage à ce que fut ce lieu sans prétendre le remplacer.
L'enlaidissement irrémédiable de notre ville!
La mairie du IXème a confié la réalisation à deux artistes, sur le thème de la fraternité. Audrey Feuillet et Oscilia Glé sont ces ceux magiciennes qui eurent l'idée pour illustrer ce thème de rendre hommage au cirque disparu en imaginant un monde réconcilié où les hommes et les animaux vivraient en bonne amitié.
Beaucoup d'humour dans la représentation des artistes et des animaux, tous occupés, face au public, à faire leur numéro ou à flemmarder en regardant la piste.
Sur la droite, Monsieur Loyal est un cheval qui annonce l'entrée des artistes...
Tandis qu'à côté de lui trois castors aux yeux brillants sont bien décidés à "buller"...
Les bulles irisées qui réjouissent les enfants sont partout présentes dans la fresque, comme autant d'invitations à la légèreté et au rêve.
L'éléphant spectateur est assis sur les gradins d'un cirque en plein ciel, en plein voyage sur un fond de ciel et de carte du monde avec les océans et les continents...
Les enfants des écoles ont participé par leurs suggestions à la réalisation et c'est sans doute pourquoi l'éléphant tient des pop-corns sur les genoux. Les insupportables pop-corns qui envahissent les salles de cinéma….
L'hippopotame, le zèbre, la girafe et le lion, côte à côte dans un monde où il n'y a ni prédateur ni proie… Le lion n'oublie pas qu'il est le "roi" et roupille sur le dos à l'abri de la girafe!
Il n'est pas intéressé par les deux acrobates-cyclistes qui unissent leur adresse et leur couleur...
Les orangs-outans font leur cinéma et la ramènent en rappelant à tous le secret du bonheur : Ne rien voir, ne rien entendre, ne rien dire...
Au centre de la piste, un lion-dompteur fait passer un homme à travers le cerceau. Inversion de la tradition qui veut que ce soit l'homme qui exploite les animaux et non le contraire. Y aurait-il un message dans ce numéro?
Le clown et le cochon. Et pas n'importe quel clown!
Il s'agit de Boum Boum! Géronimo Médrano. Ici avec un cochon dressé d'après une photo. Clin d'oeil au célèbre clown qui dort pour l'éternité au cimetière de Montmartre et à un animal intelligent, plus que le chien.
Le prestidigitateur ne fait sortir que des bulles de son chapeau tandis qu'il est porté par le lapin blanc qui habituellement prend la place des bulles!
L'ours n'est plus l'animal cruellement dressé par un montreur de foire mais un spectateur attentif à qui un enfant offre des ballons.
Le crocodile va à la pêche!
Le tigre fait des bulles...
Personne ne fera la peau au jeune phoque qui se roule dans les nuages...
Il ne reste plus à nos trapézistes qu'à jouer avec l'espace tandis que le grand rideau rouge s'ouvre pour nous laisser voir un pays où la fraternité concerne toutes les créatures, un monde idéal comme nos rêves!
...et où c'est un minuscule oiseau qui aide à écarter les tentures, rappelant à chacun l'histoire du colibri qui lorsque l'incendie dévore la forêt, va et vient porteur d'une simple goutte d'eau dans son bec: "je fais ma part" dit-il.
Ici il s'agit de promouvoir la fraternité, chacun y a sa part!
Chaque début d'été c'est une fête et un plaisir de retrouver les ruelles fleuries de l'île d'Oléron.
Mais cette année 2020 décidément différente des autres années, les roses trémières toujours belles ont cependant un petit air fatigué, comme si le confinement leur avait porté un coup sur le pétale!
Cela est dû sans doute à un mois de mai de plein soleil et de chaleur estivale suivi d'un mois de juin pluvieux à l'excès. Les roses en ont gardé un côté chiffonné et las.
J'ai photographié quelques unes d'entre elles sur le port de Saint-Trojan où les cabanes de couleurs leur offrent le cadre idéal qui sied à leur beauté fragile.
Sur la tombe de notre chatte Bella morte en septembre dernier, une rose trémière s'est élancée vers le ciel. C'est la seule de notre petit jardin.
j'offre à ces fleurs fidèles le poème que j'ai écrit pour elles. Je le redis chaque année quand je les retrouve, droites contre vents et marées, la tête dans le soleil.
La rose trémière
La rose dans mon île est rose du vertige
Sur sa dernière fleur il pousse une autre fleur
Qui se hausse du col au sommet de sa tige
Et par-dessus le mur jette un oeil en couleur
La rose dans mon île est la rose trémière
Elle est née au printemps sur le chemin de pierres
Dans la ruelle étroite au pied des maisons blanches
C'est une courte rue de Paris (160 mètres) mais quelle richesse! Quelques unes des plus grandes "stars" de la première moitié du dix-neuvième siècle y ont vécu, au cœur de ce quartier à la mode dont les artistes qui y vécurent firent une "Nouvelle Athènes" dans un Paris qui artistiquement était le centre du monde.
Hôtel de Lestapis, emplacement du moulin des Dames (avec son voisin)
Le nom de la rue a pour origine un moulin de pierres, au niveau du 2 actuel, qui appartenait depuis le quinzième siècle aux abbesses de Montmartre.
Cette tour existait encore en 1820 quand se lotissait la rue. Elle était située entre l'hôtel Lestapis et son voisin avant d'être détruite.
Village des Porcherons.
La rue porta différents noms quand elle faisait encore partie du village des Porcherons. Ruelle Baudin, rue Baudin, puis en 1789 rue de la tour des Dames.
Hôtel de Mlle Mars
Façade sur jardin.
Au numéro 1 nous voyons l'hôtel particulier de Mlle Mars. Nous avons consacré un article à cette actrice qui fut une star de son époque.
Mademoiselle Mars (Gérard)
L'actrice préférée de Napoléon fut pendant 40 ans la vedette de la Comédie Française. "Elle est divine, elle est parfaite" écrivit Stendhal qui fermait les yeux en l'écoutant de peur de tomber amoureux.
Son hôtel appartint à Bougainville pour qui il fut construit en 1820 par l'architecte Visconti, un des meilleurs représentants du style "Restauration" auteur entre autres du tombeau de Napoléon aux Invalides et de la fontaine de la place Saint-Sulpice.
Mademoiselle Mars (François Lagrenée)
Mlle Mars qu'on appelait "le diamant" fut une grande amoureuse, fidèle plusieurs années à plusieurs hommes successifs avant de connaître un dernier grand amour avec un homme de 25 ans plus jeune qu'elle et qui l'aima jusqu'à sa mort.
Le 2 est l'hôtel de Lestapis construit entre 1822 et 1824 par l'architecte Biet pour le Prince de Wurtemberg. Son nom vient de la famille qui l'acquit et l'occupa entre 1838 et 1870,
Le 3 est un autre hôtel particulier qui fut celui d'une actrice, une tragédienne qui fut la Phèdre de son temps: Mademoiselle Duchesnois (1777-1835)
Mademoiselle Duchesnois n'avait pas la grâce de sa voisine. Elle était un peu hommasse mais habitée par le sens de la tragédie. En pleine période romantique elle resta fidèle à Racine. Chaque représentation de Phèdre à la Comédie Française se donnait à guichets fermés!
Elle fut, elle aussi, une grande amoureuse et eut trois enfants de trois pères différents.
L'hôtel qu'elle acheta en 1822 avait été construit deux ans plus tôt par Auguste Constantin, un des principaux architectes de la Restauration.
Le 4 est l'hôtel Cambacérès. On a vu que le fameux moulin s'élevait en partie sur le terrain où il fut construit. Son architecte est Clouet.
Cet hôtel me pose deux problèmes. Son architecte tout d'abord, inconnu au bataillon, Cambacérès ensuite car Wikipédia qui sait tout prétend que c'est le comte Etienne Hubert de Cambacérès, archevêque de Rouen qui l'acquit en 1826, or à cette date le saint homme était mort depuis huit ans!
Dans la lignée Cambacérès le seul dont les dates pourraient correspondre est Pierre Hubert de Cambacérès, pair de France sous Louis Philippe, Duc sous le 2nd Empire et qui à partir de 1832 devint conseiller municipal de Verrières le Buisson où il acquit un grand domaine.
Je livre cette double énigme à d'éventuels lecteurs amoureux du quartier.
Le 5
Au 5 a vécu le peintre Horace Vernet ( 1789-1863) qui fut célèbre en son temps pour ses toiles de bataille et ses sujets orientaux. Amoureux des paysages algériens, il acheta, la gloire venue, un vaste domaine près de Hyères où il se fit construire un grand château composite.
Iéna (Vernet)
Baudelaire est sévère avec lui et le définit comme "un militaire qui fait de la peinture"!
Mazeppa
Il se montrait sans doute sévère. Si le succès du peintre lui était assuré par ses toiles historiques, il fut un romantique par son goût de l'orient, par la violence des contrastes. Il peignit à la mort de sa fille "l'Ange de la mort" qui aurait pu toucher le poète des Fleurs du Mal.
L'architecte de cet hôtel est Louis Pierre Haudebourt surtout connu pour avoir eu pour femme une artiste de grand talent, Hortense Haudebourt-Lescot dont quelques toiles sont conservées au Louvre.
Autoportrait (Hortense Haudebourt-Lescot)
Le 7
Avec le 7 nous sommes en pays de connaissance car le peintre Paul Delaroche (1797-1836) qui y vécut n'était autre que le gendre d'Horace Vernet qui vivait au 5!
Les enfants d'Edouard (Delaroche)
Il est peintre lui aussi et comme son beau-père connaît un grand succès en un temps où l'on aime les scènes historiques et les anecdotes célèbres. Son tableau "Les enfants d'Edouard" connut un vif succès. La scène des enfants emprisonnés dans la tour de Londres et bientôt assassinés ne manque pas d'émouvoir un public sensible au thème comme au style "troubadour".
Il consacra quatre années à peindre la fresque de l'amphithéâtre des Beaux-Arts.
L'architecte du 7 est Auguste Constantin qui réalisa comme nous l'avons vu le plus bel immeuble de la rue, celui de Mademoiselle Duchesnois.
Du 8 au 12
Un coup d'œil sur le belle façade un peu écrasante de cet immeuble post haussmannien (1910) qui après divers avatars a été transformé en logements sociaux. J'aurais aimé pendant mes années de galère trouver une HLM dans un tel immeuble!
Le 9
Le 9 fut l'hôtel de Talma (1763-1826) le comédien le plus populaire de son temps et apprécié de Napoléon. Il faut avouer que l'acteur préféra sa soeur la Princesse Pauline Bonaparte avec qui il eut une liaison.
Il révolutionna la manière de dire les vers tragiques de façon plus naturelle. Sa déclamation tranchait avec celle de ses rivaux. Quand il jouait Le Cid à la Comédie Française, tout Paris pour Rodrigue avait les yeux de Chimène!
Il fit construire en 1820 son hôtel de la rue de la Tour des Dames et il demanda à Delacroix d'en assurer la décoration. Le jeune Delacroix était un grand admirateur du tragédien qu'il rencontra peut-être grâce à Vernet. Il peignit pour la salle à manger de l'hôtel quatre panneaux représentant les saisons. Malheureusement ces œuvres ont été dispersées.
L'architecte à qui Talma confia les travaux est Paul Lelong (1799-1846). On lui doit le Bazar de l'Industrie boulevard Poissonnière ainsi que les bâtiments de la rue de la Banque dont il supervisa le percement.
Le 11
Le 11 fut habité par Charcot. Là encore je me pose des questions sans trouver de réponses. Il est bien fait mention sur différents sites de cette adresse où aurait vécu le "médecin" Charcot, sans plus de précision. J'ai suivi à la trace Jean-Martin Charcot, fondateur de la neurologie moderne, admiré de Freud… De sa naissance au Faubourg Poissonnière, en passant par la Cité Trévise, la rue du Coq, la rue Laffitte et le faubourg Saint-Germain, je n'ai rien trouvé qui puisse accréditer cette thèse.
J'ai pensé à Jean Charcot (Jean-Baptiste) fils du précédent, médecin lui aussi et célèbre explorateur dont le Pourquoi-pas? fit naufrage en 1936. Rien de probant!
Je me réfère donc à Wikipédia ou à "Paris-Révolutionnaire" pour mentionner cette résidence temporaire de Charcot! Le neurologue ou le commandant, ou aucun des deux. Au fond ça n'a pas d'importance, pas de quoi faire une crise d'hystérie!
Le 13
Le 13 passerait inaperçu s'il n'avait hébergé entre ses murs une de nos gloires nationales Jean-Philippe Smet futur Johnny Hallyday!
Enfant, il vécut chez sa tante paternelle Hélène Mar, ancienne star du muet, dans un deux pièces partagé avec ses deux cousines.
On imagine quelle pouvait être la vie dans un petit appartement sans confort. Il fallait alors pour prendre une douche se rendre à l'établissement de la rue des Martyrs.
On sait que dans ce quartier proche de l'église, il fit partie de la bande de la Trinité avec Dutronc et Eddy Mitchel.
Du 14 au 18 l'ancienne sous-station d'EDF construite en 1929 a été reconvertie, en gardant par bonheur la façade, en centre sportif et d'animation culturelle.
Il y eut à cet emplacement des bureaux de la Poste aux chevaux de Paris dont la façade était 2 rue Pigalle. C'est là que les derniers maîtres de poste, les Dailly transférèrent leur établissement. Ils se firent construire un hôtel particulier aux 67-71 rue Pigalle, détruit pendant les années pompidoliennes qui ne furent pas à un vandalisme près (Médrano, Halles de Baltard, Palais de marbre rose…)
Il ne reste dans la cour du méchant immeuble qui l'a remplacé que l'ancien abreuvoir épargné par les démolisseurs.
Les chevaux ne passent plus dans la rue… les admirateurs n'envoient plus de fleurs à leur "idole", Talma, Mlle Mars ou Mlle Duchesnois… les peintres n'y rêvent plus de batailles…
La rue s'est endormie et n'émeut plus que les amoureux de Paris...
6 juin. Montmartre 1942 rue Androuet. Décor de "Adieu monsieur Haffman".
7 juin. Rue La Vieuville.
8 juin Miss Tic rue Lepic-Véron.
9 juin. Retour au cimetière Montmartre.
10 juin. La statue fait des petits.
11 juin. Rue des saules. Glissade immobile.
12 juin. A pleine voix place Emile Goudeau.
13 juin. Pandémie terrassée… Ravignan-Goudeau.
14 juin. La ville qui navigue. Parvis du Sacré-Coeur.
15 juin. La petite fille-modèle. Place du Tertre.
16 juin. Les cheminées de la rue Gabrielle.
17 juin. Place Emile Goudeau.
17 juin. Rue Poulbot.
18 juin. La rue Nobel en noir et en couleur!
19 juin. Secrets. Square louise Michel.
20 juin. Musicien en herbe. Place des Abbesses.
21 juin. Fête de la musique. Rue André Del Sarte. Le rappeur Réta.
22 juin. Sportifs sauteurs sur les marches du parvis.
23 juin. Le lotus. Jardins Renoir rue Cortot.
24 juin. Les amants de St-Jean. Rue Utrillo.
25 juin. 35° à Paris. Le point d'eau place Valadon.
26 juin. "Amour aveugle" collage de Levalet rue d'Orsel sur le mur du théâtre de l'Atelier
27 juin. Repos avant l'ascension de la rue Foyatier!
28 juin. Le jour naissant...
Et voilà! Le mois s'achève avant la fin! Demain c'est le départ pour Oléron avec les chats. Depuis octobre nous n'avons pas quitté notre perchoir… Il est temps de respirer l'océan et de passer des moulins de la Butte à ceux de l'île aux cent moulins!
Levalet est un des plus doués et des plus originaux des artistes qui se font connaître en décorant les rues de leur collage. On se rappelle comment il avait transformé la rue Véron en galerie surréaliste.
Il nous offre aujourd'hui en ce mois de juin déconfiné une fable amoureuse à la fois élégante et pleine d'humour.
Il faut se dépêcher d'aller la voir avant que les tags ne la recouvrent et les nettoyeurs ne la liquident!
Les lettres noires comme des coups de poing, des coups de gueule, ont fait leur apparition sur les murs de Montmartre un peu avant le grand confinement.
Elles ne restent pas longtemps en place, vite arrachées, vite recouvertes de tags, vite oubliées...
Mais avec acharnement elles reviennent comme une herbe qu'on voudrait déraciner et qui s'entête à renaître...
C'est à Marseille qu'elles ont pour la première fois fait parler les murs. C'était en août 2019.
Marguerite Stern, féministe radicale des Femen en est à l'origine. Lorsqu'elle apprend qu'une jeune femme corse, après avoir porté plainte par cinq fois à la police, a été assassinée, elle transforme sa rage en lettres noires peintes sur des feuilles A4.
La nuit tombée elle les colle sur les murs. Le mouvement est lancé.
Dans un squat d'artiste du 14ème arrondissement, des femmes alignent les lettres pour en faire des phrases dénonciatrices, des cris.
"Elle le quitte, il la tue" revient souvent. C'est la première raison donnée par les assassins. Comme si leur "possession" leur "bien" leur échappait, remettant en cause leur statut de maître, de mâle dominant...
Quand la ville peu à peu s'endort, les volontaires vont avec les seaux de colle, les pinceaux et les feuilles afficher les lettres noires en essayant de ne pas être vues et verbalisées.
L'action des femmes de ce collectif est pourtant plus respectueuse de l'environnement que bien des tags laids et pollueurs. Les feuilles s'arrachent, se décollent sans abîmer leur support. C'est du moins ce que les "colleuses" espèrent. Souvent là où une lettre a été arrachée, apparaît une autre lettre, peinte cette fois directement sur le mur. La belle idée de départ est difficile à réaliser tant est rapide et acharnée la réaction de ceux qui se sentent agressés par ces dazibaos.
Il y a aujourd'hui plus de cent femmes engagées dans le combat des lettres noires. Les hommes, d'après ce que je sais, ne sont pas admis. Je le regrette. Il me semble que ces combats se gagnent par l'union de tous.
Parfois les messages excluent les hommes comme s'ils étaient forcément les ennemis.
"Ni dieu, ni mec, ni patron" me semble être de ceux-là, inspiré par le devise anarchiste dont une des plus belles figures, Louise Michel luttait à égalité avec les hommes.
Mais là, j'entre dans un autre débat sur certains mouvements féministes ouvertement lesbiens et pour lesquels tout mâle est suspect.
Je préfère n'en pas parler et tirer mon chapeau que je n'ai pas à ces combattantes de la nuit qui jettent à la figure de tous ces faire-part de deuil, ces lettres noires qui claquent comme des drapeaux.
Une des voies les plus pittoresques de Montmartre est aujourd'hui fermée aux visiteurs comme aux amoureux de la Butte. Depuis une dizaine d'années on ne la voit plus qu'à travers des grilles et on reste sur le trottoir si on ne connaît aucun des riverains ou si on n'a pas réservé une chambre dans l'hôtel de grand luxe qui s'y taille la part du lion!
Cet hôtel qui a trouvé un nom très original : "Hôtel Particulier Montmartre" est un immeuble Directoire harmonieux qui fut la propriété de la famille Hermès. Il possède un beau jardin de 900 m2 et garantit grâce à la privatisation du passage une paix royale à ses clients.
Selon une légende tenace il aurait abrité une vieille dame de noir vêtue qui sortait de sa solitude pour poursuivre avec son balai les poulbots qui aimaient organiser des courses entre l'avenue Junot et la rue Lepic avant de se retrouver autour du rocher pour fêter avec force cris le vainqueur.
Il n'en fallait pas plus pour qu'elle devînt pour les enfants la sorcière du lieu.
Encore une histoire montmartroise sans doute inventée par un chansonnier de la Butte! Il paraît plus vraisemblable que le rocher étrange et raviné comme une vieille dent cariée qui occupe le centre du passage ait été une fontaine qu'on appelait "la sourcière" avant que l'eau ne fût tarie.
Ce rocher qu'on aperçoit à travers les grilles donne à l'endroit un aspect mystérieux qui a conduit quelques rêveurs à en faire une météorite tombée au sommet de la Butte en des temps très anciens. Si vous regrettez de ne pas pouvoir vérifier de plus près, il y a dans le square Louise Michel des falaises et des rocailles qui vous consoleront.
Le maquis
Quand ce côté de la Butte était encore un vaste terrain sauvage où se réfugiaient les pauvres gens et les artistes bohêmes, une cabane de bric et de broc abrita des artistes circassiens.
La cabane survécut avec ses planches disjointes avant d'être détruite, risquant de blesser les gamins du quartier.
Vous verrez sur certains sites qu'elle est attribuée à Footit et Chocolat, le célèbre duo de clowns qui inventa la dramaturgie du clown blanc et de l'Auguste. Rien n'atteste ce qui une fois encore a toute chance d'être une galéjade de Montmartrois qui n'ont rien à envier aux Marseillais.
Footit, marié et à l'aise vivait en famille et si Chocolat, marié lui aussi, fut dans le besoin quand il sombra dans l'alcool, ce n'est certes pas dans un maquis qui n'existait déjà plus qu'il se serait réfugié.
Ce qui n'est pas une légende en revanche, c'est l'existence, contre vents et marées d'un boulodrome qui s'est installé sur ce coin arboré en 1972. Il a eu chaud lorsque, en 1990, les promoteurs voulurent créer un parking au 23 avenue Junot. Il fallut quatre années de lutte et de mobilisation des Montmartrois autour de leurs boulistes pour que le parking soit enterré (!)
La pétanque est une vieille tradition de la Butte (encore un point commun avec nos amis marseillais). Des photos et des cartes postales en attestent.
Aujourd'hui le boulodrome, classé, est fier de ses neuf pistes, de ses habitués divers et variés, hommes, femmes, enfants, de toutes les origines, de tous les milieux. Des gens qui ont la tête bien faite et ne perdent jamais la boule.
…. Un jour peut-être la sorcière se réveillera t-elle et d'un coup de balai enverra promener les grilles qui emprisonnent ce passage. Tout est possible à Montmartre et ce n'est pas le passe-muraille qui me contredira!