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Montmartre secret

Montmartre secret

Pour les Amoureux de Montmartre sans oublier les voyages lointains, l'île d'Oléron, les chats de tous les jours. Pour les amis inconnus et les poètes.

montmartre peintres.artistes.clebrites

Publié le par chriswac
Publié dans : #MONTMARTRE Peintres.Artistes.Clébrités

     L'exposition du musée de Montmartre "Fernande Olivier et Picasso" (jusqu'au 19 février) présente les illustrations faites par Van Dongen pour illustrer le livre de son ami de bohème Roland Dorgelès "Au beau temps de la Butte".

Dorgelès parle du peintre dans son ouvrage : "Un grand fauve qui n'est pas gâté par le sort. Deux bouches à nourrir: sa femme et sa fille, or ses scènes de bal et ses fêtes foraines aux couleurs flamboyantes effraient les amateurs et rebutent  les marchands."

Page de titre"Comment! Vous me connaissez?"

Page de titre"Comment! Vous me connaissez?"

Dans son Prélude, l'écrivain, de retour sur la Butte après la 2ème guerre, rencontre une jolie femme qui lui rappelle celle qu'il a connue au Lapin Agile une trentaine d'années plus tôt. Il est "interdit" quand il l'entend le saluer par son nom.

"-Comment! vous me connaissez?

-Oh non! Mais maman vous connaît très bien.

Une dame parut. Elle avait les cheveux gris... C'était elle ma jeunesse, et non la blonde aux cheveux dorés." 

Lapin Agile. Frédé.

Lapin Agile. Frédé.

Van Dongen. Lithographies pour le livre "Au beau temps de la Butte" de Dorgelès

 La tonalité du livre est résumée par ce prélude. Dorgelès part à la recherche d'un Montmartre qu'il a aimé lorsqu'il était jeune. Un Montmartre qu'il ne retrouvera pas, pas plus que sa jeunesse !

Le Lapin Agile a changé lui aussi et survit grâce à sa réputation. En 1949 quand Dorgelès publie son livre, Frédé vit dans la garenne céleste où l'âne Lolo continue de peindre des couchers de soleil. Dorgelès se rappelle Frédé "courbé sur sa guitare, murmurant les Stances de Ronsard ou lançant à pleine gorge "la vigne au vin" que les braillards reprennent au refrain".

La laiterie place du Tertre

La laiterie place du Tertre

Van Dongen. Lithographies pour le livre "Au beau temps de la Butte" de Dorgelès

Van Dongen restitue l'image d'un Montmartre-village avec sa laiterie sur la place du Tertre.

Plus de lait, plus de vaches, plus de village aujourd'hui.... Pas même une boulangerie! La dernière, place Jean-Baptiste Clément, a été remplacée il y a une quinzaine d'années par un bazar de souvenirs made in China.

Van Dongen, Fernande, Picasso, Apollinaire et Max jacob aux Enfants de la Butte.

Van Dongen, Fernande, Picasso, Apollinaire et Max jacob aux Enfants de la Butte.

Voilà une des lithos les plus intéressantes de Van Dongen qui en réalité pense à son Montmartre plus qu'à celui dont parle Dorgelès avec ses trop personnelles histoires. Il se représente de dos, devant le couple mythique que formaient Picasso et Fernande Olivier. Sur le trottoir passent deux autres personnages éminents de cette époque : Apollinaire et Max Jacob... La plus belle figure est celle de Fernande Olivier que Van Dongen respectait plus que ne le faisait Picasso. Dorgelès l'évoque : "sa radieuse compagne aux longs yeux d'odalisque".

La vache enragée terreur de Montmartre

La vache enragée terreur de Montmartre

Pas de Montmartre sans vache enragée! Le fameux défilé carnavalesque organisé par les artistes défraya la chronique.

                                                  La vache enragée (Lautrec)

La vache n'eut pas de veaux et le défilé n'eut que deux éditions mais il marqua les esprits et la fameuse vache devint à l'instar du chat noir, une des icônes de la Butte.

Picasso dans son atelier

Picasso dans son atelier

Hommage à celui qui régnait, capitaine du Bateau-Lavoir, sur la bande qui l'entourait et l'admirait...

 

Max Jacob

Max Jacob

Max Jacob invité par Manolo

Max Jacob invité par Manolo

Deux lithos représentent Max Jacob, le plus aimé, le plus doux des poètes et des amis. Van Dongen l'a bien connu et Dorgelès parle de lui longuement dans son livre.

"Serein, lumineux, nimbé d'or, le voilà le Patron des bohèmes! Max Jacob, Max de la Butte, Max le visionnaire, Max du Sacré-Cœur (...) un tendre sourire aux lèvres et des étoiles au fond des yeux."

Dorgelès va jusqu'à imaginer qu'un jour l'église fera de lui "le bienheureux Max de Drancy!"

Il se trompait! L'amour trop sensuel de Max Jacob pour le Christ avait de quoi rebuter les croyants vertueux (!). Il écrit en effet, s'adressant au Christ décloué de sa croix : "J'aime sentir ton corps dans mes bras. ton ventre dur lui aussi. Dieu jeune homme plus que charmant, plus que séduisant, plus que génial (...) Corps de mon cœur, cœur de mon corps, reviens que je t'aime encore."

Van Dongen et Dorgelès au marché rue des Abbesses

Van Dongen et Dorgelès au marché rue des Abbesses

(...)"Van Dongen m'a représenté près de lui au marché ambulant de la rue des Abbesses."

Ici le peintre illustre un moment d'amitié avec Dorgelès, au temps de leur jeunesse et de leurs balades dans le quartier. Grande liberté du peintre dans le choix de ses lithos et je me demande parfois s'il a vraiment lu le bouquin de son ami ou s'il a préféré simplement évoquer le Montmartre de ses propres souvenirs.

Vlaminck et Derain à Chatou

Vlaminck et Derain à Chatou

Allusion à des peintres dont Dorgelès parle à peine mais qui étaient proches de Van Dongen et du fauvisme.

Chanteurs de rues. Le rêve à bon marché.

Chanteurs de rues. Le rêve à bon marché.

Les chanteurs des rues comme Montmartre les accueillait et comme il les accueille toujours.

 

Utrillo... Litrillo... Deux êtres luttaient en lui

Utrillo... Litrillo... Deux êtres luttaient en lui

     Utrillo est appelé ironiquement "Litrillo" par Dorgelès qui parle de lui comme d'un possédé de l'alcool. Il évoque le temps où pour le prix d'un repas il aurait pu acheter ses toiles, mais il avait préféré inviter une belle à dîner et sans doute prolonger un peu plus la soirée.

Modigliani peintre maudit de Montparnasse

Modigliani peintre maudit de Montparnasse

Dorgelès écrit de nombreuses pages sur le quartier latin et sur celui de Montparnasse. Il a vu comment peu à peu Montmartre s'embourgeoisait et cessait d'attirer les peintres.

                                                  Modigliani et Picasso

Modigliani qui habite rue Caulaincourt où il est ami de la bande à Picasso, notamment de Van Dongen et d'Utrillo, doit quitter Montmartre quand les promoteurs détruisent les vieux quartiers populaires du maquis.

Le moulin de la Galette avant 1914

Le moulin de la Galette avant 1914

Evidemment le fameux Moulin de la Galette est évoqué. Celui, le vrai, qui était alors remonté à l'angle des rues Lepic et Girardon et celui, rue Lepic, devenu jumeau par le nom alors qu'il s'appelle en réalité le Blute fin 

André Salmon et Mac Orlan rue St-Vincent

André Salmon et Mac Orlan rue St-Vincent

       Salmon et Mac Orlan faisaient partie de la même bande d'amis qui fréquentaient le Lapin agile. Salmon habite un temps au Bateau Lavoir et publie son premier recueil avant Max Jacob et Apollinaire. Si l'on veut connaître le Montmartre de la bohème, le livre de Salmon "La négresse du Sacré-Cœur" nous apportera plus d'informations que celui de Dorgelès écrit après la guerre. 

Le Bateau-Lavoir

Le Bateau-Lavoir

Le mythique Bateau Lavoir fait partie des illustrations. Seule sa façade est représentée et non les couloirs et les coursives misérables où furent peintes quelques-unes des toiles les plus célèbres du monde!

 

Poulbot l'ami des gosses

Poulbot l'ami des gosses

Poulbot ne pouvait manquer à l'appel., "le grand Francisque Poulbot, patron des gosses".

 

Les couples du haut de la Butte, comme dans Louise

Les couples du haut de la Butte, comme dans Louise

 "Comme dans Louise", allusion à l'opéra de Gustave Charpentier qui connut un immense succès populaire.

Le compositeur qui habitait sur le boulevard de Rochechouart s'inspirait du petit peuple de son quartier : Louise une jeune couturière et Julien un peintre bohème qui se donnaient rendez-vous sur les hauteurs de la Butte.

Un coin fameux de la Butte, l'impasse Girardon.

Un coin fameux de la Butte, l'impasse Girardon.

La dernière litho de Van Dongen n'est pas la plus originale.

Elle représente l'impasse Girardon où Gen Paul avait son atelier.

     Les lithos de Van Dongen ne sont sans doute pas le meilleur de son œuvre. elles témoignent avant tout de son amitié pour Roland Dorgelès, une amitié nouée pendant les années de bohème et toujours vivace après la 2ème guerre, alors que l'écrivain est devenu célèbre depuis ses "Croix de bois" et le peintre avec ses toiles vendues dans les plus prestigieuses galeries.

La vache enragée fait désormais partie de leur passé et appartient au folklore du Montmartre de leur jeunesse, du beau temps de la Butte.

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Publié le par chriswac
Publié dans : #MONTMARTRE Peintres.Artistes.Clébrités
Etude pour les Demoiselles d'Avignon (modèle Fernande Olivier)

Etude pour les Demoiselles d'Avignon (modèle Fernande Olivier)

        L'exposition du musée de Montmartre (14 octobre 1922-19 février 2023) rend enfin justice à cette femme hors du commun que fut Fernande Olivier, figure importante du Montmartre à son apogée de créativité et de misère.

                                            

     La misère, elle connaît... Celle dont sont victimes les femmes. Elle naît en 1881 d'une mère abusée par un homme qui ne reconnaît pas son enfant.

Elle s'appelle Amélie Lang et lorsqu'elle est adolescente, elle est violée par un homme qui, après la naissance d'un garçon, l'épouse et continue de la maltraiter et de la violenter. Elle trouve la force de réagir et de s'enfuir de l'enfer. Elle a 19 ans.

Exposition au musée de Montmartre. Fernande Olivier et Picasso dans l'intimité du Bateau-Lavoir.

    Elle trouve refuge au Bateau-Lavoir et réussit à survivre en posant pour des peintres alors renommés comme Henner ou Cormon jusqu'au jour de 1904 où elle rencontre Picasso. Un article de ce blog raconte son existence tumultueuse avec le peintre génial et peu respectueux des femmes.

                         Picasso boulevard de Clichy après avoir quitté le Bateau-Lavoir

"Je rencontrai Picasso comme je rentrais chez moi un soir d'orage. Il tenait entre ses bras un tout jeune chat qu'il m'offrit en riant tout en m'empêchant de passer. Je ris comme lui"

    Elle s'installe chez lui en 1905 pour une liaison qui va durer jusqu'en 1911 et qui est d'une extraordinaire fécondité pour le peintre qui va passer de sa période rose au cubisme.

L'exposition présente quelques œuvres de cette période, à commencer par l'eau forte "le repas frugal" dont Fernande écrit : "De ce couple famélique se dégage une intense expression de misère et d'alcoolisme d'un réalisme effrayant." 

                                         Portrait de Fernande Olivier (1906)

Picasso prend Fernande pour modèle et ne se lasse de la représenter. "Quand je me réveille, je le trouve à la tête du divan. Il fait constamment des portraits de moi."

                                           Tête de Fernande de profil (1906)

Il réalise des sculptures avec Fernande pour modèle comme dans cette "Femme se coiffant".

Ce geste féminin qui rassemble les cheveux afin d'en faire un chignon, inspiré de Gauguin, deviendra un thème fréquent chez Picasso.

                                             Tête de femme (Fernande) 1906

Tête de femme (Fernande Olivier) 1909

Tête de femme (Fernande Olivier) 1909

    Les différentes sculptures permettent de constater l'évolution de Picasso vers le cubisme. Dans la dernière, inutile de chercher une ressemblance avec le modèle qui est devenu prétexte à expérimentation artistique et se fragmente comme on le voit dans la toile "Femme assise dans un fauteuil" de 1910 où la mutation de Fernande s'achève.

 

    Cette toile qui décompose Fernande et la recrée en une autre créature où elle n'est plus elle est comme symbolique de sa liaison avec Picasso. Notons que peu d'œuvres où elle figure sont exposées, sans doute trop couteuses à assurer pour le musée.  C'est là la limite de cette exposition qui, il est vrai, a prévu la critique en complétant son titre "dans l'intimité du Bateau-Lavoir".

                                                   Fernande Olivier (1907)

    Nous trouvons donc, formant l'essentiel de l'expo, des photos et quelques toiles des peintres qui fréquentèrent le fameux Bateau. Van Dongen, y habita et il y réalisa quelques- uns des plus beaux portraits de Fernande. 

                                        Portrait de Fernande Olivier (1907)

Il pense encor à Fernande Olivier lorsqu'il illustre le livre de Dorgelès "Au beau temps de la Butte"

Van Dongen (de dos) Fernande et Picasso, Apollinaire et Max Jacob aux "Enfants de la Butte" rue des Trois Frères.

                                  Fernande Olivier et Dolly, la fille de Van Dongen

                           Portrait de Fernande Olivier (commencé en 1904)

     Nous rencontrons également Joaquim Sunyer qui fut sans doute amant de Fernande avant qu'elle ne rencontre Picasso et son chaton.

"Il a commencé un portrait de moi qui me semble réussi mais c'est une peinture qui manque de personnalité."

            

Une autre toile de Sunyer est exposée. Elle représente la rue Lepic et a un côté fantastique avec l'ombre du cheval sur les immeubles.

                                                     Le verre (Braque 1911)

    Fernande Olivier assiste à la naissance du cubisme sur lequel son jugement est honnête et modeste :  "Je ne veux pas faire l'apologie du cubisme que je ne puis ni expliquer, ni admirer. Simplement il m'intéresse et m'est sympathique surtout parce que je l'ai vu naître et que j'en ai suivi la lente élaboration"

                                              Pierrot à la guitare (Juan Gris 1919)

Elle rencontre Braque bien sûr et Juan Gris qu'elle juge sans ménagement : "Gris sans grands dons mais malin".

                                             Autoportrait (Marie Laurencin 1909)

Parmi les autres amis de "la bande à Picasso" figurent bien sûr Apollinaire et Marie Laurencin.

                                    Portrait de Max jacob (Marie Laurencin 1908)

Au sujet de Max jacob, Fernande écrit : "Une séduction extrême, personnelle, toute spirituelle, se dégageait de sa personne."

Il y eut, en 1908, organisé par Fernande le fameux banquet en l'honneur du Douanier Rousseau admiré de Picasso et dont "l'Enfant à la poupée" figure dans l'exposition.

   

                                        Fernande Olivier devant le Lapin  Agile

 

       En 1911, le couple bat de l'aile depuis plusieurs mois, notamment depuis le départ du Bateau-Lavoir pour un appartement et un atelier boulevard de Clichy, symbole de "l'embourgeoisement" du peintre qui dit alors de celle qui l'a aidé dans ses années difficiles et qui l'a aimé : "Elle est belle mais elle est vieille"! Il s'éprend d'Eva Gouel tandis que Fernande négligée depuis trop longtemps tombe amoureuse du peintre italien Ubaldo Opi.

                                                      Eva Gouel -Ubaldo Opi

1912 est l'année de la rupture définitive. Ici cesse l'histoire d'un couple formé d'une femme douée et amoureuse et d'un peintre génial et dominateur. Pendant ces années communes, il exigea qu'elle abandonnât toute création artistique et cessât de peindre, il profita de son dévouement et de sa disponibilité avant de la congédier pour plus jeune et plus belle. 

 

Fernande Olivier en répétition d'un récital de poésie au Lapin Agile.

Fernande Olivier en répétition d'un récital de poésie au Lapin Agile.

Fernande Olivier après quelques petits boulots, après une liaison passagère avec l'acteur Roger Karl, choisit de vivre seule. Elle publie en 1933  un livre "Picasso et ses amis" dont l'exposition cite de nombreux extraits.

                                    Autoportrait par Fernande Olivier (1935)

     Plus tard, elle décide d'écrire son journal mais Picasso, une nouvelle fois, va décider de sa vie en achetant son silence et versant chaque année un million des francs d'alors pour l'empêcher de le publier. On peut le comprendre tant sonne juste et aigüe son analyse des années où elle ne fut pour les peintres et les écrivains qui fréquentaient le grand artiste que "la belle Fernande". "Ce qui, écrit-elle dans ses souvenirs, m'a donné la mesure de leur appréciation. Je n'avais donc représenté pour eux qu'une valeur toute physique. Au fait qu'auraient-ils pu savoir de moi?"

Les trois Vierges. Tableau peint par Fernande Olivier vers 1935

Les trois Vierges. Tableau peint par Fernande Olivier vers 1935

Elle meurt en 1966, Picasso en 1973 et ce n'est que quinze ans plus tard que le livre est publié sous le titre "Souvenirs intimes". 

                                                  Fernande Olivier (Picasso)

 Etrange destinée que celle de Fernande Olivier aujourd'hui célèbre grâce aux nombreuses œuvres d'importance que son amant lui consacra et qui en retour nous livra de précieuses informations sur lui, les peintres et artistes qui vivaient autour de lui. C'est elle aussi que l'on apprend à connaître, humble et réaliste, le regard parfois sans concession, mais toujours éclairé par les braises du feu que nourrit son amour au temps où le Bateau-Lavoir était un bateau ivre.

Exposition au musée de Montmartre. Fernande Olivier et Picasso dans l'intimité du Bateau-Lavoir.Exposition au musée de Montmartre. Fernande Olivier et Picasso dans l'intimité du Bateau-Lavoir.

"Compagne fidèle des années de misère, je n'ai point su être celle des prospères. C'est à cette époque que je me suis trouvée heureuse. C'est là aussi, hélas! que j'ai laissé une partie de ma jeunesse et toutes mes illusions."

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Publié le par chriswac
Publié dans : #MONTMARTRE Peintres.Artistes.Clébrités
Femme à la mantille (Fernande Olivier) Picasso

Femme à la mantille (Fernande Olivier) Picasso

Je republie cet article de 2018 à l'occasion de l'exposition du musée de Montmartre "Fernande Olivier et Pablo Picasso, dans l'intimité du Bateau-Lavoir" (14 oct 2022 au 19 février 2023)

 

    Fernande Olivier a aimé Picasso, elle a été aimée de lui... Leur amour qui dura cinq ans fait partie de l'histoire de l'art et de la légende de  la Butte


    

Fernande Olivier

Fernande Olivier

  Elle est née Amélie Lang (un prénom prédestiné pour Montmartre) le 6 juin 1881.  Fillette mal aimée par ses parents, elle est confiée à sa tante et son oncle qui forment un couple déséquilibré où pour une fois c'est la femme qui fait la loi.

Fernande Olivier et une fillette

Fernande Olivier et une fillette

     Bien qu'Amélie soit attentionnée et douée pour les études, elle ne reçoit pas de tendresse de sa tante sévère et rigide. Au contraire elle en a peur et tente de se rapprocher de son oncle, brave homme, ému par elle mais dirigé d'une main maîtresse par sa femme qui lui interdit de s'occuper de la petite.

Place Emile Goudeau. Le Bateau Lavoir.

Place Emile Goudeau. Le Bateau Lavoir.

Fernande Olivier et Picasso à Montmartre.

     Dès qu'elle le peut, elle s'enfuit du domicile familial.

     A la recherche d'une figure masculine protectrice, elle épouse un homme égoïste et violent. Elle s'enfuit de nouveau et rencontre un jeune sculpteur Laurent Debienne qui habite dans une vieille bâtisse où des artistes fauchés tentent de survivre et de créer : Le Bateau Lavoir.

Le Bateau Lavoir

Le Bateau Lavoir

Fernande Olivier et Picasso à Montmartre.

     Elle va vivre avec lui dans ce bateau amarré au cœur du Montmartre pauvre et artiste.

Elle a en 1900, abandonné son nom, comme une mue. Elle a choisi de s'appeler Fernande Olivier. Le prénom paraît bien démodé aujourd'hui malgré les vertus aphrodisiaques que Brassens lui prête!...

 

     Son amant comme la plupart des artistes qui vivent à Montmartre, gagne peu d'argent et c'est Fernande qui rapporte de quoi manger et se chauffer. Elle pose pour des peintres célèbres qui apprécient son académie! Elle est grande et sensuelle, d'une beauté sans vulgarité, presque distante.

Fernande Olivier (Joaquim Sunyer)

Fernande Olivier (Joaquim Sunyer)

     On compte parmi ceux qui ont utilisé ses services : Henner, Carolus Duran, Cormon, Boldini, Othon Friesz.... et un Catalan, Joaquim Sunyer...

Mais le loup est dans la bergerie!

Il s'agit d'un jeune peintre espagnol venu à Paris en 1900 et qui depuis 1904 loue son logis-atelier dans le même Bateau Lavoir de la place Emile Goudeau : Pablo Picasso

Fernande Olivier et Picasso à Montmartre.
Fernande Olivier et Picasso à Montmartre.

                                  Il a connu des années difficiles pendant lesquelles il a créé un monde mélancolique guetté par la misère et la mort. C'est le suicide de son ami, le peintre catalan Casagemas (avec qui il partagea en 1900 le petit atelier du 49 rue Gabrielle) qui le marque  profondément et colore sa "période bleue", une des plus inspirées et des plus fortes.

 

49 rue Gabrielle. Atelierde Picasso et Casagemasen 1900.

49 rue Gabrielle. Atelierde Picasso et Casagemasen 1900.

         Le jeune homme remarque sa belle voisine qu'il regarde amoureusement chaque fois qu'il la croise.

Fernande Olivier écrit dans ses Souvenirs :  Il y a dans la maison un peintre espagnol qui me regarde avec de grands yeux lourds, aigus et pensifs à la fois, plein d'un feu contenu et si intensément que je ne puis m'empêcher de le regarder moi aussi.

Fernande Olivier et Picasso à Montmartre.

       Il faudra de la patience à Picasso pour séduire la belle.

Un soir pluvieux, il ramasse un chaton abandonné, comme il y en a tant, sur le trottoir du Moulin de la Galette. Il guette le retour de sa voisine et quand il la voit, le lui offre.

Beaucoup de femmes ne résistent pas à un tel cadeau...

Fernande Olivier et Picasso à Montmartre.

      Une relation prend naissance, d'abord intermittente avant de s'officialiser. Fernande qui recherche toujours l'amour idéal croit un instant l'avoir trouvé.

Tout semble beau, bon. Je dois peut-être à l'opium de m'avoir fait comprendre le sens véritable du mot "amour". Je découvris que je comprenais enfin Pablo, je le "sentais" mieux. Il me semblait que c'était lui que j'avais toujours attendu.

Des décennies plus tard, elle confessera que cet amour-là a été le plus beau de sa vie

En partant de la droite ; Picasso - Fernande Olivier.

En partant de la droite ; Picasso - Fernande Olivier.

       Elle a décrit le misérable logis qu'elle partage avec son amant, le bric à brac de pauvres meubles et de toiles, la souris blanche que Picasso élève et à qui il a confectionné un nid dans un tiroir.

C'est la vie de Bohême avec ce jeune Pablo qui n'est pas encore Picasso!

 

Fernande à la mantille blanche (1906)

Fernande à la mantille blanche (1906)

.. Mais qui est déjà un pur macho!

Très vite, il prend possession de son amante à qui il interdit de poser pour les autres.

 

Femme endormie (Fernande) 1904. Picasso.

Femme endormie (Fernande) 1904. Picasso.

      Il refuse malgré ses demandes répétées de lui donner des conseils pour le dessin et la peinture qui pourtant l'intéressent et pour lesquels elle montre une certaine disposition.

Certains soirs, si l'on en croit les "souvenirs" qu'elle écrira en les sous titrant "écrits pour Picasso", il l'enferme dans l'atelier.

Fernande Olivier et Picasso.

Fernande Olivier et Picasso.

       Cette liaison avec une femme aimante, belle et intelligente, a un effet bénéfique sur Picasso qui entre dans sa période rose.

Il la prend souvent pour modèle. Dessins, tableaux, esquisses la représentent qui de nos jours font connaître son nom dans les plus grands musées.

Femme se peignant (Fernande) 1906.

Femme se peignant (Fernande) 1906.

Bien que Fernande ne dise rien d'un événement qui la blessa, force est de mentionner ici la fausse couche qu'elle subit alors qu'elle rêvait d'avoir un enfant d'un homme aimé.

                                      Tête de Fernande de profil (1906)

A la suite de ce traumatisme, le couple décida d'adopter une jeune fille recueillie à l'orphelinat.

Femme nue au pichet (Fernande) 1906. Picasso.

Femme nue au pichet (Fernande) 1906. Picasso.

C'est ce que relate Dan Franck dans son livre "Bohêmes". Certaines sources difficiles à vérifier, prétendent que Fernande fut terriblement jalouse en découvrant des dessins de leur fille adoptive nue, réalisés par Picasso. Elle exigea que l'enfant fût ramenée à l'orphelinat.

Notons qu'il n'y a pas un mot de cette histoire dans les Souvenirs de Fernande Olivier. Peut-être en souffrit-elle trop pour être capable de l'évoquer?

 

La toilette (1906) A gauche, Fernande Olivier.

La toilette (1906) A gauche, Fernande Olivier.

      En 1905, Picasso se lie d'amitié avec Apollinaire. Ce sera une relation unique entre le plus grand poète français de ce début du XXème siècle et le plus grand peintre! Bien que Picasso juge son ami peu connaisseur mais intuitif :

Il ne connaissait rien à la peinture. Pourtant il aimait la vraie.

Apollinaire entouré de Picasso et Fernande Olivier (à droite) et Marie Laurencin (à gauche) peinture de Marie Laurencin.

Apollinaire entouré de Picasso et Fernande Olivier (à droite) et Marie Laurencin (à gauche) peinture de Marie Laurencin.

Apollinaire et Picasso se rencontrent souvent et Marie Laurencin les représente dans ses tableaux où l'on reconnaît Fernande Olivier

Apollinaire et ses amis (1909) A gauche : Gertrude Stein, Fernbande Olivier, une muse,la chienne Fricka. Au centre Apollinaire et à droite, Picasso, Marguerite Gillot, Maurice Gremnitz et Marie Laurencin.  Tableau de Marie Laurencin.

Apollinaire et ses amis (1909) A gauche : Gertrude Stein, Fernbande Olivier, une muse,la chienne Fricka. Au centre Apollinaire et à droite, Picasso, Marguerite Gillot, Maurice Gremnitz et Marie Laurencin. Tableau de Marie Laurencin.

Le Lapin Agile. utrillo.

Le Lapin Agile. utrillo.

Souvent, les soirées se passent au Lapin Agile, le cabaret de Frédé où se rencontrent les "truands" décrit par Fernande Olivier :

La vieille salle presque sordide offrait ses murs couverts d'affiches, de toiles d'Utrillo, de Picasso, de dessins de Suzanne Valadon, de Poulbot et d'autres dont j'ai perdu le souvenir...

Fernande Olivier et Picasso à Montmartre.
Fernande Olivier et Picasso.

Fernande Olivier et Picasso.

Ce sont les belles années, heureuses, malgré la pauvreté, malgré les exigences du peintre qui après sa période rose, se lance avec Braque dans l'aventure du cubisme.

Repos (Fernande)  1908 Picasso

Repos (Fernande) 1908 Picasso

Il prend pour modèle Fernande qui pour beaucoup restera cette figure à la fois déconstruite et concentrée des portraits cubistes de cette époque. 

Tête de femme (Fernande) 1909. Picasso

Tête de femme (Fernande) 1909. Picasso

Une des femmes du tableau qui marque une date dans l'histoire de la peinture, "les Demoiselles d'Avignon" n'est autre que Fernande Olivier.

On connaît l'importance de cette toile qui donne au peintre un statut nouveau. Peu de gens savent alors que ces demoiselles sont les prostituées d'un bordel célèbre situé rue d'Avignon à Barcelone.

Fernande Olivier et Picasso à Montmartre.
11 boulevard de Clichy. Atelier de Picasso.

11 boulevard de Clichy. Atelier de Picasso.

En 1909, la situation financière de Picasso lui permet de louer un grand appartement, 11 boulevard de Clichy, avec un atelier.

Il "s'embourgeoise" écrit Fernande Olivier!

Boulevard de Clichy. Picasso à gauche avec Torrès Fuentès et le marchand Manach.

Boulevard de Clichy. Picasso à gauche avec Torrès Fuentès et le marchand Manach.

Et de fait, Picasso prend goût à sa nouvelle vie.

Il ne fréquente plus le Lapin Agile, il préfère le Café de l'Ermitage sur le boulevard où il retrouve Braque, Gris, Apollinaire Max Jacob, Léger... 

7 et 9 boulevard de Clichy, emplacement du Café de l'Ermitage.

7 et 9 boulevard de Clichy, emplacement du Café de l'Ermitage.

Eva Gouel

Eva Gouel

C'est là qu'il fait la connaissance de Marcelle Humbert qui se fait appeler Eva Gouel.

Le petit atelier qu'il continue de louer au Bateau lavoir pour y entreposer ses grandes toiles lui est alors utile pour cacher à Fernande sa nouvelle liaison.

Fernande feint de l'ignorer mais elle connaît son Pablo et comprend qu'il lui échappe.

Une fois de plus, elle échoue dans son rêve d'amour idéal.

Elle écrira :

Un seul être m'a aimée, que j'ai fini par aimer au plus profond de moi-même, ce qui ne m'a pas empêchée plus tard, car je fus souvent cruelle avec lui, de le quitter brutalement, en me déchirant moi-même, le jour où je constatais qu'il m'aimait moins.

Elle réagit malgré sa peine et prend pour nouveau compagnon un peintre italien qu'elle a connu en même temps que Modigliani lorsqu'il vivait à Montmartre, Ubaldo Oppi.

Après Eva Gouel, Picasso aimera d'autres femmes.

Il se souciera peu de celle qui arriva dans sa vie au moment où il avait le plus besoin de tendresse et d'amour.

Celle dont il a dit dans les derniers temps de leur liaison : Elle est belle mais elle est vieille. (Elle avait 30 ans!)

Fernande Olivier (Van Dongen)

Fernande Olivier (Van Dongen)

La "vieille" de son côté connaîtra d'autres homme en conservant au plus profond d'elle son rêve de bonheur conjugal. 

Elle partagera notamment quelques années avec Roger Karl, tragédien, partenaire de Sarah Bernhardt.

 

Bronze (Fernande Olivier) Picasso

Bronze (Fernande Olivier) Picasso

Elle vieillit dans la solitude et peu à peu perd le peu d'argent qu'elle avait pu mettre de côté.

Elle survit, à la limite du dénuement total.

Braque s'en émeut et prévient Picasso devenu richissime qui lui vient en aide à la fin des années 50.

Les témoignages de ceux, comme Braque, qui l'ont connue alors, témoignent de sa gentillesse, du manque total de récriminations ou de reproches. Elle gardait à 70 ans, son humeur joyeuse et son goût de vivre.

Fernande Olivier et Picasso à Montmartre.

 

Elle meurt le 29 janvier 1966.

Elle laisse deux livres de souvenirs, témoignages précieux de la vie artistique et bohême d'avant la guerre de 1914.

Témoignages surtout d'un amour généreux et passionné pour le jeune et génial Pablo avant qu'il ne se transforme en Picasso et change de monde, loin du Montmartre des artistes fauchés, loin du Bateau Lavoir, de la souris blanche dans son tiroir et du petit chat crotté de la rue Lepic.

 

Fernande Olivier et Picasso à Montmartre.

Liens

Montmartre, peintres et oeuvres

Montmartre, personnages et célébrités

 

Pour connaître le Paris de Picasso, un livre s'impose : Paris § Picasso, balades sur les pas de l'artiste par Guillaume robin (Editions Hugo Images)

Fernande Olivier et Braque (?)

Fernande Olivier et Braque (?)

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OJAN. Escalier Montmartre. Décor vendanges 2020.
OJAN. Escalier Montmartre. Décor vendanges 2020.

L'escalier Foyatier avec ses 222 marches fait partie du Montmartre le plus connu et le plus pittoresque. Il va de la station du funiculaire au Sacré-Cœur.

OJAN. Escalier Montmartre. Décor vendanges 2020.

Pour la fête des vendanges d'octobre, il a été peint par Ojan, peintre connu pour ses fresques urbaines spectaculaires. Le thème proposé par la mairie est celui de l'égalité. Précieuse égalité qu'encadrent la liberté et la fraternité.

OJAN. Escalier Montmartre. Décor vendanges 2020.

Ojan n'a pas essayé d'être démonstratif ou pédagogue, il a coloré les marches d'un arc en ciel de silhouettes, toutes distinctes et cependant différentes. 

OJAN. Escalier Montmartre. Décor vendanges 2020.

Chaque volée de marches se teinte de couleurs franches, comme autant de pays, autant d'univers, autant de rêves qui ne forment qu'un seul escalier, je serais tenté de dire une seule échelle qui va de la terre jusqu'au ciel.

OJAN. Escalier Montmartre. Décor vendanges 2020.

En bas, le symbole des vendanges montmartroises, trois bouteilles qui dessinent la silhouette de la basilique. Hommage à Rabelais et sa "dive bouteille"!

OJAN. Escalier Montmartre. Décor vendanges 2020.
OJAN. Escalier Montmartre. Décor vendanges 2020.

La 2ème volée : une guirlande découpée dans du papier déroule une farandole de vivants colorés de leur différence qui ne rompt pas la chaîne. "Si tous les gens du monde voulaient s'donner la main..." ils formeraient ce tapis de couleurs, ce chant de fleurs.

OJAN. Escalier Montmartre. Décor vendanges 2020.
OJAN. Escalier Montmartre. Décor vendanges 2020.

La 3ème volée : Le soleil rayonne dans un ciel qui évoque l'Inde. Le soleil est souvent présent dans les réalisations d'Ojan. Il est l'emblème de ceux qui aiment la vie.

                         Fresque d'Ojan pour le Grand Palais éphémère, 2020

OJAN. Escalier Montmartre. Décor vendanges 2020.

La 4ème volée : de nouveau ce ciel indien mais les rayons sont devenus des étoiles que représentent les petits personnages.

OJAN. Escalier Montmartre. Décor vendanges 2020.
OJAN. Escalier Montmartre. Décor vendanges 2020.

La 5ème volée : une des plus belles. L'astre est toujours présent mais comme une lune dans la nuit verte. Les hommes sont faits d'ombre bleue comme des algues dans l'océan.

OJAN. Escalier Montmartre. Décor vendanges 2020.
OJAN. Escalier Montmartre. Décor vendanges 2020.

La 6ème volée : De nouveau le soleil triomphant. Couleurs franches, comme un drapeau.  Hommage à l'Ukraine.

OJAN. Escalier Montmartre. Décor vendanges 2020.

7ème volée : le plus sombre. Astre et nuages n'éclairent pas le ciel gris anthracite. Nulle silhouette n'habite le paysage....

OJAN. Escalier Montmartre. Décor vendanges 2020.

8ème volée : le ciel redevient bleu, les nuages redeviennent "les merveilleux nuages. Si les humains y sont encore absents c'est qu'ils nous attendent tous dans la dernière volée, nombreux, divers, égaux, fraternels sous le soleil rouge comme la vie.

 

Le peintre n'a pas résisté à la tentation d'écrire son nom, au sommet, dans le soleil, un nom qui apparaissait déjà sur la première contremarche de chaque volée.

 

Une occasion rêvée de se faire mieux connaître en ce lieu où se pressent des gens du monde entier. Des gens comme les personnages de cette immense peinture joyeuse et généreuse que nous aimerions ne jamais voir disparaître!

OJAN. Escalier Montmartre. Décor vendanges 2020.

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Louise Michel. De l'arrestation à la Nouvelle Calédonie. Le voyage.

En septembre j'ai retrouvé Louise Michel à Rochefort où le musée de la Vieille Paroisse présente une expo sur le bagne et les insurgés de la Commune. 

                                            Musée de la Vieille Paroisse

Musée de la Vieille Paroisse

Musée de la Vieille Paroisse

Comme beaucoup je voue une admiration sans limite à celle que Victor Hugo appelait sa chère fille et qui est toujours vivante à Montmartre où le square qui porte son nom escalade la Butte à deux pas de chez moi.

                                                Le square Louise Michel

Rappelons qu'elle est arrêtée après son dernier combat sur la barricade de la Chaussée de Clignancourt à la fin de la Semaine Sanglante. Le 16 décembre 1871, elle est mise en jugement par le 6ème Conseil de guerre de Versailles. Elle refuse d'être défendue : "Si vous me laissez vivre, je ne cesserai de crier vengeance".

                                           Le conseil de guerre à Versailles

Elle est condamnée à l'unanimité à la déportation et transférée à la prison d'Auberive, ancienne abbaye où sont regroupées les femmes. Elle y retrouve Nathalie Le Mel, figure majeure de la Commune.

                                         Cloître de l'abbaye d'Auberive

20 mois plus tard, elle est transférée en voiture cellulaire à La Rochelle.

Elle fait partie d'un double convoi de 24 femmes qui arriveront à la maison d'arrêt de La Rochelle, rue du Palais, les 6 et 7 août, après plus de 17 heures de voyage.

 

Dans la maison d'arrêt, rue du Palais, elle reste pendant deux jours. Sur les 24 femmes convoyées, 20 sont jugées aptes au long voyage pour la Nouvelle Calédonie. 13 sont condamnée à la déportation simple, 7 dont Louise Michel à la déportation en enceinte fortifiée.

Louise Michel. De l'arrestation à la Nouvelle Calédonie. Le voyage.

La quasi-totalité de ces femmes viennent de Paris où elles exerçaient de petits métiers, blanchisseuses, lingères, relieuses, coiffeuses et, pour Louise Michel, institutrice. Six sont célibataires et l'une d'elles, Lucie Boisselin, épouse Leblanc, âgée de 29 ans est incarcérée avec son garçon de 6 ans et sa fille de 6 mois née en prison. Son mari Auguste Leblanc fait partie du voyage.

Louise Michel. De l'arrestation à la Nouvelle Calédonie. Le voyage.

Les 20 femmes, ainsi que 149 condamnés dont Henri Rochefort embarquent sur la Comète pour atteindre l'île D'Aix où mouille la frégate la Virginie qui doit les emmener jusqu'à Nouméa. Avant de monter à bord, elles reçoivent leur tenue pénale : une longue robe de bure et un fichu de coton.

Louise Michel. De l'arrestation à la Nouvelle Calédonie. Le voyage.

La Virginie est un bâtiment de 52,8 m de long et 13,4 de large. Elle a été construite à Rochefort en 1827 et baptisée "Niobé". Elle change de nom en 1839 pour devenir la Virginie. Elle participe à la guerre de Crimée en 1854 avant d'être utilisée plus tard pour le transport des condamnés.

La Virginie à Brest

La Virginie à Brest

La frégate appareille le 10 août 1873 sous l'autorité du Commandant Launay. Elle doit parcourir 30 000 km en quatre mois.

Grâce aux souvenirs de Louise Michel, nous pouvons suivre ce long périple. Les conditions de vie sont difficiles. Un espace grillagé est réservé aux femmes qui dorment dans des hamacs.

Louise Michel. De l'arrestation à la Nouvelle Calédonie. Le voyage.

Une heure par jour, par souci d'hygiène, elles montent sur le pont. Il est à noter que le médecin major Perlié est soucieux de la santé des condamnées. Il n'y aura aucun décès pendant la traversée et contrairement à ce qu'il advint pendant d'autres transports, le scorbut est évité. Ce qui n'empêche pas Henri Rochefort d'être malade, pris de vomissements et de diarrhées pendant tout le voyage! 

                                                                Henri Rochefort

    Louise Michel passe plus de temps à s'occuper des autres qu'à penser à elle-même.

      Elle assiste notamment Nathalie Lemel qui souffre du mal de mer.

Une anecdote est révélatrice : le Commandant Launay voyant Louise Michel pieds nus sur le pont transformé en patinoire par la glace décide de lui donner des chaussons. Il sait qu'elle n'acceptera rien venant de lui. Il demande alors à Rochefort de les lui donner en prétendant que sa fille les avait mis dans son paquetage mais qu'ils étaient trop petits pour lui. Louise Michel les accepte. Le 3ème jour ils se retrouvent aux pieds d'une autre déportée qu'elle avait jugée plus faible et plus fatiguée qu'elle.

                                                           Maquette de La Virginie

Elle ne se plaint pas et n'intervient que pour aider les autres et les défendre comme elle le fera bientôt pour les Canaques.

Un autre aspect de sa personnalité et de sa force apparaît dans ses mémoires. Plutôt que de se morfondre et s'enfermer dans la peine et le regret, elle prête attention aux oiseaux de mer, aux rivages aperçus, aux vents et aux vagues. elle s'émerveille, elle dessine.

 

Elle écrit à la date du 16 août : "Le soleil fait mille facettes sur les lames; deux rivières de diamants semblent glisser sur les flancs du navire."

A l'approche du Cap de Bonne Espérance : "La haute mer au Cap fut pour moi un ravissement (...) Nous vîmes la mer polaire au sud où, dans une nuit profonde, la neige tombait sur le pont."

                Panorama de Nouméa

Panorama de Nouméa

Quand le 8 décembre la Virginie arrive en rade de Nouméa, Louise Michel qui n'a cessé d'écrire des poèmes qu'elle veut envoyer à Victor Hugo avec qui elle correspond, écrit : "Je me reprochais vraiment de trouver le voyage si beau."

Déportés débarqués par la Danaé

Déportés débarqués par la Danaé

 les sept condamnées à la déportation en enceinte fortifiée sont débarquées à la presqu'île Ducos où rien n'est préparé pour les recevoir. L'aumônier des déportés réussit à convaincre l'administration de les transférer à Bourail où les conditions sont plus favorables pour des femmes. Louise Michel refuse : "On cherche comme toujours à faire un sort à part aux femmes. si les nôtres sont plus malheureux à la presqu'île Ducos, nous voulons être avec eux."

La presqu'île Ducos

La presqu'île Ducos

    Elle y reste donc, fidèle à elle-même et dans le baraquement réservé aux femmes, elle recueille des animaux blessés ou affamés, chiens, chats, chevreaux. Pour elle la manière de traiter les animaux est liée à la manière dont on conçoit la société : "Plus l'homme est féroce avec la bête, plus il est rampant devant les hommes qui le dominent."

 

   La grande aventure calédonienne de Louise Michel commence.... Elle fait l'apprentissage de la langue, se passionne pour la culture et obtient une baraque pour faire l'école aux Canaques. Jamais désespérée, jamais défaitiste, elle agit comme elle pense, avec son cœur.

      Film "Louise Michel le rebelle" avec Sandrine Testud. (Solweig Anspach)

J'aime cette femme éprise de justice et d'idéal. Elle devrait reposer au Panthéon, dans la ville qu'elle aima et pour qui elle lutta. 

 

La belle exposition de Rochefort m'a donné l'occasion de penser à elle, loin de Montmartre où elle est si présente.  Merci aux organisateurs et à Hervé Porcher auteur d'un numéro de "Roccafortis" dédié à Louise Michel qui m'a fourni de précieux renseignements.

 

Avant de retrouver Louise Michel dans un prochain article sur ses années de bagne, voici quelques mots qu'elle écrivit et qui sont plus d'actualité que jamais :

"Chacun cherche sa route; nous cherchons la nôtre et nous pensons que le jour où le règne de la liberté et de l'égalité sera arrivé, le genre humain sera heureux."

 

                                                         Louise Michel en Nouvelle Calédonie

Liens vers un article consacré à Louise Michel dans ce blog :

Louise Michel à Montmartre

Artistes, personnalités, personnages historiques de Montmartre

 

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Rue Blanche. Deuxième partie. Du 27 à la place Blanche.

     Nous reprenons notre ascension de la rue Blanche où nous nous étions arrêtés au 25, devant l'église protestante allemande.

Où s'élève aujourd'hui le 27 a vécu un peintre oublié, Achille Gratien Gallier (1814-1871).

L'immeuble de 1910 qui a remplacé l'hôtel où vivait Gratien mort en 1871.

    Il fait partie de ces peintres paysagistes très appréciés au milieu du XIXème siècle dont les paysages (surtout italiens) étaient à la mode. Il paraît banal aujourd'hui bien que Corot paraît-il l'eût admiré.

                                               Vue de la campagne romaine

Rue Blanche. Deuxième partie. Du 27 à la place Blanche.

Les 24-28 sont l'adresse des pompiers! Ils accueillent le 1er groupement d'incendie et de secours de la 7ème compagnie.

La partie la plus ancienne a servi d'hôpital à la maison militaire de Louis XVIII puis d'école pour les musiques de la garnison de Paris sous Louis-Philippe avant d'être intégrée à l'ensemble construit entre 1901 et 1907 par l'architecte Louis Sauffroy.

Rue Blanche. Deuxième partie. Du 27 à la place Blanche.

Il s'agit d'ailleurs du dernier ouvrage de Louis Sauffroy (1847-1907). Parmi ses réalisations  les plus spectaculaires, citons le Grand Hôtel de Saint-Lunaire et le Castel Sauffroy qui est aujourd'hui le siège de la mairie..

 

     Le 43 rue Blanche est connu des fans de Berlioz bien qu'il n'y ait jamais vécu.

Il utilisa pour lui-même cette adresse postale mais c'est surtout là qu'en 1844 vint vivre Harriet Smithson alors que son mari après l'avoir quittée s'était installée avec Marie Recio rue de Provence. Harriet y vivra pendant 4 ans avant de déménager au 65 rue Blanche puis rue Saint-Vincent où elle mourra non loin de la maison où elle avait vécu avec Berlioz et où son fils était né. 

Aujourd'hui une même adresse réunit au cimetière de Montmartre, un peu plus haut, Berlioz et les deux femmes de sa vie.

     Toujours au 43 a vécu en 1836 Paul Gavarni, dessinateur, illustrateur qui reste très lié au quartier (il habita rue Fontaine et rue Saint-Lazare).

Il a immortalisé les petits métiers de Paris et a donné l'image la plus connue des lorettes et des grisettes. Le monument de la place Saint-Georges lui rend hommage.

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 Avant la construction du 44, immeuble assez banal, il y avait à cet emplacement un hôtel particulier où vivait Jean-François Boursault dont le nom de comédien était Boursault-Malherbe (nom choisi pour l'admiration qu'il portait au poète).

     Jean-François Boursault (1750-1842) fut un révolutionnaire prudent mais surtout un homme de théâtre passionné.

                                                        Charles-Philippe Ronsin (1751-1794)

    Il fit construire à paris en 1791 près de la rue Quincampoix le théâtre Molière où il monta les pièces révolutionnaires de Ronsin, général de division de la Révolution et auteur dramatique. Ses pièces cessent d'être jouées et le théâtre est fermé le jour où il est guillotiné, accusé à tort de complot militaire. En 1795 (an IV) Boursault reprend la salle qu'il nomme "théâtre des Variétés nationales et étrangères" et y monte des pièces de son auteur favori Shakespeare.

Rue Blanche. Deuxième partie. Du 27 à la place Blanche.

   Ce personnage étonnant était passionné d'horticulture et fit installer des serres sur des terrains alors campagnards qui allaient jusqu'au Pigalle actuel. Il introduisit de nouvelles fleurs en France et fut le créateur de la rose "Boursault" qui existe encore aujourd'hui, contrairement à la Rose de son poète, préféré : "Et Rose elle a vécu ce que vivent les roses, l'espace d'un matin"

   

                                Alberte de Rubempré peinte par Delacroix en Catherine d'Alexandrie

 

       Pour l'anecdote, notons qu'une de ses filles, d'une grande beauté, Alberte Alexandrine, mariée à 17 ans à Marie Emile Cozette de Rubempré, malheureuse dans son couple, fut la maîtresse de Stendhal à qui elle inspira quelques aspects du personnage de Mathilde de la Mole dans "Le Rouge et le Noir". Elle avait fort bon goût puisqu'elle fut également la maîtresse de Mérimée, Delacroix et Rossini!

Rue Blanche. Deuxième partie. Du 27 à la place Blanche.

   Au 45 vécut Pierre Humbert (1848-1919) un des plus importants architectes parisiens qui contribua à la transformation de Paris. On ne compte plus ses réalisations parisiennes, hôtels particuliers, immeubles, notamment dans le XVIème arrondissement. Un Montmartrois ne manquera pas de retenir qu'il fut l'auteur du 58 rue Caulaincourt où vécut Steinlen et qu'il créa l'élégant square de Montmartre (aujourd'hui Kriegel-Valrimont). 

124 av. Victor Hugo (Pierre Humbert)

124 av. Victor Hugo (Pierre Humbert)

    J'ai une sympathie particulière pour le 124 avenue Victor Hugo, élevé à l'emplacement d'un hôtel où vécut l'écrivain représenté au-dessus de l'entrée.

Le 47

Le 47

    Au 47 (à son emplacement plus exactement) a vécu Manuel Francisco de Barros e Sousa  (1791-1856),homme politique portugais qui fut ministre d'Etat et ministre des Affaires étrangères.

Jugé trop modéré il s'exila à Paris où il se consacra aux études historiques qu'il aimait. Il fut à l'origine du terme de "cartographie".

                                                 Carte de l'Atlas de Barros e Sousa 

Le 49 a perdu la mémoire. Il s'est transformé en un passage qui conduit à une résidence Alzheimer! "Les parentèles de la rue Blanche".

Rue Blanche. Deuxième partie. Du 27 à la place Blanche.

   Les notes de piano qui s'y élevaient ont disparu elles aussi. C'est pourtant un des plus grands pianistes français qui y vécut : Louis Diémer (1849_1919). Il se produisit dans de nombreux pays et il redécouvrit le répertoire du clavecin.

Rue Blanche. Deuxième partie. Du 27 à la place Blanche.

    Il eut pour élèves au Conservatoire, à la fin du XIXème siècle, entre autres, Robert Casadesus, Alfred Cortot, Georges Enesco, Marcel Dupré.

Il fut aussi compositeur apprécié. Il repose aujourd'hui au cimetière de Montmartre où son buste semble humer le ciel et entendre venues des nuages, des notes légères de clavecin. 

51

51

    Le 51 est un immeuble protégé, typique de l'architecture de la Restauration avec sa cour en U et son portail fermé orné de vasques. 

    Le 54 est plus récent, construit dans la deuxième moitié du XIXème et adresse aujourd'hui d'un restaurant.

 

     Il y eut à cet endroit une institution-pension pour jeunes-filles dont l'une des directrices fut Euphémie Vauthier, autrice, journaliste, enseignante qui marque une date dans l'histoire toujours à approfondir des femmes.

     

 

Elle dirige avec trois de ses soeurs l'institution du 54 rue Blanche tout en ne cessant d'écrire. Sa rencontre avec Lamartine l'impressionne et l'encourage. C'est lui qui écrira la préface de son roman "Léonie" (1860) après l'avoir incitée à se lancer : "Mademoiselle il faut tout quitter pour écrire".

Féministe, elle milite dans plusieurs associations comme celle du "Droit des femmes". Son nom restera célèbre car il est celui de la première femme à avoir été poursuivie pour un délit commis par voie de presse. 

                                                         Louis Rossel

En effet, engagée dans la défense des victimes de la Commune, elle écrit un article après l'exécution de Louis Rossel, colonel qui a rejoint la Commune et après l'écrasement a refusé l'exil que lui proposait Thiers soucieux de ne pas en faire un martyr. Il fut fusillé à 27 ans  :

"Ils croient l'avoir tué et à jamais ils le font vivre" écrit Euphémie.

 

Lors de son procès en cour d'assises, elle est soutenue par Victor Hugo. Elle sera acquittée et restera dans l'histoire!

    C'est toujours au 54 que Firmin Gémier mourut en 1933. Cet acteur marqué par les théories d'Antoine fut un de ces hommes qui œuvra pour un vrai théâtre populaire. Il est d'ailleurs le créateur du TNP (Théâtre National Populaire) en 1920. 

   Notons qu'il fut, comme Malraux le sera pour Jean Moulin l'organisateur du transfert de Jean Jaurès au Panthéon.

Le fils qu'il eut avec Mary Marquet, mourut au camp de Buchenwald en 1943.

     Le 70 fut le domicile (1er étage) de la baronne Copens, de son vrai nom Stéphanie Marie Arnoult de Joyeuse. Elle fut une adversaire active du coup d'Etat du Prince Président en 1851 et elle réunit dans son appartement de la rue Blanche, le 2 décembre,  une soixantaine d'opposants dont Victor Hugo, Arago, Edgar Quinet... 

 

    C'est aussi à cette adresse que vécut, après son exil, le patriote vénitien Daniele Manin (1804-1857) qui lutta contre les Autrichiens et fut chef de la République de Saint-Marc. Il mourra à Paris sans avoir vu se créer l'unité italienne pour laquelle il s'était engagé corps et âme. Une statue lui rend hommage à Venise.

Une rue de Paris, près des Buttes Chaumont, le rappelle à notre mémoire.

Vue d'ensemble

Vue d'ensemble

Au 72 a vécu presque toute sa vie Jules Garcin (1830-1896) violoniste, chef d'orchestre et compositeur. Il déménagea quelques années avant sa mort pour la rue Victor Massé voisine.  

 

     Il fut élève de maîtres célèbres comme Adolphe Adam et Ambroise Thomas. Premier prix de violon, il rejoignit l'orchestre de l'Opéra de paris où il fut ensuite chef d'orchestre.

                                Il est enterré au cimetière de Montmartre.

Toujours au 72 nous rencontrons un auteur dramatique, vaudevilliste à succès, bien oublié aujourd'hui : Paul Barré (1854-1910).

   Il a écrit des livrets d'opérettes, des pièces qu'on pourrait appeler "de boulevard" dans lesquelles il aimait laisser libre cours à sa verve gauloise. Ce qui le rend un peu plus actuel, c'est le titre de sa première pièce, en 1877, "Les Gilets Jaunes"!

Le 75

Le 75

     La façade du 75 porte une plaque, fait rarissime dans cette rue qui a pourtant abrité de nombreuses célébrités.

Cette plaque prend une valeur particulière car il est impossible de se recueillir sur la tombe d'une belle actrice qui a voulu donner son corps à la science et dont les cendres ont été dispersées dans la fosse commune du cimetière de Thiais.

     Entrée à la Comédie Française, elle y a passé l'essentiel de sa vie professionnelle. Quand en 1966, elle la quitte c'est pour être professeur au Conservatoire et former de jeunes comédiens parmi lesquels Daniel Auteuil, Patrick Chesnais, Nicole Garcia, Sabine Azéma, Francis Huster... 

                                                  Dans la Marseillaise de Renoir

     Elle a connu une brillante carrière cinématographique sous la direction de quelques uns des grands cinéastes français (Renoir, Tourneur, Cayatte, René Clair).

                                                 Dans le Capitan de Hunebelle

Le 77

Le 77

     Au 77 Edgar Degas eut un atelier de 1873 à 1876, une de ses nombreuses adresses à Montmartre. Ces années correspondent à une intense créativité du peintre.

 

Rue Blanche. Deuxième partie. Du 27 à la place Blanche.

   Le 78, classé, est un des beaux immeubles de la rue. Il s'agit d'un hôtel particulier construit dans la deuxième moitié du XIXème siècle dans le style néo Renaissance par l'architecte Théodore Ballu, pour lui-même.

 

    L'architecte qui est grand connaisseur de l'histoire de l'architecture et des styles, a laissé de nombreux témoignages à Paris de son talent et de son éclectisme.

Le "etc" de la plaque aurait pu être précisé par l'église Saint Ambroise, l'église Saint-Joseph, le beffroi de la mairie du Ier arrondissement entre Saint-Germain l'Auxerrois et la mairie construite par Hittorf, la restauration de la tour Saint-Jacques....

                           Une rue qui commence rue Blanche porte son nom

Voilà que nous arrivons à la fin de cette rue qui avait tant à nous raconter. Un dernier numéro, le 96, aura droit à notre attention. C'est en effet dans cet immeuble qu'André Antoine, si présent à Montmartre, loua en 1887 un atelier. C'est l'année où il crée au 37 de la rue Antoine actuelle "le Théâtre Libre".

Rue Blanche. Deuxième partie. Du 27 à la place Blanche.

    Et maintenant nous sommes sur la place Blanche qui, elle aussi, a bien des souvenirs à nous raconter pendant que le Moulin Rouge laisse entendre à l'ombre de ses ailes immobiles le frou frou des dentelles qui affolèrent les noctambules!

                                                                              Camoin

Liens :

Rue Blanche 1ère partie (de la Trinité au 25)

Liste des rues de Montmartre visitées sue ce blog

                                                           Bassin de la Trinité

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La rue Blanche. Première partie, du début au 25.

    La couleur de la place Blanche c'est le rouge du moulin que photographient tous les touristes! C'est sur cette place que commence la rue homonyme qui descend plein sud vers l'église de la Trinité. Une des rues les plus riches en histoire et histoires de Montmartre.

La rue Blanche. Première partie, du début au 25.

    Pourquoi ce nom?

La tradition affirme qu'il est dû aux carrières de gypse de la Butte. Les charrois descendaient les rues pentues, chargées de plâtre qui ne manquait pas sous l'effet des cahots et du vent de se disperser en partie sur la chaussée. 

Les Porcherons avec le château du Coq dont il ne reste que le ,om d'une impasse sur la rue Saint-Lazare.

Les Porcherons avec le château du Coq dont il ne reste que le ,om d'une impasse sur la rue Saint-Lazare.

     L'étude des différents noms des rues depuis leur création raconte une autre histoire. Il y avait en effet, succédant à l'ancien chemin qui allait du village des Porcherons à la place une rue qui avait pris le nom de "rue de la Croix Blanche". Elle le devait à  l'enseigne d'un cabaret très fréquenté, le cabaret de la Croix Blanche. En 1793, alors qu'on efface autant que possible toute référence religieuse dans les noms, la rue prend le nom qu'elle a gardé : rue Blanche. 

Sur la droite de l'église, début de la rue Blanche.

Sur la droite de l'église, début de la rue Blanche.

    Partons donc du bas de la rue, là où elle commence, place d'Estienne d'Orves, à quelques pas de l'église de la Trinité.

 

    Il y avait là en 1765 ce qu'on appelait "la clôture", un poste d'octroi qui taxait les marchandises entrant dans Paris.

Le poste existera jusqu'à la construction du fameux mur des Fermiers Généraux qui passera plus au nord, à la hauteur de la place Blanche actuelle.

La rue Blanche. Première partie, du début au 25.

Au n° 2, bel immeuble avec cariatides où a vécu le général Charles Guillemaut (1809-1886) inhumé au cimetière de Montmartre.

Il faisait partie de cette gauche républicaine et laïque qui nous manque aujourd'hui. Il a pour titre d'honneur de s'être illustré dans la bataille du plateau d'Avron en 1870. Il était vigilant quant au respect de la laïcité et s'est opposé à la création d'aumôniers militaires.

La rue Blanche. Première partie, du début au 25.

Le bel immeuble post-haussmannien est dû à l'architecte Charles Forest dont j'ignore malgré quelques recherches quelles ont été ses autres réalisations. Qu'importe! son nom restera gravé sur la pierre sur l'un des plus beaux immeubles du IXème arrondissement!

                                                       16 rue de Penthièvre (Forest)

     (Je rajoute après publication de l'article, grâce aux informations que m'a données Maxime B. que l'on doit plusieurs immeubles parisiens à cet architecte, boulevard Saint-Germain, rue de Florence, rue de Penthièvre. Aucun cependant n'a l'allure ni le développement de celui de la rue Blanche.)

La rue Blanche. Première partie, du début au 25.

    Là où s'élève le 3 vivait Camille Paganel (1795-1859).  Encore un homme politique mais du bord opposé. Un conservateur bon teint bien que fils du conventionnel Pierre Paganel qui, prêtre avant la Révolution, fut élu à l'Assemblée où il attaqua les prêtres réfractaires et vota la mort du roi, ce qui lui valu d'être exilé pour régicide en 1816.

                                                               Pierre Paganel

Camille eut une vie moins tumultueuse;  il fut député du Lot et Garonne puis Secrétaire d'Etat au Ministère de l'Agriculture et Directeur des Haras bien que ne connaissant rien à la gent chevaline.

La rue Blanche. Première partie, du début au 25.

    Le 5 qui fait partie du même groupe d'immeubles est une adresse intéressante à plusieurs titres. Elle est celle depuis 35 ans de la fondation Danielle Mitterrand qui se présente comme radicale et utopiste.

Ses engagements politiques et écologiques sont nombreux. Il suffit de mentionner la défense constante du peuple kurde ou celle du peuple tibétain pour tirer son chapeau!

     Il y eut avant la construction de l'immeuble un hôtel où vécut Martin Gaudin duc de Gaëte (1756-1841) qui fut ministres des finances sous le consulat et l'Empire.

Il fit preuve de rigueur et d'honnêteté, ayant acquis sa réputation d'homme intègre pendant la période révolutionnaire. En effet il accepta d'être nommé en 1795 au poste périlleux de responsable des recettes (pour ne pas dire des impôts), ce qui lui valut de nombreuses dénonciations. Il n'en sauva pas moins sa tête comme il parvint à sauver celle des 48 receveurs généraux que Robespierre voulait envoyer à la guillotine!

     

        Toujours au 5 a vécu Emile Paul Salmson (1893-1966) qui a été un des plus grands constructeur aéronautique et automobile français.

Le 6

Le 6

    Le 6 abrita les premiers locaux de la librairie Simon et Lucien Kra qui créèrent les Editions du Sagittaire bien connue pour avoir publié quelques livres essentiels.

De 1921 à 1923 elles furent dirigées par André Malraux avant de devenir la maison d'édition des surréalistes avec Breton comme auteur attitré!

     Au 8 a vécu (et est mort) un des auteurs dramatiques les plus joués dans la deuxième moitié du XIXème siècle.

 Il s'agit de Léon Laya dont la pièce "le Duc Job", jouée au Théâtre Français fut un des plus grands succès de son temps. On le retrouva pendu au bout de sa cravate à son domicile de la rue Blanche. Il laissait deux lettres, l'une au directeur du Gymnase où devait être donnée sa dernière pièce (elle contenait tout le 4ème acte qui manquait encore) et l'autre à son actrice principale. Il est inhumé au cimetière de Montmartre.

Le 10

Le 10

     Au 10 a vécu Léon Faucher, homme politique qui fut sous Louis Napoléon Bonaparte Ministre de l'Intérieur et donc Président du Gouvernement en 1851, année où refusant de cautionner le coup d'Etat, il quitta définitivement la vie politique.

                                                     Léon Faucher (Daumier)

Ce qui lui, permit de se consacrer à ses études sur l'économie et d'aller en Italie pour suivre une cure qui ne lui porta pas chance, puisqu'au retour il mourut de la fièvre typhoïde à Marseille. 

La rue Blanche. Première partie, du début au 25.
Au 15, le Théâtre de Paris.

Au 15, le Théâtre de Paris.

     Nous trouvons au 15 un théâtre qui a son histoire puisqu'il y eut à l'origine, là où il est établi, un pavillon de fêtes créé par le duc de Richelieu en 1730. Nous étions alors dans la campagne aux portes de Paris. Ce pavillon isolé sous les arbres fut, dit-on fréquenté par Louis XV et la Pompadour.

 

     Au XIXème siècle il connut plusieurs avatars, passant d'un parc d'attractions à une église puis à une patinoire pour les amateurs de patin à roulettes devenus très tendance

 

    C'est en 1891 que renaît le Théâtre qui sur l'impulsion de Lugné Poe fait connaître Ibsen et les auteurs nordiques.

     Réjane, quelques années plus tard, alors qu'elle est au sommet de sa gloire, en devient propriétaire et le baptise "Théâtre Réjane". "Madame sans-Gêne" y est donné à guichets fermés! 

    En 1918 le théâtre est racheté par Léon Volterra qui lui donne le nom, très original, de "Théâtre de Paris".

En 1929 Pagnol y crée sa fameuse trilogie. Une deuxième salle sera ouverte plus tard, en 1958, sur l'initiative d'Elvire Popesco, le "Petit Théâtre de Paris". Différents directeurs se succèdent dont Robert Hossein et des acteurs célèbres s'y produisent comme Delon, Romy Schneider, Belmondo, Depardieu, Giraudeau.

   

Au début du XXIème siècle le théâtre connaît un nouvel essor avec la direction de Stéphane Hillel. Aujourd'hui il reste un des théâtres parisiens très fréquentés même s'il a un peu oublié qu'il fut un théâtre d'avant-garde.

17

17

 

    Le 17, classé, est l'hôtel le Marois, construit en 1829 par l'architecte Antoine Joseph Pellechet pour le général comte Le Marois, ancien garde de camp de Napoléon. L'immeuble de pierres de style palladien était jadis orné d'une statue au centre de la cour.

21

21

    Le 21  est le plus bel immeuble de la rue, chef d'œuvre Art Nouveau : l'hôtel de Choudens construit par l'architecte Charles Girault en 1901 pour l'éditeur de musique Paul de Choudens.

 

    Charles Girault est sans conteste un des grands architectes fin de siècle, marqué à la fois par le baroque italien et les audaces de l'Art Nouveau.

 

On lui doit un des monuments les plus élégants et les plus originaux de Paris : le Petit Palais édifié pour l'expo de 1900. Léopold II fut tellement séduit par le monument qu'il demanda sa réplique exacte à Bruxelles. Girault refusa de dupliquer son oeuvre mais il reçut de nombreuses commandes en Belgique.

   

A Paris, il coordonna également les travaux du Grand Palais et il réalisa à la demande de la famille  le très beau tombeau de Pasteur dans l'Institut qui porte son nom.

   

Paul de Choudens pour qui l'hôtel a été construit est moins célèbre que son architecte. Il fut musicien et éditeur de musique. L'hôtel fut construit grâce aux revenus considérables que lui assura la publication du Faust de Gounod et du Carmen de Bizet.

Hôtel à l'abandon après le départ de l'Ecole.

Hôtel à l'abandon après le départ de l'Ecole.

      L'hôtel connut quelques vicissitudes. Il abrita la fameuse école  de théâtre connue sous le nom d'école de la rue Blanche qui prit possession du bâtiment abandonné. Elle y restera jusqu'à don déménagement pour Lyon en 1997. L'hôtel alors n'est pas en bon état et plusieurs années de vacance et d'occupation sauvage le dégradent.

 

    En 2003 il est vendu par la Ville à une société immobilière qui le restaure. Il abrite aujourd'hui des salles de sport qui ont essayé tant bien que mal de respecter l'originalité et la valeur d'un décor unique.

 

25

25

     Le 25 est une église. Il s'agit de l'église du Christ, église évangélique allemande qui de 1933 à 1945 fut ressentie comme ennemie par les riverains. Elle l'était puisque financée par la tendance protestante la plus proche du régime nazi et tint le rôle de paroisse militaire. On pense à Dylan : "Though they murdered six million in the oven they fried, the Germans too have God on their side".

 

Elle a été construite en 1894 par l'architecte Edouard-Jean Niermans (1859-1928) qui fut un représentant brillant de l'Art Nouveau et de l'Art Déco. 

Pas loin de là, rue Saint-Lazare, on peut admirer la brasserie Mollard qui est son oeuvre, comme le sont à des degrés divers les Folies Bergère, le Casino de Paris ou le Moulin Rouge (dessiné par Willette, le fameux bal est transformé en théâtre concert en 1903 par Niermans).

La rue Blanche. Première partie, du début au 25.

On lui doit également l'hôtel le plus célèbre de Nice, le Négresco.

La rue Blanche. Première partie, du début au 25.

Nous nous arrêtons un moment avant de reprendre la prochaine fois la montée vers le Moulin Rouge, sûrs de faire d'autres découvertes surprenantes dans cette rue Blanche qui nous en fait voir de toutes les couleurs!

 

(Deuxième partie de la rue Blanche, du 27 à la place)

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C'est un cabaret qui a laissé son nom dans l'histoire (politique et artistique) mais sans le tableau de Manet, ce nom aurait sans doute moins d'éclat!

Tout commence au XVIIIème siècle quand la frontière de Paris s'arrête à ce qui sera plus tard la place de Clichy.

Le village de Clichy la Garenne a sur son territoire plusieurs hameaux dont celui des Batignolles où une ferme accueille les parisiens pour leur servir le petit vin guinguet.

Les affaires étant rentables, la ferme se transforme en cabaret, vraisemblablement vers 1765, "Au père Lathuille".

La construction de la barrière des Fermiers Généraux est une aubaine pour le cabaret où viennent de plus en plus nombreux les parisiens qui apprécient de payer moins cher le vin et les alcools qui n'ont pas eu à passer la barrière de l'octroi.

La barrière de Clichy (bureau de l'octroi, pavillon de Ledoux)

La barrière de Clichy (bureau de l'octroi, pavillon de Ledoux)

Horace Vernet.30 mars 1814

Le cabaret entre dans l'histoire le 30 mars 1814.

Le tableau d'Horace Vernet rappelle ce jour héroïque.

On y voit le maréchal Moncey dirigeant la défense de Paris et donnant des ordres à un colonel.

On remarque le pavillon de l'octroi de Ledoux sur la gauche et au fond le cabaret du père lathuille. g>

Le peintre rend hommage au cabaretier qui ouvre les portes de son établissement aux gardes nationaux, leur sert à boire et à manger sans lésiner. On lui prête la phrase historique adressée aux combattants qui allaient affronter l'armée russe :

"Mangez, buvez, mes enfants! Il ne faut rien laisser à l'ennemi!"

La résistance menée par Moncey fut assez héroïque pour tenir jusqu'à l'armistice. Des boulets russes détruisirent une partie du cabaret, l'un d'eux se ficha dans le comptoir. On l'y laissa et il put être caressé comme une relique par les clients jusqu'en 1860!

Le cabaret du père Lathuille. Avenue de Clichy.
Le cabaret du père Lathuille. Avenue de Clichy.

Le cabaret se trouvait au n°7 actuel de l'avenue de Clichy qui s'appelait alors grande rue des Batignolles.

Aujourd'hui à son emplacement s'élève un cinéma militant qui promeut les oeuvres de création, c'est le Cinéma des Cinéastes, apprécié des cinéphiles,

Chez Aubry

La paix revenue, le cabaret accueille une clientèle plus large et son restaurant est apprécié pour ses plats originaux comme "la sole Moncey" ou "le poulet Lathuille" (aux fonds d'artichaut).

Jouxtant l'établissement, au n°9 de l'avenue actuelle, Aubry, gendre du père Lathuille ouvre en 1830 un café au décor luxueux. La grande salle est décorée de peintures et, comble de luxe, éclairée au gaz. On peut jouer au billard dans une deuxième salle ou profiter du soleil dans un jardin à l'arrière.

Une porte de communication permet de passer du cabaret du père Lathuille au café Aubry. Ce café deviendra célèbre quand Guerbois le rachètera.

Beaucoup d'artistes fauchés habitent le quartier où les loyers sont moins élevés que dans la Nouvelle Athènes voisine. Les peintres, s'approvisionnent en matériel chez Hennequin, ami de Manet, dont la boutique est au 11 rue Grande des Batignolles.

De la boutique au café Guerbois, il n'y a qu'un pas. Entre 1866 et 1875, le café est un lieu de rencontres et de réunions. On y voit Monet, Cézanne, Degas, Renoir, Pissaro, Sisley, Manet!

Le café figurera dans le roman de Zola "l'Oeuvre" sous le nom de café Baudequin (contraction de Baudelaire qui fréquenta le café Guerbois et Hennequin le marchand de peintures)

Le cabaret du père Lathuille. Avenue de Clichy.

Manet peint son fameux tableau en 1880.

Zola le décrit ainsi :

"Il y a au salon de cette année une scène de plein air, Chez le père Lathuille, deux figures à une table de cabaret, d'une gaieté et d'une délicatesse de tons charmantes (...) "

Manet représente Louis, le fils du patron attablé à côté d'Ellen Andrée, actrice de renom qui joue notamment dans les pièces de Courteline et qui sert de modèle à de nombreux peintres comme Renoir ou Degas. Manet l'a déjà représentée dans un tableau peint en 1875 : la Prune.

Manet. La prune. (Ellen André)

Manet. La prune. (Ellen André)

La jeune-fille en blanc.

Manet habitué du cabaret choisit encore pour modèle la fille du père Lathuille, Marguerite Gauthier-Latuille, pour son tableau, "La jeune-fille en blanc".g>

Louis Gauthier-lathuille (1879)

Il peint une nouvelle fois Louis, le fils du père Lathuille, déjà représenté avec Ellen Andrée, dans un autre tableau...

Le restaurant du père Lathuille cesse d'être à la mode dans les dernières années du XIXème siècle et Louis Gauthier-Lathuille qui a succédé à son père ne parvient pas à lui redonner le lustre d'antan.

Il est vrai que la plupart des grands peintres qui fréquentaient l'établissement sont morts!

avenue de Clichy (à gauche le Kursaal)

avenue de Clichy (à gauche le Kursaal)

Le cabaret ferme ses portes en 1906.

Il est remplacé entre 1907 et 1927 par un Music-Hall, le Kursaal où se produisent, entre autres, Maurice Chevalier, Fréhel, Lucienne Boyer ou Berthe Silva...

Tampon de l'Eden.

Tampon de l'Eden.

Le music-hall périclite comme la plupart des établissements montmartrois quand la vogue du 7ème art se répand. Il est transformé en cinéma-music-hall, l'Eden, avant de n'être plus qu'un cinéma le Mirage puis le Pathé Clichy (1943).strong>

En 1987 Claude Berri en prend la direction avec la Société des Auteurs réalisateurs et producteurs (l'ARP)

Dernière métamorphose en 1996 quand le cinéma est baptisé par sa marraine Fanny Ardant : Le Cinéma des Cinéastes!

On y trouve au 1er étage "le bistrot des cinéastes" sympathique mais un peu terne, sans un père Lathuille pour lui donner du panache!

Y aura t-il des cinéastes pour utiliser son décor et lui assurer comme l'ont fait les Impressionnistes pour le cabaret du père Lathuille une renommée internationale?!!!

Fresque dans le Cinéma des Cinéastes.

Fresque dans le Cinéma des Cinéastes.

En complément les panneaux historiques (pelles Starck) devant le 7 et le 9 de l'avenue de Clichy....

Le cabaret du père Lathuille. Avenue de Clichy.
7 avenue de Clichy. Le Père Lathuille.

7 avenue de Clichy. Le Père Lathuille.

Le cabaret du père Lathuille. Avenue de Clichy.
9 avenue de Clichy. Guerbois.

9 avenue de Clichy. Guerbois.

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Publié le par chriswac
Publié dans : #MONTMARTRE Monuments. Cabarets. Lieux, #MONTMARTRE Peintres.Artistes.Clébrités

     Il faut beaucoup d'imagination pour se représenter ce qu'était au XIXème siècle l'avenue de Clichy nommée dans cette partie avant 1868 Grande rue des Batignolles.

                                                                         1904

      Imaginez qu'aux premiers numéros impairs se succédaient une guinguette "chez le père Lathuille" et un restaurant "le café Guerbois", tous deux connus pour avoir été lieux de rendez-vous de quelques uns des plus grands peintres et des plus grands écrivains de leur temps.

Le café Guerbois 9 avenue de Clichy.

    Ces deux établissements étaient situés aux numéros 7 et 9, espace aujourd'hui occupé par un cinéma et par un magasin de vêtements pour hommes. 

Le café Guerbois 9 avenue de Clichy.

     Avant l'implantation de ces commerces modernes il y eut à la fin du XIXème un music hall qui connut de belles heures : le Kursaal.

Quelques grands artistes s'y produisirent comme Lucienne Boyer, Maurice chevalier, Fréhel ou Berthe Sylva.

Le café Guerbois 9 avenue de Clichy.

      Aujourd'hui nous nous intéresserons au Café Guerbois mais reviendrons plus tard sur le Père Lathuille qui le mérite bien.

 

                                         Auguste Guerbois (Henri Michel-Levy)

        Au 9 donc, Auguste Guerbois reprend un restaurant créé par le gendre du "Père Lathuille"  mitoyen de ce dernier (situé au 7) et qui se voulait plus chic. Il était possible de passer directement d'un restaurant à l'autre.

Edmond Duranty (Degas 1879)

Edmond Duranty (Degas 1879)

Le romancier réaliste Duranty le fréquente et le décrit ainsi :

 [...] Il est curieux et agréable [...] fondé en pleine banlieue jadis, il a conservé en partie son ancien aspect de province […] Ainsi, la première salle, blanche et dorée, pleine de glaces, criblée de lumières, ressemble à la terrasse des cafés du boulevard […] dans la seconde salle l’endroit devient étonnant. A l’entrée, six colonnes trapues forment une avenue qui la divise en deux espèces de chapelles rétrécies, derrière lesquelles s’étend au fond, comme un chœur, un champ de billards. Des vitrages irrégulièrement ouverts dans le plafond […] créent partout des recoins mystérieusement éclairés. Il n’y a ni glace ni dorures […] Au fond, un grand vitrage qui garnit toute la largeur de la salle fait voir en pleine clarté un jardin avec des arbres, entre lesquels apparaît une maisonnette à galerie, à petites colonnes peintes en vert tendre. »

Le café Guerbois 9 avenue de Clichy.

      Cet écrivain aujourd'hui oublié aimait les marionnettes au point d'installer au jardin des Tuileries un petit théâtre dont il demanda à Courbet de réaliser les décors. Il proposa également à George Sand, qui partageait le même goût que lui, plusieurs dizaine de saynètes enjouées et spirituelles. Les livres illustrés qui contiennent ses saynètes ainsi que des indications de mise en scène sont très recherchés.

   

                                  Manet et Duranty attablés (Antoine de Specht)

   Duranty qui manie l'humour british avec talent s'oppose à Manet au sujet de Vallès. Ce n'est qu'un prétexte pour Manet pour le provoquer en duel. En effet, le peintre n'a pas apprécié les comptes rendus de Duranty après le salon de 1869. Il lui envoie une gifle bien appliquée qui ne peut qu'être suivie d'un duel!

    Le duel a lieu le 23 février 1870 avec Zola pour témoin (le même Zola qui sera l'exécuteur testamentaire de Duranty.) Après le duel arrêté à la première écorchure, les deux hommes se réconcilient.  

Le café Guerbois 9 avenue de Clichy.

     L'atelier de Manet (34 rue des Batignolles) est proche du Café Guerbois. Un célèbre tableau de Fantin-Latour nous en donne une image

    

     On voit sur la toile quelques uns des peintres (plus Zola) qui font partie du "groupe, des Batignolles" et se retrouvent au café Guerbois.

                                                                 Bazille

     On peut reconnaître Manet assis devant son chevalet, Renoir avec un chapeau, Zola, Bazille (qui mourra en 1870 en tentant de protéger une femme et ses enfants pendant la guerre franco-prussienne.)

       

                               La tireuse de cartes. (Bazille, un an avant sa mort)

      Regrettons au passage la mort de ce peintre pré impressionniste fauché dans sa jeunesse et dont l'œuvre portait la promesse d'un bel épanouissement à côté de ses amis Renoir ou Monet.

 

                                                   Hennequin en 2015

     Manet aime acheter ses peintures chez Hennequin à côté de "chez Guerbois", au 11. Cette boutique historique avait survécu bon an mal an aux destructions du quartier et ce n'est qu'en 2016 qu'elle disparut. On s'étonnera toujours du peu d'attention que nos élus portent à notre patrimoine jugé par eux sans importance quand il n'est pas spectaculaire.

                                                Hennequin devenu Rudy! 

     C'est dans le Café Guerbois que les peintres, sans Manet, décident d'organiser une exposition indépendante chez Nadar. C'est la dernière fois que le Café joue un rôle dans l'histoire artistique du quartier.

                                        ateliers de Nadar boulevard des Capucines

L'exposition a lieu boulevard des Capucines, dans les studios de Nadar qui prête ses locaux par conviction et aussi (surtout?) par besoin d'argent.

                                                           Aujourd'hui

     Cette exposition qui regroupe de  nombreux peintres dont un certain nombre n'ont rien à voir avec les courants en pointe, sera appelée par les critiques "la première exposition impressionniste". Elle se tient du 15 avril au 15 mai 1874 et expose entre autres Eugène boudin, Cézanne, Degas, Berthe Morisot, Pissarro, Renoir, Sisley....

La lecture ou l'ombrelle verte (Morisot)

La lecture ou l'ombrelle verte (Morisot)

    Après cette apothéose, le Café Guerbois cesse d'être fréquenté par les peintres qui trouvent dans le quartier de Pigalle de nouveaux ateliers et choisissent pour se réunir "Le Café de la Nouvelle Athènes".

                                 La Nouvelle Athènes 1904

                                                    Aujourd'hui!

     Le café Guerbois n'est plus qu'un nom sur une  plaque commémorative de l'avenue de Clichy. Aucune toile célèbre ne le représente vraiment bien que l'on sache que "le Bon Bock" de Manet y eût trouvé son inspiration et son modèle, comme "l'Absinthe" de Toulouse Lautrec qui donne un petit aperçu de l'endroit. Enfin un dessin de Manet en donne un croquis enlevé: 

Au café. (Manet 1869)

                                                  Le Bon Bock (Manet 1873)

                                                     L'Absinthe (Degas 1875)

    Pour tous les piétons de Paris, il reste dans l'air quand on marche sur l'avenue, des bruits confus de discussions, de rires... comme si le groupe des Batignolles n'avait jamais quitté le Café Guerbois! Reste aussi la tristesse de la buveuse d'absinthe de Degas si proche de la solitude que l'on rencontre parfois dans les bistros du quartier.

 

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Publié le par chriswac
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Halle Saint-Pierre. Hey le dessin, exposition. Laurie Lipton.

     l'exposition que propose la Halle Saint-Pierre (22 janvier-31 décembre 2022) en collaboration avec la revue HEY ne manquera pas de vous faire réagir. Non pour vous séduire mais pour vous remuer, vous exaspérer, vous interroger, vous arrêter ou vous faire fuir. Bref, elle joue pleinement son rôle d'agitatrice et de grenade dans le ronron et la grisaille établie.

Autoportrait (Leslie Lipton)

Autoportrait (Leslie Lipton)

    La folie, la déprime, l'enfermement y sont présents dans des dessins créés par ceux qu'on appelle fous ou par d'autres qui essaient d'échapper aux prisons où ils ont été incarcérés.

Aujourd'hui je voudrais parler d'une artiste évidente, d'une créatrice puissante qui si elle n'a que quelques œuvres exposées dans la Halle, n'en est pas moins, à mon avis la plus créatrice et la plus dérangeante.

Halle Saint-Pierre. Hey le dessin, exposition. Laurie Lipton.

    Il s'agit de Laurie Lipton (née en 1953 à New York).

Un court métrage qui a reçu de nombreux prix ouvre l'exposition. Il ne faut pas le manquer. Laurie y est montrée en train de dessiner et c'est elle qui nous raconte sur un ton neutre son histoire, ses études, sa fuite vers l'Europe où elle a vécu 36 ans. 

 

    C'est là qu'elle découvre les peintre flamands du XVème siècle et qu'elle est fascinée par la précision et la lumière de leurs tableaux. Comme eux qui obtiennent la netteté et le rayonnement grâce à une infinité de touches très fines, elle transposera cet art dans ses dessins par des millions et des millions de minuscules coups de crayon.

Halle Saint-Pierre. Hey le dessin, exposition. Laurie Lipton.
Halle Saint-Pierre. Hey le dessin, exposition. Laurie Lipton.

     Chaque œuvre (souvent de grands formats) nécessite des mois et des mois de travail. Elle ne peut se conduire que dans l'isolement, l'éloignement de l'agitation et du bruit. 

 

   Le court métrage étonne par le contraste entre la figure vivante et colorée de Laurie et le noir et blanc de ses dessins peuplés de squelettes.

   

                                       Danse macabre (Niklaus Manuel, 1516)

     Le thème de la vanité a souvent été traité dans la peinture. Les têtes de mort que l'on voit à profusion sur les Tee shirts, les tatouages, les accessoires, grimaçaient déjà dans les danses macabres des fresques gothiques.

Halle Saint-Pierre. Hey le dessin, exposition. Laurie Lipton.

   Laurie ne cherche pas à donner de leçons, non, elle partage sa vision du monde social, du monde en représentation du passé comme du monde contemporain, occupé de lui même, sûr de sa technologie, inconscient d'être habité par des squelettes rivés à leurs smartphones et leurs ordinateurs.

 

    C'est la fin du court métrage qui va nous donner une des clés de l'obsession de Laurie. Elle qui n'a pas voulu se marier, qui n'a pas voulu d'enfants, elle qui a choisi la solitude et la création, nous parle de son enfance, de sa famille. 

 

    Sur un ton simple, de conversation banale où l'on peut aussi bien parler de la pluie que des vacances,  elle raconte ce jour de soleil où elle jouait dans la nature avec une bande de gamins quand survint un homme, grand, impressionnant qui demanda qui voulait l'accompagner pour jouer avec lui.

 

    Laurie, bravache malgré ses cinq ans, se désigna et suivit l'homme tandis que les autres gosses marchaient à distance sur leurs pas. C'est donc sous leur regard qu'elle fut brutalisée.

 

     L'univers de la fillette bascula alors sans qu'elle en prît pleinement conscience. Le monde de l'enfance et des contes deviendra dans ses dessins un univers de frayeurs et de menaces... 

 

Halle Saint-Pierre. Hey le dessin, exposition. Laurie Lipton.

    La famille figée dans des représentations traditionnelles, des photos qu'on encadre, des moments de fêtes, sera marquée par la mort, évidente, souriante de toutes ses dents.

 

    les tableaux du passé, des reines et des saints, s'ils gardent leur pompe vestimentaire, leurs bijoux et leurs riches étoffes, ne pourront dissimuler la réalité de leur finitude.

 

 

    Quand le squelette ne perce pas sous l'apparence, l'inquiétude n'en est pas moins grande, les corps devenant mannequins réalistes, poupées aux yeux fixes...

 

Halle Saint-Pierre. Hey le dessin, exposition. Laurie Lipton.
Halle Saint-Pierre. Hey le dessin, exposition. Laurie Lipton.

     Nous chercherons en vain un contrepoint souriant à ces dessins où le noir domine. Noir c'est noir, il n'y a plus d'espoir. Les fêtes foraines sont des fêtes macabres. Les mariages sont des étreintes d'ossements, les enfants dominés par des adultes mutants sont eux mêmes porteurs de menaces.

 

          Et les trains bondés rappellent ceux qui avaient pour terminus Auschwitz.

 

    Vision effrayante et sans illusions d'une humanité dont la seule certitude est ce terminus.

Le titre du court métrage projeté à la Halle Saint-Pierre est "Love Bite". Morsure d'amour, dévoration d'amour...

    Il est une référence claire au "Saturne (assimilé à Cronos) dévorant son fils" de Goya.  Le même que l'on rencontre chez Rubens. Mais avec Laurie il devient une femme qui semble croquer une pomme,  une mère qui en donnant la vie donne aussi la mort.

 

 

   Si l'on voulait terminer par une note moins sombre, on pourrait avec ce "dernier enlacement" imaginer que les os gardent le souvenir des moments heureux du temps où ils animaient des êtres de sang et de sens. 

 

            Mais Laurie Lipton sourirait sans doute de notre romantisme! 

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Artistes peintres etc.. à Montmartre

 

                                                        Laurie Lipton

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