N'en déplaise aux écoeurés du Sacré-Cœur, de vrais artistes ont participé à l'œuvre collective, parmi lesquels de nombreux sculpteurs...
Aujourd'hui je vous propose de contourner la basilique, d'emprunter la rue du Chevalier de La Barre et de lever la tête vers le dôme.
Vous verrez une statue que l'oxydation habille de vert : Saint-Michel terrassant le dragon.
Il est dû à François Sicard (1862-1934) à qui elle fut commandée en 1908. François Sicard est connu pour avoir été LE sculpteur de Clémenceau, son ami dont il exécuta le buste et dont il fit le masque funéraire.
Les Parisiens peuvent rencontrer Sicard dans les jardins des Tuileries où est installé son groupe du Bon Samaritain...
Dans les jardins du Luxembourg où songe sous les frondaisons George Sand...
Ou encore au Panthéon où se déploie son monument à la Convention Nationale….
Son Saint Michel, comme les deux statues équestres d'Hipolyte Lefebvre de la façade n'ont pas la même inspiration que la majorité des autres sculptures de la basilique qui hésitent entre références gothiques ou romanes. Il est de la même famille que les sculptures de Frémiet :
Jeanne d'Arc (Frémiet)
On pourrait parler de réalisme et de souci de précision historique. Frémiet est d'ailleurs l'auteur d'un Saint-Michel achevant un minuscule dragon, posé au sommet de l'abbaye du célèbre Mont homonyme.
Saint-Michel au sommet de l'abbaye. (Frémiet)
Il paraît que dans cette représentation de l'archange massacrant un crocodile qui se convulse de douleur, se révèlerait le caractère belliqueux et revanchard de Républicains rêvant de terrasser l'ennemi teuton.
Certains inconditionnels de la Commune (dont je suis pourtant) y voient l'allégorie de l'écrasement de la révolte populaire par les Versaillais. Cette hypothèse me semble aussi hasardeuse que la première me paraît plausible à la veille d'une guerre-boucherie.
Comme toujours quand on parle du Sacré-Coeur, deux clans s'opposent. Celui des adversaires résolus de cette église expiatoire et celui des amoureux d'un Montmartre dominé par une ville byzantine sortie d'un conte oriental.
Il faut enlever ses lunettes idéologiques et regarder naïvement le sacré Sacré-Coeur! Ainsi pourra t-on admirer cette statue de Sicard, ce Saint-Michel viril et précieux à la fois, mâle et féminin...
On acceptera que le pauvre crocodile dont on fait aujourd'hui des sacs à main ne soit là que pour symboliser le démon qui comme on ne l'ignore pas peut prendre toutes les apparences.
… Et passée l'admiration esthétique, première et essentielle, chacun pourra faire de ce groupe, selon son humeur, l'allégorie de ce qui lui plaira!
L'intelligence terrassant la Bêtise
la Culture terrassant l'Ignorance
la Générosité terrassant l'Egoïsme
la Beauté terrassant la Vulgarité
Greta Thunberg terrassant les climato-sceptiques…… etc... etc... etc...
Elle fut pendant des siècles la plus célèbre des fontaines de Montmartre.
Il n'en reste rien aujourd'hui malgré la statue de Saint Denis qui semble attendre patiemment, la tête entre les mains, qu'elle jaillisse à nouveau...
Choeur de l'église St-Pierre, ancienne église St-Denis de l'abbatiale.
Le martyre de Saint-Denis. Pierre sculptée de 1253 provenant de l'Abbaye de Montmartre.
Denis fut un des saints les plus vénérés au Moyen-Âge et l'église de l'abbaye de Montmartre porta son nom dans sa partie réservée aux religieuses (la partie réservée aux villageois, séparée par une grille, étant dédiée à Saint-Pierre.)
Premier évêque de Paris, Denis, après avoir eu la tête tranchée vers 250 sur ordre du gouverneur romain, se serait, selon la légende, relevé après sa décapitation et aurait marché vers le nord jusqu'à l'endroit où il se serait arrêté pour être inhumé. Plus tard s'élevera à cet endroit la basilique qui porte son nom.
Après avoir escaladé, la tête entre les mains, le flanc sud de la Butte, il aurait fait halte auprès de la source claire qui jaillissait à l'abri des arbres, afin de laver son chef ensanglanté.
Les Montmartrois gardèrent mémoire de cette source sacrée (qui l'était déjà au temps du paganisme). C'est autour d'elle que trois des moulins de la Butte firent tourner leurs ailes et c'est là que des anges continuèrent de murmurer et de chanter après le passage du saint.
Les riverains la nommèrent alors source des bourdonnements.
Quand vous aviez des maux de tête, il suffisait de puiser de l'eau à cette fontaine et de vous en asperger le crâne et le visage pour que vos céphalées soient emportées, comme détachées de vous et diluées dans les bourdonnements angéliques. La croyance populaire lui attribua d'autres vertus : la jeune fille qui s'y rendait dès potron-minet et y faisait une toilette de chat était assurée de trouver dans l'année un beau matou. Non pour la bagatelle toujours facile à l'ombre des moulins mais pour le mariage… On prétend aussi que sanctifiée par l'eau bénie, elle ne tromperait jamais son homme!
"Fille qui a bu l'eau de Saint-Denis,
Toujours sera fidèle à son mari."
Mais l'esprit et le goût de vivre montmartrois étant ce qu'ils sont, les abords de la fontaine fournissant herbe tendre et bosquets en abondance, c'est là que de jeunes amoureux d'un soir venaient abriter leurs ébats!
Dans la journée, le lieu retrouvait sa sage apparence et les pèlerins qui se dirigeaient vers le martyrium, en bas de la Butte, là où Denis, Eleuthère et Rustique avaient été suppliciés, s'y arrêtaient pour prier. On dit qu'Ignace de Loyola et ses compagnons s'y rendirent le 15 août 1534 après avoir prononcé leurs vœux de pauvreté et chasteté.
Il y avait une pierre sculptée à proximité de la fontaine. Elle a disparu et a été remplacée par la statue qui veille de nos jours sur les boulistes du square Suzanne Buisson.
Elle est due au sculpteur Fernand Guignier (1902-1972) qui fut élève d'un artiste qui nous est cher sur la Butte, Emile Derré.
Fernand Guignier aimait Montmartre dont il fit de nombreux pastels...
Sa statue de Saint Denis prend place en 1941 à l'emplacement présumé de l'antique source.
Qu'est-elle devenue cette source sacrée?
Elle a connu un sort comparable à certains moulins et maisons de la Butte. Un creusement de carrière fut autorisé aux alentours.
Bientôt le sol s'affaissa puis un trou de plusieurs coudées avala (en 1810) source et ruisseau qui continuèrent leur petit chemin bourdonnant dans les entrailles de Montmartre avant de se diluer peu à peu dans les profondeurs et disparaître à jamais.
Impasse Girardon
Revient-elle parfois en automne quand les brouillards montent de l'ancien abreuvoir et quand les derniers feuillages bruissent comme une résurgence discrète et cristalline? L'eau retrouve-t-elle la sente qu'elle suivait alors et qui est devenue l'impasse Girardon?
Nerval qui était poète l'a entendue... pourquoi pas vous?
En annexe, un panneau de bois sculpté du XVIème siècle jadis exposé au musée de Montmartre et aujourd'hui récupéré par le musée Carnavalet. On y voit le martyre de Denis et ses compagnons sur une butte difficile à reconnaître….
C'est une découverte pour moi mais sans doute pas pour les passionnés de la Belle époque montmartroise..
Albert Guillaume (1873-1942)dont des dessins sont exposés en ce moment au musée de Montmartre avec la collection Weisman-Michel dont ils font partie.
Il fut célèbre en son temps par ses caricatures, ses affiches et ses illustrations. Il se distinguait ainsi dans une famille où l'on avait l'architecture pour vocation. En effet son père Edmond et son frère Henri y firent carrière avec des réussites diverses. Pour les Montmartrois, retenons qu'Edmond Guillaume a été l'architecte du monument de la Défense place de Clichy.
-On dit qu'il a été surpris avec elle en flagrant délit... -On exagère... il était à ses pieds...
Dans sa période la plus active, Albert Guillaume publie ses caricatures dans diverses revues comme le Gil Blas, l'Assiette au Beurre, le Figaro Illustré ou le Rire....
Il est également sollicité pour créer des affiches pour des marques ou pour des spectacles...
Le marieur
Enfin il se consacre à la peinture qui lui rapporte de bons revenus. On peut dire qu'il représente bien l'art pictural "1900" conventionnel et ignorant des grandes mutations et des grands mouvements qui révolutionnent la peinture, notamment à Montmartre. Il s'attache à la société bourgeoise, riche et frivole. La femme est légère, vaporeuse et tête de moineau; l'homme est vaniteux et concupiscent!
Sa période d'illustrateur fait l'objet d'un bel hommage puisque deux salles lui sont consacrées. C'est celle de sa jeunesse. Ses dessins connaissent le succès et sont regroupés pour former des albums comme celui que nous découvrons rue Cortot :"Tristes et gaies".
Ce ne sont pas des œuvres inspirées et novatrices comme celles de Toulouse Lautrec, mais le genre qui nécessite simplicité et efficacité du trait permettent à Albert Guillaume de réaliser ce qui pour moi est le meilleur de son œuvre.
Il isole dans la page une figure ou quelques personnages expressifs, sans détails inutiles.
Dans cette composition, on peut reconnaître Oscar Wilde qui fréquentait alors les cabarets parisiens...
Tous ces dessins illustrent des chansons bien oubliées aujourd'hui... Ils nous entraînent dans un monde de plaisirs sensuels, de passions parfois violentes, de peines d'amour, de mélancolie...
... Où nous rencontrons aussi le Pierrot montmartrois...
... le french cancan vigoureux...
Et des portraits d'inconnues, belles et tristes.
Toutes ces oeuvres font partie de la collection Weisman-Michel exposée jusqu'au 19 janvier 2020 au musée de Montmartre. Le meilleur de cette exposition étant consacré à Suzanne Valadon.
Avant de quitter Albert Guillaume, comment ne pas évoquer ses dessins d'enfants montmartrois qui annoncent Poulbot mais sans la sympathie un peu naïve qui animait ce dernier…
Rue de Clichy vers la place homonyme et le monument de la Défense.
Cette rue qui va de la place d'Estienne d'Orves à la place de Clichy est une artère vivante et la plupart du temps encombrée de véhicules de tout genre.
Rue de Clichy dernière partie, arrivée sur la place.
Elle doit son nom qui lui est donné en 1843, à la ville de Clichy vers laquelle elle mène. Mais son tracé date de bien avant. Dès l'époque gallo-romaine, une voie nommée "voie de la mer" allait de Paris jusqu'à Harfleur. Au 17ème, on la reconnait sur d'anciens plans. Elle est alors "le chemin de Clichy". Mais là ne s'arrêtent pas ses avatars! Au 18ème, elle devient "rue du Coq". Elle passait en effet devant l'hôtel du Coq (une "avenue du Coq" existe toujours, en réalité large impasse qui donne sur la rue St-Lazare).
La 1ère rue à gauche est la rue de Clichy. On voit le square devant l'église. Il a détruit une partie de la rue.
La rue de Clichy est longue de 700 mètres, sa première partie ayant été amputée lors de l'extension du square D'Estienne d'Orves devant la Trinité.
A droite le square d'Estienne d'Orves, à gauche ancienne partie de la rue de Clichy, aujourd'hui place d'Estienne d'Orvbes)
Le 10.
Au 10 s'élève l'hôtel de Wendel, riche demeure que la fortune des Maîtres de Forges leur permit de s'offrir.
C'est Charles Wendel qui le fait édifier de 1862 à 1867 en faisant appel à l'architecte Sidoine Maurice Storez qui dans cette période ostentatoire conçoit un bâtiment simple et épuré dans le style Louis XVI.
La façade dépouillée cache en réalité un somptueux logis de 36 pièces! Par chance certaines ont conservé leur décor, ce qui est plutôt rare quand les immeubles sont rachetés par la Ville (ce qui est le cas) pour être transformés en écoles.
Le "W" des Wendel sur la façade
Le 12
Au 12 actuel (primitivement 26) s'élevait la première église de la Trinité ouverte en 1852. Elle remplaçait la 1ère église de la rue de Calais et elle ne fut détruite qu'après la consécration de la troisième église édifiée sur la place en 1867.
C'était une construction de bois, longue d'une quarantaine de mètres et qui malgré son existence éphémère était ornée de vitraux. Une cloche appelait les fidèles mais elle dut se taire après quelques mois car les voisins se plaignaient d'être réveillés par les Laudes! Les ronchons qui se plaignent aujourd'hui des cloches et des coqs font donc partie d'une longue tradition!
Il ne reste rien de cette Trinité passagère sinon une peinture sur lave de Devers, inspirée d'Ary Scheffer qui ornait le tympan et qui est aujourd'hui conservée dans la sacristie de l'église actuelle.
Le 16 Casino de Paris en 1904
Le 16 aujourd'hui
Le 16 années 50
Le 16 est l'adresse la plus célèbre de la rue! Celle du Casino de Paris! Il y aurait un roman à écrire sur ce lieu mythique. Pâtinoire puis théâtre à la fin du XIXème siècle, c'est avec Léon Volterra en 1914 que la salle révolutionne l'art du spectacle avec la création des revues qui allaient connaître un succès inépuisable.
C'est Volterra qui invite Mistinguett après la guerre, avec son "protégé" Maurice Chevalier. Jusqu''en 1925, elle restera la reine du Casino de Paris. Il faudra attendre le nouveau directeur Henri Varna pour assister à un triomphe comparable avec Joséphine Baker et ses 2 amours.
Citons encore Tino Rossi qui fait se pâmer son public en le caressant de sa voix de zéphyr et plus tard Line Renaud qui ménera plusieurs revues. La dernière grande meneuse sera Zizi Jeanmaire en 1970 avant que la salle n'accueille des artistes comme Gainsbourg, Souchon, Dutronc, Higelin.... etc...
Réjouissons nous que malgré les inévitables mutilations pour se mettre à la mode architecturale des années sans fantaisie, la salle ait gardé une partie de son décor 1925.
On ne peut pas en dire autant des 20 et 22!
Le 20...
Le 20 consternant de banalité morose était l'adresse d'un music-hall ouvert au début du XXème siècle à la grande époque des paillettes et des divertissements : l'Apollo.
Son titre de gloire est d'avoir créé l'opérette de Franz Lehar "La veuve joyeuse" avec un succès qui ne se démentit pas avec les années.
Ce fut aussi dans cette salle que Carlos Gardel fit ses débuts parisiens. Les amoureux du tango se recueillent en passant devant le fantôme de l'Apollo.
Affiche de Paul Colin
Le 21...
Le 21 a abrité notre Victor Hugo national, si proche encore, si audacieux toujours… de 1874 à 1878. C'est dans cet immeuble, au 4ème étage qu'il écrivit son roman "Quatrevingt-treize" (c'est ainsi que l'auteur a voulu qu'on écrivît son titre).
Le 28
Sur la façade du 28, bel immeuble début du XXème siècle, une plaque rappelle que Georges Enesco, "illustre musicien roumain y vécut de 1908 jusqu'à sa mort en 1955."
Musicien considérable qui fut élève de Massenet et Fauré, il fut lié aux principaux compositeurs et interprètes de son temps, de Ravel à Dukas… Il écrivit une de ses oeuvres les plus célèbres, son opéra "Œdipe" dans cette maison.
Belle porte cochère aux 34-36
Le 37.
Au 37 a vécu pendant 30 ans le peintre Maurice Eliot qui fut le grand ami de Charles Léandre avec qui il loua un atelier à deux pas de Pigalle, 3 rue Houdon.
Il excella dans l'art du pastel et connut quelque succès avant la catastrophique année 1937 où il perdit sa mère, son ami Léandre et où sa sœur atteinte de maladie mentale fut internée. Il dut alors quitter, la rue de Clichy et le quartier qu'il aimait
39
C'est au 2ème étage du 39 que Ravachol déposa une bombe le 27 mars 1892 destinée à tuer le substitut Bulot. Il y eut quelques blessés et l'immeuble fut dévasté.
Ravachol (un petit air de Brad Pitt)
Trois mois et demi plus tard l'anarchiste qui avait à son "actif" quelques crimes crapuleux et quelques autres plus "politiques" sera guillotiné.
Le 40
Un coup d'œil au 40 où s'ouvrent les portes de la Grande Comédie, théâtre créé en 2005 et qui accueille des humoristes ou des comédies boulevardières. Omar et Fred, Max Boublil s'y sont produits. Qu'on aime ou pas, il faut se réjouir chaque fois qu'un nouveau théâtre naît dans ce quartier où bon nombre de salles de spectacle ont disparu.
La maison du protestantisme a ses vitrines au 47, avec sa librairie spécialisée "Jean Calvin".
Les immeubles du 54 au 68 ont été construits à l'emplacement de la prison de Clichy dont Balzac fut à plusierurs reprises menacé. En effet elle incarcérait les "dettiers" ceux qui étaient incapables de payer leurs dettes!
La prison en 1859
Si Balzac réussit à l'éviter en se cachant, il n'en fut pas de même pour Nadar qui y passa un mois en 1850 ou pour Poulet-Malassis l'éditeur et l'ami de Baudelaire ( qui aimait l'appeler "Coco Mal-Perché").
Elle fut fermée en 1867 et elle ne subsiste aujourd'hui que dans les romans du XIXème siècle, comme dans "la Cousine Bette" de Balzac...
Au 55, un passage très parisien conduit au théâtre de l'Œuvre créé en 1893 par Lugné-Poe qui le dirigea pendant 37 ans
Il s'installa dans une salle de concert à l'italienne, la salle Berlioz.
De grands artistes y furent engagés comme Isadora Duncan, Pierre Fresnay, Pierre Dux ou Maria Casarès...
... Les auteurs scandinaves Strindberg et Ibsen y furent révélés au public parisien.
D'autres créations marquèrent l'histoire théâtrale : "Ubu roi" de Jarry qui provoqua un scandale mémorable (1896) ou dans un autre style, "L'Annonce faite à Marie" de Claudel (1912).
LE 62
Au 62 le jeune Félix Tournachon (Nadar) fut pensionnaire chez Mr Augeron. C'est là qu'il rencontra celui qui allait être l'ami de toute une vie, Charles Asselineau, futur écrivain et admirateur comme lui de Baudelaire.
Asselineau par Nadar
Nadar ne pouvait pas imaginer qu'une vingtaine d'années plus tard il reviendrait rue de Clichy, non plus à la pension Augeron mais à la prison !
81
Là où s'élève l'indigent immeuble du 81, il y avait un café où se réunissaient les poètes symbolistes autour de Mallarmé pour théoriser leur opposition aux Parnassiens.
Cependant ce sont surtout les peintres divisionnistes, "les pointillistes" comme Seurat ou Signac qui en firent leur lieu privilégié de rencontre.
Le 84
Il y avait au 84 un "bouillon"Duval, restaurant populaire et bon marché comme il s'en ouvrait de nombreux à Paris. Il a été remplacé par une académie de billard tout en gardant son cadre art nouveau.
Il a servi de décor à la fin du film "Le Marginal" avec Belmondo.
Christophe Honoré y a tourné une scène avec Ludivine Sagnier dans "Les bien aimées" pendant laquelle l'actrice chante avec Rasha Bukvic "les chiens ne font pas des chats".
Depuis l'été 2019 il est devenu le Club Montmartre bien connu des fous de poker.
Ne nous attardons pas, de peur de sortir essoré de ce lieu dangereux et cap sur l'avenue de Clichy qui prolonge notre rue de l'autre côté de la place où nous attend un des meilleurs cinémas de Paris, le cinéma des cinéastes... Un bon film, rien de mieux après avoir arpenté Paris!
La fresque-hommage au cinéma dans l'escalier du cinéma.
Ni Rousseau ni Séraphine ne sont de notre village et pourtant… Les peintres que l'on appelle "naïfs"l ont toujours aimé Montmartre.
La Butte est déjà un tableau qui leur ressemble, avec ses dômes blancs, ses arbres en son jardin vertical où s'accrochent de petits personnages...
Jean Eve. Le Sacré-Coeur de Montmartre de face. 1946.
… Et puis… c'est à Montmartre qu'eut lieu pendant des années la "foire aux croûtes" où les peintres qui ne vendaient pas leurs toiles les exposaient en espérant trouver un acheteur providentiel!
Louis Vivin. Paris, basilique du Sacré-Coeur de Montmartre. 1930.
Le Sacré-Coeur que certains continuent de décrier est en lui-même un monument naïf, une ville orientale, un narthex ouvert sur la houle des toits...
Louis Vivin le peignit plus de dix fois! Il fit partie avec Bombois des vendeurs de la "Foire aux croûtes".
Cette toile paraît simple et pourtant, rien de réaliste… le monument est déplié, vu simultanément de face et de côté… On peut remarquer le même personnage démultiplié gravissant la Butte. L'inattendu, l'étrange sont présents dans un paysage qui semblait sans mystère.
Lorsque Uhde (le découvreur de Séraphine Louis) organisa une exposition des peintres qu'il aimait et qu'il avait souvent rencontrés à Montmartre, il l'intitula "Les peintres du cœur sacré".
C'était un beau titre. Référence au monument emblématique en même temps qu'à l'aspect amoureux du geste de peindre sans prétention, avec un regard clair, avec le cœur simple.
Ferdinand Desnos. Autoportrait aux chats. 1953.
Dans cette riche exposition j'ai choisi quelques œuvres que j'ai particulièrement aimées. Je n'ai pas insisté avec Rousseau qui connaît la gloire qu'il mérite ni avec Séraphine la mystique aux fleurs tourmentées aujourd'hui mondialement reconnue.
Voilà Ferdinand Desnos, cousin du poète. Un autoportrait qui fait penser à Chagall, avec des chats joueurs, amis des artistes.
Ferdinand Desnos. Portrait de Paul Léautaud et ses chats. 1953.
Il a été ami des écrivains et poètes (il a fait un portrait d'André Breton) et a représenté Léautaud avec qui il partageait l'amour-passion des chats.
André Bauchant. Autoportrait aux dahlias. 1922.
André Bauchant s'est réfugié dans la peinture à son retour du front en 1918. Lui qui était pépiniériste et aimait ses fleurs, lui qui était amoureux fou de sa femme, il retrouva sa pépinière saccagée et sa femme frappée de folie.
Il y a dans ses toiles de la douceur et de la tristesse mêlées.
André Bauchant. Les baigneuses. 1923.
Dominique Peyronnet. La falaise. Non daté.
J'ai découvert un peintre que je ne connaissais et qui m'a plu avec ses rivages oniriques et ses vagues d'opéra : Dominique Peyronnet.
Il peint avec application et sans effets. Ses paysages ont la précision inquiétante des rêves.
Dominique Peyronnet. Après le bain. 1931.
Dominique Peyronnet. Mer brumeuse à marée basse. Non daté.
…. Et maintenant nous entrons dans une salle consacrée à une des stars de la peinture naïve : André Bombois.
Nous lui avons déjà consacré un article lors de l'exposition qu'organisa en son honneur le musée Maillol...
Il est assurément le plus sensuel des peintres de cette exposition. Le seul à peindre des femmes nues et à réaliser à sa manière son "origine du monde!
Il va droit au but et n'essaie pas d'atténuer son intérêt pour ce sexe qui l'attire (pas de censure s'il vous plaît, notre homme n'agressa personne et prit pour modèle sa femme dont il aima les rondeurs sensuelles).
Bien différent est René Rimbert qui fut dessinateur pour l'Etat Major pendant la première guerre mondiale. Il eut pour admirateur Max Jacob et s'il fut classé parmi les naïfs c'est après avoir exposé une toile représentant l'apothéose du douanier Rousseau.
On y voit le douanier s'élever, palette à la main, vers les nuages où la muse est entourée d'Ingres, Delacroix, Courbet, Cézanne et Renoir. Ces maîtres sont ceux qu'admire Rimbert qui a compris avant bien des critiques d'art qu'il n'y avait pas de frontière hermétique entre le Douanier et les grands maîtres reconnus.
On devine en bas du tableau, Rimbert derrière sa fenêtre jouant de la flûte et accompagnant ainsi le Douanier dans son voyage glorieux!
la plupart de ses toiles représentent la ville, avec ici et là de rares passants esquissés. Le silence, l'espace font penser à Chirico.
Pour terminer cette visite personnelle il faut bien saluer le douanier Rousseau et Séraphine Louis, les seuls peintres nommés dans le titre de l'exposition.
Par leur prestige ils attireront au musée Maillol des amateurs d'art "naïf" et leur permettront peut-être de voir briller au ciel de leur panthéon personnel quelques étoiles nouvelles!
Séraphine Louis. Le bouquet de feuilles. 1929.
Le Douanier Rousseau. Deux lions à l'affût dans la jungle 1909.
J'ai oublié d'ajouter cet autoportrait de Jean Eve que Nicole aime particulièrement pour sa douceur mélancolique. Il y a quelque chose chez ce peintre de la précision trompeuse de Magritte. Le paysage est tableau et le tableau sur le chevalet est paysage. Entre les deux le peintre incertain hésite à effacer un peu plus les contours de la réalité menacée où il vit.