Si Berlioz a bien habité rue du Mont Cenis, ancienne rue Saint-Denis, il n'en est pas de même pour Mimi Pinson qui fait partie de la légende, ô combien foisonnante de Montmartre.
Photo 1901
La modeste maison du village qu'on lui attribue a été détruite en 1925 ainsi que celle de Berlioz.
Mais qui est donc cette Mimi Pinson qui n'exista pas et à qui on attribue cette adresse pittoresque?
Utrillo
La demoiselle n'est pas orpheline, elle a un père célèbre, Alfred de Musset qui la fit naître sous sa plume dans un conte écrit en 1845 dans Le Diable à Paris publié par Hetzel (revue qui ne vécut que deux ans et à laquelle collaborèrent Nodier et Nerval).
Le conte nous présente une jeune fille aussi charmante que pauvre qui vit dans une mansarde et dont Eugène, poète bohême, évidemment sans le sou, va tomber amoureux.
Musset fait chanter à son héroïne un poème qui devint vite populaire :
Mimi Pinson porte une rose
Une rose blanche au côté
Cette fleur dans son cœur éclose,
Landerinette!
C'est la gaité.
Quand un bon souper la réveille,
Elle fait sortir la chanson
De la bouteille!
Parfois il penche sur l'oreille
Le bonnet de Mimi Pinson (...)
Gavarni
Le personnage charmant, insouciant, heureux de vivre malgré la pauvreté, connaît une grande popularité et son nom est vite repris dans des opérettes, des films où elle est le prototype de la grisette, jeune modiste sans le sou mais au cœur généreux.
Gustave Charpentier
Quand Gustave Charpentier, Montmartrois d'élection et révolté par les injustices sociales, crée le Conservatoire Populaire pour l'éducation artistique des jeunes ouvrières, il l'appelle "Conservatoire de Mimi Pinson"!
On reconnaît à l'arrière plan, à droite, Gustave Charpentier
"Vous chantez ô Musettes
Ainsi que des fauvettes
Et comme des pinsons
Mimis Pinsons!"
(...)
Je suis sûr que plus d'une
Possède une fortune
Dans le joli casier
De son gosier." Charpentier
Mais pourquoi diable cette maison-là fut-elle choisie par les Montmartrois comme étant celle de Mimi Pinson?
Vachalcade 1897
C'est la Vachalcade de 1897 (défilé carnavalesque organisé par les artistes montmartrois) qui en est responsable! En effet, un des chars représentait en carton-pâte la lucarne en chien assis de la modeste maison qui était nommée "la maison de Mimi-Pinson".
Et voilà! la légende était née! C'est donc à la mi-Carême 1897 que la maisonnette devint officiellement celle de Mimi Pinson et le resta jusqu'à sa démolition, dans les années où les spéculateurs détruisaient les rues du village pour édifier de gros immeubles sans grâce.
Le gros immeuble laid qui s'élève à sa place et a écrasé également la maison où Berlioz composa "Harold en Italie" comme par mauvaise conscience rappelle par des médaillons plâtreux sur sa façade la petite maison qui avant le vandalisme avait connu plusieurs locataires fauchés dont le peintre Van Dongen.
A l'emplacement du jardin de Mimi s'élève le château d'eau de Montmartre, dans un square qui porte le nom de Claude Charpentier et non Gustave. Mais nous sommes dans la continuité puisque cet architecte urbaniste qui rebâtit le Bateau-Lavoir construisit également le conservatoire de musique du XVIIIème arrondissement où des mimis pinsons modernes rêvent de succès.
Si aujourd'hui cette maison reste présente malgré sa destruction, elle le doit bien sûr aux peintres et surtout à Utrillo qui venait en voisin de la rue Cortot pour la "croquer" saison après saison. La maison rose qu'il a peinte également, rue de l'abreuvoir et qui a échappé aux promoteurs est mitraillée par les touristes du monde entier. Celle de Mimi Pinson ne survit que grâce aux vieilles photos et aux toiles plus ou moins réussies qui l'ont honorée.
Peu à peu s'atténuent les jugements péremptoires sur cette basilique que certains exècrent pour des raisons de "bon goût" ou plus souvent pour des raisons historiques, pensant, à tort, qu'elle a été élevée pour rendre grâce après la défaite de la Commune.
Les canons de Montmartre, champ des Polonais au sommet de la Butte.
Il est vrai que l'emplacement qu'elle occupe est celui où étaient alignés les canons de Montmartre, prêts à riposter aux Prussiens. C'est là que commença la Commune quand les troupes versaillaises voulurent confisquer les canons "populaires".
Mais la basilique fut édifiée pour demander la protection divine sur la France après la victoire des Prussiens en 1870 et non pour "fêter" l'écrasement de la Commune.
Question esthétique, elle est le dernier grand monument de Paris avec Beaubourg à exciter encore les gens de goût qui comme on le sait n'ont de bon goût que le leur.
Pour le Montmartrois indécrottable que je suis, elle est une ville orientale avec ses coupoles et ses tours, un décor onirique qui accroche le soleil au point de faire cligner les yeux et qui la nuit apprivoise les ombres qui se couchent contre ses formes blanches.
La façade est à n'en pas douter une réussite architecturale. Précédée d'un porche qui l'anime, elle n'essaie pas de voler la vedette aux coupoles et à l'élévation du monument qu'elle laisse se développer de part et d'autre. Elle est édifiée dans le prolongement du seul chœur et non de toute la largeur de la basilique comme d'autres projets retenus le prévoyaient.
Narthex bras nord. Saint-Front de Périguerux.
Paul Abadie a été vertement critiqué pour son parti pris inspiré par le roman de Saintonge. Pour le porche, il n'a pas oublié la restauration qu'il assura du narthex nord de Saint-Front de Périgueux.
Sur les murs latéraux du narthex de Saint-Front Abadie voulait que deux cavaliers soient installés. Ce projet resta à l'état de projet alors qu'à Montmartre il se réalisa avec bonheur. Les deux statues équestres faisant oublier la lourdeur des contreforts.
Ces deux statues font partie des œuvres remarquables du monument. Elles sont dues à Hippolyte Lefèvre (1863-1935). Prix de Rome et médaille d'or à l'exposition universelle de 1900. Ce sculpteur, malgré un certain académisme, sait animer la pierre ou le bronze d'un vigueur charnelle.
La statue côté ouest représente Saint-Louis, épée dirigée vers le sol. Il symbolise la justice.
Côté est, Jeanne d'Arc, épée levée prête à bouter l'Anglais hors de France, symbolise la Sainteté!
Abadie s'est inspiré des édifices byzantins comme Sainte-Sophie dont les célèbres chevaux volés par les Vénitiens pour Saint-Marc, volés par les Français pour l'arc de triomphe du Carrousel du Louvre, restitués à Venise... font l'admiration de tous!
La tempérance
Le porche est percé de trois baie en plein cintre. On voit sur le bandeau supérieur des bas-reliefs représentant les 4 vertus cardinales, inspirées de l'Antiquité grecque : la Prudence, le courage, la tempérance et la justice.
Le courage
Le courage qui au lieu de maîtriser le lion de Némée comme dans les représentations antiques, tue le serpent qui cherche à occuper l'église.
La prudence
La prudence qui tient un miroir symbole de réflexion! Dans l'Antiquité ces vertus platoniciennes étaient représentées par des femmes, ici Sacré-Cœur oblige, ce sont des anges... (mais au fait, quel est le sexe des anges?)
La justice.
Le porche
les coupoles du porche
Une fois sous le porche d'où on jouit d'une vue époustouflante sur Paris, on pourra admirer les lourdes portes de bronze et leurs six panneaux historiés dus à Hippolyte Lefèvre.
Portail central : La Cène
Portail central : La multiplication des pains.
Portails latéraux : La guérison du paralytique
Marie Madeleine aux pieds de Jésus.
Jésus au milieu des enfants
La guérison du fils de la veuve de Naïm.
Tous ces panneaux sont chargés d'illustrer l'amour du Christ.
On remarquera encore, au-dessus des portes, les tympans sculptés, à mon avis académiques et sans étincelle d'originalité. De plus, étant à l'abri des pluies qui nettoient la pierre blanche, elles subissent la pollution qui monte depuis les boulevards encombrés jusqu'au sommet de la Butte.
Deux des trois tympans sont sculptés par Léon Fagel (1851-1913) :
La transfixion (le soldat romain perce le flan du crucifié)
Moïse faisant jaillir l'eau du rocher.
Léon Fagel est un sculpteur bien oublié qui fut très apprécié en son temps. Il reçut des commandes pour le Muséum, la Sorbonne et le Théâtre français. La Bible l'a beaucoup inspiré, beaucoup plus que son époque!
Le tympan du portail occidental est dû à Hippolyte Lefèvre et illustre l'incrédulité de Saint-Thomas qui touche les plaies du Christ.
La façade au dessus du porche reprend le rythme de trois baies en plein cintre abritant des vitraux et dont les tympans ouest et est sont sculptés
Sur le tympan ouest on peut voir Marie-Madeleine aux pieds du Christ, sculpture de Louis Noël. Un sculpteur artésien (je ne peux donc que l'aimer!) dont de nombreuses oeuvres se trouvent dans sa région d'origine et notamment à Saint-Omer.
Le tympan oriental représente Jésus et la Samaritaine. La sculpture est due à André d'Houdain (1859-1904) lui aussi homme du nord dont on peut voir quelques réalisations au musée d'Orsay, au musée des Beaux Arts de Lille ou à Carnavalet.
L'ensemble des sculptures est une bonne représentation des tendances de la fin du XIXème siècle et des influences des arts byzantin-roman-gothique et renaissance, excusez du peu, entre lesquelles hésitent les sculpteurs quand ils n'ont pas le génie d'un Rodin ou d'un Carpeaux.
La partie supérieure de la façade, entre les tourelles, abrite une niche chargée d'accueillir la statue la plus emblématique, celle du Christ découvrant son cœur. Elle est mise en valeur plus que dans plusieurs des projets initiaux. C'est Abadie qui a tenu à ce qu'elle soit là, en vedette, et non perchée au sommet.
Christ perché du projet de Raulin et Dillon
La statue a connu plusieurs avatars...
La première statue de Georges Thomas, a été détruite accidentellement lors de la Fête du Sacré-Cœur en 1900. Elle était plus originale que celles qui lui succédèrent mais déplaisait aux membres du Comité.
La deuxième statue commandée à Gustave Michel fut à son tour reléguée au profit d'une troisième, définitive, due à Seguin qui s'inspirait de la statue du "Beau Dieu" de la cathédrale d'Amiens.
Elle est une copie affadie de l'original et il faut reconnaître que malgré sa place d'honneur, elle n'a que peu de ressemblance avec la grande sculpture gothique amiénoise.
De part et d'autre de la niche, poule et pélican rappellent métaphoriquement l'amour divin :
La poule qui couve ses petits.
"Jérusalem! Combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants comme la poule rassemble ses poussins sous ses ailes?"
Et le pélican prêt à se sacrifier pour nourrir ses petits en leur donnant son cœur. Pélican qu'on retrouve à l'intérieur sur les mosaïques :
Il nous rappelle, version laïque, le poème de Musset :
(...) "Le sang coule à longs flots de sa poitrine ouverte;
En vain il a des mers fouillé la profondeur;
L'océan était vide et la plage déserte;
Pour toute nourriture il apporte son cœur."
C'est donc toute une histoire chrétienne et symbolique qui se déploie sur la façade. Mais ce qui frappe avant tout c'est l'harmonie et la simplicité de cette proue qui semble s'avancer dans le ciel pour voguer sur la mer des toits argentés de Paris!
A l'occasion de la très riche exposition proposée par le musée d'art moderne de Paris, une visite s'imposait dans le cimetière-jardin où Victor Brauner repose.
Sur la tombe blanche, une tête de marbre, réplique d'une de ses sculptures, semble posée sur son propre reflet au ras de l'eau. Est-elle la double réalité, matérielle et spirituelle, de notre vie?
Signe (le vent) 1942-1945
La tête du dessus a les yeux ouverts en grand sur le monde réel où fourmillent les signes que l'on ne voit pas quand on manque d'attention. Il faut être aussi affûté qu'un chat pour détecter le moindre mouvement, le moindre bruit dans la forêt du quotidien.
La tête du dessous a les yeux clos, comme les yeux des statues de Bouddha endormi. Les paupières baissées sont le rideau tombé sur la scène où se joue pendant la nuit des opéras fantastiques.
Le corps de Victor Brauner (1903-1966) après avoir été torturé par un cancer, est venu reposer ici (3ème division, ancien cimetière juif), dix-neuf ans avant que sa femme, Jacqueline Abraham ne l'y rejoigne.
Jacqueline au grand voyage (1946)
Brauner fait partie de ces artistes roumains venus vivre à Paris dans la première moitié du XXème siècle et qui ont contribué au rayonnement de la France : Brancusi, Ionesco, Tristan Tzara, Cioran, Mircea Eliade...
L'orateur (1932)
Il arrive à Paris en 1925 et se convertit peu à peu au surréalisme, à l'importance des rêves. C'est de 1931 que date son autoportrait qui va impressionner Breton et les poètes attentifs au mystère des prémonitions.
Il se représente avec un œil crevé dont le sang coule sur la joue. Sept ans plus tard, voulant séparer deux de ses amis au cours d'un rixe violente, il reçoit un éclat de verre dans l'œil et devient borgne. Plusieurs de ses œuvres d'avant cet accident montrent à quel point était présent chez lui ce thème de la vue et de l'œil.
L'œil (1937)
Sa première exposition à Paris est préfacée par André Breton en 1934. Après un retour malheureux en Roumanie où il se détourne du communisme après les procès de Moscou et où il sent monter les menaces fascistes et antisémites (les deux font la paire!), il repart avec dans sa valise de petits tableaux, faciles à montrer et à vendre.
Sur le motif (1937)
Femme fleur (1938)
Il fuit Paris en 1940 pour le sud de la France puis n'obtenant pas de visa pour les Etats-Unis, il se réfugie dans les Hautes Alpes où il vit dans la clandestinité comme d'autres peintres menacé comme lui par Vichy et le nazisme. Son travail est fécond, marqué par son univers onirique...
La femme en chatte (1940)
Souffrance souffrance (1941)
Arc en ciel (1943)
Après la guerre, le peintre s'installe dans l'ancien atelier du douanier Rousseau rue Perrel. Une rue aujourd'hui disparue, dévorée par la gare Montparnasse.
La rencontre du 2bis rue Perrel (1946)
L'univers de Rousseau et celui de Brauner se rencontrent, ce qui ne peut être une simple coïncidence mais une manifestation du "hasard objectif" cher à Breton.
Rencontre avec moi-même aux quatre chats du monde (1946)
Entre 46 et 48 il peint quelques unes de ses toiles les plus étonnantes, les plus colorées, les plus énigmatiques.
Mythologie du poète 2ème naissance 1947
Mythologie du poète 3ème naissance 1947
Solivan (1946)
Le poète en exil (1946)
Pourtant en 1948, il rompt avec le groupe surréaliste, par fidélité à son ami Roberto Matta excommunié par le pape Breton qui l'accuse d'avoir, par sa liaison avec la femme du peintre Arshile Gorki causé le suicide de ce dernier!
Victor Victorach doublé d'angoisse regarde son coeur tremblant (1949)
Victor Victorel coiffé du con le couronné (1949)
Peut-être ne faut-il pas y voir de relation mais c'est alors que l'œuvre de Brauner prend le grand large, plus imaginative, plus onirique que jamais, avec un esprit d'enfance qui s'exprime dans des découpages comme de grands jouets.
Horizon perdu (1965)
L'automoma (1965)
C'est pendant les deux années qui précèdent sa mort qu'il peint ces merveilles de sensualité et de jeu, alors que son cancer lui impose de terribles souffrances.
Tableau à quatre pattes (1969)
Une tendresse particulière pour le "tableau à quatre pattes" que j'ai toujours vu (en affiche hélas!) dans la chambre de ma femme depuis les années de Sorbonne jusqu'à maintenant! Brauner fait partie de la famille!
Nicole et le tableau à quatre pattes
Quelques mois après avoir peint ce tableau, Victor Brauner ferme les yeux comme la statue qui orne sa tombe. Comment imaginer qu'il ne continue pas de rêver dans le monde des mystères?
L'aéroplapla (1969)
Il écrivait à Breton "Je suis le rêve, je suis l'inspiration". Imaginait-il qu'il le serait aussi pour nous qui n'avons pas de gros efforts à fournir pour voir sa tombe blanche partir à quatre pattes et nous emmener faire un tour en aéroplapla dans le ciel de Montmartre?
Pour rencontrer Brauner, ailleurs que dans la troisième division du cimetière, il suffit d'aller lui rendre visite au Musée d'art moderne où jusqu'au 10 janvier 2021 se tient l'exposition qui lui est consacrée.
C'est une petite rue qui va de la rue Condorcet à la rue Pétrelle et qui, si elle n'a pas abrité d'artistes remarquables ni de célébrités, est intéressante par son architecture de la fin du XIXème siècle, véritable catalogue de grands architectes représentatifs de la transition entre Haussmann et l'art nouveau.
C'est le plaisir des amoureux de Paris de se balader dans une ville toujours surprenante, toujours nouvelle dont la beauté évoque Baudelaire "Je suis belle ô mortels comme un rêve de pierre"!
La pierre ici forme les falaises entre lesquelles coule la rue pavée. Ce ne sont ni les vents ni les pluies qui les ont façonnées mais des architectes et des sculpteurs qui sans se connaître ni se concerter se font écho, se répondent, se distinguent...
La rue est construite sur des terrains qu'occupaient les fameux ateliers Godillot disparus dans l'incendie de 1895.
Elle porta d'abord le nom d'Alphonse Poittevin, ingénieur chimiste et photographe, considéré comme aussi important dans l'histoire de la photo Niepce et Daguerre.
En juin 1897 Poittevin est éclipsé par le lieutenant colonel Jean-Louis Lentonnet (1840-1895)
Nous sommes dans la grande période colonialiste de la France qui tente d'égaler la Grande Bretagne, championne toutes catégories! Lentonnet s'est illustré à Madagascar et c'est sur le navire qui le ramène au pays qu'il meurt. Il est immergé dans la Mer Rouge.
Début de la rue Lentonnet. Les deux immeubles au lion
Tout commence avec deux immeubles qui se font face avec leurs pans coupés originaux. Ils forment une entrée harmonieuse dans la rue Lentonnet.
Le 1 rue Lentonnet
Nous les avons déjà rencontrés lorsque nous explorions la rue Condorcet sur laquelle l'un des deux (le 16) a son entrée tandis que l'autre a préféré être le premier numéro de la rue Lentonnet.
Lion du 1 rue Lentonnet
Ils ont été construits en 1895 par l'architecte A. Wolfrom. La partie sculpture est l'œuvre de Rousseau. Un sculpteur qui a de commun avec le Douanier du même nom d'avoir aimé les lions!
Le 1 rue Lentonnet avec son lion et ses décors se retrouve presque identique à l'autre bout de la rue, au 9 avec le dernier immeuble qui donne en partie sur la rue Pétrelle (mêmes architecte et sculpteur).
Le 9 rue Lentonnet
Le pan coupé du 9 avec son lion superbe et généreux...
Sans doute était-il prévu à l'origine que les deux immeubles de début de rue et les deux derniers soient semblables.
Le 16 (Maechler)
Un lion pourtant, un seul manque à l'appel, au 16. Le dernier immeuble en effet est dû à un autre architecte (L. Maechler) qui tout en respectant l'aspect général de celui qui lui fait face n'a pas eu la chance de connaître Rousseau. Son pan coupé est donc vierge de lion!
Les 3 et 5
Le 5 détail.
Les 3 et 5 (le trois était caché par des échafaudages mais je le photographierai quand il sera sorti de sa chrysalide) sont la réalisation du même architecte : Philippe Lobrot (1845-1907).
5 rue Michelet.
Cet architecte a créé de nombreux immeubles dans la capitale : 27 et 28 rue La Boétie, 60 rue Saint-Lazare, 24 rue Mogador...
Le 4, élevé en 1897 est l'œuvre de E. Hennequet. Il est plus simple et laisse peu de place à la sculpture. L'architecte a réalisé plusieurs immeubles dans le quartier, notamment avenue Trudaine et rue Condorcet.
Le 6 (1897)
Et voilà le 6 !
Le plus "moderne" en cette fin du XIXème siècle et aussi le plus original, le plus beau...
Le 6 (1897)
Le 6 (1897)
Il est de l'architecte Jules Lombard, plus audacieux et plus novateur que bon nombre de ses confrères parisiens. Il est vrai qu'il est l'un des fondateurs de l'Ecole de Nancy, alors à l'avant garde de l'Art Nouveau (parmi ses membres Daum, Majorelle, Gallé!)
Immeuble Lombard à Nancy
Le 7 construit en continuité avec son voisin le 5 : larges fenêtres, puissantes consoles… une certaine monotonie dans une façade très longue.
Le 8 et le 10 ont le même architecte G. Farcy. Ces deux jumeaux assez classiques se distinguent cependant par une belle ferronnerie.
Pour le 12 de style Louis XIII, je n'ai pas trouvé le nom de l'architecte (appel au lecteur!)
Le 14
Le 14 est moins mystérieux puisqu'il porte, gravé, le nom de son auteur, Maechler que nous avons déjà rencontré avec le dernier immeuble privé de lion, le 16.
Il est plus original que son voisin et il a gardé au-dessus de son entrée une marquise qui se déploie comme un éventail ...
Un autre nom apparaît sur la façade : F. Bondennet et fils, sculpteurs.
Avec le 16 de L. Maechler s'achèvent les 118 mètres de la rue Lentonnet, musée vivant de l'architecture des cinq dernières années du XIXème siècle. Rien de spectaculaire ni d'exceptionnel sinon la variété, l'imagination, l'ostentation et la créativité des architectes et des sculpteurs qui ont fait de Paris cette ville où toute balade est découverte.
C'est une des rues de Paris les plus riches en histoires et il faudrait une dizaine d'articles pour lui rendre justice et la détailler des pieds à la tête! Du début à la fin! Sur une longueur de 1km500 avec un côté pair dans le IXème arrondissement et impair dans le Xème.
Fin de la rue du Faubourg quand elle rejoint le boulevard Magenta
Aussi nous en tiendrons-nous à son segment le plus montmartrois, celui qui va de la rue Lafayette (place du 8 novembre) à sa jonction avec le boulevard de Magenta à hauteur de Barbès.
Caserne de la Nouvelle France. 82 Faubourg Poissonnière.
La rue a porté différents noms :
Chaussée de la Nouvelle France tout d'abord, quand au milieu du XVIIème siècle fut loti à son emplacement un vignoble transformé en "hameau de la Nouvelle France".
En 1660 la rue prend le nom de Sainte-Anne en l'honneur d'Anne d'Autriche.
En 1770 des terrains vendus par les Filles de Dieu permettent une spéculation active qui s'accompagne du dernier changement de nom : rue du faubourg Poissonnière.
On connaît l'importance du chemin qui allait partait des ports du nord de la France pour arriver au centre de Paris qui était aussi son ventre!
Les noms des voies actuelles nous la rappelle : Porte des Poissonniers, rue des poissonniers, faubourg Poissonnière, rue Poissonnière, boulevard Poissonnière…. De quoi vous nous faire respirer l'odeur de la marée transportée par des centaines de chariots!
Faubourg Poissonnière (rue de Paradis)
Notons encore qu'au XVème siècle s'élevait une poterne dite de la Poissonnerie, rebaptisée Sainte-Anne en 1685 et détruite au milieu du XVIIIème siècle. Côté sud de la poterne on trouve la rue Poissonnière, côté nord la rue du faubourg Poissonnière.
Que de poissons que de poissons!
A partir de la rue Lafayette.
Commençons notre visite à partir de la rue Lafayette, quand cette voie monte vers Montmartre, alors que vers le sud elle file vers les Grands Boulevards et le 2ème arrondissement
La rue du Faubourg Poissonnière, descente vers les Grands Boulevards.
Le 98 nous permet de commencer notre remontée en musique et poésie avec Boris Vian
Boris Vian y vécut après son mariage avec Michèle Léglise.
C'est une année heureuse de sa courte vie dont il passera une partie à Montmartre, boulevard de Clichy puis Cité Véron où il aura pour voisin Prévert.
"Il était si heureux que ça lui faisait énormément de peine". (L'Ecume des jours).
Au 106, Le groupe scolaire privé Rocroy Saint-Léon occupe un ancien hôtel du XVIIIème siècle en partie détruit dont la façade mal restaurée ne restitue pas l'élégance.
Il appartint à Philippe Frédéric de Dietrich, personnage hors du commun, savant, homme politique, partisan des idées nouvelles.
Maire de Strasbourg de 1790 à 1792, il est ami de Rouget de Lisle qui fréquente avec lui la même loge franc-maçonnique.
C'est grâce à ce dernier qu'il reste célèbre aujourd'hui! En effet c'est lui qui pousse Rouget de Lisle à écrire des chants patriotique et c'est dans son salon qu'est interprèté pour la première fois le chant de l'Armée du Rhin, la future Marseillaise! (on le voit, assis dans son fauteuil à côté Rouget de Lisle).
Pendant l'année terrible, sous l'impitoyable Robespierre, il est jugé par le Tribunal Révolutionnaire pour des accusations mal fondées de soutien à des prêtres réfractaires et pour ses critiques des journées insurrectionnelles..
Malgré la faiblesse de l'accusation, Robespierre obtient qu'il soit guillotiné et ce n'est qu'après la mort du guillotineur guillotiné qu'il est réhabilité mais sans sa tête!
Au carrefour avec la rue d'Abbeville, l'immeuble du 16 de cette rue donne par son pan coupé sur le carrefour et en partie sur la rue du Faubourg. Il est dû (1898) à Georges Massa et son décor original est l'œuvre d'Alexandre Chapuy.
Les femmes souriantes et sensuelles sont parmi les plus belles "cariatides" de Paris.
Là où s'élève le 118 a vécu en 1856 le poète parnassien Leconte de Lisle qui mena à Paris une vie de bohème après que sa famille réunionnaise avait été ruinée par l'abolition de l'esclavage pour laquelle elle s'était engagée et avait lutté. Il fut ami de Victor Hugo auquel il succéda à l'Académie.
Il rend hommage à la ville qu'il aime dans "Le sacre de Paris" :
"Ville auguste, cerveau du monde, orgueil de l'homme,
Ruche immortelle des esprits,
Phare allumé dans l'ombre où sont Athènes et Rome,
Astre des nations, Paris!"
.
Au 121, le seul immeuble classé est le lycée Lamartine, fondé en 1893 dans une ancienne folie du XVIIème siècle.
Cette folie avait été construite pour le Maître de ballet de Louis XIV, Pierre Beauchamps
Elle est rebâtie en 1740 par Jacques Hardouin-Mansart, dernier rejeton architecte de la lignée des Mansart. Il reçoit la commande du marquis Phélypeaux de Saint-Florentin ministre de Louis XV qui, fortune aidant, se fera construire un autre hôtel près de la Concorde et après avoir vendu celui du faubourg.
Nous sommes en 1769 et c'est un notaire royal, amateur d'art et admirateur de Greuze dont il possède de nombreuses toiles qui l'acquiert.
Enfin, dernier avatar, en 1891 le Ministère de l'Instruction Publique l'achète pour le transformer en lycée de jeunes-filles. D'abord annexe du lycée Racine, puis indépendant.
Par chance l'hôtel n'a pas été entièrement vandalisé! Le Ministère a conservé, outre les façades sur rue et cour, le salon sur jardin et une chambre aux boiseries classées qui servit de bureau au proviseur.
En 1960 le lycée s'agrandit et achète au 119 une ancienne filature de coton.
119 immeuble de briques de la filature
127-129
Beaux immeubles haussmanniens aux 127-129.
130
Il y avait au 130, au début du XXème siècle, une blanchisserie dont subsiste une photo, avec comme sur la plupart des photos des commerces de cette époque, avec les propriétaires, un petit chien heureux, de race improbable.
Le 134 est un des plus beaux immeubles du Faubourg. Il a été construit en 1866 par les architectes J. Suffit et O. Courtois-Suffit.
Au niveau du 135 s'est élevée une des principales barricades des journée révolutionnaires de 1848 .
La révolution menée par le peuple avait contraint Louis Philippe à l'abdication au profit Philippe d'Orléans le 24 février.
Le même jour Lamartine proclamait la 2ème République.
Et maintenant passons devant un immeuble consternant , le 138....
Dans les années pompidoliennes il reçut sans problème l'autorisation de détruire une maison qui faisait l'admiration de tous, entièrement en bois, siège de la menuiserie Wallart. Un vandalisme de plus dont les années 70 furent des actrices décomplexées.
Le 146 est le siège des Editions Sociales créées à la Libération par le parti Communiste et qui restera pendant 40 ans sa principale maison d'éditions.
Elle se constitue un fond unique en France des oeuvres de Marx et Engels en français.
161
Le 161 n'aurait rien à nous raconter s'il n'avait été élevé sur un jardin qui agrémentait une petite maison où Charles de Bourbon Condé (1700-1760) vécut avec sa maîtresse madame de la Saune… (sa femme officielle n'était autre que la fille légitimée de Louis XV).
Charles de Bourbon Condé (Rigaud)
Ce prince de sang avait une réputation sulfureuse au point qu'il fut sans doute un des inspirateurs du Marquis de Sade. On raconte qu'il faisait enlever des jeunes filles pour les utiliser dans des orgies. Des rapports de police furent tenus secrets étant donné le rang du personnage. "Me too" au secours!
157 et suivants
De nombreux immeubles côté pair (157 à 187) sont construits à l'emplacement des Promenades égyptiennes que nous avons rencontrées déjà en visitant la rue du Delta.
Le parc avait pour attraction principale "les montagnes égyptiennes" ancêtres des montagnes russes. Le lotissement commença en 1824 quand le parc ne fut plus rentable.
Côté pair un immeuble garde souvenir de la mode égyptienne qui s'empara de Paris après la campagne d'Egypte.
La rue rejoint le Magenta qui se termine avec le Louxor, remarquable cinéma art-déco sauvé par la ville et aujourd'hui lieu culturel d'exception.
Plus agréable à évoquer que le charnier de la barrière Poissonnière où furent jetés les cadavres de centaines de gardes suisses auxquels le roi avait ordonné de déposer les armes, tués aux Tuileries en août 1792.