Voilà un peintre qui fut accusé d'académisme, moqué par les critiques et les écrivains (Zola, Huysmans), oublié pendant plus d'un siècle...
William Bouguereau (1825-1905) est né et mort à La Rochelle dont il a aimé la lumière. Les acheteurs américains qui n'avaient pas de parti pris ont aimé ses œuvres et ont acheté la plus grande partie de ses toiles qui se trouvent aujourd'hui dans les musées américains...
Certes il fut "académique" c'est à dire dans la grande tradition picturale réaliste, multipliant les portraits d'enfants un peu sucrés, les scènes mythologiques fleuries... mais il ne fut pas que ça. Il y avait parfois dans son inspiration une force noire, un romantisme brutal. C'est ce que rappela le musée d'Orsay qui mit en valeur son "Dante et Virgile" lors de l'exposition "L'Ange du bizarre" en 2013...
Et bien avant, c'est ce qu'affirma Salvador Dali qui avait pour lui la plus grande admiration et qui sans souci des époques, l'opposa à Picasso "qui fabriquait du laid par peur de Bouguereau"!
Après avoir perdu sa femme et deux de ses enfants en 1877, Bouguereau se consacra à la peinture religieuse. De cette période date la coupole de la chapelle de la Vierge dans la cathédrale St-Louis de La Rochelle. Un ensemble remarquable que je n'avais pas remarqué depuis tant d'années où je vais à La Rochelle!!! Il est vrai qu'il fut longtemps caché par les échafaudages de la restauration...
Le plafond représente, en bas, la découverte par les apôtres du tombeau vide de la vierge, tandis que dans le ciel les anges l'emportent vers le divin séjour. La représentation est conventionnelle mais la perspective est pertinente qui place les apôtres là où se pose le regard du spectateur qui devient l'un d'eux et n'a plus qu'à lever un peu plus la tête pour découvrir les anges élégants et vigoureux qui propulsent la Vierge vers les hauteurs plus sûrement que les moteurs d'Ariane à Kourou.
Bouguereau aime les anges.. Il leur donne une beauté botticellienne et il soigne attentivement leurs ailes et leur tunique. Dans l'assomption, ils sont différenciés et leurs robes sont de couleurs différentes. Nous verrons qu'ils évoluent avec les scènes représentées autour de cette apothéose.
La vie de la Vierge est représentée par 6 scènes autour de l'Assomption.
Chronologiquement : L'Annonciation :
La vierge un peu conventionnelle reçoit de l'ange habillé de parme, la fleur de la pureté à la main, la nouvelle qui semble ne provoquer en elle qu'un mouvement de tendresse..
2ème scène : La visite à Elisabeth. (La Visitation)
C'est peut-être la tenue sombre des deux femmes qui étonne ici comme si elles pressentaient les souffrances à venir. La présence de Joseph est aussi une originalité. Il veille sur sa femme qu'il a accompagnée.
La 3ème scène est la Nativité :
L'enfant au bas de la composition est le centre d'un rayonnement qui éclaire le visage de Marie et Joseph, et en arrière plan celui des anges vêtus de blanc ou de gris pâle dont la chevelure semble touchée par le vent qui semble naître du rayonnement...
La 4ème scène est la fuite en Egypte.
Le représentation est conventionnelle. Marie est de face, comme une icône. Elle tient son fils endormi contre elle. Joseph conduit l'âne qui comme on le sait sera plus tard l'animal qui portera l'enfant devenu homme sur son dos, pour entrer à Jérusalem où il vivra sa passion.
La 5ème scène est l'évanouissement :
A droite le Christ qui est tombé sous le poids de la croix est violemment frappé par un de ses bourreaux. A gauche, la mère ne supporte plus les souffrances infligées à son enfant, elle perd connaissance et est recueillie dans les bras de Jean, agenouillé qui ressemble aux anges. C'est elle qui a les bras en croix, comme si elle voulait endurer elle-même le supplice de son fils...
La 6éme scène est la déposition.
C'est la plus forte des scènes. la composition est remarquable. La vierge est crucifiée, mais ses bras sont libres, emportés dans un mouvement ascendant comme un envol. Elle porte son fils sur ses genoux comme elle portait l'enfant contre son ventre sur l'âne. La mort commence à raidir le cadavre. On pense aux plus grandes représentations de cet épisode comme la Piéta d'Avignon.
La seule tache rouge est celle de la tunique de Jean. Le rouge c'est la passion aux deux sens du terme, la souffrance du martyre et le plus grand amour.
Au pied du Christ, Madeleine embrasse celui dont elle lavait les pieds avec les parfums et les essuyait de sa chevelure.
Derrière le groupe dévasté, les anges aux ailes couleur de cendres se lamentent, les yeux clos.
Remarquable scène qui à elle seule suffirait à Bouguereau pour être considéré comme un des grands peintres du XIXème siècle...