Il y a des rues de Paris qui présentent une telle unité architecturale qu'elles sont comme un musée à ciel ouvert. La rue Ziem et la rue Armand Gauthier sont de celles-là!
Nous sommes dans le quartier des Grandes Carrières, dans cette partie de Montmartre livrée à la spéculation immobilière au début du XXème siècle. Les programmes immobiliers s'adressent à une bourgeoisie aisée, comparable à celle qui investit dans les quartiers chics de l'ouest parisien.
Les carrièree en 1804 (Lefranc)
À l'emplacement des carrières de gypse exploitées depuis le Moyen-Âge, subsistaient de petites maisons populaires faciles à exproprier. Un architecte se voit confier le lotissement de ces deux rues. Il s'agit d'Armand Gauthier.
Son nom a été donné à la courte rue, terminée en escalier (nous sommes à Montmartre) où il vécut, satisfait sans doute d'ouvrir ses fenêtres sur ses réalisations! Il est le seul personnage un peu connu qui ait habité cette voie qui aujourd'hui s'apparente à un musée qui lui rend hommage.
Nous sommes dans la première décennie du XXème siècle. Chaque immeuble porte la signature de Gauthier ainsi que sa date de construction, 1906 ou 1907.
La rue Gauthier va de la rue Ziem à la rue Eugène Carrière. Elle suit une courbe harmonieuse et se termine par un escalier.
Ces falaises de pierre claire seraient semblables à beaucoup d'autres sans le rythme et l'ornementation de leurs façades. Gauthier n'est pas un génie de l'Art Nouveau mais il concilie habilement la tradition haussmannienne et les tendances nouvelles.
il sait que ses "clients" soucieux de leur image n'ont pas envie d'investir dans des immeubles de style "nouille" comme ils appellent l'art nouveau trop audacieux pour eux.
Mais il a le sens de l'harmonie, il sait épouser la courbure du terrain et il sait aussi varier le décor de ses immeubles même s'il fait appel à des sculpteurs sans audace.
Le 2
Le 4
Le 6
Côté pair les 2, 4 et 6.
Le 2 donne d'un côté rue Gauthier, de l'autre rue Ziem.
Côté impair, le 1 est le seul immeuble qui ne soit pas de Gauthier. Il est le seul également qui combine la souplesse de l'Art Nouveau avec des décors floraux typiques de cet art. Il est dû à Paul Marteroy et a été édifié en 1907. Cet architecte avait un plus grand renom que Gauthier. Il était architecte en chef de la ville de Paris et on lui doit plusieurs réalisations dans divers arrondissements.
Les 3, 5 et 7. Une belle unité et un sens de l'harmonie… cette rue Gauthier aussi calme qu'une impasse est un havre paisible à deux pas de l'animation du boulevard de Clichy….
L'artère débouche sur la rue Ziem dont tous les immeubles sont l'œuvre d'Armand Gauthier.
La rue porte le nom de Félix Ziem (1821-1911) un peintre qui fit partie de l'école de Barbizon avant de consacrer l'essentiel de son œuvre à Venise dont il fut amoureux. Il y a dans ses toiles une lumière onirique et on comprend en voyant certaines e ses toiles qu'il ait pu être considéré comme un des précurseurs de l'Impressionnisme.
Entre le 2 (à droite) et le 1
Le début de la rue entre le 1 et le 2 a fière allure avec ses immeubles comme des proues de navire!
2 bis
Le 4
Le 6
Le 8
Le 8 est un des plus beaux avec ses sculptures plus originales, ses consoles florales et animales à la fois.
Le 12
Le 12 est le dernier immeuble côté pair. Il est théâtral et termine en beauté ce côté.
On voit que tous ses immeubles au décor varié sont assez sages par rapport au délire poétique du modern style. Mais ils sont aujourd'hui un témoignage du goût d'une époque qui considérait que la beauté des façades était une obligation, un hommage à la ville, à tous les passants occasionnels.
Coté impair, les 3, 5, 7 et 9.
La rue avant de se jeter dans la rue Eugène Carrière, se termine par la place Nattier (Jean-Marc Nattier, portraitiste du XVIIIème siècle).
Nous arrivons ensuite dans le rue Eugène Carrière, peintre lui aussi, spécialiste de la mère et de l'enfant, dans une palette ocre et trouble. Il a sa statue sur la place qui s'appelle depuis un an place Nougaro.
Mais c'est un étrange personnage qui nous dit aurevoir au moment où nous nous éloignons de ces rues harmonieuses et cossues.
Pierre Jacob! Peu de gens hors de Montmartre connaissent son nom.
Quand un visiteur passe rue Lepic et qu'il lève la tête sur la façade du 53, il découvre une plaque commémorative…..
Il apprend que cet homme fut chansonnier et qu'il écrivit la "célèbre chanson rue Lepic".
J'avoue que je ne connaissais pas cette célèbre chanson! je l'ai écoutée et l'ai trouvée charmante et conventionnelle. Sans doute pas au point de mériter un tel excès d'honneur… (Bruant au secours!)
Elle a été chantée par Yves Montand et par Patachou. Les paroles de Pierre Jacob ont été mises en musique par Michel Emer. Que dit cette romance qui a assuré à son auteur la célébrité (relative)?
Voici le début de ce chef d'oeuvre :
Dans l'marché qui s"éveill'
Dès le premier soleil,
Sur les fruits et les fleurs
Vienn'nt danser les couleurs
Rue Lepic
Voitur's de quatr' saisons
Offrent tout à foison
Tomat's roug's raisins verts
Melons d'or z'et prim'ver's
Au public,
Et les cris des marchands
s'entremêl'nt en un chant
Et le murmur' des commèr's
Fait comme le bruit d'la mer
Rue Lepic
N'est pas Rimbaud qui veut! Plus modestement n'est pas Bruant qui veut! Il y a fort à parier que sans la gouaille charmeuse de Montand, la chansonnette serait tombée dans l'oubli!
Pierre jacob, heureusement, ne s'est pas contenté de nous donner cette seule chanson. Il avait d'ailleurs en arrivant à Montmartre le désir d'y devenir Peintre. Il dessina au fusain de nombreuses vues du vieux Paris mais il se rendit compte très vite que là n'était pas sa vocation. Son frère Jean Germain assuma pour la famille cette carrière de peintre!
Il illustra lui aussi la rue Lepic avant de lui préférer les lumières de Venise.
Pierre Jacob fait ses débuts en 1925 au cabaret de La Vache enragée dont l'enseigne, une vache folle, reprend le totem des célèbres défilés carnavalesques de Montmartre, les vachalcades.
La Lune Rousse en 1904
En 1921 le cabaret qui était situé rue Lepic avait changé d'adresse et s'était installé place Constantin Pecqueur où il laissa carte blanche à Pierre Dac, Raymond Souplex...
Mais l'essentiel de la carrière de Pierre Jacob se passe au cabaret de la Lune Rousse...
C'est un haut-lieu de l'impertinence montmartroise. Quand Pierre Jacob rejoint l'équipe des chansonniers-poètes, le cabaret "historique" surnommé "la Comédie Française de la Chanson" a quitté le boulevard de Clichy pour le 58 rue Pigalle.
C'est là que Pierre Jacob acquiert une honorable renommée de chansonnier un peu Pierrot, pas vraiment méchant, auteur de chansons sympathiques qui ont oublié le mordant et l'insolence de ses prédécesseurs.
Il a du charme, il plaît aux dames et notamment à l'une d'elles, artiste un peu connue, Josia Saint Clair.
Il l'épouse et vit avec elle rue Lepic. Catherine Lara à qui on demandait ce qu'elle remarquait en premier chez un homme répondait "sa femme"!
On serait tenté de faire de même. Josia Saint-Clair est une femme sensuelle et roucoulante. Elle chante avec talent et enchante le Vieux Logis 33 rue Lepic, non loin de son appartement 53 rue Lepic.
Le Vieux Logis aujourd'hui
Elle chante des chansons de son mari ou de quelques autres comme Jean Lumière...
Elle survit à son chansonnier de mari pendant plus de 30 ans et elle arrosa en 2010 son centenaire en même temps que celui de la Pomponnette où elle fut fêtée par le tout Montmartre:
Ce qui a contribué au renom de Pierre Jacob et de sa "célèbre" chanson, c'est le moyen métrage que le réalisateur anglais Christopher Miles tourna en 1968 sur la rue Lepic en filmant la "Course au ralenti" créée par Pierre Labric (maire de Montmartre en 1929 et le premier à avoir descendu à bicyclette les 220 marches de la rue Foyatier).
Pierre Jacob, à bord d'une Torpille Renault de 1911 gravissait la Butte accompagné de sa passagère Vanessa Miles à laquelle il racontait ses souvenirs montmartrois, sur fond musical de sa chanson! (voir le livre de Roussard "Les Montmartrois".
La course au ralenti primait le véhicule qui arrivait le dernier au sommet de la Butte après avoir franchi la distance considérable de 580 mètres!
Nous donnerons à Pierre Jacob le dernier mot, ou plus exactement le dernier couplet de sa célèbre chanson malgré ses clichés et les inévitables moulins !
16 avril. Le marchand de lilas. Station de métro Lamarck-Caulaincourt.
17 avril. Le chat déconfiné. Rue Victor Massé.
18 avril. Retour de plage? Rue Saint-Eleuthère.
19 avril. Dans l'immeuble où vécut Georges Bizet. Rue Fontaine.
20 avril. Rendez-vous au sommet. Rue Muller.
21 avril. C'est le pied! rue Muller.
22 avril. La sortie quotidienne avec son chien. Rue Cardinal Dubois.
23 avril. Le passage Cottin aujourd'hui et du temps d'Utrillo.
24 avril. Le Consulat entre les rues Norvins et Saint-Rustique... le même vu par Utrillo.
25 avril. Contrôle... Place des Abbesses.
26 avril. La foule des confinés devant le glacier "Amorino" rue des Abbesses. Achat, comme le prévoit la loi, "de première nécessité"!
27 avril. Quoi ma gueule? Qu'est-ce qu'elle a ma gueule? (Rue du cardinal Dubois)
28 avril. Profiter d'un moment de soleil!
29 avril. Une maison dans le ciel. rue Ravignan.
30 avril. Rue Saint-Rustique par jour pluvieux.
1er mai. Lever du jour vers Barbès.
2 mai. Paris confiné mais Paris en beauté!
3 mai. Récréation rue Saint-Eleuthère.
4 mai Couvreurs rue Muller (honni soit qui mal y pense!)
5 mai L'homme en rose rue Durantin.
6 mai. Montmartre-plage. Rue Lamarck.
7 mai. Tapis volant.
8 mai. Rue de Steinkerque. Derniers jours de silence
9 mai. Avant l'orage rue André del Sarte.
10 mai. Dernier jour avant le déconfinement. Place Jean-Baptiste Clément.
Et maintenant? Dans quel état sortons-nous de ces 2 mois confinés? Sommes-nous plus vieux, plus fragiles nous qui sommes "personnes à risques" que la responsable européenne et le docteur moliéresque Blachier désiraient laisser enfermés jusqu'en février 2021?
Avons-nous reçu le moindre indice de volonté d'accompagnement de la Mairie de Paris? Avons-nous reçu le moindre masque?
Le coup de gueule d'Ariane Mnouchkine nous fait du bien mais il crie dans le désert comme les poètes et les prophètes.
Verrons-nous encore longtemps tous ces spécialistes de la spécialité, sûrs d'eux et chicaneurs? Verrons-nous encore la porte-parole du gouvernement nous infantiliser?
Alors quel que soit l'avenir, nous avons assisté à une comédie misérable dont notre pays ne sort pas grandi.
Ce fut ma dernière sortie avant le confinement. J'y ai fait une réserve de rêves et de voyages..
En haut du grand escalier du musée Cernuschi tout un monde d'animaux nous attend et parmi eux des brûle-parfum de l'époque Edo.
Cette période qui va de 1600 à 1868 porte le nom de la capitale Edo qui deviendra Tokyo.
La plupart des animaux exposés ici datent de la fin de l'Empire Edo et sont donc à quelques années près contemporains de l'hôtel Cernuschi dont la construction s'achève en 1876.
Il y toutes sortes de brûle-parfums animaux mais on retrouve toujours dans ces œuvres d'art réalisme et stylisation poétique. Un grand art qui saisit la vie sans la copier et qui parfois y ajoute tendresse et humour.
La souris se régale de radis. (Edo)
Il y a au Japon un véritable art du parfum, le Kodo, qui fait partie des trois arts traditionnels avec la Cérémonie du thé et l'Ikébana, la composition florale.
Chiot (Edo)
Des essences rares étaient importées, notamment d'Inde.
Deux perdrix (Edo)
... On se réunissait pour respirer des mélanges d'essences qu'il s'agissait de reconnaître de décrire avec des poèmes.
Trois tortues (Edo)
Cet aspect raffiné de la culture japonaise n'a pas échappé à Des Esseintes, le héros ou anti-héros de Huysmans. Il se fait confectionner un orgue à parfums et fait éclater des "feux d'artifices" olfactifs.
Dragon, Kirin. (Edo)
Dans la poésie japonaise, le parfum est souvent présent.
Paire de renards (fin Edo, 1826)
"L'herbe des champs
Libère sous mes semelles
Son parfum"
(Masaoka Shiki 1866-1909)
Langouste (Edo)
"De quel arbre en fleur ?
Je ne sais
Mais quel parfum!"
(Matsuo Basho 1644-1695)
Coq (Edo)
Le Japon a séduit l'époque symboliste française dans sa peinture et sa poésie....
Lapin (Edo)
"Lecteur, as-tu quelquefois respiré
Avec ivresse et lente gourmandise
Ce grain d'encens qui remplit une église,
Ou d'un sachet le musc invétéré?"
Le parfum (Baudelaire)
Lapin (Edo)
"Voici venir les temps où vibrant sur sa tige
Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir;
Les sons et les parfums tournent dans l'air du soir;
Valse mélancolique et langoureux vertige."
Harmonie du soir (Baudelaire)
Grue (Edo)
"L'odeur des roses, faible, grâce
Au vent léger d'été qui passe,
Se mêle aux parfums qu'elle a mis:" Cythère (Verlaine)
Grues (Edo)
"Tout autour dansaient des parfums mystiques
Où l'âme, en pleurant, s'anéantissait." Marco (Verlaine)
Grue (Edo)
"Quand Marco dormait, oh! quels parfums d'ambre
Et de chair mêlés opprimaient la chambre! Marco (Verlaine)
Grue (Edo)
"Incliné sur ton cou, j'aspirais à pleine âme
Ta vie intense et tes secrets parfums de femme (...)"
Devant la mer un soir (Samain)
Et dans mon appartement montmartrois où je suis confiné.... Je pense à ces brûle-parfums que nul ne peut voir en ce moment... et qui gardent le souvenir de bois, de fleurs et d'encens dont l'esprit exhalé dans une maison japonaise a fait reculer les cloisons et ouvert à ceux qui les respiraient un univers sans confinement...
C'est le dernier dimanche avant le confinement que je suis allé au musée Cernushi, récemment réouvert.
Il faisait beau, les promeneurs passaient insouciants dans les allées du parc Monceau...
Deux figures d'éternité sont exposées dans une vitrine doucement éclairées sur un fond de nuit.
Deux masques funéraires dont l'or brille encore après neuf siècles de sommeil...
Ils appartenaient tous deux à la dynastie Khitan de Liao (907-1125) qui régnait sur la Mongolie et une partie de la Russie orientale. Ils étaient posés sur le visage du défunt momifié.
Masque funéraire de femme. (1100-1125)
Le 1er masque de femme nous rappelle que chez les Khitan, le rôle de la femme était beaucoup plus important que chez les Chinois Han.
Il est fait d'une plaque de bronze martelé doré à l'or fin. On peut remarquer des perforations sur les rebords. Elles permettaient de l'accrocher aux mailles métalliques du linceul.
Les oreilles portaient des boucles dont il ne reste que celle de l'oreille gauche. Elle représente un félin, symbole de force, de beauté et d'éternité!
La coiffe est un des éléments originaux de la culture Liao. Elle était, pense t-on un élément du costume des hauts fonctionnaires. La plupart du temps en tissu, elles ont disparu. Celle-ci est en bronze doré avec, de part et d'autre, des ailes verticales. La base est un rinceau décoré de phénix et de nuages, deux éléments habituels.
Le 2ème masque est celui d'un homme. Il est difficile d'attribuer un genre incontestable à bon nombre de ces visages funéraires.
Homme et femme se ressemblent, comme si la mort effaçait leurs différences. Parfois une fine moustache permet de discerner s'il s'agit d'un homme, mais ce n'est pas la règle.
La coiffe est en argent doré. Elle est formée de 24 panneaux ajourés assemblés par groupe de 3 sur une armature. Chaque panneau est orné d'un canard mandarin ou d'un phénix. Huit oiseaux se balançaient au bout de fils métalliques.
Une grande ceinture pouvait faire partie de la tenue funéraire. Typiques des populations de la steppe asiatique, elles étaient utilisées par les vivants avant de faire partie de la tenue funéraire.
Celle qui est exposée est ornée de plaques de bronze doré fixées sur le cuir.
La tête de la momie était posée sur un "oreiller" le plus souvent en bois qui pouvait être peint ou recouvert de tissu. Dans les plus riches sépultures il était recouvert de métal précieux et ciselé.
Ces masques Liao du musée Cernuschi sont aussi beaux que les beaux visages de Bouddha qui les entourent. Leurs paupières baissées, leur léger sourire sont une méditation.
Ils sont présents, entre deux mondes, entre le jour et la nuit, entre la vie et la mort.
16 mars. Jour d'insouciance. Le dernier avant le confinement.
18 mars. Constituer la réserve pour le spritz quotidien.
19 mars. Les libres nuages.
21 mars. Communication malgré tout. Du coucher au lever.
22 mars. Révision sur le zinc.
23 mars. Les fenêtres de la nuit.
24 mars. Lire au soleil.
25 mars. Le jardin déserté.
26 mars. Le temps du grand ménage.
27 mars. Un autre lecteur sur le toit. Rue Muller.
28 mars. Le turban mauve.
29 mars. Loulou confiné.
30 mars. L'arrosoir vert.
1er avril. Il nettoie toutes les vitres de l'immeuble!
2 avril. La place du Tertre désertée.
4 avril. Rue Androuet. Le décor du film interrompu "Adieu Monsieur Haffmann".
5 avril. Une confinée a pris la fuite. Rue Berthe.
6 avril. Dimanche. Oubli du confinement. Il y a foule sur la Butte.
7 avril. Les rues de nouveau désertes. Rue du Chevalier de La Barre. Rue Norvins.
8 avril Place Emile Goudeau (Bateau-Lavoir) sans un chat.
9 avril. Pause estivale place du Calvaire
10 avril. Rue de l'abreuvoir.
11 avril rue Muller
Solitude. Si loin si proche. Madame je vous envoie un baiser de ma fenêtre.
12 avril. Randonneur de Pâques. Rue Muller.
13 avril. On n'oublie pas les pigeons malgré le confinement. Rue du Chevalier de La Barre.
14 avril. Métro Pigalle à l'heure de pointe!
15 avril. Baiser d'un confiné. Rue Durantin.
Et nous repartons pour quatre semaines!
Les restaurateurs de la Place du Tertre ont fait installer la structure métallique de leurs terrasses! Comme si les touristes étaient sur le point de revenir!
Malgré des luttes de longue haleine, ils ont obtenu depuis trois ans la confiscation de la place à leur profit. Au moins cette année auraient-ils pu laisser l'espace libre pour que les Montmartrois confinés puissent retrouver un instant le charme de la vieille place du village!
On entend rarement la voix grave et profonde s'échapper du campanile pour faire voler au-dessus des toits un essaim de bronze.
C'est que la Savoyarde, de son vrai nom Françoise Marguerite, n'a pas le sens de la mesure. Trop grande, trop lourde… elle n'a pas trouvé de tour assez puissante pour la recevoir. On lui a donné pour refuge un campanile élégant, trop délicat pour résister sans fissure à un balancement trop fréquent de la dame qui elle même, nostalgique d'Annecy, a laissé une petite fêlure serpenter sur sa peau de métal.
Pensez! 26 tonnes ça n'est pas rien! Le double d'Emmanuel, le bourdon de Notre-Dame!
La Savoyarde!
Son histoire commence, comme il se doit, en Savoie quand l'archevêque de Chambéry lance une souscription, en 1889, pour offrir au Sacré-Coeur en construction une voix d'exception, une voix unique, capable de se faire entendre à des kilomètres.
Fonderie Paccard. Lieu de naissance de la Savoyarde.
Les donateurs ne manquent pas dans cette Savoie généreuse et bientôt le bourdon peut être coulé. C'est en 1891, bien que la date inscrite sur le bronze soit 1890. Pour faire une date ronde peut-être. ou plus simplement parce qu'il s'agit de la date de clôture des souscriptions.
Fonderie Paccard
Il faut attendre octobre 1895 pour prendre le chemin de Paris, quitter l'air pur et vivifiant d'Annecy. Quel voyage! Quelle aventure!
Tout commence par le pas balancé des bœufs qui suivent trois chevaux attelés de front. 12 paires de bœufs comme les 12 tribus d'Israël, comme les 12 cantons savoyards.
Arrivée à la gare d'Annecy, la cloche est déposée sur un wagon plat à charpente consolidée. Le train peut rouler à basse vitesse jusqu'à sa destination, la gare de la Chapelle dans le nord de Paris.
C'est le 15 octobre 1895 qu'elle y arrive, en pleine nuit. Un pont roulant à vapeur la soulève et la dépose sur le fardier géant de l'entreprise Magnin. 28 chevaux vont assurer la dernière partie du voyage, dans une ambiance onirique. Il fait nuit noire, les hommes portent des torches, les curieux s'assemblent et murmurent...
Le trajet semble interminable tant on craint l'accident sur les pavés trempés de pluie. On atteint la rue Lamarck, la plus pentue, celle où l'on frôle la catastrophe mais où les chevaux s'arrachent de toutes leurs forces et sauvent la situation.
Le Sacré-Coeur est en chantier. Le campanile est loin d'être achevé. Un échafaudage de bois a été dressé pour recevoir la cloche qui va devenir montmartroise.
Elle est baptisée le 21 novembre 1895 par Monseigneur Richard.
Elle reçoit la visite des pélerins, des curieux, des promeneurs du dimanche. Elle est une attraction pour les parisiens qui ont oublié (en 25 ans tout s'oublie!) qu'elle est posée, bien malgré elle, là où eurent lieu quelques uns des plus sanglants événements de la Commune.
Peut-être est-ce à cause de cela qu'elle fut agressée et sabotée en 1905, sans grand dégât.
Il faut attendre 1907 pour qu'elle soit enfin hissée dans son campanile, bien qu'inachevé.
Il faut huit hommes pour appuyer sur les pédales et pour se pendre aux cordages afin de la mettre en mouvement.
Elle devient la plus grosse cloche non statique au monde avec ses 26 tonnes...
Sous les jupes de la Savoyarde.
Dans son poids il faut compter le marteau qui a lui seul pèse 850 kgs!
En 1908 sera ajouté un marteau de tintement pour faciliter l'utilisation quotidienne de la cloche (aujourd'hui c'est un marteau électrique qui fait le boulot à chaque élévation. Un sacré boulot étant donnée la fréquence des offices!)
Notre savoyarde n'est pas restée seule dans son campanile blanc. De petites compagnes lui ont été données, droit venues de l'église Saint-Roch où elles n'avaient plus le droit de s'exprimer. Les quatre exilées ont pour nom : Félicité, Louise, Nicole et Elisabeth. Bien que petites elles sont beaucoup plus vieilles que leur imposante voisine. Elles ont l'âge de la Restauration.
… Et voilà! Notre Savoyarde ne bougera plus de Montmartre où elle attend sans hâte la fin du monde!
Elle a un petit pincement au cœur en pensant à Annecy. C'est ce qui a dû provoquer cette minuscule fissure qui lui interdit de trop se balancer.
Elle chante de son contre-ut inimitable aux grandes fêtes. Une exception a été faite en 2010 quand elle célébra les 150 ans du rattachement de la Savoie à la France.
Si vous voulez l'entendre, ne manquez pas de venir à Montmartre, à Pâques par exemple (mais en 2021, espérons-le)). Toute la Butte, peu assurée sur ses carrières de plâtre, tremble et vibre et chante avec elle pour saluer les cloches venues de Rome qui ne font que passer!
Restaurant La Savoyarde aujourd'hui disparu. (angle Lamarck Utrillo, jadis Muller)
1er mars. A la queue leu leu entre les tombes du cimetière de Montmartre.
1er mars. Entre averse et soleil, mars fidèle à lui-même. Rue Feutrier.
2 mars. L'ours blanc rêve de sa banquise perdue. Escalier Utrillo.
3 mars. Devant la chute d'Icare. Impasse Girardon
4 mars. Solitude de l'accordéoniste rue du Calvaire. Plus de Chinois à Montmartre!
5 mars. Il est où le soleil? Il est où?
6 mars. Le regard complice du peintre qui me connaît depuis le temps que je me balade dans le quartier!
7 mars. Le guitariste place du Calvaire
8 mars. Quatuor de renards (synthétiques) dans la square Louise michel.
9 mars. Y a plus confortable !
10 mars. Une suite de Bach dans la solitude du jardin déserté.
11 mars. Je ne fais que passer. Rue Muller.
12 mars. Photographiez-moi! Je vais voler!
13 mars. Blanc sur noir.
14 mars. Chanter entre deux averses.
15 mars. Tous les restaurants de Paris sont fermés! On peut encore casser la croûte dans le jardin!
16 mars (photo du 15)
Le dernier jour de soleil presque insouciant avant le Grand Confinement. Cette insouciance des Parisiens aurait provoqué la réaction du Gouvernement qui dès le lendemain annonce le confinement.
17 mars (photo du 15) Au bord du ciel.
18 mars. Fenêtre de confiné. Rue Muller.
19 mars. Un confiné sur les toits.
20 mars. Bugs Bunny confiné. Rue Feutrier
21 mars. Le ciel entre dans l'appartement où nous sommes confinés!
22 mars. Le jardin interdit où le printemps fleurit comme si de rien n'était.
23 mars. Soir de menace.
24 mars. Photo d'un autre temps, d'avant le confinement. (15 mars). Les amoureux sur les talus où étaient confinés les canons de la Commune.
26 mars. Quelques confinés de la rue Muller
27 mars. Le lecteur sur le toit.
28 mars. Petite sortie dans les rues désertées. Soleil rue des Trois Frères.
29 mars. L'escalier de la rue Paul Albert.
30 mars. Le cheval immobile. Photo prise en allant faire les courses de survie!
Le 31 mars. Ciel de cinéma sur la ville muette.
... Et nous repartons, immobiles pour de nouvelles semaines de confinement!
Voilà une artiste qui fut pendant sa vie une créatrice de premier plan.
Elle fut reconnue, décorée, admirée...
Le temps passant, l'histoire de l'art ne retenant que les peintres novateurs et le sommet brillant de l'iceberg, toute la partie immergée tombe dans l'oubli.
Ainsi en serait-il de Louise Abbéma, femme originale et peintre de talent, si elle n'avait rencontré Sarah Bernhard..
Elle est liée à notre quartier puisqu'elle a 14 ans quand sa famille après quelques années italiennes vient s'installer à Paris, 47 rue Laffitte.
C'est là que plus tard, de 1883 à 1907 elle aura son atelier.
Louise Abbéma dans son atelier.
Femmes turques se parant de bijoux (Louis Devédeux 1820-1874)
Elle est attirée par la peinture et elle prend des cours de dessin avec Louis Devédeux , ami de ses parents. Elle ne reste que quelques mois élève de ce peintre orientaliste qui est réquisitionné pour combattre les Prussiens en 1870.
Carolus duran (Louise Abbéma)
Elle aime alors aller au Louvre où elle reproduit les toiles qu'elle aime. C'est là qu'elle fait la connaissance de Carolus Duran. Elle est invitée à fréquenter l'atelier pour femmes qu'il dirige avec Henner.
La femme au gant (Carolus Duran). Le peintre a pris sa femme pour modèle
Elle reçoit une formation qui explique peut-être pourquoi elle est restée en dehors des grands courants artistiques de la deuxième moitié du XIXème siècle. Carolus Duran qu'on range (parfois à tort) parmi les peintres académiques lui apprend la spontanéité, l'inutilité des dessins préparatoires, l'importance du trait spontané et du travail sur la lumière. Le portrait de sa femme qui l'a rendu célèbre résume bien son art influencé par Manet qu'il admire.
Carolus Duran (Louise Abbéma)
Louise apprécie ce peintre dont elle fait des croquis, des portraits et qui restera un ami.
Son deuxième maître est Henner, lui aussi classé parmi les "académiques" alors qu'il est un des grands peintres de nus représentés dans des lumières oniriques.
Il aura son atelier place Pigalle.
Carolus Duran et Henner sont également des portraitistes et c'est dans cet art du portrait que Louise va exceller.
Elle peint plusieurs toiles qu'elle envoie année après année au salon, sans se lasser. elle n'est pas du genre à se décourager et elle choisit une devise qui lui ressemble : Je veux.
Jeanne Samary (Louise Abbéma)
Son fort caractère lui donne confiance en son talent et la persuade qu'elle n'a plus besoin de leçons lorsqu'elle envoie au Salon, en 1876 un tableau qui va changer sa destinée picturale!
Esquisse du portrait de 1876 disparu
Il s'agit d'un portrait de Sarah Bernhardt, aujourd'hui disparu, qui fait sensation et lui attire toutes les louanges
On peut parler d'une rencontre providentielle comme on en fait parfois et qui vous ouvre de nouvelles voies. Les deux femmes ont un fort caractère, un goût prononcé pour l'indépendance. Leur talent leur permet de n'avoir aucun complexe. Sarah apprécie cette nouvelle amie au point de faire d'elle, avec Clairin, son peintre officiel.
Sarah Bernhardt (Clairin)
Sarah Bernhardt est la diva absolue! Elle va ouvrir les portes du succès à Louise et attirer vers elle la haute société soucieuse d'être "dans l'air du temps" et d'exposer dans ses salons un portrait du peintre de Sarah Bernhardt!
La grande amitié entre les deux femmes s'avère solide au point que Sarah aime séjourner chez Louise, 11 boulevard de Clichy.
On pourrait les croire à l'opposé l'une de l'autre à en juger à l'exubérance vestimentaire, aux audaces de l'une et à l'aspect corseté et austère de l'autre.
Pourtant tous les témoignages montrent Louise comme une femme joyeuse, pleine d'humour et de goût de vivre, fort différente de son aspect extérieur.
Séverine la décrit comme "un abbé janséniste affublé en cotillons". Il y a des portraits plus sympathiques! Il s'explique peut-être par les convictions libertaires et féministes de Séverine. Louise Abbéma n'étant ni l'une ni l'autre!
"En art, la femme n'est nullement opprimée. Toutes celles qui ont quelque chose à dire l'ont dit."
"Je ne crois pas que la réussite ait été plus difficile à la femme qu'à l'homme."
Sarah Bernhardt (Louise Abbéma)
Sarah et Louise s'apprécient et se respectent. Sarah aime écouter Louise parler de peinture (d'autant plus qu'elle peint et sculpte elle-même) et Louise ne se lasse pas d'entendre Sarah raconter avec humour ses rencontres et ses succès.
Sarah Bernhardt (Alfred Stevens)
Elles fréquentent toutes deux, avenue Frochot, l'atelier d'Alfred Stevens, grand ami de Sarah dont les portraits d'élégantes connaissent un immense succès.
Le printemps. Panneau de Louise Abbéma.
Louise est sensible aux mouvements artistiques même si elle n'y adhère pas vraiment. On peut cependant lui accorder sa place dans l'Art Nouveau, avec ses panneaux décoratifs à entrelacs floraux… ses éventails peints… ses décors muraux.
Eventail de Louise Abbéma. Sarah Bernhardt dans un jardin japonais
Elle conçoit des affiches et des publicités qui sont plus proches de Mucha que de Toulouse Lautrec.
Peut-être son succès dans la haute société la rend-elle prudente devant les extraordinaires mutations que connaît l'avant-garde artistique. Elle a eu l'occasion de voir et d'admirer les Impressionnistes et de connaître Monet mais elle était trop bien intégrée dans sa réputation et son aisance pour se lancer avec eux dans une aventure où à l'évidence elle aurait eu sa place.
Quelques oeuvres d'elle nous permettent d'imaginer les chemins qu'elle aurait pu suivre.
Les mairies parisiennes dont les fresques murales sont un témoignage de cette époque où Paris était capitale artistique de l'Europe, ont fait appel à Louise Abbéma pour décorer quelques panneaux.
Il en est ainsi pour l'Hôtel de Ville, les mairies des 7ème, 10ème et 20ème arrondissements.
Elle décora également le théâtre Sarah Bernhardt, aujourd'hui Théâtre de la Ville, dont l'intérieur a été sauvagement détruit en 1966, vidé de ses ors et de ses pourpres pour devenir le Théâtre de la Ville, si mal conçu, si inconfortable qu'il a fallu entreprendre de le remanier en 2016 et fermer ses portes. On attend toujours sa réouverture!
La foire aux chevaux (Rosa bonheur)
Louise a été à la fin du XIXème et au début du XXème reconnue comme un grand homme! C'est à dire qu'on lui a décerné le titre de Chevalier de la Légion d'honneur en 1906!
Elle était alors la 2ème femme peintre (après Rosa Bonheur) à le recevoir.
Jeanne Samary (Louise Abbéma)
Aujourd'hui Louise Abbéma est un peu connue dans le milieu des spécialistes de l'histoire de l'art qui lui reconnaissent un grand talent.
Elle est capturée par des mouvements féministes et lesbiens qui en font une femme libre, volontaire, dégagée du patriarcat. En fait, elle était à l'aise dans la société et ne remettait pas en cause la domination masculine.
Son goût pour les femmes est assez courant dans son milieu. Il est possible que Sarah et elle aient été amantes avant de devenir les meilleures amies. Louise menait en ce domaine une vie discrète et ne cherchait pas un rôle de libératrice des mœurs. Je ne sais cependant s'il faut la croire lorsqu'elle écrit que sans sa passion pour la peinture elle se serait mariée et aurait eu des enfants.
(En annexe je cite le poème de Montesquiou qui lui est dédié et qui ne laisse aucun doute sur ses goûts).
Renée Delmas (Louise Abbéma)
Elle fut artiste, femme de caractère, indépendante et libre, peintre de grand talent, éclairée par la lumière de Sarah Bernhardt...
Le musée d'Etampes (ville de sa naissance) permet de la rencontrer, de la connaître et de ne pas oublier son nom....
La dame avec les fleurs (1883)
Louise Abbéma...
Un nom qui ne s'effacera pas tant que celui de Sarah fascinera. Louise lui doit sa survie artistique alors qu'elle est un témoin de son époque, de la classe privilégiée qu'elle peint sans audace mais avec sensibilité . C'est peut-être là sa signature la plus secrète : une tristesse, une solitude, une lassitude dans le regard de ses modèles, comme une blessure, une accusation qui n'osent s'exprimer avec plus de véhémence.
Annexe
Poème de Montesquiou dédié à Louise Abbéma, ici nommée Abîme.
Abîme
Non rien n'est absolu, disait un jour Catulle;
Le vice qui ,chez nous, saphique s'intitule
Et consiste à mettre Elle à la place de Lui,
A des soirs de relâche et des matins d'ennui
Qui souhaitent parfois de connaître autre chose
Que l'effort sans effet et que l'effet sans cause.
Sapho fut infidèle et Phaon le passeur,
Dont l'étreinte n'était pas celle d'une soeur,
La reprit à la douce Attys, à ses compagnes,
Qui s'en allaient à deux errer dans les campagnes.
Abîme qui depuis des ans a le renom
D'avoir une compagne au lieu d'un compagnon,
Abîme, je vous jure, amis, m'a pris la... main,
Et ce geste m'a fait, j'avoue, une peur bleue.
(On comprend cette peur chez un homme qui n'aimait que les hommes!)
Faut-il parler de clocher ou de campanile pour cette "tour" qui faillit ne pas jaillir dans le ciel de Montmartre?
Les deux mots sont parfois confondus mais la tradition veut qu'on appelle campanile une tour séparée de l'église (comme à Pise) et clocher celle qui fait partie architecturalement de l'édifice.
Au Sacré-Coeur, cette tour n'est pas séparée de la chapelle de la Vierge à laquelle elle s'adosse et pourtant elle paraît prendre ses distances, faire bande à part, opposer sa raideur phallique aux rondeurs sensuelles des coupoles blanches.
Appelons-la clocher-campanile! Bien que le mot campanile, plus léger, plus élégant lui convienne mieux!
Le clocher-campanile du Sacré-Coeur faillit ne jamais sortir de terre!
Après la mort de l'architecte de la basilique, Paul Abadie, il fut question de renoncer pour des raisons financières à élever cette tour qui aujourd'hui est une des belles réussites du monument.
Après des années de tergiversations, Lucien Magne qui est nommé après Rauline architecte en chef de la basilique, propose un nouveau projet, plus ambitieux que celui qui avait été prévu quand la coupole devait être moins élevée (Abadie 1874).
Le clocher-campanile doit tenir compte de cette surélévation et donc monter plus haut que la grande coupole de 83 mètres. Il atteindra donc, croix faitière comprise, 91 mètres.
La première pierre est posée en 1905.
A chaque angle de la loggia veille un ange aux ailes déployées (de 5 mètres de haut) porteur d'un livre de l'Evangile.
Angle Sud-Ouest, l'Evangile de St-Marc avec un lion à visage humain.
Angle Sud-Est l'Evangile de St-Luc avec le taureau
Angle nord-ouest l'Evangile de Matthieu avec un homme.
Angle nord-est l'Evangile de Jean avec l'aigle.
Jean est protégé des pluies qui nettoient la pierre De Souppes et lui permettent de rester blanche sans ravalement. En contrepartie, comme le chevet de l'église, il noircit avec la pollution. Côté sud la façade immaculée, côté nord la basilique encrassée!
Les quatre anges ont été sculptés par Jean Dampt (1854-1945) considéré comme un des représentants talentueux de l'Art Nouveau.
Le chat (Dampt)
Son "Chevalier Raymond et la fée Mélusine" serait selon Verhaeren une oeuvre qui marque une date.
Le chevalier Raymond et la fée Mélusine
Il a bénéficié du mécénat de la comtesse Martine de Béhague qu'il représente dans sa sculpture "la Réflexion".
Il a par ailleurs créé des meubles et des bijoux qu'on peut voir aujourd'hui au musée d'Orsay.
Au-dessus des anges, quatre figures ailées reprenant le symbole des évangélistes ont été sculptées, faisant la transition entre la partie carrée du campanile et la tour ronde qui le coiffe.
Le lion pour Saint-Marc...
L'aigle pour Saint-Jean...
L'oiseau à tête d'homme
L'homme pour Saint-Matthieu...
Le taureau pour Saint-Luc...
Ces quatre animaux fantastiques aux ailes d'aigle sont dus à Henri Bouchard (1875-1960).
Un sculpteur qu'on a un peu "oublié" après la guerre à cause de son appartenance au groupe Collaboration (Othon Friesz, Paul Belmondo...) et à son voyage avec d'autres artistes à Berlin sur invitation allemande.
Il fut plus perméable que le marbre qu'il sculptait à la propagande nazie et revint enthousiaste en France avec la nostalgie de "la vie presque féérique que le gouvernement du IIIème Reich sait faire à ses artistes qui semblent être là les enfants chéris de la nation."
Malgré cet aspect peu sympathique du personnage, essayons d'être objectif et rendons justice à son grand talent, notamment dans ses sculptures très représentatives de l'Art Déco.
A Paris on peut voir, entre autres, son Apollon Musagète du Palais de Chaillot...
La façade de Saint-Pierre de Chaillot et son monument "aux héros inconnus du Panthéon.
Et maintenant il serait temps de parler de celle pour qui le clocher-campanile a été élevé, la Savoyarde!
Mais elle viendra sonner à vos oreilles dans le prochain article!