Les vitraux de l'église de Saint-Jean des briques, comme l'appellent les vieux Montmartrois, (à l'exception de la verrière du chevet) sont l'oeuvre de Jac Galland.
Réalisés entre 1918 et 1926, ils sont d'inégale valeur artistique. Nous avons vu la série du Rosaire, un peu conventionnelle, et les grands vitraux de la nef...
Mais les plus expressifs, les plus puissants sont sans doute ceux qui à l'arrière de l'église représentent deux des quatre Cavaliers de l'Apocalypse.
Les 4 cavaliers de l'Apocalypse. Détail du vitrail d'Alain Makaraviez et Edwige Walmé (Cathédrale de Clermont Ferrand)
L'artiste qui a réalisé ces vitraux n'a pas reçu commande des quatre Cavaliers qui par tradition sont toujours représentés ensemble, chevauchant des montures de couleurs différentes :
Le cheval blanc, symbole de la Conquête.
Le cheval rouge, symbole de la Guerre.
Le cheval noir, symbole de la Famine.
Le cheval blême, symbole de la Mort.
Les Cavaliers de l'Apocalypse. Nicolas Greshny.
Pour les deux emplacements qui lui ont été proposés, il a choisi le deuxième Cavalier, celui qui apporte la guerre entre les hommes et le quatrième, celui qui achève les survivants et assure le triomphe de la Mort.
Les massacres de la première guerre sont présents dans les mémoires avec le traumatisme provoqué par l'hécatombe dans toutes les familles.
"Alors surgit un autre cheval, rouge feu, celui qui le montait, on lui donna de bannir la paix hors de la terre et de faire que l'on s'entr'égorgeât. On lui donna une grande épée."
Le guerrier au regard terrifiant brandit son épée tandis que sa cape rouge et tumultueuse annonce les torrents de sang.
Le cheval puissant est lancé comme une machine de guerre.
Le vitrail est une dénonciation des massacres provoqués par les combats et les guerres civiles.
Le quatrième Cavalier est l'allégorie de la Mort.
"Voici que parut un cheval de couleur pâle, celui qui le montait s'appelait la Mort et le séjour des morts l'accompagnait."
La représentation est celle du Moyen-Âge.
La Mort est un squelette habillé en guerrier, harnaché d'armes de guerre et porteur de la faux qui n'épargne personne...
C'est ici le thème le plus décliné par toutes les religions qui s'acharnent à nous rappeler, comme si c'était nécessaire, la fragilité de l'existence et son inéluctable terme.
Devant le néant promis et l'absurdité de la vie, la foi permet de donner au croyant un sens à son passage terrestre en lui promettant dans l'au-delà un avenir lumineux
Libre à chacun d'interpréter le Cavalier de la Mort comme il lui plaira!
Certains lui prêteront main forte en rejetant ceux qui n'ont pas leur croyance, voire en massacrant au nom de Dieu!
D'autres verront en lui la dénonciation d'un système qui impose à la planète le règne de l'égoïsme et du profit, générateurs de pollution, de souffrances, d'exil et de mort!
Le cheval blême lancé au grand galop n'a pas de bile à se faire...
Il passe au-dessus de la nature violentée où son meilleur allié n'est pas son cavalier mais l'homme au front buté dont le regard est rivé sur les cours de la Bourse.
Comme si souvent dans l'Art
la mort, la guerre et la violence donnent plus d'inspiration et de talent aux artistes que la paix et l'amour!
Alors, admirons les cavaliers funestes et laissons-les passer au-dessus de nos têtes!
Et au-dessus du square qui en face de l'église abrite le mur des "je t'aime"!
Laemlein. La vision de Zacharie, version originelle dans l'Ancien Testament des 4 cavaliers de l'Apocalypse (musée Hèbre de Saint-Clément, Rochefort)