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Montmartre secret

Montmartre secret

Pour les Amoureux de Montmartre sans oublier les voyages lointains, l'île d'Oléron, les chats de tous les jours. Pour les amis inconnus et les poètes.

Publié le par chriswac
Publié dans : #MONTMARTRE Monuments. Cabarets. Lieux, #MONTMARTRE Peintres.Artistes.Clébrités

     Il faut beaucoup d'imagination pour se représenter ce qu'était au XIXème siècle l'avenue de Clichy nommée dans cette partie avant 1868 Grande rue des Batignolles.

                                                                         1904

      Imaginez qu'aux premiers numéros impairs se succédaient une guinguette "chez le père Lathuille" et un restaurant "le café Guerbois", tous deux connus pour avoir été lieux de rendez-vous de quelques uns des plus grands peintres et des plus grands écrivains de leur temps.

Le café Guerbois 9 avenue de Clichy.

    Ces deux établissements étaient situés aux numéros 7 et 9, espace aujourd'hui occupé par un cinéma et par un magasin de vêtements pour hommes. 

Le café Guerbois 9 avenue de Clichy.

     Avant l'implantation de ces commerces modernes il y eut à la fin du XIXème un music hall qui connut de belles heures : le Kursaal.

Quelques grands artistes s'y produisirent comme Lucienne Boyer, Maurice chevalier, Fréhel ou Berthe Sylva.

Le café Guerbois 9 avenue de Clichy.

      Aujourd'hui nous nous intéresserons au Café Guerbois mais reviendrons plus tard sur le Père Lathuille qui le mérite bien.

 

                                         Auguste Guerbois (Henri Michel-Levy)

        Au 9 donc, Auguste Guerbois reprend un restaurant créé par le gendre du "Père Lathuille"  mitoyen de ce dernier (situé au 7) et qui se voulait plus chic. Il était possible de passer directement d'un restaurant à l'autre.

Edmond Duranty (Degas 1879)

Edmond Duranty (Degas 1879)

Le romancier réaliste Duranty le fréquente et le décrit ainsi :

 [...] Il est curieux et agréable [...] fondé en pleine banlieue jadis, il a conservé en partie son ancien aspect de province […] Ainsi, la première salle, blanche et dorée, pleine de glaces, criblée de lumières, ressemble à la terrasse des cafés du boulevard […] dans la seconde salle l’endroit devient étonnant. A l’entrée, six colonnes trapues forment une avenue qui la divise en deux espèces de chapelles rétrécies, derrière lesquelles s’étend au fond, comme un chœur, un champ de billards. Des vitrages irrégulièrement ouverts dans le plafond […] créent partout des recoins mystérieusement éclairés. Il n’y a ni glace ni dorures […] Au fond, un grand vitrage qui garnit toute la largeur de la salle fait voir en pleine clarté un jardin avec des arbres, entre lesquels apparaît une maisonnette à galerie, à petites colonnes peintes en vert tendre. »

Le café Guerbois 9 avenue de Clichy.

      Cet écrivain aujourd'hui oublié aimait les marionnettes au point d'installer au jardin des Tuileries un petit théâtre dont il demanda à Courbet de réaliser les décors. Il proposa également à George Sand, qui partageait le même goût que lui, plusieurs dizaine de saynètes enjouées et spirituelles. Les livres illustrés qui contiennent ses saynètes ainsi que des indications de mise en scène sont très recherchés.

   

                                  Manet et Duranty attablés (Antoine de Specht)

   Duranty qui manie l'humour british avec talent s'oppose à Manet au sujet de Vallès. Ce n'est qu'un prétexte pour Manet pour le provoquer en duel. En effet, le peintre n'a pas apprécié les comptes rendus de Duranty après le salon de 1869. Il lui envoie une gifle bien appliquée qui ne peut qu'être suivie d'un duel!

    Le duel a lieu le 23 février 1870 avec Zola pour témoin (le même Zola qui sera l'exécuteur testamentaire de Duranty.) Après le duel arrêté à la première écorchure, les deux hommes se réconcilient.  

Le café Guerbois 9 avenue de Clichy.

     L'atelier de Manet (34 rue des Batignolles) est proche du Café Guerbois. Un célèbre tableau de Fantin-Latour nous en donne une image

    

     On voit sur la toile quelques uns des peintres (plus Zola) qui font partie du "groupe, des Batignolles" et se retrouvent au café Guerbois.

                                                                 Bazille

     On peut reconnaître Manet assis devant son chevalet, Renoir avec un chapeau, Zola, Bazille (qui mourra en 1870 en tentant de protéger une femme et ses enfants pendant la guerre franco-prussienne.)

       

                               La tireuse de cartes. (Bazille, un an avant sa mort)

      Regrettons au passage la mort de ce peintre pré impressionniste fauché dans sa jeunesse et dont l'œuvre portait la promesse d'un bel épanouissement à côté de ses amis Renoir ou Monet.

 

                                                   Hennequin en 2015

     Manet aime acheter ses peintures chez Hennequin à côté de "chez Guerbois", au 11. Cette boutique historique avait survécu bon an mal an aux destructions du quartier et ce n'est qu'en 2016 qu'elle disparut. On s'étonnera toujours du peu d'attention que nos élus portent à notre patrimoine jugé par eux sans importance quand il n'est pas spectaculaire.

                                                Hennequin devenu Rudy! 

     C'est dans le Café Guerbois que les peintres, sans Manet, décident d'organiser une exposition indépendante chez Nadar. C'est la dernière fois que le Café joue un rôle dans l'histoire artistique du quartier.

                                        ateliers de Nadar boulevard des Capucines

L'exposition a lieu boulevard des Capucines, dans les studios de Nadar qui prête ses locaux par conviction et aussi (surtout?) par besoin d'argent.

                                                           Aujourd'hui

     Cette exposition qui regroupe de  nombreux peintres dont un certain nombre n'ont rien à voir avec les courants en pointe, sera appelée par les critiques "la première exposition impressionniste". Elle se tient du 15 avril au 15 mai 1874 et expose entre autres Eugène boudin, Cézanne, Degas, Berthe Morisot, Pissarro, Renoir, Sisley....

La lecture ou l'ombrelle verte (Morisot)

La lecture ou l'ombrelle verte (Morisot)

    Après cette apothéose, le Café Guerbois cesse d'être fréquenté par les peintres qui trouvent dans le quartier de Pigalle de nouveaux ateliers et choisissent pour se réunir "Le Café de la Nouvelle Athènes".

                                 La Nouvelle Athènes 1904

                                                    Aujourd'hui!

     Le café Guerbois n'est plus qu'un nom sur une  plaque commémorative de l'avenue de Clichy. Aucune toile célèbre ne le représente vraiment bien que l'on sache que "le Bon Bock" de Manet y eût trouvé son inspiration et son modèle, comme "l'Absinthe" de Toulouse Lautrec qui donne un petit aperçu de l'endroit. Enfin un dessin de Manet en donne un croquis enlevé: 

Au café. (Manet 1869)

                                                  Le Bon Bock (Manet 1873)

                                                     L'Absinthe (Degas 1875)

    Pour tous les piétons de Paris, il reste dans l'air quand on marche sur l'avenue, des bruits confus de discussions, de rires... comme si le groupe des Batignolles n'avait jamais quitté le Café Guerbois! Reste aussi la tristesse de la buveuse d'absinthe de Degas si proche de la solitude que l'on rencontre parfois dans les bistros du quartier.

 

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