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Montmartre secret

Montmartre secret

Pour les Amoureux de Montmartre sans oublier les voyages lointains, l'île d'Oléron, les chats de tous les jours. Pour les amis inconnus et les poètes.

Publié le par chriswac
Publié dans : #WACRENIER


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  Cette enfant du Nord jouant pour un jour les geishas s'est transformée au gré, bon ou mauvais, du temps qui fuit en une octogénaire réfugiée dans sa maison sous les pins de l'île d'Oléron. Mais son regard étonné et mélancolique est resté le même, fidèle
  à ces années baignées de poésie, à son père lui-même poète et qui ne savait pas que la fillette cachée derrière une porte ne perdait pas un mot de ces soirées où il réunissait des amis pour écouter des vers.
   Elle n'a cessé d'écrire, récoltant comme par mégarde de nombreux prix et habillant les mots de ses peines et de ses joies.



    HERITAGE

Je n'avais que douze ans quand j'ai perdu mon père.
Il était tout pour moi. Ce fut un drame affreux.
Nous habitions Arras et nous étions en guerre
J'ai vu notre maison détruite par le feu

Nous avions tout perdu et, même la vaillance
Ne pouvait nous aider à supporter la peur.
Nous étions occupés, inquiets pour la France
Sous les bombardements et frappés de stupeur.

Ma mémoire a gardé mes souvenirs d'enfance
Cachés profondément, impalpable trésor.
Mon père était poète et maître en éloquence;
Ses vers m'ensorcelaient, rutilants comme l'or.

Dans le salon feutré, attentive à l'extême,
J'écoutais ses amis déclamer leur poème.
J'étais émerveillée, en rêvant qu'à mon tour
Je pourrais égaler leur talent un beau jour.

Avant de refermer le livre de sa vie,
Mon père m'a légué le don de poésie.
Je rassemblais les mots dispersés dans ma tête
Et ce fut par amour que je devins poète.




    



     Par amour certes... et pour l'amour... Chacun sur cette terre où il est passager recherche l'impossible amour, l'être unique qui se donne et accueille. Cette fille du Nord, belle et solaire va donc naviguer d'étoile en étoile, de coup de foudre en désillusion.
 


EQUIVOQUE

Tu es ma joie, tu es ma peine,
Mon ciel d'été ou mon enfer
Tu es mon Dieu, mon Lucifer,
Tu es l'amour, tu es la haine.

Tu es l'éternelle rengaine
Dont les mots rentrent dans ma chair
Tu es ma joie, tu es ma peine,
Mon ciel d'été ou mon enfer.

Tu es mon espérance vaine,
Le labyrinthe où je me perds,
Une traversée du désert,
Sans même la moindre fontaine,
Tu es ma joie, tu es ma peine
.


DESIR

Je te veux je te veux je te veux
Toi et ta bouche en feu
Toi et tes mains qui glissent
Le long de mon corps
Comme un ancien remords
Je te veux avec les cheveux
Sur les yeux


MALENTENDU

Je ne serai pas le miroir
Où se reflète ton visage.
Je ne suis pas la vierge sage
A enfermer dans un manoir.

Je ne suis pas le reposoir
Où tu m'adores, frêle idole.
Je suis plutôt la vierge folle
Que tu revêts de ton espoir.

Je ne peux que te décevoir,
Pauvre Pierrot sans Colombine.
Moi je ne suis qu'une Arlequine,
Un oiseau libre, sans perchoir.

Il faut que je garde mes ailes,
Je ne veux pas de bague au doigt.
Qu'importe si parfois j'ai froid :
Le Ciel et l'Océan m'appellent.



















Dans une société française encore conformiste et hypocrite, elle ose affirmer son désir profond de liberté. Sa sensibilité la pousse vers la nature menacée et vers les animaux muets que l'hégémonie des hommes méprise et exploite .

POLLUTION

Que sonne mon heure dernière
Quand les fleurs ne pousseront plus
Quand les oiseaux ne seront plus,
C'est ma plus instante prière.

Quand les berges de la rivière
Disparaîtront sous les rebuts,
Que sonne mon heure dernière,
Quand les fleurs ne pousseront plus.

A l'orée de la clairière,
La biche et le cerf éperdus
Bondissent dans les détritus,
Le bois n'est plus qu'un cimetière,
Que sonne mon heure dernière.



















     Elle découvre la joie et la difficulté d'être mère. Connaissez-vous beaucoup d'enfants qui ne reprocheront pas à leur mère des manques, des égoïsmes et des blessures ? Mais il est des sourires qui ne trompent pas.

NE SOIS PAS UN MOUTON

Ne sois pas un mouton, surtout mon petit homme,
Ta laine, sur ton dos, on te l'enlèvera,
Ne sois pas un mouton, surtout, ne sois pas comme
Moi qui t'ai mis au monde un soir de Mardi-Gras.

J'en demande pardon, à toi, mon petit homme.
Le renard m'a trompée. Mon chemin était droit.
Il m'a dit qu'il m'aimait et j'ai croqué la pomme;
Quand tu me fus donné, je n'ai pas su pourquoi.

Il m'a dit qu'il m'aimait, qu'il avait un royaume
Dont je serais la reine, avec la bague au doigt.
Il m'a dit que l'amour y serait toujours roi.
Je suis seule aujourd'hui, je n'ai pas de royaume

Et je n'ai jamais eu de bagues à mes doigts.
Ne sois pas un mouton, surtout, mon petit homme,
Ne sois pas un mouton, ne sois pas comme moi.



    Elle peut être rassurée et soucieuse à la fois car son fils n'est certes pas devenu un mouton bêlant. Il voyage sur cette terre avec sa guitare et ses chansons. Il joue avec les mots dans l'espoir de trouver la formule magique qui ouvre les coeurs et rend la vie lumineuse.







       









 Parmi les rencontres qui ont compté dans sa vie, celle de Maurice Fombeure avec qui elle est ici photographiée chez Lipp nest pas des moindres. Avec ce poète solide et fantaisiste, elle aime partager sa fragilité et son inquiétude. Son influence légère se fera sentir parfois dans ses poèmes.

A BAYONNE

A Bayonne
Je ronronne
Comme un chat
Gros et gras.
Mon amie
Est ravie
De ma joie
Sous son toit.
Sa cuisine
Est divine.
Je jubile
Volubie
Et la pluie
Se replie...
Le bonheur
Baladeur
Nous revient
Magicien.
L'amitié
Retrouvée
Resplendit
Sans répit.
A Bayonne
Je rayonne.



















  Toujours jeune d'esprit et de coeur, elle vit aujourd'hui en insulaire dans une Charente Maritime qui comme il se doit apprécie plus les charentaises que les semelles de vent... 

Mais il reste des oreilles pour entendre et des coeurs pour comprendre...

L'AMI

Quand je rentre le soir dans ma vieille chaumière,
Il est là, il m'attend, heureux de mon retour.
Son intense regard appelle mon amour
Et dans mon coeur ému resplendit la lumière.

Je m'assois près de lui, coutume journalière,
Et lui dis à mi-voix que je l'aime toujours.
Son soupir me répond, approuvant mon discours,
Car pour lui je suis tout, jusqu'à l'heure dernière.

Il ne va pas rejoindre au bistrot les copains;
Il ne boit que de l'eau, sobre, soir et matin.
Il ne cavale pas après quelque donzelle.

Il est vraiment gentil : il n'est jamais grognon.
Je peux compter sur lui, assidûment fidèle,
C'est mon chien, mon ami, il est mon compagnon.










































































 

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Publié le par chriswac
Publié dans : #WACRENIER

 Une vidéo antisémite fait beaucoup parler d'elle en ce moment. Elle est hébergée par Daily motion et certains commentaires qui s'offusquent des réactions indignées font froid dans le dos.  


Réagir ou ne pas réagir?
En réagissant on risque de donner encore plus de publicité à cette sale entreprise. En ne réagissant pas on risque de laisser s'installer la banalisation du racisme ordinaire.
Un diaporama de personnalités  désignées comme étant juives défile sur les paroles d'une chanson dont il faut lire le texte pour bien comprendre à quel point elle dégouline de clichés vulgaires et primaires qui caractérisent l'antisémitisme rigolard. Une photo plus explicite que les autres montre Anouk Aimée sur fond d'Auschwitz. Une autre représente Simone Weil dont on sait qu'elle a perdu sa mère dans les camps. Mais bien sûr comme dit l'auteur dans sa question à "deux schekels" son montage n' a rien de raciste, il faut seulement deviner ce qu'ont en commun toutes ces personnalités qui défilent...
C'est sans doute par hasard qu'en ouverture de diporama apparaît un petit animal connu pour s'emparer des gîtes des autres animaux et pour leur sucer le sang.
Je vous propose le texte de la chanson de Georgius afin de ne pas parler pour rien et pour se rappeler qu'on a pu en France produire de telles oeuvres et puis après ce texte, je suggère à l'auteur de cette belle entreprise de préparer un autre montage  avec des arabes puis des homos puis...
Enfin je lui propose d'enrichir sa liste avec un autre juif qu'l a malencontreusement oublié. Question à trois shekels : Qui cela peut-il bien être???
Réponse après la chanson.


La noce à rebecca

La fille de Monsieur Mayer
Rébecca s'est mariée avant-hier
Elle a épousé l'fils Lévy
Le marchand d'rob's du passage Brady
Y avait là Madam' Pomeratzbaum
Monsieur Schmoutz, Monsieur Olimbaum
L'oncle Schwartz la cousin' Kaufmann'
et les onz' frèr's hartmann'
Le docteur Blum égal'ment
Qui était de la fête
En l'honneur de c't'évènement
Avait changé d'chaussettes !

Refrain :
Ah ! mes enfants
On s'en souviendra longtemps
Dans dix ans on parlera
Encor' de la noce à Rebecca

Il y avait eu un grand déjeuner
La p'tit' Rébecca avait l'ventre gonflé
Son mari, un typ' sans façon
Dut déboutonner son pantalon
L'docteur Blum mangeait avec ses doigts
Sa femme lui dit deux fois :
"ça te donne un très mauvais air
Tu n'as donc pas de couvert?"
Il lui répondit viv'ment :
"Ne me fais pas d'reproche
Comme il était en argent
Je l'ai mis dans ma poche"

Refrain

Après l'déjeuner on dansa
Les onz' frères Hartmann n'attendaient que ça
Mais ça provoqua des malheurs
Ils y mirent un peu trop d'ardeur
Voilà que de la poch' d'un gousset
Deux sous tombèr'nt sur le parquet
Tout le mond' se précipita
Un' bagarre éclata
Madam' Kaufmann fut blessée
Et conduite à l'hospice
Les deux sous fur'nt retrouvés
Cachés entre ses cuisses

Refrain

Pour calmer tous les invités
Qui se montraient un peu surexcités
Rébecca joua du piano
Le fils Lévy vendit deux manteaux
L'oncle Schwartz offrit des cigares
Monsieur Schmoutz en prit un dar'-dar'
Mais il dit au moment d'fumer :
"J'ai l'bout qu'est pas coupé !"
L'pèr' Mayer crie très fort :
"Pas coupé !... C'est tragique
Foutez-moi c't'homme-là dehors
C'est un sal' catholique !..."

Refrain


Voilà le chef d'oeuvre, pas du tout raciste bien sûr !!!!


Et voilà un des oubliés de la liste :


 

 























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Publié le par chriswac
Publié dans : #OLERON

 

















    Comme chaque matin en Oléron, je vais me lancer sur les pistes cyclables pour une balade de deux heures, celle que je préfère entre toutes et qui va de Grand Village à St Trojan en passant par la plage. La chatte Titiche me regarde partir avec réprobation. Elle se demande ce que je peux trouver de plaisant loin d'elle alors qu'elle a encore tant de confidences à me couiner à l'oreille...

 















      Je quitte malgré tout ma petite bavarde. Ma monture m'attend déjà et piaffe à la porte bleue. Je n'ai plus qu'à me laisser guider vers le centre de la commune où commence la piste qui mène à la plage.

 

 

 










      La piste a été refaite il y a deux ans et n'est plus envahie de piétons comme elle l'était quand elle ressemblait à un chemin de randonnée caillouteux. Elle traverse la forêt avant d'arriver aux dunes qui en cette saison fleurissent jaune :

 

 

 

 

 

 

 

    Les dunes de Grand Village sont aujourd'hui menacées. Elles reculent chaque année avec les marées, les vents et le sable qui les étouffe. Il est étrange de se dire qu'une dune peut mourir ensablée... Mais c'est une agonie visible... Les pins meurent les premiers; Ils se dessèchent et noircissent. Ils ressemblent à certains endroits à une forêt de Max Ernst ou à des barbelés dérisoires.  Oléron est en première ligne pour subir la montée des eaux et les conséquences de nos folies industrielles. Je pense à Léo Ferré en regardant la lente dégradation de la nature sauvage : "Le capital qui joue aux dés notre royaume"....

















     Allons! Adoptons une positive attitude  comme dit la chanson débile citée en son temps par le très cultivé et très distingué  Raffarin..          La piste débouche sur la plage, l'espace, les oiseaux. C'est beau comme un premier matin du monde. Il suffit d'arriver vers 9 heures et l'univers est à vous. Aucun pêcheur, aucun baigneur ( les gens du pays les appellent les baignassous!) aucun chasseur (ils attendront Septembre pour se mesurer avec courage et vaillance aux terribles invasions de canards et d'oies qui menacent notre planète).

 



















     Le sable dur de l'estran permet de filer à bonne allure sur la plage de la Giraudière qui change de nom quand elle dépend de la commune de St Trojan et devient la Grande Plage. Une épave marque la frontière entre les deux communes.



















    De nombreux navires ont connu un triste sort à l'approche de Maumusson où les courants sont violents et les vents puissants. Cette silhouette noire est le fantôme d'un cargo uruguayen, le Presidente Vieira qui vint s'échouer sur la Grande Plage une nuit de novembre 1916. Les prisonniers allemands détenus dans la citadelle du Château furent alors requis pour vider le navire. 





















       Un mat permet aux nageurs de situer la carcasse rouillée lorsque la marée haute la dissimule et devient dangereuse. Un goéland apprécie la vue imprenable... 

                                                                                                                    

















 Il faut parfois mettre pied à terre et franchir les baïnes le vélo à bout de bras.
       En voici une qui permet de comprendre pourquoi chaque été des nageurs sont emportés au large. La baïne est ici en train de se vider dans l'océan mais lorsque la mer monte , les vagues dévalent dans le lit creusé dans le sable et ce mouvement provoque un fort courant d'évacuation auquel aucun nageur ne peut résister. La seule solution est alors de se laisser entraîner en mer et de faire signe aux bateaux de pêche ou aux plaisanciers....

 

 

 















 

 

















    Vous arrivez à la pointe de l'île, face aux dunes du continent, un des endroits les plus préservés qui soient : le sable, la mer, la forêt, pas une construction à l'horizon.... C'est pour moi le lieu privilégié où vous pouvez un instant exposer votre tête et votre corps au vent et à la lumière. Vous êtes seul au monde avec le chant des vagues et le cri des oiseaux.




 


















       Après cette halte aux confins de l'île, la balade continue sur la plage qui longe le pertuis. Une petite anse mène vers Gatseau. A marée basse les chasseurs de coquillages envahissent l'espace et débusquent coques et louisettes (palourdes locales).





















       Devant la plage de Gatseau, comme un rappel du saccage des côtes dans les année 70, se dresse le centre de thalassothérapie. Il est heureusement une exception dans l'île où les rivages restent peu construits et où aucun complexe touristique à l'espagnole ne vient détruire irrémédiablement  la nature.























      Après l'hôtel, la piste longe la plage du soleil où les bains ne sont possibles qu'à marée haute et un peu dangereux à cause des parcs à huîtres. Nous sommes au sud de l'île, à l'endroit le plus abrité des vents du nord-ouest avec un petit air méditerranéen.


 

 

 

 

 

 

 

 

 

  Le circuit passe ensuite par le digue Pacaud qui vient d'être refaite et vous permet d'observer les oiseaux des marais d'un côté et de l'autre les effets de lumière entre Marennes, la Seudre et Oléron. Parfois le clocher de Marennes émergeant au dessus des eaux me rappelle Venise et San Giorgio. Modestement.
Un regard sur cette villa et son clocher, ma préférée de St Trojan.

 

 


















Maintenant je dois filer vers la maison car l'heure de l'apéro approche et je connais quelqu'un qui commence à regarder sa montre.

 

 

 

 

 

 

 

     



      Après le port de St Trojan et la forêt, la piste passe par Petit Village et le port des Salines, quelques cabanes pour touristes avec écomusée, boutiques, restaurant et grenier à sel. Tout est faux mais c'est un beau décor qui plaît aux parigots (dont je suis) et aux producteurs locaux qui viennent chaque mercredi vendre les produits du terroir.

 

 

 

 

 

 

 







Maintenant je file vers Grand Village et je lèverai mon verre de Pineau  à la santé de tous ceux que j'aime.

lien : La chapelle de Grand Village (Oléron) Elie Murat.  

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Publié le par chriswac
Publié dans : #WACRENIER






















(L'auteur des lettres est la deuxième femme à gauche. L'homme au milieu est Paul Wacrenier, son frère. L'enfant devant lui est Louis Wacrenier)
    

           Loin de Montmartre et de ses secrets, je profite de mon séjour oléronnais pour fouiller dans les cartons entassés dans le grenier de ma tante. J'y ai trouvé des lettres écrites en 1916 par une grand-tante que j'ai à peine connue, Berthe Wacrenier, une femme humble et douce qui perdit comme tant d'autres son fiancé pendant la Grande Guerre et qui lui resta fidèle jusqu'à la mort. La première lettre que je vous propose raconte une exécution dont elle fut témoin à Liévin.


EXECUTION

     Escorté de deux gendarmes allemands, un homme parcourt la grand'route de Douai à Lens. Sans doute sa figure très pâle trahit-elle une intense émotion; mais sa démarche fière et ferme n'est pas celle d'un coupable. La bravoure est un crime aux yeux de l'ennemi. Ce français décoré de médailles n'a donc pu trouver grâce devant le conseil de guerre et d'ailleurs il n'a pas daigné se défendre. Pour faire plaisir à son fils qui est soldat, il a voulu sauver ses deux pigeons préférés et c'est pour cela que Paul Busière jugé et condamné à mort à Douai doit être fusillé à Liévin sa ville natale. Cependant il marche d'un pas ferme et décidé. Le voici maintenant dans sa commune. Pour la dernière fois il revoit ces champs où il jouait jadis, ces chemins qu'il suivait pour se rendre au travail, cette grand'route qui le conduit vers la mort. Des amis, ignorant la sentence, sortent des maisons et le saluent amicalement. D'autres le suivent à distance et cherchent à se renseigner. Ah oui !  on le sait bien, il a voulu cacher deux pigeons; un allemand l'a dénoncé. Sans doute il fera plusieurs jours de prison; il a été trop téméraire.... Mais il arrive bientôt à la brasserie transformée en Kommandantur et l'on fait appeler sa femme. Elle arrive, très inquiète, reçoit sans explications quelques objets appartenant à son mari puis froidement on lui montre la porte. Au moment où elle franchit le seuil, des détonations retentissent et lui apprennent que son mari n'est plus...
     Deux mois plus tard, des affiches placardées en ville portent le libellé suivant : Par ordre de l'autorité allemande, le mineur Paul Busière a été fusillé pour avoir conservé chez lui deux pigeons voyageurs.
















Berthe Wacrenier est la première à droite.



EVACUATION


     Décembre 1916
 

    Le moment du départ est arrivé. Après un long regard d'adieu sur la cave qui nous sert d'abri depuis 27 mois, je monte rapidement l'escalier encombré des débris de ses deux murs croulants.
    Me voici dans la cour. Je veux voir pour la dernière fois la maison où s'écoula notre heureuse enfance. De nombreux obus l'ont atteinte mais elle est foujours debout et son toit qui pend lamentablement, domine encore toutes les habitations voisines. D'énormes trous crèvent la maçonnerie de toutes parts. Derrière le bâtiment principal se trouve notre cuisine que le bombardement a épargnée. La cheminée seule est abattue. Et voici le long châssis de bois qui jadis se prêtait si complaisamment à nos jeux. Je traverse la salle à manger qui abrita nos joyeuses réunions de famille. Ici encore la guerre a fait son oeuvre. Le buffet et une table défoncés gisent sur un tas de bois qui protège l'entrée de la cave. Vivement, car le temps presse et la patience des allemands a ses limites, je me dirige vers le magasin, naguère l'orgueil de mes parents. Comme en rêve, je revois la foule bruyante qui s'y pressait aux jours de fête; j'entends encore la voix de mon père stimulant son personnel et les appels familiers des clients...
     Hélas ! Les vitrines étincelantes ne sont plus qu'un tas de débris informes, les coiffures s'écrasent sur des morceaux de comptoirs et l'eau qui filtre de partout tombe lentement, goutte à goutte, comme de grosses larmes, sur le carrelage couvert de briques et de plâtre.
     Pour la dernière fois, je franchis le seuil de la maison qu'il faut abandonner à l'oeuvre de destruction. Tristement, le père Cornet nous regarde partir. Ah pauvre vieux du pays ! Tu symbolises tout ce que j'aime et que je dois quitter. C'est à notre chère demeure, au sol natal, à ses malheureux habitants que je dis adieu en pressant sur mes lèvres ta dure figure flétrie. 


J'ai retrouvé avec ces lettres ce mouchoir sur lequel Berthe avait écrit au crayon afin de pouvoir passer les lignes sans être inquiétée.

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