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Montmartre secret

Montmartre secret

Pour les Amoureux de Montmartre sans oublier les voyages lointains, l'île d'Oléron, les chats de tous les jours. Pour les amis inconnus et les poètes.

Publié le par chriswac
Publié dans : #MONTMARTRE Monuments. Cabarets. Lieux, #MONTMARTRE Peintres.Artistes.Clébrités
Chez Patachou. Rue du Mont-Cenis. Historique. Cabaret.

     Elle porte un nom gourmand qui vous met l'eau à la bouche, un nom pâtissier et léger qui évoque son sourire généreux et complice. Patachou! Patachou de Montmartre!  

Chez Patachou. Rue du Mont-Cenis. Historique. Cabaret.

    Son cabaret "Chez Patachou" a longtemps été un des plus emblématiques de Montmartre et quand on l'évoque aujourd'hui, c'est avec la nostalgie d'une époque où la butte attirait encore les jeunes poètes de la chanson et leur servait de tremplin d'où ils s'élanceraient vers les étoiles.

 

    Sa carrière de chanteuse mériterait un roman et nous nous en tiendrons ici à sa présence à Montmartre, 13 rue du Mont-Cenis où elle s'installe en 1948. Elle ne porte pas encore son nom si craquant, elle est Henriette Billon, née Ragon et elle a déjà pratiqué plusieurs métiers qui ne la satisfaisaient pas. Elle a trente ans, un âge décisif, celui qui permet encore tous les possibles.

Chez Patachou. Rue du Mont-Cenis. Historique. Cabaret.

   Jouxtant une pâtisserie, un local commercial en piteux état est à louer.  Il sera transformé en salon de thé où sont servies des spécialités à base de pate à choux puis en restaurant. Les Montmartrois surnomment les restaurateurs Monsieur et Madame Patachou !

 

   La chance fait que l'occasion se présente d'agrandir le restaurant qui devient comme tant d'autres sur la Butte, un endroit convivial où un accordéoniste tient lieu d'orchestre et joue les vieilles goualantes de Paris chantées par Jean qui a un bel organe. Un soir le bel organe est grippé et c'est Henriette qui se lance. Et pour un lancement, c'est une réussite! Sa voix séduit, mi railleuse, mi romantique. Une voix spirituelle et joueuse capable d'amuser et d'émouvoir

    D'autant plus que le contraste est frappant entre l'allure bourgeoise, habillée de chic bon genre de la chanteuse et son répertoire grivois dans la tradition libertine d'un Montmartre qui déjà faisait partie du passé.

Patachou est donc née à trente ans, sur la Butte loin du XIIème arrondissement où Henriette Ragon vit le jour le 10 juin 1918!

 

    Le succès est immédiat et Patachou en animatrice qu'on jurerait chevronnée invite les spectateurs à reprendre avec elle les refrains plus ou moins égrillards de ses chansons. Lorsqu'un convive rechignait à chanter, armée d'une paire de ciseaux, elle coupait sa cravate! 

Cette castration cravatière consentie devint très vite célèbre et les amateurs l'attendaient comme un rituel qui les faisait entrer dans la grande famille qui avait pour adresse "chez Patachou"! 

En 1950, Jacques Canetti qui ne pouvait ignorer la dame du Mont-Cenis, lui rend visite, l'invite aux Trois Baudets sur le boulevard et lui fait enregistrer son premier disque. Le succès est au rendez-vous et bientôt le cabaret devient un lieu incontournable.

 

Un lieu qui entre dans la légende montmartroise, dans son histoire tout simplement, quand un chanteur un peu bourru, sans le sou, y est invité, en 1952. Patachou a aussitôt senti chez lui le cœur et l'âme d'un poète. Il s'agit de Brassens bien entendu! 

"Quand il est arrivé, j'ai surtout vu qu'il était beau... Et puis on a écouté dix, vingt, trente merveilles..."

Elle enregistre un disque de ses chansons et contribue ainsi à le faire connaître et aimer.

Il faudra des années pour que Brassens devienne plus célèbre que celle qui l'a reconnu et aidé.

En effet, admirée de Maurice Chevalier qui lui aurait donné le surnom qui l'accompagnera dans ses tournée internationales "Lady Patachou", elle est applaudie aux Etats-Unis, au Canada, au Moyen-Orient...

 

Elle représente aux yeux et aux oreilles du public étranger "la parisienne" à la fois élégante et spirituelle, capable d'amuser et d'émouvoir.

C'est encore une chanson de Brassens "Margot" que chante Patachou dans le premier film où elle joue "Femmes de Paris" de Jean Boyer en 1953.

                                                      French Cancan (1955)

Sa carrière au cinéma sera moins riche qu'à la télévision mais au moins deux grands réalisateurs l'invitent : Jean Renoir dans "French Cancan" où elle est Yvette Guilbert et Sacha Guitry dans "Napoléon" où elle est évidemment Madame Sans-Gêne!

Bien plus tard de jeunes réalisateurs lui rendront hommage en lui confiant un rôle dans leur film : Léos Carax dans "Pola X" et Ducastel et Martineau dans "Drôle de Félix".

 

                                           Drôle de Felix (2000) avec Sami Bouajila

Mais revenons rue du Mont-Cenis, dans  notre Montmartre où la lady continue de promouvoir de jeunes talents. C'est le tour de Jacques Brel qui loue dans une chambre dans un petit hôtel de la rue des Trois Frères et qui a du mal à se faire connaître bien que le Tire-Bouchon, minuscule cabaret de la rue Norvins l'accueillît souvent.  

                                                Brel chez Patachou

Brel va être engagé pour trois ans  chez Patachou et c'est pendant ces années difficiles que grâce à la stabilité et à l'attention qu'elle lui offre, il se révèle comme un des grands poètes de la chanson.

Aznavour rue Poulbot (avec quelques vrais poulbots)!

Aznavour rue Poulbot (avec quelques vrais poulbots)!

Le cabaret poursuit sa brillante carrière malgré les absences prolongées de sa créatrice. Aznavour qui vit alors modestement à Montmartre, rue des saules, y chante parfois. Il s'en souviendra et il est responsable d'une chanson que l'on entend aujourd'hui à tous les coins de rues de la butte , "La Bohème". 

"Montmartre en ce temps-là ...... Accrochait ses lilas... Jusque sous nos fenêtres"...

                                           Aznavour rue Saint-Rustique

     Un autre poète va être invité à chanter chez Patachou, Léo Ferré. Il avait rencontré au Lapin Agile Caussimon qui en était l'habitué le plus fidèle. Les deux poètes étaient alors devenus amis et ils le resteraient jusqu'à la fin de leur chemin.

                                           Les deux amis en 1985!

    Une animatrice espiègle Souris, remplace la Lady quand elle est en tournée et présente au public de nouveaux talents comme Fanon, Hugues Auffray, Claude Nougaro qui tombera amoureux de la Butte et achètera un hôtel particulier avenue Junot (rue Dereure).

     Il faut enfin citer Guy Béart pour qui Patachou ressent une grande amitié et une grande admiration. Elle l'engage sans hésiter. Une de ses chansons sera un de ses plus grands succès "bal chez Temporel".

"Si tu reviens jamais danser chez Temporel
Un jour ou l'autre
Pense à ceux qui tous ont laissé leurs noms gravés
Auprès du nôtre"

 

 

 

Chez Patachou. Rue du Mont-Cenis. Historique. Cabaret.

    La plaque apposée sur la façade cite quelques uns des chanteurs qui passèrent en ce lieu, qui ont disparu mais dont  "les chansons courent encore dans les rues."

On ne s'étonnera pas d'y trouver quelques chanteurs américains que Patachou avait connus lors de son séjour aux Etats-Unis, notamment Sinatra avec qui elle lia une véritable amitié.

                                   Piaf et Sarapo chez Patachou. Dernière sortie.

Mais les années s'enfuient et peu à peu le cabaret se démode. Quelques chanteurs y passent encore, parfois, mais comme une escale en nostalgie. Edith Piaf y chantera pour la dernière fois en 1963...

                                         

   

 Pas de plus bel adieu que ce passage rue du Mont Cenis de celle qui allait s'éteindre la même année 1963. Le cabaret ferma ses portes en 1964. Patachou quitta Montmartre pour l'Avenue de l'Opéra puis (quo non ascendet) pour le restaurant de la Tour Eiffel.

Elle n'oubliera pas ses années montmartroises pendant lesquelles le 13 rue du Mont-Cenis porta chance à des poètes et des chanteurs au temps de leur vie de bohème. 

Un autre établissement s'empara de son nom sur la place du Tertre, histoire de toujours le voir briller dans la nuit de la Butte. Mais c'était une usurpation et il a fermé ses portes, remplacé par une galerie d'art, comme le cabaret de Patachou avait lui-même été remplacé par la galerie Roussard.

André Roussard est un des grands historiens amoureux de Montmartre, de ses peintres et de ses artistes. Sa galerie rend hommage à Patachou et expose quelques photos qui rappellent la vie du lieu.

 

    On y accède par un passage qui permet d'apercevoir la maison qui fut aménagée par la chanteuse et qui à l'origine était une des plus vieilles maisons du village, remontant au XVème siècle.

 

Avant de quitter Lady Patachou, laissons le dernier mot à Brassens :

"Vous serez conquis par cette bouche qui sourit et qui boude en même temps, et ses cheveux d'épis de maïs, et ses mains qui décrochent les étoiles"

Il savait de quoi il parlait, lui qui fut une de ces étoiles!

Liens :

rues de Montmartre

Lieux et curiosités de Montmartre

Peintres, célébrités de Montmartre

(Merci à "Montmartre en revu" et à Gérard Letailleur chez qui j'ai trouvé des renseignements précieux)

 

 

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