Chargé d'illustrer un recueil de chansons militaires (quelques-unes grivoises) harmonisées par Charles Cuvillier, Poulbot s'en donne à coeur joie et dessine de braves types à la trogne réjouie. Ses dessins sont francs et drôles. Ils ne sont pas "érotiques" comme ceux d'autres illustrateurs des mêmes chansons.
18 dessins d'inégale valeur accompagnent le livre.
Charles Cuvillier (1877-1955) dont la gloire dépassait les frontières nationales est aujourd'hui bien oublié et son illustrateur l'éclipse aisément !
Une partie de son renom vient de ses coréligionnaires Fauré et Massenet avec lesquels il étudia la musique! Il composa de nombreuses opérettes qui furent jouées en Allemagne, en Angleterre et même à Broadway...
Il aimait se promener sur notre Butte où il venait en voisin du IXème arrondissement où il vécut de sa naissance à sa mort. Il rencontra à plusieurs reprises Poulbot avec lequel il sympathisa.
Poulbot après avoir illustré la première de couverture et la page du titre, propose un dessin pour chaque chanson (15 chansons).
Certaines de ces chansons restent célèbres, d'autres ont perdu de leur mordant et sommeillent dans de vieux cartons ou de vieilles mémoires...
La première, les fils de Chateaudun, fait partie de ces dernières. Je n'ai rien trouvé sur elle et si j'en crois l'illustration de Poulbot, elle met en scène une femme éplorée qui montre à un gros sodat moustachu et bedonnant une progéniture qui est peut-être née pendant son absence...
La deuxième est toujours chantée. Auprès de ma blonde est un classique dont Poulbot nous donne une représentation souriante et sous couette avec petits oiseaux à la fenêtre:
La chanson date du XVIIIème siècle, le texte est d'André Joubert du Collet. Elle s'appelait à l'origine "Le prisonnier de Hollande" (le pays pas le président!)>
"Auprès de ma blonde
Qu'il fait bon, fait bon, fait bon
Auprès de ma blonde
Qu'il faut bon dormir!
"Passant par Paris" est également une chanson du XVIIIème siècle mais qui devint populaire pendant la guerre de 1870. C'était à l'origine une chanson de marins que l'on chantait dans les ports. Quand pendant la Défense de Paris les marins se firent terriens et vinrent prêter main forte à l'artillerie, ils l'apportèrent avec eux... Les parisiens s'en emparèrent.
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"Le bon vin m'endort, l'amour me réveille (bis)
J'ai eu de son coeur la fleur la plus belle
Dans un grand lit blanc gréé de dentelles
J'ai eu trois garçons, tous trois capitaines."
"Les godillots" est une chanson de route qui remonte au XVIIème siècle.
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"La-haut sur la colline
Il y a un moulin (bis)
Le meunier sur sa porte
Voit Rosette de loin (bis)
(il en existe de nombreuses variantes mais l'histoire reste la même. Rosette se retrouve avec le "sac plein" et au bout de neuf mois à peine, met au monde un p'tit meunier!.
"Comme les autres font" est une chanson gauloise aux origines incertaines.
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"Oh ma mère ma pauvre mère, je voudrais me marier
Je voudrais me marier comme les autres
Pour avoir fille et garçon comme les autres font.
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-Mais ma fille, ma pauvre fille
De l'argent en auras-tu?
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-Le soir derrière les buissons, comme les autres,
Je trousserai mes blancs jupons
Comme les autres font." (...)
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Avec mes sabots
Voilà une très ancienne chanson qui remonterait au XVIème siècle et qui reprit du poil de la bête en 1870...
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"En passant par la Lorraine
Avec mes sabots (bis)
Rencontrai trois capitaines
Avec mes sabots...."
L'Enfant du bataillon
Chanson du début du XIXème siècle qui montre la solidarité des soldats sur tous les fronts!
"La plus belle est Fleur de rose
Fleur de rose est un beau nom
Verse à boire
Les soldats l'ont emmenée
A Paris près de leur maison
Au bout de neuf mois à peine
Elle accoucha d'un garçon
Il ne ressemble à personne
C'est le fils du bataillon
Verse à boire "
Marlbrough
Cette chanson-là est connue de tous les enfants. Elle date du XVIIIème siècle. Dans sa pièce, "le mariage de Figaro" Beaumarchais la fait chanter à Chérubin mais c'est Marie-Antoinette qui la mit à la mode en la chantant sur son clavecin. La tour du Hameau de la Reine porte d'ailleurs le nom de Marlbrough. ....
Il s'agit de se moquer d'un ennemi de la France dont la nouvelle de la mort est apportée à sa femme :
"Elle voit venir un page
Mironton mironton mirontaine
Elle voit venir un page
Tout de noir habillé
Aux nouvelles que j'apporte
Mironton mironton mirontaine
Aux nouvelles que j'apporte
Vos beaux yeux vont pleurer...."
Pauline
Encore une histoire de femme légère, d'amant et de cocu! Dans le domaine de la chanson légère, la lourdeur et la misogynie sont souvent de mise!
Cendrinette
Chanson pleine de sous entendus, tels qu'on les aimait dans les cabarets montmartrois. la bouteille et son contenu suggèrent ici le sexe du soldat entreprenant!
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" Veux-tu goûter Cendrine
Du vin de ma bouteille
Du vin de mon flacon..."
Le Navire
Poulbot nous montre une belle dame qui perd sa coiffe et s'accroche au mât du navire.
Mais de quelle chanson s'agit-il? Quelle est son origine? Mystère! Je n'ai rien trouvé sur cette œuvre qui survit grâce à notre dessinateur...
Le Cantonnier
La chanson du cantonnier date du XVIIIème siècle et a inspiré Aristide Bruant qui en a donné sa version.
C'est cette version de Bruant qui s'est imposée :
"Sur la route de Louviers (bis)
Y avait un cantonnier (bis)
Et qui cassait (bis)
Des tas de cailloux
Pour mettre sur le passage des roues..."
C'est le texte de Bruant qui s'est imposé avec sa liberté poétique et sa teinture socialisante!
Un' bell' dam' vint à passer
Dans un beau carross' doré
Et qui lui dit : Pauv' cantonnier
Et qui lui dit : "Pauv' cantonnier
Tu fais un fichu métier!
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Le cantonnier lui répond :
Faut qu' j' nourrissons nos garçons
Car si j' roulions
Carross' comm' vous
Car si j'roulions carross' comm' vous
Je n'casserions pas d' cailloux!
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Cette répons' se fait r'marquer
Par sa grande simplicité
c'est c'qui prouv' que
Les malheureux
C'est c'qui prouv' que les malheureux
S'ils le sont c'est malgré eux.
La fille de Gennevilliers
C'est une triste histoire qui parle d'une fille si belle qu'elle rend amoureux fous les hommes qui se battent pour elle.
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"A Gennevilliers y a si tant belles filles
Mais y en a une si parfaite en beauté
Qu'elle a séduit tambours et grenadiers
Ah Ah
(...)
Sur le terrain provoqua son rival
Et dans le corps son épée a passé
Si bien passé qu'il en a trépassé
Ah Ah"
C'est à boire
La dernière chanson du recueil raconte une orgie née du désir d'une serveuse d'auberge pour les beaux soldats venus boire...
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"C'est à boire, à boire, à boire
C'est à boire qu'il nous faut Oh Oh
(...) Et quand ils furent en chemise, ils montèrent sur des tonneaux
Nom de nom dit la patronne, qu'ils sont noirs mais qu'ils sont beaux
Sacrebleu fit la servante tous les six il me les faut!"
Le recueil devenu rare est recherché par les admirateurs de Poulbot et il faut débourser plusieurs centaines d'euros pour en acheter un exemplaire!
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Liens :
Articles sur les artistes et peintres de Montmartre. Poulbot.
Les documents utilisés pour cet article viennent pour la plupart du beau livre de Jean-Pierre Doche : Poulbot et le livre. (éditions l'àpart)