Lieu magique, l'atelier-appartement de Valadon, bien que reconstitué, semble avoir traversé le temps et s'ouvrir tel qu'il était quand Suzanne, son fils et son mari y vivaient.
C'est que les humains laissent des traces de leur passage. Leur parfum, leurs rêves, leurs gestes, leurs angoisses ou leurs joies ont la vie dure et continuent d'imprégner l'atmosphère...
Chacun de nous a fait cette expérience d'être saisi d'émotion devant un paysage ou un lieu sans comprendre pourquoi.
Combien d'années Suzanne Valadon a t-elle vécu ici?
En cet endroit de Montmartre qu'elle aimait et qu'elle peignit maintes fois dans la clarté du printemps...
Sa liaison de trois mois avec Erik Satie, fou amoureux d'elle lui permit de rencontrer un ami du compositeur, Paul Moussis, un agent de change qu'elle épousa en 1896...
Le couple choisit de vivre rue Cortot sans s'encombrer du garçon que Suzanne avait mis au monde en 1883 (elle avait 18 ans).
Ce fils (Maurice Utrillo) fera quelques séjours chez sa mère mais sera élevé par sa grand-mère Madeleine.
En 1905, Suzanne et son mari changent d'adresse. Quelques années plus tard, ils divorcent (1911) et après quelques mois passés impasse de Guelma (aujourd'hui villa de Guelma) Suzanne revient vivre rue Cortot où l'atelier et le petit appartement sont libres, Emile Bernard qui les occupait, ayant déménagé.
Elle n'est pas seule. Elle est tombée amoureuse d'André Utter, plus jeune qu'elle d'une vingtaine d'années et qui est l'ami de son fils.
De 1912 à 1926, elle vit ses années heureuses et tourmentées à la fois avec celui qu'elle épouse en 1914 et son fils qui habite avec eux rue Cortot.
L'appartement et l'atelier que nous voyons aujourd'hui sont tels que nous les montrent les photos prises quand "le trio diabolique" y vivait.
Les pièces d'habitation étroites et assombries par un papier peint à fleurs contrastent avec la luminosité de l'atelier. Une petite chambre a été reconstituée sur la rue. c'est celle qu'occupait Utrillo.
La fenêtre a gardé les barreaux qui empêchaient le peintre de jeter dans la rue de trop gros objets et lui évitait la tentation, lors de ses crises, de se jeter lui-même!
Sur le lit un nounours rappelle l'enfance difficile d'Utrillo qui avait souffert de l'absence d'une mère qu'il vénérait.
Une toile sur le mur date de sa "période blanche" la plus créatrice et sans doute la plus belle...
En 1926 Suzanne Valadon se sépare d'Utter et quitte la rue Cortot pour habiter avenue Junot dans la maison achetée par son fils.
Elle a encore douze années à vivre pendant lesquelles elle passera souvent devant son ancien atelier et pensera avec nostalgie aux années passées...
Quelques cadres avec des photos sur les murs ou la cheminée de l'appartement donnent l'illusion qu'il est toujours habité.
Ce sont des photos de Suzanne dans sa jeunesse, de la mère et de son fils...
Photos du passé, images qui ne veulent pas mourir...
Les souvenirs sont les battements de cœur du présent...
Et Dieu sait qu'il bat fort le cœur de Montmartre!