Dans la maison de Gustave Moreau, il vous faudra des heures et des heures pour découvrir les milliers de dessins, esquisses et tableaux du peintre et voyager de l'orient
fabuleux surchargé de bijoux et d'effluves, au dépouillement quasi abstrait de certaines de ses oeuvres.
Voyager aussi de la sensualité à l'inquiétude et au questionnement.
Le Christ entre les deux larrons fait partie de cette interrogation et de cette recherche.
La grande toile nous donne à voir les trois suppliciés sur un fond de ciel menaçant.
Les ténèbres vont bientôt recouvrir la terre. Les nuées s'accumulent déjà, à droite, du côté du "mauvais larron".
Ce qui frappe tout d'abord, c'est la composition qui décentre le Christ pour le rapprocher du "bon larron" sur la gauche du tableau, et qui isole l'autre supplicié dont le
visage se détourne.
Le Christ, aérien, ne montre aucun signe de souffrance, malgré la plaie ouverte sur son flanc.
Ses bras étendus comme des ailes, le portent comme s'ils n'étaient pas cloués sur le bois qui s'efface.
Il penche la tête et regarde celui qui lui parle et se tend vers lui...
Un dessin préparatoire montre à quel point le peintre voulait projeter en avant l'homme, qui au dernier moment de sa vie, au plus douloureux, se détachait de lui-même pour
avoir compassion devant l'innocent :
"Pour nous c'est justice, mais lui n'a rien fait d'injuste.
Jésus, souviens-toi de moi lorsque tu seras dans ton règne".
L'homme semble en mouvement, comme décollé du bois du supplice. Tout son visage est tendu, le regard intense, la bouche ouverte pour la dernière supplique avant de mourir.
Il va recevoir en réponse, les paroles de la vie :
"Crois-moi, aujourd'hui tu seras avec moi dans le paradis."
L'autre supplicié consacre ses dernières forces à se détourner, le corps noueux et douloureux.
Ce n'est pas son refus de croire en la divinité du Christ qui l'isole mais son manque de compassion pour l'innocent, son manque de "fraternité" dans l'épreuve partagée.
Il n'est préoccupé que de lui même et s'il s'adresse au Christ c'est pour le provoquer et l'insulter :
"C'est toi le messie!
Viens à ta rescousse et à la nôtre!"
C'est sur cet homme que les couleurs sont les plus vives. C'est lui dont le corps est le plus sensuel, bassin en avant, sexe à peine caché par un linge qui glisse...
Il ne croit pas à un après. Il se réfugie dans la chaleur vivante de ses bras, comme s'il cherchait une caresse humaine.
Le linge vole autour de lui comme des flammes blanches.
Son visage semble recevoir les derniers feux d'un astre qui disparaît.
Au pied des arbres du supplice dont le tronc est parcouru de filets sanglants, se presse une foule indistincte et confuse. N'en
émergent que les têtes des chevaux blancs.
Les condamnés sont élevés très au-dessus... Ils sont déjà dans le ciel ou contre le ciel, pour celui qui refuse un au-delà mais qui, par l'expérience terrible qu'il est en train de
vivre, s'est dégagé du magma humain.
Cette élévation est encore plus manifeste dans un autre tableau qui projette les croix dans le ciel comme des fusées. Dali s'en souviendra peut-être quand il représentera le
Christ penché, depuis sa croix sur la planète entière...
Lien : Gustave Moreau. Les rois mages.
Liste et liens: Peintres et personnages de Montmartre.
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Musée Gustave Moreau
14 rue de La Rochefoucauld
75009 Paris
Tel : 01 48 74 38 50
Lundi et mercredi de 11 h à 17 h 15
Autres jours de 10 h à 12 h 45 et de 14 h à 17 h 15
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