La tradition de confier aux petits des écoles la décoration des escaliers de la Butte a été pendant deux ans interrompue par un virus qui n'aime pas les artistes...
C'est d'habitude pour accueillir en couleurs le printemps que les contremarches se mettent à chanter mais cette année elles le font pour les Vendanges retrouvées.
C'est "pour fêter le futur" que les élèves et leurs profs d'art plastique ont réalisé ces peintures éphémères.
Il leur a été donné le nom de "montées futuristes". Oublions que ce sont aussi des "descentes" !
Plusieurs écoles ont participé à la métamorphose des escaliers.
La rue Foyatier reprend quatre fois le même motif du Sacré-Coeur pastellisé sur lequel vont et viennent les coureurs et les promeneurs.
Rue Barsacq un arbre a été planté par l'école Cavé...
Rue Gabrielle (école Houdon) c'est un robot en mosaïque qui semble assis face au funiculaire.
Le CM1 de la rue Lepic a signé son oeuvre!
Joyeuse symphonie de couleurs et de formes, fruits, animaux, visages dans une tapisserie imaginative et foutraque...
Enfin, le dernier escalier est celui de la rue Becquerel (école Hermel)
Le plus beau peut-être et c'est normal dans une rue où vécut Nadja et qu'empruntèrent souvent Gala, Eluard, Dali...
Un petit clin d'oeil à Eluard (même si la Terre ici n'est pas bleue comme une orange) et à Dali et son obsession du temps et des montres...
Maintenant, libre à vous d'emprunter ces "montées futuristes" que les pluies d'automne effaceront bientôt.
En attendant qu'au printemps les escaliers de la Buttes redeviennent la palette géante des enfants!
Sur un mur de la Galerie d'art de la place du Tertre, un grand panneau est apparu en avril 2021 avec les lettres de l'amour.
Montmartre qui a déjà élevé dans le square Jehan-Rictus de la place des Abbesses le mur des "Je t'aime" semble vouloir mériter une réputation qui attire les amoureux du monde entier.
Le nom de l'auteur est écrit en-dessous, sur un fond blanc : Patrick Rubinstein.
Ce créateur né en 1960 est désormais célèbre et on peut voir ses oeuvres dans divers musées du monde.
On pense aux tableaux de Vasarely, père de l'art optique, qui nous donnait à voir une réalité trompeuse, mouvante, différente selon les angles de vision (il a sa photo sur le tableau).
Il suffit de bouger pour découvrir, surgissant d'un fond qu'on croyait uni et abstrait tout un monde concret.
Rubinstein pour moi, c'était Arthur, un immense pianiste que j'ai eu l'occasion d'applaudir au théâtre des Champs Elysées. C'est étrange mais je pense à lui devant ces lamelles de couleur qui racontent une histoire dès que nos yeux s'y fixent, comme les touches de piano le font dès que les doigts du pianiste s'y posent.
Ainsi avons-nous l'impression de participer à une création qui est aussi un jeu, un puzzle de l'humanité dont chaque pièce est un visage.
Sur le côté de l'oeuvre nous sont données les clés, les réponses à nos interrogations avec le nom de chaque visage révélé par les lames. Il y a neuf panneaux et neuf listes avec numérotation...
Des visages de la terre entière, d'époques différentes, d'hommes et de femmes qui se sont illustrés dans divers domaines
Des peintres, écrivains, poètes, musiciens, cinéastes, artistes, hommes et femmes politiques....
...et mêlés à eux des visages imaginés par des peintres comme celui de Vénus de Botticelli...
Tous participent à l'enchantement du monde. Tous font notre humanité dans son universalisme. Tous sont unis sous les quatre lettres de LOVE.
On rêve que notre monde leur ressemble et que tous les humains se réunissent sous le même drapeau, sans préjugés, sans race.... Humains tout simplement.
L'impasse Girardon n'est pas une impasse et elle ne devrait plus s'appeler Girardon puisqu'elle forme en réalité le côté pair de l'avenue Junot.
Mais enfin, elle est là, faussement modeste mais fière au fond de rappeler son histoire aux Montmartrois souvent oublieux.
A l'origine il y avait Montmartre, un village où jaillissait une source au fond de l'impasse actuelle. Elle était sacrée, plus que les autres fontaines du village, car Saint-Denis en personne s'y était arrêté pour laver son chef décapité tout ruisselant de sang, avant de reprendre sa marche vers la plaine et s'arrêter là où on élevera en son honneur une des plus belles églises gothiques de France.
La fontaine fut vénérée et elle produisit des miracles si nombreux qu'elle s'épuisa et disparut en 1810 dans les sous-sols crayeux pour ne jamais revenir. Elle avait eu le temps de donner son nom à la petite rue qui fut pendant des siècles la rue de la fontaine miraculeuse.
En 1850 une nouvelle fontaine fut aménagée à quelques dizaines de mètres plus au nord, dans ce qui est aujourd'hui le square Suzanne Buisson. Une statue de Saint-Denis portant devant lui sa tête mitrée y fut élevée.
Fontaine du But
La rue avait déjà changé de nom et s'appelait rue de la Fontaine du But, sans raison, car cette fameuse fontaine du but se situait en bas de la rue de l'abreuvoir actuelle.
Impasse Girardon
En 1863 l'impasse reçut enfin le nom que nous lui connaissons toujours.
Impasse Girardon
La Butte n'était pas encore écrasée par les immeubles qui allaient bientôt se précipiter sur elle comme une horde barbare. Partout où ils s'installèrent, l'herbe ne repoussa pas.
Evidemment nous regrettons cette époque où Montmartre appartenait aux artistes sans le sou et aux pauvres gens mais c'est une vision romantique que nous en avons et qui fait fi de la grande misère qui y régnait du temps du maquis dont les baraques de bric et de broc venaient jusque là, constituant en partie notre impasse Girardon.
Une des baraques les plus connues était la maison du philosophe ainsi nommée par les maquisards moqueurs car elle ressemblait à un gros tonneau et que son propriétaire, barbu et à moitié nu, se prenait pour Diogène. Il cherchait un homme, il trouva des promoteurs!
Avenue Junot (Leprin 1912)
Promoteurs qui vinrent avec leurs plans et leurs banquiers pour faire du bidonville et du chemin de terre qui grimpait entre les moulins le quartier huppé de la rue Caulaincourt et de l'avenue Junot.
Photo 1925. Début de l'avenue Junot et côté droit notre impasse Girardon.
Une partie de l'impasse Girardon fut détruite au bénéfice de l'avenue mais une autre partie resta debout car s'y étaient construites des maisons plus solides habitées par des artistes bien décidés à ne pas se laisser faire. C'est comme ça que notre impasse garda son nom modeste qui fait le pied de nez à l'avenue prestigieuse.
Avenue Junot (le théâtre 13 de Lelouch). Le côté pair est occupé dans sa première partie par l'impasse Girardon.
Plusieurs personnages ou personnalités de Montmartre ont vécu à cette adresse. Tout d'abord, au temps du maquis, nous trouvons le baron Pigeard dont l'atelier est situé au fond de l'impasse. Artiste qui ne vend pas ses toiles et préfère confectionner des maquettes de bateau, il aime monter des canulars avec ses copains de l'hôtel Bouscarat. Il est ainsi le fondateur de la célèbre UMBM, Union Maritime de la Butte Montmartre.
Il disparaît en même temps que les cabanes du Maquis.
S'il est difficile de trouver aujourd'hui des toiles de Pigeard, il n'en est pas de même d'un autre peintre qui débarqua à la fin du XIXème siècle et sans un sou en poche trouva refuge dans une roulotte de tziganes au fond de l'impasse Girardon.
Femme couchée (Van Dongen) Guus, sa femme. 1904.
Il s'agit de Van Dongen, un des peintres qui contribua à la renommée de la Parisienne sensuelle, mangée par ses yeux, à la fois gaie et mélancolique. Avant de vivre au Bateau-lavoir, il resta pendant 5 ans dans l'impasse avec sa femme Guus et sa fille Dolly. Il survécut grâce à de petits métiers et à la vente de quelques aquarelles sur le trottoir du cirque Médrano sur le boulevard de Rochechouart.
Les fêtards 1903. Van Dongen)
En 1904, il exposa avec Matisse chez Vollard et commença à être reconnu des amateurs.
Le guitariste (Paco Durrio) par Gauguin
Un autre artiste a trouvé refuge dans l'impasse. Il s'agit de Paco Durrio, sculpteur, céramiste, orfèvre, ami de Picasso.
Après avoir vécu au Bateau Lavoir où Picasso reprit son atelier, il habita place de l'Abreuvoir (aujourd'hui place constantin Pecqueur) dans une petite maison villageoise qui y subsistait encore mais d'où il fut expulsé quand furent construits les gros immeubles que nous voyons aujourd'hui.
Maison de Paco Durrio, impasse girardon.
Il trouva alors une maison dans l'impasse et il y fit construire un four pour ses céramiques. Il ne quittera cette maison qu'en 1939, un an avant sa mort.
Signalons encore la présence pendant deux ans (1910-1912) d'un garçon qui deviendra un grand écrivain : Jules Romains. Son père Henri Farigoule avait été nommé instituteur en 1887, il déménagea plusieurs fois dans le quartier à la recherche d'un loyer modeste. Il habita rue Marcadet, rue Simard, rue Lamarck et enfin impasse Girardon.
Le jeune Louis Farigoule a donc été enfant de la Butte et il put y assister à la métamorphose du quartier. Peut-être a t-il joué dans les rues avec les petits poulbots!
D'autres peintre encore ont vécu plus ou moins longemps dans cette impasse Girardon. Parmi eux, Jules Pascin, en 1909. Ce peintre qui a transformé sur le conseil de Picasso son nom de Pincas en Pascin est arrivé à Paris en 1905 où il a acquis très vite la réputation d'être le peintre des nuits parisiennes. "Anarchiste déguisé en dandy", il a connu le fauvisme, le cubisme, et s'est créé son propre univers. Après une vie mouvementée, il se suicida dans son atelier du 36 boulevard de Clichy.
Mais s'il n'a été qu'une étoile filante impasse Girardon, ce ne fut pas le cas de celui dont le nom reste attaché au lieu, Gen Paul (1895-1975), le seul à avoir sa plaque sur le mur!
Eugène Paul dit Gen Paul est un vrai montmartrois, né rue Lepic, vivant et peignant pendant 58 ans (de ses 22 ans à sa mort) dans l'impasse Girardon.
Il est doué pour la peinture quasi spontanée, comme née d'un élan physique qui jette sur la toile les touches rapides et nerveuses. Il laisse presentir un art abstrait que cependant il ne tentera pas. Ami de Juan Gris au Bateau Lavoir, il subit diverses influences avant de trouver son propre style. Ses meilleures oeuvres datent des années 1925-1930. Il tombera ensuite dans la répétition et la facilité.
Personnellement je n'aime pas son travail mais ce n'est qu'un avis personnel. Il paraît que les goûts et les couleurs ne se discutent pas! Ce qui est idiot, car de quoi discuterions-nous?
Il est connu également pour avoir été ami de Céline qui lui demanda d'illustrer ses deux meilleurs romans, "le Voyage au bout de la nuit"et "Mort à crédit."
Bardamu-Céline (Gen Paul)
Il partageait avec lui un antisémitisme virulent et les deux copains restaient des soirées entières à partager leur passion raciste. Gen Paul appelait son voisin de la rue Girardon Ferdine. Il apparaît sous les traits d'un cul de jatte dans "Féérie pour une autre fois" de Céline. Il est vrai qu'il claudiquait depuis qu'il avait perdu une jambe pendant la guerre de 14.
Le Vigan dans "Les bas-fonds" de Renoir
On ne peut s'empêcher de penser à ces deux "amis" qui n'avaient que quelques pas à faire pour se retrouver. On peut penser à un troisième, l'acteur Le Vigan qui vivait lui aussi, comme Céline, rue Girardon, partageant la même haine des Juifs. C'est plutôt son chat que nous avons envie d'évoquer, parce que les chats ignorent le racisme!
Le chat c'est Chibaroui que Le Vigan et son amie Tinou ont acheté à la Samaritaine. Il est laissé en semi liberté et il aime se dorer au soleil de l'impasse qui s'ouvre devant l'immeuble où habitent ses maîtres. Lucette Almanzor tombe amoureuse de l'animal et convainct sans mal Céline de l'adopter. Il ne sait pas Chibaroui qu'il va devenir Bébert, le chat le plus célèbre de la littérature!
Il n'a pas sa plaque sur les murs mais c'est à lui que je pense en quittant l'impasse Girardon!
Voilà un petit square qui survit vaillamment dans le bruit et la pollution de la rue Lafayette toujours encombrée et nerveuse.
Adolphe Alphand par Alfred Roll
Il est là depuis qu'Alphand "le père des espaces verts parisiens" l'a terminé en 1863 comme 23 autres dans paris. Notre homme était écologiste dans l'âme et il aménagea quelques uns des plus beaux jardins de Paris : parc Monceau, des Buttes Chaumont, bois de Boulogne et Vincennes, jardins des Champs-Elysées.....
Auparavant le terrain où le square est implanté faisait partie des jardins de l'hôtel particulier de Charles Sanson, 2ème du nom et bourreau officiel de la ville de Paris. Il succèda à son père en 1707 et il eut à son palmarès la décapitation d'une femme et l'exécution de Cartouche, le brigand légendaire. Son palmarès néanmoins reste modeste comparé à celui de son petit fils Charles-Henri Sanson qui, la guillotine aidant fit tomber dans le panier de son quelques 3000 têtes dont celle, découronnée de Louis XVI.
Le square ne garde aucune trace du bourreau qui repose avec sa dynastie dans le grand jardin qu'est le cimetière de Montmartre, à moins d'un km de là.
Du square des origines peu d'éléments subsistent car l'espace a été remodelé en 1981 et découpé en carrés et rectangles, espaces de jeu pour les petits, de sport pour les ados... L'harmonie initiale a disparu comme dans de nombreux squares parisiens qui finissent par se ressembler,
Ont subsisté quelques arbres dont deux magnifiques platanes âgés de plus de 150 ans.
Les grilles également sont d'origine, en forme de coeur avec entrelacs de fleurs et d'épis. Les lignes centrales autour d'une fleur-soleil dessinent une lyre.
Elles sont dues à Gabriel Davioud (1824-1881) qui fut un architecte très actif pendant le 2nd Empire et qui a laissé à Paris quelques unes de ses plus belles fontaines: fontaine Saint-Michel, fontaine des quatre parties du monde (avec Carpeaux), fontaine de la place du Châtelet...
Sans compter des bâtiments remarquables comme les deux théâtres de la place du Châtelet.
En 1879, la ville fit l'acquisition d'une statue qu'elle plaça au centre du square, au milieu d'une pelouse : "Gloria Victis" d'Antonin Mercié.
La statue réalisée après la défaite de 1871 était vite devenue populaire. "Vae victis" (malheur aux vaincus) la célèbre formule de Brennus devient "Gloria victis" (gloire aux vaincus). La renommée ailée et cuirassée emporte vers le ciel un jeune soldat dénudé dont la main droite tient un sabre brisé. Statue patriotique s'il en est! Le héros mort pour la patrie entre dans l'immortalité...
La statue dont plusieurs villes réclament aussitôt une copie ne reste que cinq ans square Montholon avant de s'envoler à tire d'ailes jusqu'à l'Hôtel de ville où elle séjourne jusqu'en 1930. Elle est alors cachée dans le dépôt d'Auteuil, ce qui lui épargne l'humiliation d'être fondue pendant l'occupation par les descendants des Prussiens de 1871. Enfin, en 1930, elle s'envole une dernière fois vers le Petit Palais où elle se trouve bien, sur ces Champs Elysées où comme l'on sait les héros antiques trouvent le repos.
Il reste dans le square un groupe qui depuis son installation en 1925 n'a pas bougé. Il est vrai qu'il n'est pas ailé contrairement à lastatue dont il apris la place. Il s'agit de "La sainte Catherine" marbre sculpté par Julien Lorieux en 1908 et acheté par la Ville.
Il représente cinq catherinettes qui ont mis leur plus belle tenue, coiffé le fameux chapeau avec fleurs d'oranger et sortent de l'atelier, le 25 novembre, pour se rendre au bal et rencontrer peut-être l'homme de leur vie.
C'est souvent dans les milieux modestes (couturières, modistes) que les femmes restaient plus longtemps célibataires. Cet aspect social, Julien Lorieux ne l'ignore pas, lui qui est né et a vécu dans le IXème arrondissement. Voilà pourquoi il complète le nom qu'il donne à son groupe par une dédicace "à l'ouvrière parisienne".
Julien Lorieux avait été élève d'Antonin Mercié dont le "Gloria victis" a laissé la place libre pour "la sainte Catherine". Or, Julien Lorieux, tel le jeune soldat dénudé, est mort en 1915, touché à la tête par un éclat d'obus. La Renommée ailée a peut-être emporté vers les Champs-Elysées ce jeune mort pour la patrie. Ou plus simplement, ce sont les sourires juvéniles de ses catherinettes que se sont chargés de sa renommée!
On aimerait quitter le square avec ces sourires mais avant de pousser les belles grilles de Davioud, nous découvrons entre les buissons en fleurs une plaque de verre que nous n'avions pas remarquée.
Elle égrène les noms des enfants juifs arrêtés sous Vichy et assassinés dans les chambres à gaz. Ils étaient trop jeunes pour être scolarisés et leurs noms ne figuraient donc pas sur les plaques apposées sur le mur des écoles. Ils ont trouvé place sur cette plaque de verre, légère, fragile, à peine visible.... dans ce jardin où leur mère n'osaient plus s'asseoir sur un banc, comme les autres mères, pour les regarder sourire sous les feuillages des platanes centenaires.
Je suis repassé place St-Georges et j'ai découvert que le monument ravalé depuis peu était entouré de jets d'eau qui s'étaient colorés de rouge. Nous étions le 28 mai, dernier jour de la Semaine sanglante de 1871. J'ai cru qu'il s'agissait d'une commémoration qui rappelait les 30 000 morts de la résistance héroïque du peuple de Paris. Nous verrons qu'il n'en était rien!
Le monument est le principal ornement de cette place où opère le charme indéfinissable de Paris. Il est l'épicentre des immeubles qui l'entourent.... L'hôtel de Thiers, le théâtre où fut tourné "le dernier métro", l'hôtel où vécut en ses débuts parisiens la Païva.....
L'hôtel de Thiers.
Ni Thiers, Adolphe de son prénom, ni la Païva ne le connurent puisqu'il ne fut édifié qu'en 1911 à la place d'une fontaine qui servait d'abreuvoir aux chevaux.
L'ancienne fontaine semblable à plusieurs autres installées pendant la Restauration datait de 1821. C'est lorsque fut construite la ligne de métro Nord-Sud et la station Saint-Georges qu'elle fut démontée.
Une pétition accompagnée d'une souscription demanda qu'on érigeât à sa place un monument à la gloire de Gavarni qui avait habité le quartier et illustré la vie parisienne d'alors.
Autoportrait. Gavarni.
Nous avons rencontré Gavarni dans ce blog! Il est plus que beaucoup d'artistes qui se réclament de Montmartre, un véritable amoureux de nos quartiers (et de ses belles passantes)!
La rue des Rosiers (Chevalier de la Barre) où habita Gavarni, aujourd'hui chevet du Sacré-coeur.
Rappelons qu'il est venu à 25 ans habiter au sommet de la Butte, rue des Rosiers, future rue du Chevalier de la Barre avant de choisir la rue Ravignan
Il aime alors croquer le petit peuple parisien avec une prédilection marquée pour les jolies grisettes du genre Mimi Pinson.
1 rue Fontaine.
Il descend ensuite de la Butte pour s'installer 1 rue fontaine, non loin du monument qui lui rend hommage, puis rue Saint-Georges.
Malgré l'élégance de ses dessins de mode, il est un critique acerbe de la comédie humaine et s'il fréquente les salons, c'est pour mieux en dénoncer les hypocrisies. Il n'est pas surprenant qu'il soit ami des Goncourt qui lui consacreront une biographie.
Comme eux, il est un observateur de la société et consacre des recueils à ses acteurs. Les lorettes ont sa préférence et c'est avec une certaine tendresse qu'il les dessine.
Son monument rappelle aussi qu'il fut le "reporter" du Carnaval de Paris, une coutume ancienne et vivace qui ne disparut qu'en 1950.
Pierrot en 2017
en 2021
Le décor sculpté représente des personnages de la fête : Pierrot, un débardeur, la mort avec sa faucille....
Le Débardeur (en 2017)
Quelques mots sur le Débardeur....
Il s'agit d'une femme qui pour l'occasion avait le droit de porter un pantalon masculin, ou débardeur (rien à voir avec le marcel actuel!). Il y avait une forte charge érotique dans ce travestissement exceptionnel.
(photos de 2021 et 2017)
photo 2017
photo 2021
On rencontre encore, détériorée par les vents d'ouest, la figure massive d'un personnage en haillons, le regard insistant, semblant apostropher le passant. Il est la face noire du carnaval, le vieillard habillé de haillons, à la fois bonhomme et menaçant. Il tient dans la main droite un bâton et au bout du bras gauche une faucille. Il évoque "la grande faucheuse" la mort grimaçante, toujours présente dans les carnavals.
On peut discerner encore la jeune modiste qui passe avec sa boîte dans un arrière plan qui disparaît peu à peu, grain à grain, avec l'usure de la pierre. Derrière elle se profile l'artiste, un peintre assurément, qui ressemble à Gavarni...
Au sommet de la colonne Gavarni lui-même est représenté, occupé à dessiner et à saisir au vol ses contemporains.
(photo 2017)
photo 2021
photos 2017 et 2021
Quatre mascarons de bronze laissent couler de leur bouche entrouverte un mince filet d'eau claire les jours trop rares où la fontaine joue son rôle de fontaine.
La lorette y est à l'honneur, tournée vers la rue Notre-Dame de Lorette!
2017-2021
L'artiste bohême avec son chapeau de feutre...
2017-2021
Le mendiant quémandeur et menaçant
photos 2017-2021
La mégère, hommasse et ronchonneuse... à la fois entremetteuse et espionne!
Monument à Leconte de Lisle. Jardin du Luxembourg. (Denys Puech)
Les sculptures sont l'œuvre de Denys Puech (1854-1942) qui venu de son Aveyron natal où il gardait les moutons, se forma à son art avec tant de talent qu'il obtint prix et commandes officielles. Parmi ses nombreuses réalisations, retenons son monument à Leconte de Lisle dans le jardin du Luxembourg...
Oublions qu'en 1925 il sculpta sans que son ciseau ne fondît de réprobation Benito Mussolini!
Le buste inexpressif et verdâtre lui valut l'inimitié de ses contemporains!
Combien est plus poétique et sympathique le buste de Gavarni, cheveux au vent, belle gueule d'artiste libre, regard à la pointe sèche sur la société de son temps, ses injustices et ses hypocrisies....
Laissons-lui le dernier mot :
"Pourquoi mépriser les prostituées? Ce sont des femmes qui gagnent à être connues."
Mais non, je ne le lui laisse pas le dernier mot! J'ai commencé l'article en parlant des jets de sang qui jaillissaient le 28 mai autour de la colonne....
Nous savons que Montmartre avait été un épicentre de la résistance populaire... On dit que le puits des insurgés dans la rue où j'habite (rue André del Sarte) était rouge du sang des communards...
Je m'apprétais à publier des photos de cette "commémoration" quand j'ai remarqué une affichette qui informait qu'il s'agissait bien de sang mais de celui des règles menstruelles et que le 28 mai était la journée internationale de l'hygiène féminine! Quelle idée! Choisir le dernier jour de la Semaine sanglante et l'écrasement dans le sang de la Commune pour cette journée!
Qu'importe! Gavarni en haut de sa colonne continue de griffonner....
Nous reprenons notre visite de la rue Catherine de la Rochefoucauld avec le 32 où mourut en 1889, dans l'apparttement de sa soeur, Olivier Metra. Il fut l'un des compositeurs les plus populaires de son temps et ses valses étaient jouées dans tous les bals à la mode, notamment la célèbre valse des Roses, évoquée par Proust dans "Du côté de chez Swann".
Olivier Métra dirigea de nombreux bals : le bal Mabille, celui de l'Opéra Comique, des Folies Bergères et enfin de l'Opéra de Paris.
Le 33 est une des nombreuses adresses où Renoir a eu son atelier. L'immeuble fait l'angle avec la rue La Bruyère et c'est au 26 de cette dernière que la plaque commémorative a été apposée
Jean Renoir lisant
Nombreuses sont les toiles peintes pendant cette période de presque 5 ans. Parmi elles plusieurs représentent son fils Jean....
Le Pierrot blanc
Le 37 est d'une laideur affligeante. Il s'est élevé à l'emplacement d'un vieil immeuble envoyé ad patres par les promoteurs et qui avait abrité dans un hangar sur cour le dernier cabaret créé par Maxime Lisbonne : le Casino des Contributions directes!
Le "colonel" Maxime Lisbonne (1839-1905) est un des personnages flamboyants de la Commune. Blessé sur la barricade de la rue Amelot pendant la Semaine Sanglante, il est amputé d'une jambe. Ce qui n'empêche pas les Versaillais de le torturer et de le condamner à Mort. La peine sera commuée en déportation et c'est à son retour en 1880 que Lisbonne se lance dans une vie active et engagée, dans le théâtre, le journalisme et la création de plusieurs cabarets, parmi lesquels "la Taverne du Bagne", "le Casino des concierges" ou "les Frites Révolutionnaires".
Le Casino des Contributions directes sera son dernier cabaret et il ne lui apportera pas la fortune! Ruiné, Maxime Lisbonne se retirera à la Ferté Allais où il tiendra un débit de tabac.
"Le citoyen Maxime Lisbonne, directeur du Casino des concierges, se rend dare-dare à l'Elysée pour se faire conférer par le Président, le Grand-Cordon-S'il-Vous-Plaît." (Caricature de Léandre)
Le 47
Le 49
Le 49, le café Matisse, bien tristounet en cette période de confinement, fut le café Laroche, abréviation de La Rochefoucauld, fréquenté par de nombreux peintres académiques prompts à dénigrer les nouvelles écoles. Henner ou Cormon en faisaient partie, comme d'autres de l'école de Barbizon (Harpignies).
Parfois quelques écrivains comme les Goncourt ou Maupassant s'y trouvaient à d'autres tables.
C'est encore en cet endroit que les peintres rencontraient leurs modèles parmi lesquels Ellen André tant appréciée de Manet ou Renoir.
Les Goncourt bien qu'ils n'aient pas dédaigné y passer quelques moments en observateurs, se moquèrent de ce "petit mauvais lieu fort bête fréquenté par des gens qui sont aux Lettres ce que sont les courtiers d'un journal au journal." Parmi ces courtiers il n'y avait pas moins que Baudelaire, Henri Murger ou Aurélien Scholl!
Le 58
Au 58, le photographe Robert Jefferson Bingham (1824-1870) ouvrit son studio à son arrivée à Paris. Il fit de nombreuses photos des expositions universelles de 1851 et 1855 ainsi que des artistes de son temps.
Gérôme
Cabanel
Le 62
Au 62 nous rencontrons un homme dont le nom, oralement peut prêter à confusion : Louis L'épine. Il ne s'agit pas du fameux préfet de police qui créa la Brigade Criminelle et le fameux concours Lépine....
Non, notre homme est Louis L'Epine (n'en déplaise à certains sites comme Paris Révolutionnaire), sculpteur de son état. Il est mentionné pour avoir produit des portraits en médaillon mais il n'a pas laissé d'oeuvres qui seraient suceptibles de lui assurer une miette d'éternité artistique. Même ces fameux médaillons sont quasi impossibles à dénicher. Pourtant celui qu'il fit d'Alfred Meyer, vétéran de la 1ère guerre et futur dignitaire du Parti Nazi devrait bien subsister quelque part entre Mein Kampf et les films de Lenny Riefenstahl! Je n'ai trouvé qu'une statuette de Joseph Osbach qui fut son maître...
Le 64. Premier immeuble à droite.
Je mentionne le 64 parce qu'il est cité parfois (Paris révolutionnaire) pour avoir abrité, comme son collègue du 33, un des nombreux ateliers d'Auguste Renoir sans doute avant 1875. Il y serait resté peu de temps, si peu qu'aucune plaque commémorative ne viendra signaler son passage à cette adresse.
Dernière partie de la rue et rencontre avec la rue Pigalle. A droite le dernier immeuble le 66.
Pas de doute en revanche pour le 66, dernier immeuble de la rue La Rochefoucauld.
Un géant y a vécu à son retour d'exil : Victor Hugo. Nous sommes en 1871. Le poète va être frappé d'une terrible épreuve. Alors qu'il attend son fils Charles dans un café de Bordeaux, il voit arriver le fiacre et, à l'intérieur son fils mort. Charles avait été frappé d'apoplexie foudroyante.
C'est peu après cet événement terrible que Victor Hugo vient habiter rue La Rochefoucauld. Il loue le premier étage de l'hôtel Rousseau, idéalement situé dans ce quartier où il connaît de nombreux peintres et écrivains.
L'hôtel a été édifié par l'architecte Pierre Rousseau (1751-1829) pour lui-même. Habitant Paris, il désirait pouvoir se réfugier à la campagne, sur les pentes verdoyantes de Montmartre qui ne sera annexé à Paris que bien des années après sa mort.
L'architecte est connu pour quelques réalisations remarquables dont la moindre n'est certes pas l'hôtel de Salm, Palais de la légion d'honneur, chef d'oeuvre d'architecture de la fin du XVIIIème.
Plusieurs peintres auront leur atelier dans l'hôtel Rousseau. François Edouard Picot (1786-1868), peintre néo classique y vécut et y travailla. Il décora de fresques quelques églises et palais (Saint-Vincent de Paul, Saint Denys du Saint Sacrement, Versailles, le Louvre, le Luxembourg).
Après 1830, c'est Isabey qui occupa les lieux. Eugène Isabey (1803-1886) est le fils du célèbre miniaturiste Jean-Baptiste Isabey très apprécié sous l'Empire. On peut le classer parmi les romantiques tant il est attiré par les scènes de tempêtes, de ciels tourmentés, de naufrages dans une touche influencée par Delacroix.
Ce n'est pas un hasard s'il a pour élèves Boudin ou Jongkind et si dans ses dernières années, ayant abandonné l'huile pour l'aquarelle, il est avant-coureur de l'impressionnisme. On considère qu'il "découvrit" le site d'Etretat qui allait devenir un lieu chéri de l'Impressionnisme.
Revenons à Victor Hugo qui habita de 1871 à 1874 dans cet hôtel et qui s'y attela à l'écriture de deux de ses romans les plus impressionnants : "l'Année terrible" et "Quatrevingt-treize".
55 rue Pigalle. Juliette Drouet.
Evidemment la fidèle Juliette Drouet l'avait suivi toujours amoureuse et toujours aimée contre vents et marées...
Elle habitait presque en face, 55 rue Pigalle.
La rue La Rochefoucauld s'arrête là, non loin de la place Pigalle qui connut les barricades de la Commune, à proximité de la Butte où Louise Michel enseigna. Victor Hugo admirait cette Louise Michel qu'il appelait "ma chère fille" et avec laquelle il entreprit une correspondance suivie.
J'aime que ces deux-là soient liés à notre quartier.
La rue Catherine de La Rochefoucauld à sa rencontre avec la rue Jean-Baptiste Pigalle.
Voilà une rue chargée d'histoire et d'histoires construite sur les terrains qui faisaient partie du quartier des Porcherons et qui porte le nom, non pas du célèbre auteur des maximes mais de Catherine de La Rochefoucauld, abbesse de Montmartre de 1737 à 1760.
Montmartre. L'abbaue d'en-haut et l'abbaye d'en-bas.
Il y a peu, la mairie a décidé de compléter le nom de la rue avec le prénom afin que chacun sache que les rues de Rochechouart, de la Tour d'Auvergne et La Rochefoucauld évoquaient toutes trois des femmes...
Hôtel Lestapis 2 rue de La Tour dres Dames, où était situé le moulin de l'abbaye.)
Il y avait à son emplacement, comme le montre le plan Turgot, un sentier qualifié de ruelle et qui portait le nom de "ruelle de la Tour des Dames" (un des moulins de l'abbaye étant situé à cet endroit, à l'emplacement de l'hôtel de Lestapis). C'est en 1790 qu'elle reçoit son nom actuel.
Catherine de La Rochefoucauld fut nommée abbesse de Montmartre, titre prestigieux, par le roi Louis XV. Sa pierre tombale qui à l'origine était sur le sol a été disposée avec celles d'autres abbesses dans une chapelle de l'église Saint-Pierre, scellée contre le mur de pierres. Celle qui lui succèdera, Marie-Louise de Montmorency Laval sera la dernière abbesse, condamnée à mort par Fouquier-Tinville et bien que paralysée, sourde et aveugle, décapitée en 1794. La rue de Laval qui portait son nom sera à son tour décapitée puisqu'elle changera de nom pour devenir la rue Victor Massé en 1897.
Début de la rue avec la rue Saint-Lazare.
Si l'on excepte les verrues modernes qui rompent l'harmonie de la rue, la plupart des immeubles sont beaux, construits en partie dans la première moitié du XIXème siècle et en partie dans la seconde et autour de 1900.
Le 5
Au 5 un bel hôtel particulier abrita un temps Jean Richepin (1849-1926). En 1871-1872, il fait partie de la bohême parisienne et il est l'un des rares à avoir compris l'importance de Rimbaud. C'est lui qui sépare le poète et le photographe Carjat lors d'une rixe qui aurait pu mal tourner. Sa renommée de poète révolté et exalté date de 1876 avec la parution de son recueil le plus célèbre : La Chanson des Gueux. Avec le temps il s'assagira au point d'être élu en 1908 à l'Académie Française!
Jean Richepin à la prison de Ste Pélagie après la parution de "La chanson des gueux".
S'il est moins lu aujourd'hui, Georges Brassens lui a redonné un peu d'éclat en mettant en musique son poème (qu'il coupa en rondelles de saucisson) Les oiseaux de passage. Et c'est encore un de ses poèmes "L'épitaphe du lièvre" que récite le jeune Antoine Doisnel des 400 coups de Truffaut.
"La vraie misère est celle des gens qu'on croit riches parce qu'ils n'ont pas le courage d'être pauvres."
"On est bien forcé de croire au doigt de Dieu quand on voit comme il se le met dans l'oeil"
"Si j'étais immortel j'inventerais la mort pour avoir du plaisir à vivre."
Le 6
L'hôtel particulier du 6 fut pendant des années occupé par une des dames d'honneur de l'impératrice Eugénie, la baronne Charlotte de Sancy (1815-1877). On les appelait alors les Dames du Palais.
L'impératrice entourée de ses dames d'honneur. (Winterhalter)
L'hôtel de Madame de Sancy est racheté à la fin du siècle par un des principaux marchands d'art d'Europe, Charles Sedelmeyer (1834-1925). Il y annexe une somptueuse galerie où il expose les oeuvres qu'il propose à la vente. On lui doit la redécouverte de Rembrandt et la promotion d'artistes comme Turner.
Il n'a jamais quitté le quartier puisqu'il a été inhumé en 1925 dans le cimetière de Montmartre.
Le 7 est une entrée sur jardin de l'hôtel de Mlle Mars (1779-1847) qui donne rue de la Tour des Dames. On imagine mal la notoriété de cette actrice qui resta 40 ans à la Comédie Française et fut à ses débuts l'artiste préférée de Napoléon.
Mlle Mars (Gérard)
Surnommée "le Diamant" pour sa diction impeccable et nette, elle eut de célèbres admirateurs, comme Stendhal qui la trouvait "divine" et fermait les yeux au théâtre quand l'émotion se faisait trop forte et qu'il avait "peur de tomber amoureux".
Le 12
Il y eut à l'emplacement du 12 un petit hôtel particulier dans lequel vécut Jean-Baptiste Pigalle pendant les trois dernières années de sa vie, de 1782 en 1785.
Il vivait non loin de là, dans la rue qui porte aujourd'hui son nom, à l'emplacement de l'immeuble du n° 1.
Son grand succès lui fut assuré par la protection de Mme de Pompadour qui lui procura de nombreuses commandes d'aristocrates voulant,dans le marbre, garantir leur éternité. Voltaire n'avait pas besoin de ce passeport mais il fut pourtant sculpté lui aussi par Pigalle.
Il est enterré dans le vieux cimetière du Calvaire de l'église Saint-Pierre de Montmartre (qui possède un Christ en croix du sculpteur). Il en est l'habitant le plus célèbre.
Le 14
Le 14 est l'immeuble le plus connu de la rue et le plus intéressant. Il s'agit de la maison de Gustave Moreau (1826-1898).
Gustave moreau est un immense peintre, considéré comme l'initiateur du symbolisme pictural. Sa maison qui est restée telle qu'elle était quand il mourut d'un cancer de l'estomac à 72 ans est un des lieux les plus "habités" du quartier et un enchantement assuré.
On y rencontre quelques uns des chefs d'oeuvre du peintre. Son univers sensuel et pervers à la fois dans lequel la femme est le plus souvent maléfique, ses décors à la fois esquisses et détails...
Le 17 dont la façade ne paie pas de mine mais qui donnait sur une cour et un hôtel particulier a vu passer dans ses murs quelques gloires du XIXème siècle.
Commençons par Jacques Halévy (1799-1862) qui écrivit de nombreux opéras parmi lesquels son grand succès : La Juive.
Toujours sensible à la situation difficile des minorités, il aime mettre en scène dans ses opéras ces êtres poursuivis pour leur origine ou leur foi (Juifs, Protestants). Son librettiste est souvent Scribe.
On imagine mal l'aura de ce compositeur qui eut pour élève Gounod, Bizet, Saint-Saens...
Geneviève Halévy
Rappelons que sa fille Geneviève épousera Bizet et vivra avec lui un peu plus haut, dans le bel hôtel que son oncle Léon halévy avait fait construire.
Cabanel. L'ange déchu. Musée fabre de Montpellier.
Le peintre Millet habita également le 17 en 1864 comme Cabanel et plus tard (1867) Gounod.
Le 18
Le 18 a été construit en 1930, dans le style art-déco, par les architectes Julien et Duhayon qui étaient alors très recherchés par une clientèle aisée et "moderne". On leur doit de nombreux immeubles dans les beaux quartiers (avenue Montaigne, Champs-Elysées, boulevard Haussmann, quartier Monceau...)
Le Royal Monceau (Julien-Duhayon)
Le 25
Arrêtons-nous devant le 25 et saluons celui qui y mourut après avoir écrit des poèmes et surtout après avoir trouvé pour ce quartier le nom qui allait lui rester et sous lequel nous le connaissons encore aujourd'hui : La Nouvelle Athènes.
Il s'agit d'Adolphe Dureau de la Malle (1777-1807), poète et géographe érudit, traducteur de Dante, dont le père Jean-Baptiste était lui aussi érudit et poète, traducteur des poètes latin. On le connaît aujourd'hui surtout pour cette métaphore du nouveau quartier, apprécié des artistes et où nous continuons de nous émerveiller de rencontrer tant de gloires du XIXème siècle, dont la moindre ne fut pas Victor Hugo de retour d'exil.
Nous nous arrêtons devant cette pelle Stark qui rappelle au passant l'origine de "la Nouvelle Athènes". Nous reprendrons demain la balade dans cette rue où nous attendent Renoir, Olivier Métra, Victor Hugo! Terminons par quelques vers d'Adolphe Dureau de la Malle, un peu fastidieux et convenus mais soucieux de la rime et des règles de versification!
Il s'adresse aux glaciers des Pyrénées en partie disparus aujourd'hui :
"C'est vous qui nourrissez ces cascades fameuses
Où le torrent se courbe en voûtes écumeuses,
Roule en flocons de neige ou s'élance par bonds,
Court jaillit rejaillit sur la pente des monts,
Et s'ouvrant dans les airs des routes inconnues,
En des gouffres sans fond tombe du haut des nues."
Impossible de la manquer cette fresque à l'angle des rues Germain Pilon ( où vécurent Bernard Dimey, Pierre Etex) et Véron (Henry Murger) dans ce Montmartre créatif et insolent.
Elle nous saute à la figure avec ses trois couleurs qui sont celles d'un sinistre drapeau noir, rouge et blanc. Mais ce n'est pas la croix gammée qui l'orne, c'est un virus qui remplace la "race" par l'âge et qui veut exterminer les plus vulnérables!
Elle est signée d'un seul nom qui en réunit deux : Titomulk.
Les deux artistes créent de concert des fresques qui nous parlent de notre temps. Leur style apparemment brouillon, touffu, excessif, tropical est en réalité parfaitement ordonné. Leur création se donne (même si comparaison ne saurait être raison) comme certaines fresques de la Renaissance où tout d'abord s'imposent quelques figures et où lorsqu'on y prête une plus grande attention se révèlent une richesse de détails, de figurants, de décors qui se coordonnent et se complètent.
Le mur de Montmartre est bien dans leur style entre bédé et profusion psychédélique. Mais ne nous y trompons pas il y a dans le propos et la composition apparemment brouillonne une grande rigueur et de la suite dans les idées!
La figure qui domine est celle de l'anti-héros qui terrifie le monde, Super Covid, musculeux et écrasant avec sa tête de virus et son corps armé de tentacules.
Le héros est une héroïne, une infirmière super warrior prête au combat. Elle est lourdement armée de lance-seringues, la seule arme capable de vaincre le monstre!
Le combat se déroule sur un fond qui raconte l'histoire....
Le pauvre pangolin injustement accusé de tous les maux et coupable d'être bouffé par les Chinois...
Raoult qui aurait aimé être le sauveur de l'humanité grâce à sa potion magique et qui est rappelé à plus d'humilité. Cool Raoult!
L'OMS Tournesol qui mène l'enquête à Wuhan avec la liberté que l'on sait!
Oyez bonnes gens, tous les conseils vous sont donnés pour faire barrage au monstre pustuleux!
Le gel hydro alcoolique....
Les gestes barrières et le lavage des mains...
Les apéros par écran interposé (tristounet)
Et l'espoir qui, prend la forme d'un projectile vigoureux et décidé à exterminer l'exterminateur! Sans risque d'effets collatéraux!
Titomulk remercient les Montmartrois de leur accueil et du respect de leur travail effectué le 4 février.
Hélas il y a des travaux dans le quartier pour renouveler des canalisations et un camion qui n'était pas conduit par un super héros a défoncé une partie du mur, détruisant un côté de la fresque (côté rue Germain Pilon) un mois après sa création.
Dommage car elle est un bel exemple de pédagogie engagée et imaginative plus efficace sans doute que les lénifiants et contradictoires propos officiels.
On se consolera en regardant une autre création de Titomulk dans la rue Pilon, à 50 mètres du mur agressé!
Le 3 mai je suis repassé par là et miracle! les dégâts avaient été réparés et Titomulk en avaient profité pour apporter quelques nouveautés à leur fresque!
Les variants qui avaient fait leur apparition après l'inauguration de la fresque, y ont trouvé leur place. : l'anglais, le sud-africain, le brésilien.... (espérons qu'il n'y aura pas besoin d'attendre une nouvelle dégradation du mur pour voir débouler le variant indien!)
Un nouvel "évènement" est évoqué avec Pierre-Jean Chalençon et ses privés auxquels "auraient participé des ministres". Vite revenu sur ses allégations, le mondain ridicule mérite bien cette caricature!
Le jeune Simpson est heureux de ne pas être enfermé entre quatre murs scolaire
Et la fresque continue d'égayer, d'amuser, d'intéresser, d'interroger.... dans un Montmartre qui jadis aimait plaisanter et provoquer. Il faut croire que ce Montmartre n'est pas mort...
28 ans déjà! Qui pourra le croire! 28 ans que Monique Morelli a quitté la Butte, un jour de printemps.
Je suis passé hier devant sa maison restée telle qu'elle était du temps où elle y vivait. Il y a depuis 28 ans le même chapeau de paille à la fenêtre, celui qu'elle portait pour marcher sous le soleil de Montmartre. La maison s'écaille, le chapeau s'ennuie. Morelli n'est plus là.
Elle est à quelques centaines de mètres, à des années lumière, sous les arbres du cimetière Montmartre.
Elle y a pour presque voisin, à quelques tombes près, un homme qu'elle a connu et apprécié, le peintre et défenseur des mômes, Poulbot.
Elle collectionnait sans se lasser ses dessins qu'elle découpait dans les revues et les magazines avant de les coller sur des cartons.
Ce fut impressionnant de voir, quand ce qu'elle possédait a été dispersé dans les ventes publiques, tous ses classeurs bourrés à craquer de dessins des gosses des rues... ces mômes dont elle avait chanté la misère et l'effronterie dans les chansons de Bruant.
Dans la librairie, 5 rue Tardieu, dont les propriétaires furent ses amis, on peut encore trouver quelques uns de ses vinyles dont la rare "Messe pour Elsa" et des dizaines de ses poulbots découpés...
Le 19 où j'habitais et la maison du 17bis où habitaient Morelli et Léonardi.
Quand je suis venu habiter sur la Butte, 19 rue Paul Albert, j'ignorais qu'elle était ma voisine.
Un soir j'ai entendu sa voix. Elle répétait, accompagnée de Léonardi. Elle chantait un poème d'Aragon. J'ai ouvert mes fenêtres. Je me suis penché vers la façade couverte de lierre.
J'ai reconnu sa grande voix, celle qui vient de la nuit des révoltes, qui tremble avec les drapeaux, s'élève avec les barricades... celle qui hurle à l'amour et regarde la mort dans les yeux...
La maison de Morelli.
Morelli et Leonardi.
Elle chantait "l'Affiche Rouge", le poème d'Aragon mis en musique par Ferré.
Elle en avait été la première interprète et Léo la considérait comme la plus juste.
Pendant les douze mois où j'ai vécu à côté d'elle, j'ai ouvert mes fenêtres chaque fois qu'elle chantait.
... J'ai acheté tous ses disques et grâce à elle j'ai redécouvert Villon, Ronsard, Corbière...
J'ai écouté Carco,Mac Orlan, Couté, Rictus, tous ceux qui avaient habité sur la Butte du temps où malgré la spéculation immobilière et le tourisme elle respirait encore du souffle de la Commune...
Quand je suis parti pour le Liban, j'ai emporté tous ses disques avec moi.
J'enseignais à l'Université libanaise à Tripoli, non loin de la frontière syrienne et du Krach des Chevaliers aujourd'hui saccagé par les grands humanistes et amoureux de l'art que sont les fachos de Daesh.
Pendant mes cours j'ai plus d'une fois illustré les poèmes que nous étudiions avec les chansons de Morelli.
L'Orient aime les grandes voix, celles d'Oum Kalthoum, de Fairouz, de Piaf ( dont un cabaret célèbre de Beyrouth portait le nom).
Les étudiants ont aimé Morelli. Ils ont apprécié son phrasé impeccable, sa sensibilité à fleur de voix, l'intensité de son interprétation.
J'ai le souvenir d'un cours dans l'ancienne caserne française qui abritait l'université.
C'était un matin de novembre. Alors que nous écoutions un poème de Villon, une rafale de mitraillette brisa les vitres et constella le tableau à quelques centimètres de ma tête.
Tout le monde se réfugia sous les tables et moi sous le bureau!
Le silence succéda au fracas et à la frayeur.
La voix de Morelli ne s'était pas interrompue. Je me rappelle comme si c'était hier. C'était le poème "Mort" écrit par Villon comme une supplique pour que cette mort qui lui avait ravi son amour, l'emportât à son tour.
Cette adresse à la "Mort" résonna dans le silence et le bleu du ciel qui entrait par les vitres brisées, comme une protestation, comme les bras ouverts de la vie.
Comme l'homme en chemise blanche debout devant les fusils dans le tableau de Goya "Tres de Mayo"
Et puis le temps a passé (c'est ce qu'il fait avec le plus de talent et d'efficacité!)
Je suis revenu vivre à Montmartre. Je n'étais plus le voisin immédiat de Morelli mais de mes fenêtres de la rue rue Muller je pouvais voir sa maison sous le lierre.
J'ai déjà dit dans un article comment j'avais rencontré Léonardi, son compagnon de vie, compositeur, accordéoniste, sur la petite place au pied de l'escalier de la rue Utrillo.
Morelli et Léonardi
Je lui ai demandé des nouvelles de sa compagne. Il m'a alors confié qu'elle allait très mal et devait rester alitée, je pouvais passer si je le voulais pour lui parler, lui raconter comment je l'avais emmenée avec moi dans ce Liban où elle avait touché les cœurs (j'avais raconté à Léonardi l'épisode de la rafale de kalachnikov).
Sur le marché Dejean
J'ai eu peur. J'ai promis de passer mais plus tard. J'ai dû prétexter une quelconque occupation sans doute!
Je n'ai jamais pu dire à Morelli que je l'aimais et que sa voix m'accompagnait depuis que je l'avais découverte.
Elle est morte le lendemain, c'était le 27 avril 1993.
Aujourd'hui je vis toujours à Montmartre et je passe souvent devant sa maison.
Il y a un chapeau de paille à sa fenêtre. J'ai l'impression qu'il était déjà là quand j'habitais l'immeuble voisin. Je m'imagine que Morelli vit toujours dans sa maison de contes de fées et qu'elle chante, le soir, accompagnée de Léonardi.
Gambrinus roi de la bière à Béthune. Photo du blog sur les géants.
Je ne sais pas grand chose d'elle.
Ce que j'ai appris ici ou là me la rend plus proche même si je sais qu'il suffit de l'entendre pour connaître l'essentiel et l'incandescent de son être...
Elle est née en 1923 dans le pays des Géants, à Béthune, ville proche de ma ville de naissance, Arras!
Il n'y avait pas plus banal que son nom : Dubois!
Pas plus banale que sa famille de bons fonctionnaires qui rêvaient pour elle d'un destin de pharmacienne derrière un comptoir.
Mais jamais elle ne serait Mme Homais!
Il y a en elle une révolte, une indépendance qui lui rendent insupportables les salles de classe et l'ennui des leçons. Elle s'échappe, fugue dans la ville, se fait renvoyer de tous les établissements, publics ou privés où elle est inscrite!
Dès qu'elle le peut, elle vient à Paris. En ce temps-là Paris était encore une fête. Elle y respire la liberté, même s'il faut bien vivre et accepter des petits boulots. Elle en trouve un qui la comble de bonheur : cornac au Cirque d'Hiver!
C'est Sacha Guitry qui après l'avoir entendue chanter une chanson réaliste de Fréhel lui conseille de se lancer dans la carrière.
Elle est une des premières artiste à se produire à la mythique "Rose Rouge".
En 1958, elle forme un couple à la ville comme à la scène avec Léonardi qui met de la musique sur les poètes qu'elle aime et qui l'accompagnera jusqu'au bout du chemin.
Entre Brassens et Brel.
Brassens et Mac Orlan avec morelli.
Elle fait vite partie de la famille des poètes de la chanson : Ferré, Brel, Brassens (qui lui confie la première partie de son spectacle à Bobino en 1969)...
Colette Magny et Morelli
Elle ouvre son propre cabaret à quelques mètres de chez elle, Chez Ubu, 23 rue du Chevalier de la Barre.
Elle y reçoit Colette Magny, Brigitte Fontaine...
Avec Doisneau
Cette photo permet de voir sur la droite la maison de Morelli et sur la gauche, là où l'on voit des verrières, l'emplacement de son cabaret.
Dans les escaliers de la rue du Chevalier de la Barre près de chez elle.
Elle est montmartroise d'adoption et de coeur, amie des peintres et des écrivains. Elle aime se balader dans son quartier...
Morelli par Henri Landier
J'ai un autre souvenir qui me revient...
Monique Morelli donnait un récital au Touquet.
J'y suis allé bien sûr avec des amis. Ce soir-là, elle a eu un trou de mémoire, ce qui ne lui arrivait quasiment jamais...
Elle chantait un poème d'Aragon sur l'angoisse de perdre l'être aimé menacé par la maladie ...
C'est un des plus beaux textes du poète qui veille toute la nuit au chevet de son amour :
"Un jour j'ai cru te perdre".
Morelli et Aragon
Arrivée à la dernière strophe :
"Il a passé sur moi des heures et des heures
Je ne remuais pas tant j'avais peur de toi..."
Morelli hésita...
Du premier rang où j'étais je lui soufflais : "Je me disais je meurs..."
Elle reprit aussitôt en me souriant:
"Je me disais je meurs, c'est moi, c'est moi qui meurs...
Tout à coup les pigeons ont chanté sur le toit!"
Morelli par Landier.
Tombe de Monique Morelli au cimetière Montmartre.
C'est ce sourire et ces paroles de renaissance que je porte avec moi quand je vais au cimetière Montmartre.
La dernière fois, dans les feuilles mortes qui recouvraient l'allée où se trouve sa tombe, un chat roux et blanc sommeillait au soleil. (ou soleillait au sommeil!)
Le marbre gravé.
Sur la tombe, un livre porte gravées dans le marbre, les paroles qu'Aragon a écrites pour elle:
"Il y a chez Monique Morelli ce moment quand elle chante qui fait que j'apprends soudain ce que je cherchais d'une main hésitante dans la nuit."
Je ne sais pas ce que cherchait Aragon dans la nuit!
Mais je sais que dans la nuit de la peur que je traverse parfois, c'est ce poème de la vie fragile qui ne veut pas lâcher prise, ce sont ces paroles et c'est la voix de Morelli que j'entends!
C'est une courte rue qui va de la rue de Douai à la rue Blanche dans ce quartier qui devint à la mode pendant les années de la Monarchie Constitutionnelle de Charles X et Louis Philippe.
À son ouverture la rue porta le nom de Percier, architecte qui fut avec Fontaine (dont la rue est voisine) l'un des principaux initiateurs et créateurs de ce qu'on appellera le style Empire. L'harmonieux arc du Caroussel (avec Fontaine) est une de ses réalisations les plus connues et reconnues.
On ne sait pourquoi Percier disparut des plaques pour être remplacé en 1864 par Mansart. Sans précision de prénom, ce qui permet de rendre un double hommage à François Mansart et à son neveu Jules Hardouin.
François (1598-1666), grand bâtisseur de châteaux qui font la synthèse et la transition entre Renaissance et grand art classique (châteaux de Balleroy, de Maisons-Laffitte, galerie Mazarine).
Jules Hardouin (1646-1708) premier architecte de Louis XIV à qui Paris doit quelques unes de ses merveilles (Place Vendôme, place des Victoires, pont Royal, église des Invalides....)
La rue a une particularité : son côté nord, premier construit, offre une certaine homogénéité dans le style sobre et élégant de la première moitié du XIXème tandis que le côté sud plus tardif est plus disparate va du 2nd Empire aux années trente!
Au commencement était la môme Bijou! En effet le 1 est l'adresse du café Mansart, endroit très fréquenté par ceux qu'on appelle par facilité et conformisme bobos et par les touristes. Pendant l'occupation un personnage haut en couleurs est habitué du lieu (et de quelques autres à Pigalle comme le bar de la lune).
Il joue sur l'ambigüité, entre prostituée et travesti, entre clocharde et célébrité déchue. la môme Bijou est connue aujourd'hui encore pour avoir été photographiée par Brassaï
Elle est présentée dans le catalogue de l'exposition consacrée au grand photographe à Beaubourg en 2000 comme "une masse de graisse et de perlouses posée dans l'angle d'un bistrot".
Elle aurait inspiré autant que Marguerite Moreno le personnage de la Folle de Chaillot de Giraudoux.
Mais elle méritera qu'on lui accorde du temps car elle a gardé son mystère. Son regard triste et attentif émerge au-dessus de tous les portraits nauséabonds qui ont été faits d'elle.
Capture d'écran du blog "Haro sur les féminicides)
Alors qu'elle est très jeune (17 ans) elle se produit sur de petites scène comme mime.
Elle est remarquée par Willy qui lui donne son nom de scène, Louise Willy, et dont elle devient la maîtresse. Elle joue dans un grand nombre de petits films érotiques comme "le coucher de la mariée".
photo de Germaine Krull
Le succès n'est pas au rendez-vous. On n'entend plus parler d'elle à partir de 1912 et le temps passant, on la retrouve dans les années trente à Pigalle où pour quelques sous elle lit les lignes de la main. Willy la retrouvant, vieillie et pitoyable, écrit : "Bijou, matrone cuirassée de crasse et de fard qui procure à quelques paternels sénateurs, la joie d'éduquer quelque lycéen."
En 1945, Kessel parle d'elle en entrevoyant sa blessure : "La vieille affreuse et fascinante qui portait au bord de sa folie et de sa déchéance, je ne sais quel reflet obscur de grâces perdues, de pourrissantes amours."
Marguerite Moreno. La Folle de Chaillot.
Je ne sais pourquoi ce personnage me touche et pour ne pas trop y penser, je continue ma balade dans la rue.
Au 3, voisin du Mansart, nous trouvons "La Cloche d'or".
Ce restaurant a dès sa création été fréquenté par les artistes. Dans les années 20, il est dirigé par Anatole Moreau et son frère Arsène.
Anatole Moreau vit en couple avec une danseuse anglaise qui se produit dans les music-halls: Katleen Sarah Buckley.
Ils donnent naissance en 1927 à Jeanne Moreau dont on connaît l'importance qu'elle a eue dans le cinéma au temps de la Nouvelle vague et bien après....
Celle qui fut l'inoubliable Catherine de Jules et Jim habite aujourd'hui à trois cents mètres de la rue Mansart, au cimetière Montmartre.
La Cloche d'or fut fréquenté par bien des célébrités parmi lesquelles il suffit de citer Edith Piaf, Marcel Cerdan, Cocteau, Kessel... et elle fut le cadre d'une rencontre devenue mythique entre le jeune Yves Saint Laurent et celui qui allait devenir son mécène, son mentor, son amant pour la vie....
Nous restons du côté impair et cherchons en vain la maison qui s'élevait au n° 5, 5 bis. Il y a là où elle se croyait bâtie pour l'éternité, un immeuble sans grâce conçu en 1935....
Les fumeurs de kif (Gabriel Ferrier)
Elle abrita l'atelier d'un peintre et illustrateur, Nicolas Maxime Leboucher, mort en 1886, dont je n'ai rien trouvé sinon qu'il fut l'élève de Gabriel Ferrier, peintre orientaliste.
Le 8
Le 9
Le 9 est un lourd immeuble sans charme construit en 1932. Il n'a pas de scrupule à exposer sur sa façade le nom de son entrepreneur, un certain A. Chaize, et celui de son architecte D. Rotter.
Dumitru Rotter, roumain d'origine, naturalisé en 1907 a aimé travailler en Corse où on lui doit entre autres le monument commémoratif du sergent Casalonga à Alata.
Le 12
Le 15
Il y eut au 15 une salle de culture physique qui fut gérée pendant l'occupation par l'ancien champion de boxe Victor Waintz. Elle était fréquentée par de nombreux acrobates et artiste de music-hall comme les Carletti, trapézistes et contorsionnistes qui donnèrent parfois leur numéro sur la scène du Louxor. Leur fille, Louise, fut actrice dans des films de L'Herbier, Feyder, Christian-Jaque, Delannoy...
La salle était fréquentée également par des acteurs et actrices ainsi que par des personnalités diverses et variées soucieuses de perdre les kilos superflus!
Aujourd'hui l'atelier Petit Picotin qui a pris sa place a pour clientèle des bébés qui ne se soucient pas de leur poids et pour qui sont exposés draps et serviettes, peluches et jouets...
La courte rue n'a plus grand chose à nous raconter. Bonne raison pour laisser la parole à celle qui y vécut des années de son enfance, Jeanne Moreau :
"Je n'ai pas de mémoire, je n'ai que des souvenirs."