Les ex voto de la cathédrale de la Rochelle sont regroupés dans une chapelle latérale, la chapelle des marins, protégés par une lourde grille depuis que l'un d'entre eux a été volé. Il est donc difficile de les regarder face à face!
Un vitrail les éclaire… Il représente un navire voiles déployées, surmonté d'un médaillon rappelant l'épisode évangélique du Christ apaisant la tempête.
La prière des disciples effrayés est écrite sous le médaillon : "Salva nos perimus" (Sauvez-nous, nous allons mourir).
On ne peut voir correctement que les tableaux qui sont face à nous sous ce vitrail. Ils sont au nombre de 5.
Le 1er en partant de la droite représente la navire "La Fée" commandé par Mr Thomas Bertrand. 1748.
Le bâtiment est en mauvaise posture; il enfourne dans une mer démontée. Un homme s'adresse à la Vierge, son dernier recours, tandis qu'un autre s'active.
Le 2ème est exceptionnel dans cette chapelle consacrée aux gens de mer. Rappelons que beaucoup de ces ex votos ont été offerts par des marins qui ont échappé aux tempêtes et représentent donc leur navire. Ici, pas de mer démontée mais un puits d'où sort une jeune fille qui a échappé à la mort.
"Une Demoiselle Etant Tombée Dans un Puis en Est Sortie miraclusement Sans Le Secours de Personne Mais Par l'intersession De La Ste Vierge. 1741."
Si l'orthographe n'est pas toujours correcte, la profusion des majuscules est à la hauteur du miracle et de l'Immense Reconnaissance dont veut témoigner la famille de la jeune rescapée.
Vient ensuite le "Stella Maris"... Le navire est démâté et il est chahuté par la tempête. Certains hommes sont à la mer et attendent d'être secourus tandis que d'autres sur le pont s'activent avec des haches pour séparer les mâts du bâtiment. Un autre homme sur la droite implore le ciel.
Le "Bel Amy" commandé par M. Rullier 1749. Les voiles hautes sont affalées et sur le pont, une fois de plus les hommes n'ont plus de recours que de se tourner vers la miséricorde divine. En général ils s'adressent à la Vierge que l'on voit sur la grande majorité des ex votos, avec, le plus souvent son fils dans les bras.
Le dernier tableau sur ce mur représente une barque de Trouville qui navigue paisiblement.
Il date de 1866 et ne présente pas beaucoup d'intérêt. On peut lire au-dessus du dessin : Alexandre, patron Hailey.
Sur le mur latéral droit, "La Fortune" 1729.
Le navire file par bon vent sur une mer calme. Un des marins est sur le pont, peut-être pressent-il ou redoute t-il un danger imminent ou bien plus simplement fait-il sa prière, en chrétien consciencieux, pour que le voyage se poursuive sans encombres.
"Le Saphir", capitaine H.D. Rossal. 1741.
Après 4 mois et demi de traversée, le navire se trouve pris dans un calme plat. On voit ici un des navires négriers qui fit la fortune de son propriétaire. Ce "commerce" qui paraissait "normal" en son temps jette une ombre sur la fortune de La Rochelle qui a participé à ce crime contre l'humanité.
Ici, ce n'est pas la Vierge qui est implorée mais le Christ . Comble d'humour "noir", certains esclaves supplient en même temps que les marins un dieu que pour la plupart ils ignorent, d'autres sont tournés vers le capitaine et attendent de lui un salut temporaire.
"La Louise de Canada", commandée par Mr de Bonaventure. Ce navire spécialisé dans le transport des fourrures en provenance du Canada est menacé par la tempête. Il en est sorti indemne avec sa cargaison de peaux. Les animaux du Canada ont eu moins de chance que lui.
"L'Orphée" commandé par Pierre DO...T (lettres illisibles) est pris dans la tempête. Dans les mâts, au péril de leur vie, les marins replient les voiles.
Une grande toile, au-milieu du mur représente la Vierge et son fils au-dessus de La Rochelle. Elle ne possède pas le même caractère naïf des ex-voto qui l'entourent. Les photos prises à travers les grilles déforment un peu la toile qui est assez conventionnelle.
La Vierge entourée d'angelots veille sur la ville de La Rochelle. Ici la métaphore du refuge, le Port de Salut, convient à La Vierge dont c'est un des noms comme à la ville qui accueille les navires menacés entre ses tours.
Sous la grande toile du Port de Salut, se trouvent quatre ex-voto:
"Le Bon Père" Capitaine Knell jeune, 1799. Le navire est pris dans la tempête et les hommes supplient le Ciel, bras levés.
La facture naïve du tableau est cette fois plus expressive, plus stylisée, pour tout dire plus originale et plus proche du Douanier Rousseau.
Douanier Rousseau
"Notre Dame de grase" commandée par F. (un capitaine modeste qui n'a pas voulu que son nom soit inscrit!). 1755. Une fois encore le navire est pris dans la tempête et "miraculeusement" sauvé. Son nom le prédisposait à cette protection divine!
La "Louise Ester" commandée par M. Vaullemarin, 1738. Le navire est menacé par les vagues immenses qui le malmènent.
Le tableau porte le nom de son auteur, ce qui est rare sur les ex-voto. Il s'agit d'un dénommé Frizie. ("Frizie le fit").
La "Suzanne Marguerite" a pour commandant M. Hardy en 1768. Ce tableau est un des trois avec l'"Orphée" et l'"Aimable Louise" (plus bas) à avoir été réalisé par le même peintre. Dans les trois on retrouve le sens du contraste et la grande liberté dans la manière expressive de peintre les vagues.
Dans l'église de Saint-Martin de Ré
Un tableau représentant le même navire est conservé dans l'église de Saint-Martin dans l'île de Ré. Il est exposé derrière une maquette ex-voto dont les mâts se confondent avec ceux du tableau!
Il reste encore 4 tableaux, à droite de Notre Dame du Port de Salut. Ce sont les plus difficiles à photographier.
"La Gloire" commandée par Mr de La Place. 1745. Le navire échappe à la tempête. On le voit ici bien assuré, comme apaisé après les épreuves.
Il n'en est pas de même de l'Aimable Louise, commandée par le Capitaine François en 1784. Elle est en fâcheuse posture, couchée par babord, un mât brisé. Les barriques sont emportées par les vagues et un canot de sauvetage a été mis à la mer. Les hommes ont survécu mais l'Aimable Louise a sans doute sombré. Comme pour le Père Félix, le peintre montre un talent plus original, sans souci du réalisme.( Il est l'auteur de l'Orphée et de la Suzanne Marguerite.)
Le "Marquise de Surgère" est un bâtiment commandé par le capitaine Beauregards, 1751. L'originalité du tableau tient en la triple représentation d'une traversée périlleuse. En-haut, le navire passe entre de terribles écueils. En-bas à gauche un homme tombe à la mer, à droite le navire affronte la tempête.
Un homme tombe à la mer
Une traversée mémorable! Pas étonnant que cette fois, les hommes aient demandé l'intervention du Christ en personne, croix à la main!
Le dernier en haut, le plus difficile à photographier est le "Saint-Pierre". Le navire se démène dans la tempête. On devine dans les mats le scintillement des feux de Saint-Elme, annonciateurs d'orage. Les marins y voyaient la protection du saint.
Espérons qu'un jour il sera possible de mieux voir ces tableaux qui ne cessent de nous toucher parce qu'ils racontent des drames surmontés, des tempêtes et des périls avec une foi et une naïveté qui en font des poèmes en peinture!