Poulbot est notre Montmartrois de cœur, un homme généreux et actif un artiste qui a mis son art au service de son engagement. C'est donc avec plaisir que nous le retrouvons au musée de Montmartre où il occupe avec ses dessins exécutés pendant la guerre, le rez-de-chaussée de l'hôtel qui abrite la remarquable exposition consacrée à Dorignac (courez-y vite! C'est une révélation!)
Poulbot et le chien Tutu en 1916
Musée de Montmartre.
Poulbot dessine les gosses de la Butte pendant les années terribles de la Grande Guerre. Tout en représentant leur spontanéité et leur fraîcheur enfantines, il leur prête une ironie, une arrogance, une intelligence qui font d'eux des témoins et des critiques.
Lui-même est frustré et amer de ne pouvoir être au front. Il a 35 ans quand la guerre est déclarée. Il est mobilisé mais ses problèmes de santé nécessitent en février 1915 sa réforme. Il vit mal ce retour à l'arrière et c'est avec ses armes de dessinateur qu'il poursuit la lutte.
Il publie ses dessins dans plusieurs journaux et revues, participe à des campagnes pour récolter des fonds (pour les orphelins de guerre, pour les prisonniers…).
Ses dessins et ses affiches des années de combat font partie de ce qu'il a produit de plus engagé et souvent de plus émouvant.
Il observe les enfants qui continuent de jouer malgré le départ des pères et la rude vie des mères. Ils mettent en scène ce qu'ils savent ou perçoivent du conflit et se montrent plus patriotes que les patriotes! Les garçons creusent des tranchées, bricolent des canons et des fusils tandis que les filles, en un temps où le rôle assigné à chaque sexe est sans appel, réconfortent les guerriers ou deviennent infirmières!
Des expositions des dessins de Poulbot sont organisées, comme celle des "Alliés" en décembre 1916. C'est celle que nous propose le musée de Montmartre avec ces 24 lithographies.
Les enfants d'aujourd'hui jouent à d'autres jeux, ils sont souvent avalés par leur tablette ou leur smartphone. Poulbot n'est plus là pour les croquer avec tendresse. Les guerres d'aujourd'hui ne semblent plus les concerner… On ne joue pas au Bataclan ni aux embarcations qui font naufrage…
On ne joue pas avec le dérèglement climatique non plus…
Et pourtant on voit dans les rues défiler en chantant collégiens et lycéens plus conscients que leurs aînés. C'est peut-être là, parmi eux que Poulbot sortirait ses cahiers à dessins.
De nombreux articles sont consacrés à Poulbot sur ce blog.
Il est le plus célèbre des acteurs du boulevard du Crime, immortalisé par le film de Carné "Les Enfants du Paradis" : Antonin Louis Prosper Lemaître (1800-1876), connu sous son nom de scène : Frédérick Lemaître.
Frédérick Lemaître interprété par Pierre Brasseur dans "Les Enfants du Paradis".
Son rapport avec Montmartre?
Sa dernière adresse… dans le cimetière de l'avenue Rachel!
Son corps a été couché là, dans la 28ème division, première ligne, n°4. Il a fallu attendre 13 ans après sa mort pour qu'une souscription lancée par "l'Avant-Scène" recueille assez de fonds pour élever ce monument surmonté d'un buste de bronze.
Le buste dû à Pierre Granet fut volé puis retrouvé et gardé à l'abri en attendant d'être replacé, un jour peut-être, dans ce cimetière où pillage et vols ne sont pas rares.
Il est possible de voir sa réplique dans le square Frédérick Lemaître, Xème arrondissement (quartier où vivait l'acteur). Personne n'a encore eu l'idée de le dérober!
Pierre Granier (1842-1910) n'a pas laissé beaucoup de chefs d'œuvre et il n'est pas sûr que son buste de Frédérick Lemaître en soit un, mais il est une image artistique, rare, du grand acteur. Parmi les quelques œuvres de Granier figure "la renommée au combat" sur le pont Alexandre III, avec une trompette qui, si l'on en croit Brassens, doit être "mal embouchée"!
La renommée au combat. Pont Alexandre III (Pierre Granier).
La renommée de Frédérick Lemaître est un lointain souvenir et les promeneurs qui passent allée Troyon devant sa tombe, ignorent le plus souvent qui était cette "star" si populaire que Victor Hugo, l'opposant aux autres acteurs qui incarnaient des héros ou des rois, disait de lui "Il a été le peuple. Pas d'incarnation plus féconde et plus haute; étant le peuple, il a été le drame".
Allée Troyon. La 1ère tombe à gauche est celle de Frédérick.
Antoine Louis Prosper Lemaître est né en 1800 au Hâvre. S'il y avait vécu il aurait pu être aventurier, explorateur, pirate. On imagine pour lui les destins les plus spectaculaires, avec premiers plans vigoureux et environnement de vents et d'oiseaux plus criards que les spectateurs du paradis!
La mort de son père est le grand déchirement de sa vie d'enfant. Ce père qu'il idolâtrait meurt alors qu'il n'a que 9 ans.
Pour trouver du travail sa mère vient vivre à Paris. Frédérick est élève au collège Sainte-Barbe. Dès qu'il est en âge d'aider sa mère, il accepte des petits boulots avant de se décider à suivre les cours du Conservatoire. À sa sortie, il ne trouve d'engagement que dans un théâtre proche du Bd Saint-Martin, "Les Variétés Amusantes" où est donnée sur le mode comique "la triste aventure des amoureux Pyrame et Thysbé".
Le lion du magicien d'Oz
Frédérick (qui se choisit alors ce nom de scène) joue le troisième personnage, le brave lion soupçonné à tort d'avoir croqué la belle. C'est donc par le roi des animaux dont le déguisement a le poil quelque peu dégarni que Frédérick Lemaître se fait connaître et déjà apprécier du public populaire par ses apartés et ses mines entendues.
Boulevard du Temple. (1845)
Nous sommes sur le boulevard du Crime, surnom donné au boulevard du Temple où de nombreux théâtres se spécialisent dans les mélos sanglants.
Boulevard du Crime (Enfants du Paradis)
C'est sur ce boulevard, à l'Ambigu, que Frédérick trouve le rôle qui va l'installer pour toujours dans le cœur des spectateurs, celui du bandit de grand chemin, Robert Macaire (dans l'Auberge des Adrets)
Le coup de génie de Frédérick Lemaître fut de rendre bouffon un mélodrame censé tirer des larmes. Il trouva la pièce si nulle qu'il tira partie de chaque réplique, de chaque situation pour la transformer en farce tandis que les autres acteurs jouaient sérieusement leur rôle. Il fit du mélodrame ampoulé un triomphe de drôlerie et d'humour noir et le public conquis adopta l'acteur qui avait fait d'eux ses complices!
Dès lors, il emplira toutes les salles où il se produira. Il aura une foule d'admiratrices qui l'attendront à la sortie des théâtres et en homme galant il fera de son mieux pour rendre hommage à leur beauté! La scène culte des Enfants du paradis nous le montre en séducteur qui trouve en Garance une égale, aussi spirituelle que lui.
Il lui demande une adresse où la retrouver :" Paris est grand vous savez." Elle répond l'œil ironique "Paris est tout petit pour ceux qui s'aiment comme nous d'un aussi grand amour!"
Parmi les actrices qui ont joué avec lui, la plus célèbre est sans doute Marie Dorval. Ils sont partenaires dans "Trente ans ou la vie d'un joueur", mélo où elle se fait remarquer en 1827, cinq ans avant de devenir la maîtresse de Vigny et de donner la mesure de son talent au théâtre français.
Vigny et Marie Dorval
"Je fus vivement impressionné par cette nature à la fois ardente et timide, par cet accent pénétrant et inspiré" (Frédérick Lemaître. Souvenirs.)
Frédéric Lemaître interprète lui aussi de grands textes qui lui permettent de donner sa mesure sans perdre l'adhésion du public populaire. Il est Othello, il est Hamlet, comme on imagine que ces personnages étaient proposés au Théâtre du Globe devant un parterre mêlé et souvent bruyant.
Pierre Brasseur en Frédérick Lemaître (Les Enfants du paradis)
Il joue dans des pièces de Hugo (Lucrèce Borgia, Ruy Blas). Hugo qui était exigeant avec ses interprètes admire Frédéric Lemaître :
"Cet homme est à tout prendre le premier ou plutôt le seul comédien de notre temps".
Dessin de Léon Noël
On le trouve encore dans "La maréchale d'Ancre" de Vigny ou dans des pièces d'un auteur dont il aime le romanesque, Alexandre Dumas. Il s'illustre dans "Kean" et dans "la tour de Nesles"
Photo de Carjat
Cette possibilité pour lui de s'investir dans des rôles si variés donne une idée de son génie, du respect aussi qu'il porte aux grandes œuvres dans lesquelles il "est" le personnage qu'il joue sans avoir besoin comme dans les mélos médiocres de prendre ses distances, de se moquer, de transformer son public en confident!
Dans sa vie privée, Frédérick qui a du mal à dissocier sa carrière d'artiste de celle d'amoureux, passe d'un amour à l'autre avant d'épouser Sophie qui se révélera compagne vigilante et fidèle.
"J'eus un fils que j'appelais Frédérick comme moi. Quelque temps après ma chère Sophie me donna une fille, ma belle Caroline, et l'année suivante Charles, qui lui aussi devrait être là pour me fermer les yeux quand sonnera mon heure."
L'heure de Frédérick viendra après celle de ce fils qu'il aimait et qui mourut à 40 ans. C'est sur la fin tragique de son fils que Frédérick Lemaître, après avoir évoqué ses souvenirs de théâtre, clôt son livre.
"Charles était atteint de cet horrible mal qui depuis six mois décimait tant de familles dans Paris : la petite vérole noire (…)
Le 5 mars 1870 vers six heures du soir, dans un accès de fièvre, il s'était vu entouré de flammes et s'était précipité par une fenêtre. Je n'eus que le temps d'accourir pour recueillir son dernier soupir. Il est mort dans mes bras."
Après la mort de son fils, Frédérick Lemaître se réfugie dans la solitude. Son fils Frédérick évoque les dernières humiliations qu'il subit de directeurs de théâtre qui ne misent plus sur lui.
"La mort le trouva calme et fort. Il ne regrettait rien. Une partie de ceux qu'il aimait l'avaient déjà précédé dans l'inconnu"
Avec quelle ironie et quel sadisme la "nature" peut se jouer de nous! Le lion du théâtre aux rugissements puissants, le brigand aux invectives malicieuses, l'acteur total, maître de la parole comme un virtuose de son instrument, est atteint d'un cancer à la langue.
Son martyre dure huit mois. "Je meurs de faim. Je voudrais tout croquer! Hélas ces diables d'aphte s'y opposent"
Il meurt le 26 janvier 1876.
L'enterrement marqua tous les esprits tant la foule était dense sur le trajet qui allait de l'église de la rue des marais dans le Xème arrondissement au cimetière de Montmartre.
"Le char se fraye difficilement un chemin entre les maisons garnies jusque sur les toits" (Victor Hugo)
Victor Hugo sur la demande du fils de Frédérick Lemaître improvise un discours sur la tombe.
"Je salue dans cette tombe le plus grand acteur de ce siècle, le plus merveilleux comédien peut-être de tous les temps."
Elles sont de loin les plus grande des tortues terrestres et elles mènent leur vie lente et paisible sur l'île Silhouette où elles ont été introduites alors que celles de l'île de Mahé avaient quasiment disparu.
Aujourd'hui, en partie grâce à la fascination qu'elles provoquent chez les touristes, protégées et veillées, elles refont leur vie sur Mahé, Praslin, La Digue et Silhouette sans avoir la prétention de devenir aussi nombreuses que leurs frangines de l'atoll d'Aldabra où elle forment un population (une surpopulation plutôt) de 150 000 individus!
La plage de Grand Barbe
Sur l'île Silhouette, elles ont leur sanctuaire dans l'anse Grand Barbe où l'on peut se rendre soit à pied par la montagne (10 km) soit par bateau depuis la jetée de l'hôtel Labriz. Quelques unes sont là depuis des dizaines d'années, rejointes par leurs consoeurs d'Aldabra.
Le bateau pour se rendre à Grand Barbe
Arrivés sur cette plage qui évoque un début du monde édénique, il nous faut marcher vers l'intérieur pour les rencontrer...
Malgré leur taille considérable (jusqu'à 1m20) on ne les voit pas tout de suite. Elles ressemblent aux rochers de granit qui sont l'originalité et la beauté des Seychelles. En s'habituant à la pénombre sous les feuillages, on les voit enfin, immobiles et paisibles, nullement effrayées par nous.
Elles évoquent par leur masse et leur placidité, une permanence de la création après la traversée des millénaires. Elles sont pourtant fragiles et leur environnement est entre les mains des hommes.
Elles peuvent vivre jusqu'à 150 ans et ont quelques particularités comme l'impossibilité de nager (elles se laissent flotter si nécessaire), le fait de boire par les narines...
Ce mâle a 123 ans et pèse près de 300 kgs.
Elles ont des amis près de chez elles, un vieux couple de Seychellois qui a choisi de vivre depuis un demi siècle dans cette anse si difficile d'accès.
Ils connaissent les plus jeunes, nées en 2017, Ludivine, Samali, Daniel et Stella. Stella est un nom qui va bien aux tortues; l'étoile installée dans le ciel, fidèle, toujours présente… la tortue installée sur la terre, immuable, presque éternelle!
Quelques tortues géantes des Seychelles sont devenues célèbres. Parmi elles on trouve Kiki qui fut longtemps une des vedettes de la ménagerie du Jardin des Plantes à Paris.
Kiki
Kiki est mort en 2009 à l'âge de 149 ans. Un espace dans la galerie du Museum lui est dédié.
Mais plus célèbre que Kiki, il y a Mzee, au Kénya. Son histoire est touchante et a fait l'objet d'un livre et d'un documentaire. Tout commence en 2004 avec un tsunami qui atteint les côtes kényanes. Un petit hippopotame est entraîné dans la boue où il s'enlise tandis que sa mère qui a tenté en vain de le sauver est entraînée au loin où elle se noie.
Mzée et Owen
Le petit hippopotame est arraché à la boue et il reçoit le nom d'Owen, nom d'un de ses sauveteurs. Il est emmené dans un parc animalier où les animaux vivent en liberté. Désemparé, il se rapproche de Mzee qu'il considère comme une mère. Mzee s'attache à lui, mange avec lui, dort avec lui. Ils deviennent inséparables.
Mzee est en réalité un mâle qui accepte le rôle de mère pour un petit étranger ! Que vont dire les tenants de la morale dite naturelle? Vont-ils manifester en réclamant une maman et un papa hippopotames pour les petits hippos?
Espérons qu'un jour, échappant à leurs prédateurs, oiseaux, crabes qui guettent l'éclosion des œufs sur la plage et se précipitent à la curée, de nouvelles petites tortues, tendres et désireuses de vivre, parviendront à échapper à la mort pour revenir, comme des rochers vivants assurer à l'île Silhouette son éternité menacée.
A 8 000 km de Montmartre et à 45 minutes en bateau de Mahé, l'île Silhouette est une montagne en pleine mer. Elle est à 93% occupée par un parc national qui la protège des ravages du tourisme. Un seul hôtel y est établi, constitué de petites maisons cachées par la végétation.
Une forêt équatoriale primaire (la seule des Seychelles) s'y épanouit entre ciel et mer, enivrée d'elle même et de sa luxuriance. Elle ne se laisse pas facilement apprivoiser et il est prudent de faire appel à un guide pour s'y aventurer!
L'île dont la quasi totalité des sites porte des noms français a connu quelques uns de nos ancêtres, à commencer par le pirate Jean-François Hodoul qui s'attaqua à la fin du XVIIIème siècle à nos meilleurs ennemis, les Anglais, dont il captura et détruisit une dizaine de navires.
On prétend que c'est à Silhouette qu'il se réfugia avant de vivre à Victoria et devenir un notable apprécié. C'est encore à Silhouette qu'il aurait caché un important trésor. Il est vrai que d'autres pirates comme La Buse ont eux aussi affirmé qu'ils avaient enfoui leur butin sur des îles seychelloises.
Un autre Français est venu dans cette île qu'il a aimée au point de l'acquérir, Auguste Dauban. Il cultiva (ou plutôt fit cultiver) le coprah, l'ylang-ylang, la vanille qui étaient débarqués à Marseille. Il devint immensément riche.
L'île ne sera cédée par la famille Dauban que dans la deuxième moitié du XXème siècle. Aujourd'hui les traces des Dauban sont nombreuses….
Le Mont Dauban. Sommet de l'île, 750m.
Le sommet de l'île toujours environné de nuages est le Mont Dauban….
La Gran Kaz (maison des Dauban)
La maison familiale est aujourd'hui un musée et un restaurant "la Gran Kaz"...
Enfin, le plus émouvant est le mausolée sous les cocotiers, église de la Madeleine miniature où reposent Auguste et sa femme Catherine, leur fillette Eva morte à deux ans et demi et la sœur de Catherine.
Non loin du mausolée, un sentier rocailleux conduit à l'ancien cimetière sur la pointe Ramasse tout, dominée par une croix, au-dessus de rochers qui à cet endroit portent le deuil.
Ce ne sont pas des blocs de granit comme partout dans l'île mais de la microsyénite qui fait paraître plus bleue que bleue l'eau qui vient les lécher.
Une balade de moins de deux heures permet de faire le tour de l'île et d'en saisir la majesté, la sauvagerie...
Une île préservée, belle par tous les ciels, habitée par les oiseaux, les lézards, les étonnants crabes de terre qui vont et viennent entre la mer et l'intérieur, si vite qu'ils semblent glisser. Des panneaux les signalent à l'attention, non des voitures qui n'existent pas, mais des vélos et des piétons!
Le crabe terrestre
Le héron strié
La géopélie (tourterelle) zébrée
Le héron "Madam Paton"
Tortue géante des Seychelles. Ce jeune homme a 123 ans! Silhouette (anse Grand Barbe)
Pourtant le dérèglement climatique est ici aussi sensible et les grands arbres qui étendaient leur ramure au-dessus des plages blanches sont peu à peu renversés et agonisent, leurs racines dans l'eau de mer.
Ces quelques images sont un hommage à la beauté du monde menacée par la loi du profit et du "progrès". Espérons qu'elles ne témoigneront pas un jour de ce qui fut...comme les photos de centaines d'animaux disparus sont tout ce qu'il reste de leur passage sur notre planète.
Ils disaient "Ma femme". Ils se croyaient propriétaires.Ils ajoutaient au poids des choses un poids de chair parmi d'autres poids de chair qui dépendaient d'eux seuls,un chien un chat un poisson rouge.
Ils disaient "Femme". Ils donnaient des ordres à celle qui apprenait à ne plus être, comme un chien à la chaîne, un chat interdit de ses griffes, un poisson rouge dans un globe sans iris.
Ils disaient "La femme".Ils plaisantaient entre eux de celle qui était née pour leur désir, comme un chien de chasseur la gueule ensanglantée, un chat dans un carton pour amuser les gosses,un poisson rouge de loterie dans un sac en plastique.
Et toi c'est par un nom qui n'est Ni toi Ni moi que je te nomme,Ni le jour Ni la nuit, Ni la pluie Ni le bleu,Ni la violence Ni la douceur, Ni la Méditerranée Ni le vieil océan, Ni le sommeil Ni l'étreinte,Ni le regret Ni l'espérance,Ni la raison Ni la démence,Ni vivre Ni mourir.
Quatre lettres plus serrées que porcelets à la mamelle, un nom où les contraires font alliage,où rêve et quotidien se confondent
1er février. Acrobates sur les toits. Rue de Clignancourt.
2 février. La statue vivante refuse un verre de vin chaud qui nuirait à son maquillage!
3 février. Retour des courses rue du Chevalier de La Barre.
4 février. Le petit garçon aimerait avoir lui aussi un trombonne à coulisse. Place Suzanne Valadon.
5 février. Dans le ciel froid, rue Lepic.
5 février. Retour de l'école rue Norvins
6 février. Rue Barsacq.
Apparemment c'est pas l'amour qui les rend joyeux!
7 février. En planque? Rue Azaïs.
8 février. "Elle aurait notre âge". Place Dalida.
9 février. Jouer au ballon dans le ciel! rue du Cardinal Guibert.
10 février. Il est temps de penser à la Saint-Valentin! Boulevard de Rochechouart.
11 février. Chapeaux! La chienne a d'autres préoccupations! Place Suzanne Valadon.
12 février. Sur les marches devant le Sacré-Coeur.
13 février. Le chien admirateur de sa maîtresse à la pétanque. Boulodrome de la rue Becquerel.
14 février. Danser avec son chien. Rue du Chevalier de La Barre.
15 février. Oui mais il parle aux oiseaux. Rue du Cardinal Guibert.
16 février. Vers la rue Lamarck et le ciel!
17 février. Sur les marches devant le spectacle de Paris.
18 février. Le chat noir! Célébrité montmartroise! Passage Cottin
19 février. Les bancs. Square louise Michel.
20 février. Traversée de la rue Berthe.
21 février. La lune en plein jour. Square Louise Michel.
22 février. Rêve d'évasion. Rue André del Sarte.
23 février. Les Ecossais devant le Sacré Cœur. Une prière (inutile!) avant le match.
24 février. L'ombre voilée. Rue Lamarck.
25 février. Repose ton cœur! Passage Cottin.
26 février. L'envol des mariés. Parvis du Sacré-Coeur.
27 février. Le chat va son chemin. Square Louise Michel.
Un mois étrange où le printemps et l'été se sont invités. Difficile de s'en réjouir. Le changement climatique a bien commencé avec ses dérèglements annoncés. L'année dernière Montmartre était sous la neige. Cette année, les pelouses se sont transformées en plages. Une petite sirène s'est installée sur un rocher. Elle attend la marée haute…
28 février....Tandis que les bérets rouges parcourent la rue Berthe où un cœur à la craie nous invite à aimer!
Le hasard m'a fait emprunter la rue Véron où une galerie installée là depuis quelques mois m'a permis de passer à travers le miroir pour découvrir un paysage où les hommes et les oiseaux se parlent...
Atelier Véron, 31 rue Véron
Il faisait gris...
Il pleuvait un peu...
"Pour un cœur qui s'ennuie, ô le chant de la pluie"...
Et puis, franchie la porte, l'arc en ciel vint à ma rencontre...
Avec une migration d'oiseaux échappés de l'enfance où les chasseurs n'existent pas
Des mosaïques byzantines ou des villas romaines
Des enluminures médiévales
Ou plus simplement lâchés pour nous par un artiste qui, né en 1944, a gardé l'âme et le cœur d'un jeune amoureux que le monde émerveille.
Je n'ai pas été étonné d'apprendre qu'il fut proche d'un maître-verrier que nous connaissons bien à Montmartre puisque tous les vitraux de notre vieille église Saint-Pierre sont son œuvre : Max Ingrand.
… Un vitrail se laisse deviner de l'extérieur avec ses lignes de plomb et ses couleurs sourdes et il saisit la lumière aussi ténue soit-elle pour se donner à l'intérieur….
… Les visages de Jean Dessirier, comme les vitraux ont leur face de lumière et leur face plus secrète.
Comme on peut voir se refléter dans la vitre l'avers coloré offert aux passants tandis que le revers ombreux ne s'offre qu'à ceux qui entrent dans la salle d'exposition.
Femmes, hommes et oiseaux vivent ensemble sans frayeur. L'oiseau messager de paix est aussi la part de rêve et de sensualité de chacun.
Certains "personnages" que leur créateur nomme "totems" sont debout, en pied, longs et droits. Ils me font penser aux statues colonnes romanes, paisibles elles aussi avec leur sourire à peine dessiné, comme une invitation à la douceur.
Comparaison n'est pas raison, aussi faut-il aussitôt la compléter avec d'autres, du côté de l'art forain ou des décors circassiens, comme nous y invite ce clown mains dans les poches
C'est ainsi, devant un univers nouveau et envoûtant, on ne peut s'empêcher de battre le rappel de tout ce qu'il peut nous évoquer alors que le plus simple et le plus naturel serait d'y entrer sans bagages.
Même si les faunes, les sirènes et les sphinges sont pour nous de vieilles connaissances.
Ce qui est sûr, c'est qu'il se dégage de cette exposition une impression paisible et souriante, une forme de bonheur qui invite à l'échange.
Un univers où François d'Assise serait à l'aise pour parler aux "frères oiseaux" mais où il aurait jeté aux orties sa robe de bure pour chanter en même temps que la beauté des animaux et des fleurs, celle des hommes et des femmes!
Femmes dont la nudité est aussi naturelle que le plumage des oiseaux!
Les œuvres de Jean Desirrier sont exposée à l'Atelier Véron jusqu'à la fin du mois de mars, 31 rue Véron. Tel : 06 75 17 27 03. Adresse @ du site
Nombreuses sont les cartes et les photos de la Belle Epoque qui ont gardé l'image d'une des femmes qui fit tourner les têtes, nourrit bien des fantasmes et prit dans les filets de son charme et de sa sensualité quelques uns des princes de ce monde!
La Belle Otero
Elle fut considérée avec Liane de Pougy et Caroline Otero comme l'une des Trois Grâces de son temps! Et Dieu sait qu'il y en avait de gracieuses personnes à Montmartre à la fin du XIXème siècle!
Liane de Pougy
La belle dame naquit dans le Paris populaire, en 1870 (ou selon certains historiens en 1869).
Sa mère est concierge rue des Martyrs dans un quartier prisé de la bohême mais où les oiseaux de proie de l'immobilier commencent à s'abattre.
Elle doit travailler tôt pour apporter un peu d'argent à sa mère. Le goût qu'elle aura plus tard pour la littérature est d'autant plus remarquable qu'elle fut privée dans sa jeunesse d'un accès désiré à la culture réservée aux classes aisées.
Dessin de Steinlen
Elle est lancée dans le monde alors qu'elle n'a que 15 ans grâce à un journaliste du Gil Blas responsable de la rubrique des "demi-mondaines", Charles Desteuque, celui-là même qui découvrit la Goulue et qui recevait bourgeois et jolies dames dans son appartement de la rue de Laval (aujourd'hui rue Victor Massé) en face du Chat Noir.
C'est au cours d'une de ces rencontres qu'Emilienne André reçut son nom de combat. Elle était vêtue d'un corsage en dentelle d'Alençon quand Laure de Chiffreville, prostituée notoire, la baptisa Emilienne d'Alençon en lui prédisant une grande carrière!
Le Cirque National (ancien cirque d'été) sur les Champs Elysées.
La carrière mit pourtant quelques années avant de répondre aux prédictions de Laure de Chiffreville. Emilienne commença par un numéro approximatif et cependant sensuel de dresseuse de lapins au Cirque d'Eté.
Avant de dresser les ânes (ce qui est un excellent exercice préparatoire au domptage des hommes)
Mais plus qu'aux ânes c'est au jeune duc d'Uzès qu'elle doit sa promotion. Jacques d'Uzès, amoureux fou de la demoiselle entreprend de l'éduquer en espérant pouvoir en faire sa femme. Mais, comme dans la Traviata, la famille, en l'occurrence la duchesse de Rochechouart, scandalisée par cette liaison, organise une expédition en Afrique, censée apporter la gloire à son rejeton. Pensa t-il à la belle Emilienne quand après avoir combattu les Boubous il fut rapatrié à Brazzaville où il mourut de la dysenterie en 1893?
Affiche de Chéret
Mais la liaison a fait du bruit dans le Paris de la galanterie et auréolé Emilienne d'une réputation de femme irrésistible qui ne la quittera plus!
Elle est réclamée par les établissements à la mode où elle danse et joue la comédie à moitié vêtue ou dévêtue (c'est l'histoire du verre à moitié plein ou à moitié vide) : elle se produit au Casino de Paris, aux Menus Plaisirs, aux Folies Bergères, à la Scala, aux Variétés…..
Ce sont évidemment ses amants qui assurent sa fortune plus que son génie dramatique et musical. Après Jacques d'Uzès, les messieurs font la queue au théâtre pour la rencontrer et tenter leur chance. Une chance qui est souvent aussi sûre que le portefeuille est épais.
Balsan et Chanel
Parmi ceux qui ont laissé leur nom dans la grande ou petite histoire, citons Etienne Balsan, passionné de chevaux, riche héritier et futur amant de Gabrielle Chanel à qui il proposera son appartement du boulevard Malesherbes pour lancer sa maison.
Emmanuelle Devos joue Emilienne dans le film "Coco"
Il mettra en relation l'ancienne et la nouvelle maîtresse. Emilienne portera fièrement les chapeaux de Coco à qui elle fera une publicité efficace.
le futur Edouard VII
Citons encore parmi les amants prestigieux le roi des Belges Léopold II, le Prince de Galles futur Edouard VII et même le Kaiser Guillaume II. Avec Emilienne la guerre aurait peut-être été évitée et l'entente entre Anglais, Français et Allemands consolidée!
Quant au Prince de Galles, loin de sa mère Victoria, il aimait Paris et ses dames qu'il honorait au Chabanais, le bordel le plus chic de la capitale, sans dédaigner Montmartre et son folklore. Ses goût érotiques raffinés ou compliqués lui valurent son surnom de "Dirty Henry".
Tous ces braves hommes assurèrent la fortune et le renom d'Emilienne. Ce qui ne l'empêcha pas d'aimer aussi les femmes. On la crédite de plusieurs liaisons : avec la Goulue que Desteuque lui avait présentée en 1889... avec la grande poétesse lesbienne Renée Vivien en 1908.
Renée vivien
Renée vivien écrit pour elle, un peu à la manière de Ronsard :
"Tu te flétriras un jour, oh mon lys!
Tes pas oublieront le rythme de l'onde,
Ta chair sans désirs, tes membres perclus
Ne frémiront plus dans l'ardeur profonde,
L'amour désenchanté ne te connaîtra plus."
Liane de Pougy
La liaison qui aura le plus de retentissement est celle qu'elle entretient avec sa rivale en sensualité et en gloire, Liane de Pougy. Elle est mise en musique par la presse satirique et notamment le Gil Blas!
Dans ses pages insolentes le journal annonce le mariage des deux femmes et annonce la naissance d'un futur bébé! Il n'était pourtant pas question à l'époque de PMA!
Emilienne amoureuse écrit des poèmes et le recueil qu'elle publie porte un titre assez clair "Sous le masque".
Elle dédie ces vers à Liane :
"J'ai senti contre moi votre épaule plus chaude,
Le ciel en pâlissant faisait vos yeux plus clairs
Et des parfums marins de sable, d'algue et d'iode
Se mêlaient aux parfums qu'exaltait votre chair."
Même si des versificateurs puristes trouveront matière à chicaneries, il est remarquable de lire ces poèmes écrits par une femme qui n'avait pas eu la chance de fréquenter les écoles.
Liane de Pougy
"Les plaisirs de la chair se sont sur moi posés,
La lèvre m'a meurtrie et la dent m'a blessée,
Je porte avec orgueil la trace des baisers,
Je n'ai rien désiré que d'être caressée."
Percy Woodland et Emilienne.
Emilienne si elle aime les femmes n'est pas insensible comme on l'a vu aux hommes et pas seulement à leur fortune! Depuis sa liaison avec Balsan, elle fréquente les champs de course et c'est là qu'elle rencontre le jockey Alex Carter de 18 ans plus jeune qu'elle. La liaison dura presque une année et Emilienne se consola avec un autre jockey, lui aussi plus jeune qu'elle, Percy Woodland qu'elle épousa en 1905.
Emilienne sait aussi gérer son image. Sa beauté, sa fraîcheur cachent un secret que des milliers de femmes désirent connaître. Emilienne écrit pour elles un livre de recettes : "Secrets de beauté pour être belle".
On ne sait si elles furent satisfaites car les efforts à fournir pour garder la jeunesse demandaient selon Emilienne un considérable investissement de temps et d'énergie : "Etre belle c'est un métier"!
La vie sentimentale d'Emilienne reste compliquée et son jeune mari la déçoit. Après quelques années de presque bonheur, conjugal, elle divorce.
La guerre marque le déclin de la Belle Epoque. Montmartre s'éteint peu à peu et les artistes migrent vers Montparnasse. Emilienne est passée de mode. Elle cherche dans l'opium une échappée hors du réel. Elle connaît des problèmes de santé et cherche à retrouver des forces sous le soleil de la Riviera.
Emilienne d'Alençon (Toulouse Lautrec)
Sa situation financière n'est pas brillante car si elle a beaucoup reçu des hommes, elle a beaucoup donné aux femmes.
Ses poèmes envisagent la mort dont la présence menaçante prend peu à peu la place de l'amour comme une obsession. Cependant, les derniers mots du recueil résonnent comme un défi et un désir de vivre :
"Couvrant les sombres voix d'une clameur plus forte
Je veux croire! Viens sur mon cœur, tends-moi les bras
Et si jamais la mort frappe et crie à ma porte,
Je ne répondrai pas!"
Couverte de dettes, elle met en vente tout ce qu'elle possède en 1931 à Drouot. Les acheteurs sont nombreux car Emilienne avait un goût très sûr pour les belles choses parmi lesquelles des meubles précieux dont des commodes laquées, des paravents de soie peinte, des veilleuses…
C'est une femme oubliée qui meurt à Monaco en 1945. Une femme intelligente et belle dont un critique a pu dire que "sa bouche appelait irrésistiblement les désirs comme la rose invitait l'abeille".
Cette sensualité attira les hommes qui ne virent le plus souvent en elle que la courtisane. Des abeilles qui continuèrent à butiner d'autres fleurs quand la rose fut flétrie!
Il suffit de lire ses poèmes pour se rendre compte qu'elle fut une chercheuse d'amour et de beauté. Plus elle connut les hommes et plus elle aima les femmes avec qui elle partagea la solidarité, pour être plus exact la sororité de celles qui savaient que la société ne leur faisait pas de cadeau et qui ne se méprenaient pas sur leurs succès.
"J'ai retrempé ma chair et retrempé mon âme
Au fleuve de douleurs qui nous baigne toujours
Au feu vivifiant qui vous consume ô femmes
Ô mes sœurs qui portez le fardeau de l'amour"
Sous le soleil du midi, Emilienne a regardé sans complaisance ni culpabilité les splendeurs et misères de sa vie…
Nous avons rencontré Daniel Iffla Osiris, plus connu sous le nom d'Osiris, dans le quartier de la Nouvelle Athènes, rue La Bruyère où il avait fait construire son hôtel particulier.
Sa tombe au cimetière de Montmartre ne peut passer inaperçue!
Une statue monumentale, réplique du Moïse de Michel Ange domine les sépultures à l'entour.
L'histoire de cette tombe est extraordinaire et mérite d'être contée car nous sommes devant une des plus belles histoires d'amour dont le cimetière garde le témoignage.
Imaginez le cimetière en 1855. Les arbres, les buissons et les herbes folles en occupent une partie. Il est en effet beaucoup plus grand qu'aujourd'hui et les terrains situés à l'ouest s'étendaient à l'emplacement actuel de l'hôpital Bretonneau.
Entrée du cimetière en 1835
De nombreux artistes ou personnages "éminents" y édifient leurs chapelles funéraires. C'est, concurrençant le Père Lachaise, l'endroit à la mode où reposer en paix, comme on dit.
Tombe de Henry Murger auteur des "Scènes de la vie de bohême"
Après avoir assisté à l'enterrement d'une de ses connaissances, un jeune couple remonte le long d'une allée et confiant en un futur de bonheur, envisage sans angoisse le jour où la mort et elle seule les séparera. La jeune femme, Léonie Carlier est chrétienne, le jeune homme Daniel Iffla est juif.
On ne plaisante pas à cette époque avec cette différence qu'on matérialise par un mur qui entoure le cimetière réservé aux Juifs. Léonie s'en émeut. Elle fait promettre à Daniel de choisir l'emplacement le plus proche possible de la partie chrétienne. Si le mur les sépare, ils resteront proches dans la terre où ils seront couchés.
Daniel tente de plaisanter mais devant l'insistance de sa femme il le lui promet.
Passons sur la carrière de Daniel Iffla dans les affaires et sur la fortune considérable qu'il amassa et qu'il légua à des œuvres de bienfaisance et en presque totalité à l'Institut Pasteur (de quoi inspirer peut-être nos évadés fiscaux).
Institut du radium créé grâce au legs d'Osiris
Seul nous intéresse aujourd'hui l'amour qu'il porta à son épouse et qu'elle lui rendait, jour après jour, dans une complicité qui paraissait ne jamais devoir prendre fin.
Un bonheur d'autant plus grand que Léonie attendait avec impatience la naissance de leur enfant dont ils avaient déjà choisi le prénom.
En réalité ce sont des jumeaux que portait Léonie.
Des jumeaux qui n'ouvriraient jamais les yeux car ils moururent en même temps que leur mère le matin de l'accouchement.
Daniel Iffla est inconsolable. Il transforme en sanctuaire la chambre de sa femme. Aucun objet ne sera changé de place, aucun meuble ne sera bougé.
Le corps de Léonie et des jumeaux sont enterrés à Bordeaux, ville d'origine de Daniel, en attendant que soient disponibles dans le cimetière de Montmartre les emplacements qui permettront aux amoureux de rester proches.
Le temps, les années s'écoulent. Daniel reste fidèle à son épouse. Il ne cesse de lutter auprès des administrations pour obtenir la concession qu'il désire et qu'il avait promise à Léonie.
Par chance, les esprits ont évolué (l'affaire Dreyfus n'y est pas étrangère). Le mur qui clôturait le cimetière israélite est tombé. Même si les religieux radicaux ne l'acceptent pas, la loi permet aux époux de religions différentes d'être réunis dans la même tombe.
Osiris fait creuser le caveau familial. Léonie et les jumeaux y sont transférés.
Sur la dalle de marbre, la statue de bronze est posée : Moïse, le prophète reconnu aussi bien par les Juifs que les Chrétiens.
Osiris meurt en 1907. Il rejoint enfin celle qu'il n'a jamais cessé d'aimer.
"J'ai lutté avec mon cœur de mari. Je suis arrivé après trente ans de luttes de toute sorte à occuper définitivement et perpétuellement le terrain qu'elle avait désigné. Je viens de reconnaître ma place. C'est à ses pieds que je dormirai de mon dernier sommeil".
Et voilà…
Qui pense à cet amour immense en passant devant le Moïse de Michel Ange?
Le soleil peut-être qui réchauffe le bronze… les chats sans doute qui aiment se poser sur la dalle de marbre et y dormir en rond… comme des cœurs qui battent.