C'est un cabaret qui a laissé son nom dans l'histoire (politique et artistique) mais sans le tableau de Manet, ce nom aurait sans doute moins d'éclat!
Tout commence au XVIIIème siècle quand la frontière de Paris s'arrête à ce qui sera plus tard la place de Clichy.
Le village de Clichy la Garenne a sur son territoire plusieurs hameaux dont celui des Batignolles où une ferme accueille les parisiens pour leur servir le petit vin guinguet.
Les affaires étant rentables, la ferme se transforme en cabaret, vraisemblablement vers 1765, "Au père Lathuille".
La construction de la barrière des Fermiers Généraux est une aubaine pour le cabaret où viennent de plus en plus nombreux les parisiens qui apprécient de payer moins cher le vin et les alcools qui n'ont pas eu à passer la barrière de l'octroi.
Le cabaret entre dans l'histoire le 30 mars 1814.
Le tableau d'Horace Vernet rappelle ce jour héroïque.
On y voit le maréchal Moncey dirigeant la défense de Paris et donnant des ordres à un colonel.
On remarque le pavillon de l'octroi de Ledoux sur la gauche et au fond le cabaret du père lathuille. g>
Le peintre rend hommage au cabaretier qui ouvre les portes de son établissement aux gardes nationaux, leur sert à boire et à manger sans lésiner. On lui prête la phrase historique adressée aux combattants qui allaient affronter l'armée russe :
"Mangez, buvez, mes enfants! Il ne faut rien laisser à l'ennemi!"
La résistance menée par Moncey fut assez héroïque pour tenir jusqu'à l'armistice. Des boulets russes détruisirent une partie du cabaret, l'un d'eux se ficha dans le comptoir. On l'y laissa et il put être caressé comme une relique par les clients jusqu'en 1860!
Le cabaret se trouvait au n°7 actuel de l'avenue de Clichy qui s'appelait alors grande rue des Batignolles.
Aujourd'hui à son emplacement s'élève un cinéma militant qui promeut les oeuvres de création, c'est le Cinéma des Cinéastes, apprécié des cinéphiles,
La paix revenue, le cabaret accueille une clientèle plus large et son restaurant est apprécié pour ses plats originaux comme "la sole Moncey" ou "le poulet Lathuille" (aux fonds d'artichaut).
Jouxtant l'établissement, au n°9 de l'avenue actuelle, Aubry, gendre du père Lathuille ouvre en 1830 un café au décor luxueux. La grande salle est décorée de peintures et, comble de luxe, éclairée au gaz. On peut jouer au billard dans une deuxième salle ou profiter du soleil dans un jardin à l'arrière.
Une porte de communication permet de passer du cabaret du père Lathuille au café Aubry. Ce café deviendra célèbre quand Guerbois le rachètera.
Beaucoup d'artistes fauchés habitent le quartier où les loyers sont moins élevés que dans la Nouvelle Athènes voisine. Les peintres, s'approvisionnent en matériel chez Hennequin, ami de Manet, dont la boutique est au 11 rue Grande des Batignolles.
De la boutique au café Guerbois, il n'y a qu'un pas. Entre 1866 et 1875, le café est un lieu de rencontres et de réunions. On y voit Monet, Cézanne, Degas, Renoir, Pissaro, Sisley, Manet!
Le café figurera dans le roman de Zola "l'Oeuvre" sous le nom de café Baudequin (contraction de Baudelaire qui fréquenta le café Guerbois et Hennequin le marchand de peintures)
Manet peint son fameux tableau en 1880.
Zola le décrit ainsi :
"Il y a au salon de cette année une scène de plein air, Chez le père Lathuille, deux figures à une table de cabaret, d'une gaieté et d'une délicatesse de tons charmantes (...) "
Manet représente Louis, le fils du patron attablé à côté d'Ellen Andrée, actrice de renom qui joue notamment dans les pièces de Courteline et qui sert de modèle à de nombreux peintres comme Renoir ou Degas. Manet l'a déjà représentée dans un tableau peint en 1875 : la Prune.
Manet habitué du cabaret choisit encore pour modèle la fille du père Lathuille, Marguerite Gauthier-Latuille, pour son tableau, "La jeune-fille en blanc".g>
Il peint une nouvelle fois Louis, le fils du père Lathuille, déjà représenté avec Ellen Andrée, dans un autre tableau...
Le restaurant du père Lathuille cesse d'être à la mode dans les dernières années du XIXème siècle et Louis Gauthier-Lathuille qui a succédé à son père ne parvient pas à lui redonner le lustre d'antan.
Il est vrai que la plupart des grands peintres qui fréquentaient l'établissement sont morts!
Le cabaret ferme ses portes en 1906.
Il est remplacé entre 1907 et 1927 par un Music-Hall, le Kursaal où se produisent, entre autres, Maurice Chevalier, Fréhel, Lucienne Boyer ou Berthe Silva...
Le music-hall périclite comme la plupart des établissements montmartrois quand la vogue du 7ème art se répand. Il est transformé en cinéma-music-hall, l'Eden, avant de n'être plus qu'un cinéma le Mirage puis le Pathé Clichy (1943).strong>
En 1987 Claude Berri en prend la direction avec la Société des Auteurs réalisateurs et producteurs (l'ARP)
Dernière métamorphose en 1996 quand le cinéma est baptisé par sa marraine Fanny Ardant : Le Cinéma des Cinéastes!
On y trouve au 1er étage "le bistrot des cinéastes" sympathique mais un peu terne, sans un père Lathuille pour lui donner du panache!
Y aura t-il des cinéastes pour utiliser son décor et lui assurer comme l'ont fait les Impressionnistes pour le cabaret du père Lathuille une renommée internationale?!!!
En complément les panneaux historiques (pelles Starck) devant le 7 et le 9 de l'avenue de Clichy....
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