1er février. Illusion de printemps et de bonheur! Mais vite! Remettre son manteau après la photo!
2 février. Un rayon de soleil pour les amoureux. Square louise Michel;
3 février. Perchée dans le ciel!
4 février. La statue s'anime.
5 février. Oui mais il parle aux oiseaux...
6 février. Toit brillant sous ciel en tourment.
7 février. "Le temps s'en va, le temps s'en va madame... Las le temps non, mais nous nous en allons...." (petit salut à Ronsard sur la place Dalida).
8 février. L'optimisme du chat!
9 février. Un baiser, un rayon de soleil. La liberté d'aimer.
10 février. Filmer les merveilleux nuages et Paris des merveilles.
Le 11 février. Il est revenu avec le soleil le danseur au ballon dans le ciel de Montmartre.
12 février. Deux mondes.
13 février. Le saxophoniste place Valadon. Il ne doit pas ignorer que le saxophone a été inventé à quelques rues de là, dans son atelier de la rue Pigalle par Adolphe Sax qui passe son éternité dans le cimetière de Montmartre.
14 février. Salon et lampadaire boulevard Marguerite de Rochechouart.
15 février. Entre soleil et pluie devant Paris tout entier...
16 février. Rue du cardinal Guibert. Le garçon à l'étoile.
17 février. Square Nadar. Un peu lourd le bébé!
17 février. Le sourire que font naître les animaux qui nous approchent.
18 février. Frémissement du printemps. Square louise Michel.
19 février. Un rayon de soleil le soir rue Utrillo.
20 février. Méditation taoïste devant le parking à vélos.
21 février. L'amour en équilibre.
22 février. Saut à la corde escalier Foyatier.
23 février. Les arbres-neiges messagers du printemps, rue Ronsard.
24 février. Farniente pas très confortable.
25 février. La tour Eiffel à travers les arbres en fleurs du square Nadar.
26 février. L'acrobate.
27 février. A la poursuite de son ombres.
28 février. Le dernier tour, le dernier jour de février. Un mois assez triste au fond, marqué par les assauts de l'omicron et par l'invasion de l'Ukraine.
La seconde partie de la rue Norvins (ancienne rue des Moulins) commence côté pair rue des Saules et côté impair place Jean-Baptiste Clément. Moins photographiée que la première partie (rue Traînée), elle est cependant riche par ses monuments et par son histoire.
La ligne des moulins, photo prise en 1845 par Hyppolite Bayard.
Elle devait son nom aux nombreux moulins situés sur la ligne de crête qu'elle longeait. Curieusement il subsiste à Paris une rue des Moulins qui évoque les ailes que l'on voyait sur la Butte depuis le quartier du Palais Royal.
Le salon du 6 rue des moulins
Cette rue des Moulins, proche de l'avenue de l'Opéra n'est pas sans rapport avec Montmartre puisque le peintre emblématique de notre quartier, Toulouse Lautrec, y fréquenta la maison close située au 6 où il peignit le salon.
Passée la rue des Saules qui évoque Bruant ("Son p'tit fichu sur les épaules, ell' rentrait par la rue des Saules, rue Saint-Vincent") nous trouvons au 20, ô surprise, une boutique de cartes et reproductions, une "galerie" qui vend quelques toiles.
Elle a pris la place d'une épicerie plus qui se spécialisait dans les grains de café à moudre ....
Les 22 et 22 bis sont une des plus belles adresses de Montmartre. Il s'agit de la Folie Sandrin.
La Folie Sandrin
Il y eut tout d'abord à son emplacement, au début du XVIIIème siècle, une riche demeure, nommée à juste titre "Palais Bellevue". Son histoire commence vraiment en 1774 lorsqu'il est racheté par Antoine Gabriel Sandrin, homme des Lumières s'il en fut car il était maître chandelier, c'est à dire fabricant et marchand de bougies et chandelles. Il crée un parc à l'anglaise avec petit temple et rocailles. Il construit une extension et arrive à compter 24 pièces en sa demeure.
Le Palais Bellevue devient "la Folie Sandrin". Etrange prémonition que ce nom qui comme chacun sait signifiait "feuillée", maison de campagne mais qui déjà avait le sens qu'on lui connaît aujourd'hui. En effet c'est un aliéniste, le docteur Prost, qui l'acquiert en 1805 pour en faire un lieu d'accueil et de thérapie pour ceux que l'on nomme fous. Loin des méthodes traditionnelles violentes, il obtient de remarquables résultats en respectant ses patient, en vivant avec eux et partageant leurs repas.
En 1820, l'établissement est cédé au célèbre docteur Esprit Blanche qui poursuit l'œuvre de Prost.
Son patient le plus célèbre est Gérard de Nerval qui décrit la maison où il séjourna "fashionable et même aristocratique". Incapable de payer une pension fort élevée, il fut reçu aux frais du docteur Blanche qui le prit en charge comme il le fit pour d'autres artistes.
Après la clinique, la folie connut divers avatars, institution pour jeunes filles de bonne famille (jusqu'en 1875), école normale pour jeunes filles (années 1950-1960), école religieuse...
Elle se délabrait et peu à peu devenait ruine quand les promoteurs avisés s'en emparèrent en 1970, la restaurèrent et la débitèrent en appartements de grand luxe.
Quelques célébrités y vécurent plus ou moins longtemps comme Jean Marais qui faisait des allers-retours entre Vallauris et Montmartre, Gérard Oury, Michèle Morgan (qui n'y séjourna que brièvement).
Entrée du réservoir rue Norvins.
En face de la Folie Sandrin au 9 subsiste un monument original qui n'est autre que l'ancien château d'eau du village, construit en 1835 dans un style néo Renaissance élégant. L'édifice octogonal donne rue Lepic et il est agrémentée d'une fontaine, une urne de bronze ornée de naïades et de tritons.
Une pompe hydraulique installée à Saint-Ouen et relayée par une autre pompe passage Cottin alimentait le réservoir de 125 000 litres.
La population montmartroise augmentant au XIXème siècle avec le lotissement du maquis et la constructions de "maisons d'six étages, ascenseur et chauffage", il fallut en 1860 rehausser le réservoir pour lui permettre de recevoir plus de 260 000 litres.
Utrillo
L'ajout disgracieux disparut en 1969, le réservoir ayant été désaffecté une vingtaine d'années plus tôt. Aujourd'hui il abrite des expos temporaires et sert surtout de siège à la Compagnie du Clos de Montmartre chargée de défendre et promouvoir la piquette réalisée grâce aux vignes voisines, exposées plein nord!
La rue Norvins (Utrillo) avec à gauche la folie Sandrin et à droite le réservoir.
Le 11 est une reconstruction des années 1920. Il a en effet reçu le 7 août 1918 un obus attribué à tort à la Grosse Bertha (en réalité tiré par les canons allemands à longue portée, les "Pariser Kanonen"). L'obus le fit voler en éclats, en même temps que plus au sud d'autres obus frappaient l'église Saint-Gervais et la façade de Notre-Dame.
Les 15-17
À l'emplacement des 15-17, était situé le moulin de la vieille tour (1623-1840). Il occupait le terrain situé entre les rues Norvins et Lepic actuelles.
(Sur cette gravure, on voit en premier plan le chemin qui deviendra la rue Lepic. A droite le moulin de la Vieille Tour (15-17 rue Norvins) et le moulin de la Petite tour (21 rue Norvins). Le chemin qui s'ouvre à gauche sera la future rue Girardon.)
Le moulin de la Petite Tour (1647-1854) devient en 1824 "la Tour à Rollin" du nom de son nouvel acquéreur, Joseph Rollin. Quand il est détruit ses pierres servent de soubassement au pavillon sur la rue Norvins.
Le 21 rue Norvins (aussi 4 rue Girardon)
Remplaçant le moulin dont les ailes légères tournaient dans le ciel montmartrois, un gros immeuble cossu typique des constructions qui détruisent le vieux Montmartre au début du XXème siècle, s'est installé sans état d'âme.
Malgré sa lourdeur l'immeuble est connu de tous les admirateurs de Céline. L'écrivain raciste après avoir vécu 13 ans rue Lepic y emménagea en 1941 avec Lucette Almanzor et le chat Bébert récupéré chez Le Vigan.
Il appréciait l'endroit d'où il avait une vue imprenable :" Moi j'avais, c'est vrai mon 7ème (en réalitéil habitait au 5ème)! L'air! La vue! Lointaine! Cent bornes! Toutes les collines jusqu'à Mantes! Mais quelle haine cet air m'a valu! Cette vue!... personne me les pardonne encore!..."
Comme si cette haine prétendue était due à la jalousie et non aux ignobles pamphlets qu'il continua d'écrire alors qu'il habitait Montmartre! "Les Beaux Draps" datent de 1941.
Je ne sais à quoi pensait Céline lorsqu'en 1942 il voyait de son appartement si bien placé les bus de la rafle qui stationnaient en haut de l'avenue Junot.
En 1944, il assiste de sa fenêtre au bombardement de Paris qu'il décrit dans "Féérie pour une autre fois" : "Le miroitement des tuiles! bijoux! diamants!...les bombes éclatent là-dedans en fleurs! rouges! rouges! en œillets!..."
Et peu après, il prend courageusement la fuite avec les collabos, sachant qu'il risquait d'être jugé et condamné à mort.
Ironie de l'histoire, dans ce même immeuble avaient lieu des réunions secrètes de la Résistance comme le rappelle une plaque récemment apposée sur la façade.
23 oct 2021. Cérémonie pour la pose de la plaque commémorative. Je passais par là! Sur la droite, de dos, Pierre-Yves Bournazel député du 18ème.
Revenons maintenant où nous étions restés côté pair, après la Folie Sandrin.
Le 24 est à la fois un petit square qui porte le nom de "jardin Frédéric Dard" et une cité d'artistes. Il faisait partie à l'origine de la Cité Norvins et s'appelait "square de la Cité-Norvins" à son inauguration en 1958.
Le jardin en février 2022, fermé pour réaménagement. Une interminable fermeture!
Ce petit espace de 620 m2 actuellement fermé pour cause de réaménagement est une concession que fit la ville aux riverains irrités de voir tout l'espace occupé par la cité (6000 m2 avec ses arbres, sa nature originelle) fermé aux riverains et aux promeneurs depuis 1999.
Et même cette "concession" minimale fut-elle contestée par certains résidents de la Cité, inquiets de perdre leur tranquillité!
De vieilles photos du début du siècle nous montre l'endroit tel qu'il était, ouvert à tous, véritable havre de verdure et de calme au cœur du vieux village, miraculeusement épargné des appétits voraces de la spéculation immobilière.
La Cité-Norvins fut rachetée par la ville afin d'interdire son lotissement, pour devenir "la Cité des Arts". Elle est composée de vieux immeubles et maisons du XIXème siècle ainsi que d'immeubles d'ateliers du début du XXème siècle. Elle est utilisée comme résidences pour les artistes et gérée par la Cité Internationale des Arts qui possède un autre site dans le Marais.
Le 24 avant d'être loti porta la star des moulins montmartrois, le moulin de la Galette (aujourd'hui à l'angle des rues Lepic et Girardon).
Sa présence est attestée au début du XVIIIème siècle quand sur le vaste terrain acquis par François Chapon, il prend fièrement le vent qui à cet endroit ne ménage pas sa peine. Il a pour nom, comme il se doit, Moulin Chapon.
Le Radet et plus loin le Blute-Fin.
Son histoire est mouvementée mais pour la résumer, disons que passant de propriétaire en propriétaire il finit par devenir le moulin Radet. Nom mystérieux puisqu'aucun propriétaire ne le porta. J'émets une hypothèse hasardeuse. Les Montmartrois entichés de Napoléon (la rue Lepic actuelle est nommée rue de l'Empereur) auraient pu avoir envie d'honorer un général de la Grande Armée, Etienne Radet, qui de plus dirigea l'enlèvement du pape Pie VII.
Sans doute est-il plus sage de penser que le "Radet" du moulin aurait été un des meuniers locataires du lieu.
Une dernière hypothèse vient de m'être suggérée par un ami lecteur qui relève que dans un ouvrage sur la meunerie il est question de moulin à radet. Il s'agit il est vrai de moulins à eaux avec une plateforme flottante. La terrasse des moulins faite de planches ressemblant à un radet (radeau) a pu conduire les villageois à lui donner ce nom. Why not?
C'est en tout cas le plus célèbre meunier de Montmartre, de la dynastie des Debray, Nicolas-Charles qui en fit l'acquisition en 1812 après avoir enrichi son patrimoine trois ans plus tôt d'un autre moulin, plus grand, le Blute-Fin, celui que l'on découvre, splendide et altier depuis la rue Tholozé.
Debray a la lumineuse idée, pour raison commerciale de faire déménager en 1834 son Radet qui franchit une centaine de mètres pour se fixer près de son emplacement actuel (photo).
Il lui reste encore à franchir, un peu plus tard, une petite distance jusqu'à l'angle de la rue Lepic (rue de l'empereur à l'époque).
C'est là qu'il est photographié par des hordes de touristes qui ignorent qu'il fut de 1924 à 1977 perché sur un socle de béton lourd et laid. Il sera restauré en 1977 ainsi que son entrée belle époque.
Fin de la rue avec à gauche les jardins transformés en immeuble et place Marcel aymé
Nous arrivons maintenant au dernier numéro de la rue Norvins, le 26.
les terrains libres sur lesquels était installé le Radet, ont été dans leur partie ouest sacrifiés au profit d'un imposant immeuble et d'une place.
Marcel Aymé rue du Mont-Cenis.
Il s'agit de la place Marcel Aymé (1902-1967) du nom de l'écrivain qui vécut dans cet immeuble pendant les trois dernières années de sa vie, et y mourut.
Il était Montmartrois d'élection, ayant eu pour adresses successives le 9 rue du square Carpeaux, le 9 ter rue Paul Féval (pendant 30 ans) et enfin le 26 rue Norvins.
Après sa mort, Jean Marais réalisa en son hommage une sculpture qui illustre une de ses nouvelles les plus connues, "Le passe-muraille". La sculpture fut inaugurée en 1989 et elle attire les touristes qui aiment se faire photographier devant elle.
Jean Marais qui à l'occasion se découvrait sculpteur donna à son passe-muraille la tête de Marcel Aymé et les mains de Jean Cocteau.
Marcel Aymé eut pour voisin dans cet immeuble un musicien qui fut célèbre en son temps :
Je retiens, outre ses créations que je connais peu, qu'il a été pendant presque 20 ans l'époux de Colette Steinlen, fille de notre Alexandre, le peintre humaniste engagé pour les humains et pour les chats!
Colette et un chat (Steinlen)
Il ne se contenta pas de la belle puisqu'il eut deux autres épouses. Après ses trois mariages, il fallut bien conclure par un enterrement qui eut lieu en 1965 dans le vieux cimetière Saint-Vincent où il a pour colocataires Alexandre Steinlen et Marcel Aymé!
Nous sommes avec la rue Norvins au cœur du cœur de Montmartre et par chance elle a gardé en partie l'image de ce que fut le vieux village. Un article déjà ancien lui a été consacré sur ce blog mais il nous semble intéressant de l'actualiser et de réparer quelques oublis!
La rue Norvins à partir de la rue des saules vers la place du Tertre
Cette étroite artère célébrisime figure sur les plus anciens plans de Montmartre sous le nom de rue Traînée ou Trenette dans sa partie entre la place du Tertre et la rue des saules, et rue des moulins dans celle qui va de la rue des saules à la rue Girardon.
La rue Norvins à partir de la rue Girardon (ancienne rue des moulins)
C'est un décret de 1868, huit ans après le rattachement de Montmartre à Paris qui lui donne son nom toujours actuel de rue Norvins.
Portrait de Jacques Marquet de Montbreton de Norvins par Ingres
Il y avait à l'époque un vénération pour Napoléon, d'autant plus ardente qu'elle permettait par opposition d'amoindrir et de critiquer Napoléon III, appelé par Hugo "Napoléon le Petit". Il se trouve que Jacques Marquet de Montbreton de Norvins, né la même année que Napoléon (1769), fidèle entre les fidèles, a écrit un livre-somme "Histoire de Napoléon" qui connaît un vif succès. Il prête trois excès à son héros, "l'excès du génie, l'excès de la fortune, l'excès du malheur".
Il en fait ainsi un personnage romantique idéalisé!
Évidemment le nom de la voie est raccourci afin de n'avoir pas à dérouler l'interminable patronyme : Jacques Marquet de Montbreton de Norvins ! La particule elle même a pris la poudre d'escampette.
Commençons donc la visite par la première partie de la rue, entre la place du Tertre et la rue des saules. Au début, Seul le côté pair est construit, formant un des côtés de la place du Tertre, du 2 au 8.
Le 2 est un petit immeuble assez disgracieux qui a pris la place du fameux hôtel du Tertre qui lui même avait été construit sur les culs-de-basse-fosse de la prison de ces dames, Abbesses de Montmartre. C'est un haut lieu du Montmartre artiste et bohême où venaient siroter l'absinthe, au Rez de chaussée, chez Bouscarat, Degas, Toulouse Lautrec, Puvis de Chavannes.
Le 2 (premier immeuble à droite), Hôtel du Tertre.
... Le relais fut pris par Satie qui venait en voisin de la rue Cortot, Modigliani, Couté, Max Jacob, Carco...
Le 2, aujourd'hui
Plus tard encore on y rencontrera Picasso, Renoir ou Vlaminck....
L'hôtel fut vendu par Bouscarat pour être détruit et remplacé en 1938 par l'immeuble actuel qui enlaidit la place du Tertre et dont le café restaurant en s'appelant "La Bohême" a couru en vain après la légende montmartroise puisque depuis la pandémie ou à cause d'elle il a fermé ses portes.
Le 4 est le célèbre "Cadet de Gascogne" qui n'est pas si ancien qu'on pourrait le penser. Henri Borde, un gascon qui avait du flair racheta un petit commerce de village pour créer son restaurant en 1928.
Il est cadet de famille et selon la tradition gasconne, les biens revenant à l'aîné, il devait partir à l'aventure, à la recherche de la fortune. La fortune fut au rendez-vous, le gascon avisé acheta, succès aidant, le restaurant "Patachou" et l'énorme maison, de l'autre côté de la place, avec vue sur tout Paris, habitée aujourd'hui par Nagui de la télévision française!
On peut voir clairement sur cette carte que le restaurant n'occupait que les deux tiers du petit immeuble. Il avait pour voisin "Le singe qui lit" qu'il avala en partie pour occuper l'ensemble de l'immeuble.
Il faut dire un mot de ce singe sacrifié dont vous pouvez lire l'article complet sur ce blog. En 1908, il y avait là un bric-à-brac, une brocante foutraque tenue par un personnage hors pair, Emile Boyer, "brocanteur, anarchiste, fort en gueule, caractériel, marchand de frites et de peintures".
Emile Boyer et sa friteuse
Il était ami d'Utrillo et de Gen Paul dont il vendait dessins et toiles. Après lui il y eut un autre patron, Gremillet, puis une boutique de souvenirs made in China, mais la vieille enseigne et le décor avaient été respectés, jusqu'en 2018 où tout fut détruit pour agrandir la mère Catherine!
Au 6 vit donc cette ogresse de "mère Catherine" . A l'origine il s'agissait d'une brave citoyenne, Catherine Lamotte (nom parfois orthographié Lamothe) qui en 1793, année connut pour sa douceur et sa tolérance, acquit l'ancien presbytère vendu comme bien national.
En 1814, elle subit le passage des cosaques, grands amateurs d'alcool, qui pour être servis sans attendre criaient "bistro" c'est à dire "vite"! Ainsi le mot bistro serait né chez la mère Catherine. Aujourd'hui une plaque perpétue la légende que serinent les guides.
En réalité le mot n'apparaît qu'en 1884 dû à l'abréviation du provençal "bistroquet". Peu importe à Catherine qui aurait fait fi de la controverse si en 1844 elle n'avait rendu son âme à Dieu, renversée par une pièce de vin qu'elle descendait à la cave. On ne dira jamais assez que l'alcool tue!
Après elle d'autres propriétaires se succèdent parmi lesquels le gros Guillaume, auréolé de son passé de garde national pendant la Commune puis le père Lemoine, 2ème maire de Montmartre, connu sous le pseudo de "père La Bille" pour avoir installé dans son restaurant un billard.
Le 8 rue Norvins
Au 8 dans une vieille maison du XVIème siècle, le petit comptoir remplace un "estaminet" qui lui-même remplaçait un humble commerce villageois.
Début côté impair de la rue Norvins (1, 1bis, 1ter).
Nous pouvons maintenant nous intéresser aux numéros impairs qui commencent là sur une sorte de placette dont le premier immeuble donne sur la place du Tertre. Il faisait corps à l'origine avec le 1bis et le 1ter.
Ô surprise ineffable, une enseigne temporaire annonce l'ouverture d'une boutique de souvenirs "le singe qui lit"! Ainsi le nom de ce singe sauteur ne quittera t-il pas Montmartre!
Auparavant était installé dans cette maison le syndicat d'initiative de Montmartre qui est descendu de quelques dizaines de mètres jusqu'au 7 rue Drevet.
Une plaque nous rappelle (!) qu'à cet endroit, le 24 décembre 1898, arriva "une voiture à pétrole pilotée par Louis Renault, marquant ainsi le départ de l'industrie automobile française". Soyons fiers Montmartrois, nous abriterions le premier "bistro" de France et serions à l'origine d'une industrie qui fut le fleuron de notre pays!
Il y avait jusqu'en 1921 une terrasse ouverte entre ce groupe de maisons dont une partie fut détruite. Il resta un terre-plein central racheté par la ville, sans doute pour élargir la rue Norvins et qui aujourd'hui forme cette placette pittoresque sur laquelle donnent ces vieilles maisons villageoises.
Le 10.
En face côté pair, le 10, malgré les pétitions des Montmartrois a vu s'installer une enseigne américaine qui ouvre la voie aux MacDo et autres joyeusetés mondialisées.
Il subsiste de vieilles cartes qui ressuscite le quartier ancien et le siège de la Commune Libre du temps de Depaquit.
Les 12, 14, 16....
Pas grand chose à dire des autres numéros pairs sinon que les maisons où ils sont installés sont d'authentiques maisons du vieux village miraculeusement conservées.
Arrêtons nous seulement au 18, présent sur toutes les cartes postales, "le Consulat".
Il est peint sur de nombreuses toiles et il est fréquent de voir des peintres (notamment asiatiques) poser leur chevalet devant le restaurant en figure de proue entre les rues Norvins et Saint-Rustique.
Utrillo
Utrillo
Il y eut à son emplacement la "Friterie, liqueurs à emporter" du père Luc avant que l'emplacement idéal n'attirât les artistes qui prirent très vite l'habitude de venir y boire et manger.
Peintres et poètes s'y rencontrent bien avant que le Consulat d'Auvergne ne devienne Consulat de Savoie dans les années 60 quand son propriétaire monsieur Poppon voulut rendre hommage à la région dont il était originaire.
Une affiche encadrée rue Saint-Rustique et rue Norvins rappelle le nom de quelques artistes qui le fréquentèrent, sans oublier les cinéastes qui apprécièrent son côté si "pittoresque"!
Woody Allen est un des derniers à avoir situé à proximité quelques scènes de "Tout le monde dit I love you" et de "Midnight in Paris".
Revenons côté impair que nous avions laissé au 1ter. De petits immeubles se succèdent, témoins eux aussi du vieux village. Chacun d'eux abrite un commerce de restauration ou de souvenirs formatés pour les touristes.
Le 3 années 60
Les 3 aujourd'hui
Entre le 3 et le 5 s'ouvre une courte impasse, anciennement nommée "Cul-de-sac Saint-Vincent" et baptisée "Impasse du Tertre" en 1867.
Une plaque recommande aux automobilistes de ralentir pour ne pas heurter les petits poulbots!
Voilà une alerte bien anachronique pour notre temps où les voitures ne peuvent emprunter la rue et où les enfants habitant le haut Montmartre ont disparu depuis belle lurette! Comme les sauriens découverts dans les carrières de la Butte!
Le 7 est un restaurant au nom désuet : "la Pétaudière" qui comme chacun sait est un lieu où règne l'anarchie et la confusion.
L'expression viendrait de Rabelais et de sa "cour du roi Pétaud", joyeuse assemblée où chacun avait la même autorité que le roi!
C'était le nom d'un cabaret fameux, 10 rue Tholozé, dirigé par le chansonnier Léon Zanroff auteur du fiacre chanté par yvette Guilbert.
En 1928 le cabaret disparut, remplacé par le studio 28, cinéma célèbre pour ses lustres dessinés par Cocteau.
Impasse Traînée, aujourd'hui rue Poulbot.
La Pétaudière donne en partie rue Poulbot, ancienne impasse traînée. Son nom venait de la manière dont on chassait le loup, "à la traînée" en tirant sur le pavé une charogne dont l'odeur ne pouvait manquer d'allécher le pauvre loup qui tombait dans une trappe dissimulée sous des branchages.
Rue Poulbot. La Pétaudière à droite, le Tire-bouchon à gauche.
Ce n'est qu'en 1967 que l'impasse se transforma en rue et prit le nom de Poulbot.
En face de la Pétaudière, au 9 rue Norvins a survécu un vieux cabaret, le Tire-Bouchon.
Le cabaret ouvert après la 2ème guerre a été une pépinière de talents venus tenter leur chance à Paris. De nombreux jeunes chanteurs y ont débuté et donné pour quelques sous un court récital.
Brel non loin du Tire-Bouchon, rue Poulbot
Parmi eux comment ne pas citer Brassens ou Brel qui tous deux passèrent du Tire-Bouchon au cabaret de Patachou un peu plus loin, rue du Mont-Cenis. Bernard Dimey, Francis Lai, Fernand Sardou aimèrent l'ambiance artiste et bon enfant du lieu.
La rue continue avec ses ennuyeuses boutiques pour s'arrêter, dans sa première partie, avec ce qui fut longtemps la dernière boulangerie du haut Montmartre.
On la voit encore sur les cartes postales des années 60. Elle a survécu aussi longtemps qu'elle a sut résister aux sirènes de la spéculation et des offres de rachat.
C'est fini depuis une quinzaine d'années...
Il n'y a plus de boulangerie dans ce quartier. Une boutique de souvenirs, une de plus, a pris sa place. Elle donne en partie sur la place Jean-Baptiste Clément.
Ici s'arrête la première partie de la rue Norvins, celle qui s'appelait rue Traînée. La prochaine fois nous arpenterons la deuxième partie, l'ancienne rue des moulins.
On se dit que le charme de Montmartre a quelque chose de magique pour subsister malgré l'enlaidissement commercial!
La halle Saint-Pierre, plus chanceuse que ses consoeurs "Baltard" du ventre de Paris, sauvagement détruites sous Pompidou, abrite un musée vivant ouvert à l'art brut et à la photographie. Quand il fut créé dans les années 1990, il exposait une partie de la collection d'art naïf de Max Fourny dont il porte toujours le nom.
Et puis les naïfs prirent la poudre d'escampette pour être remplacés par des artistes à la mode, représentants de l'art brut. Mais le musée garde du temps de ses débuts les bannières d'un artiste de rue qui était dans le vent urbain, Speedy Graphito.
Ce sont elles qui reçoivent pluie, soleil et fientes de pigeons contre la façade. Elles offrent au passant malgré les injures du temps, leurs dessins de vitraux et leurs couleurs vives.
Speedy Graphito, de son vrai nom Olivier Rizzo (né en 1961) est considéré comme l'un des pionniers en France du street-art (beaucoup moins branché quand on l'appelle à la française "art des rues").
Dans les années 80, il parcourt nuitamment les artères de la ville pour les décorer de ses pochoirs et ses collages qui sont vite remarqués pour leur originalité et leur gaité. Déjà il donne vie à des personnages stylisés et dynamiques qui ne sont pas sans rappeler Keith Haring.
Parmi eux, des chiens bleus, des diables rouges et un lapin robotisé, Lapinture.
En 1985, Speedy est couronné du prix de la meilleure affiche du concours lancé par le Ministère de la Culture pour les mois du musée : "La ruée vers l'art".
Avec le temps, Speedy s'inspire de plus en plus de la culture populaire, des icônes du dessin animé, des personnages de jeux vidéo... dans des compositions où l'humour ne manque pas de pointer le bout de son nez.
Ce qui ne cache pas l'influence chez lui de peintres qu'il admire comme Miro ou Picasso.
Les frontières du temps et des cultures s'abolissent et Riri peut bien faire du trampoline devant la vague d'Hokusaï...
Aujourd'hui Speedy ne fait plus que rarement le mur. On le rencontre dans des musées, des galeries, des salles des ventes...
Raison de plus pour ne pas manquer de lever la tête vers ses bannières de la Halle Saint-Pierre rue Ronsard, sans oublier de passer devant la porte colorée de la rue Nodier.
1er janvier. Montmartre revêt les couleurs de l'Europe. Grosse polémique ridicule à propos du drapeau européen à l'Arc de Triomphe!
Pas encore de polémique sur le bleu du Sacré-Coeur!
2 janvier. Le soir avec la foule devant le Sacré-Coeur.
3 janvier. Dans le jardin des chiens, square Nadar. Le petit animal n'a pas besoin de masque.
4 janvier. La nuit le Sacré-Coeur est bleu mais le jour c'est le ciel!
5 janvier. Place du Calvaire.
6 janvier. Nouveau décor du restaurant du moulin, influence mexicaine.....
7 janvier. Petite famille au complet, square Nadar.
8 janvier. Le visage de l'amour. Square Louise Michel.
9 janvier. Sourires d'Asie! Escalier du sacré-Coeur.
10 janvier. Comment traumatiser un bébé! Place Saint-Pierre.
11 janvier. Au-dessus de la ville brumeuse.
12 janvier. Se tenir chaud devant la ville glacée.
13 janvier. Le cheval et la lune. Square Louise Michel.
14 janvier. Le roi doré se maquille. Place Saint-Pierre.
15 janvier. Solitude.
16 janvier. 17h. Le nuage comme un oiseau de Magritte qui se dissout.
17 janvier. On s'aime à Montmartre.
18 janvier. Le parasol bleu. La place du Tertre est débarrassée jusqu'au printemps des structures sinistres qui abritent les terrasses envahissantes des restaurants!
19 janvier. Le chat dans la vitrine avec Bouddha. Haut de la rue Lepic.
20 janvier. Le moulin dans le ciel (rue Lepic)
21 janvier. vivre dans une bulle!
22 janvier. L'arbre coupé. Rue Paul Albert.
23 janvier. "Frères humains qui devant nous passez, n'ayez le coeur contre nous endurci..."
24 janvier. Le petit lapin a perdu son bébé. Grilles de la basilique.
25 janvier. Marches du Sacré-Coeur. Le monde brillerait comme un soleil si nous aimions comme savent aimer les chiens.
26 janvier. Il y a toujours des amoureux qui s'embrassent au sommet de la ville, là où tant de couples ont accroché un cadenas avec leurs noms afin que leur amour dure toujours, ou presque.
27 janvier. Un soir froid et magique où la rue de l'abreuvoir m'appartenait!
28 janvier. Un échappé de Jurassic Park!
29 janvier. Nouveaux amateurs de peinture sur la place du Tertre.
30 janvier. Un petit goût d'été!
31 janvier. Dernier soir du mois. En attendant le printemps!
Voisin de l'Auberge du Clou vandalisée légalement en 2021 pour laisser place au Seasons Martyrs, il y eut un autre cabaret flamboyant de Montmartre : l'Âne rouge.
Là ou était l'âne rouge, vous trouverez le "paprika"!
Il a depuis fort longtemps cessé de braire et au 28 avenue Trudaine il a laissé place au "Paprika" du nom d'une épice de couleur rouge elle aussi, mais il est hors de question de ne pas le "ressusciter" le temps d'un article, tant il fait partie de l'histoire de notre quartier.
Cartouche (illustration de Tessier et Sarrou).
Remontons au second Empire, en 1870, avec le père Laplace que certains appellent "le père de Montmartre". En effet, marchand de tableaux avisé, il eut l'idée d'organiser des rencontres d'artistes, poètes et peintres autour d'un verre, dans sa boutique. Devant le succès, il la transforma en café, "La Grande Pinte", hommage à un célèbre débit de boissons (créé en 1724) situé à la barrière d'Antin, là où trône aujourd'hui l'église de la Trinité et qui eut pour fidèle client le brigand Cartouche qui appréciait le puits de l'établissement donnant accès à des souterrains précieux en cas d'alerte.
La Grande Pinte de Laplace peut être considérée comme un des premiers cabarets montmartrois où s'exprimaient et étanchaient leur soif poètes et chanteurs!
C'est en 1889 que commence l'histoire de notre cabaret quand la Grande Pinte est rachetée par Gabriel Salis pour devenir l'Âne Rouge.
Le Chat Noir de Rodolphe Salis, d'abord sur le bd de Rochechouart (ensuite rue de Laval, aujourd'hui Victor Massé)
Le nom de Salis est familier aux oreilles des Montmartrois ! Salis! Le Chat Noir! Le cœur même du Montmartre des artistes et de la Bohême! Mais attention, un Salis peut en cacher un autre! Le Chat Noir appartient à Rodolphe Salis tandis que l'Âne rouge est la propriété de Gabriel Salis, son frère cadet.
Enseigne de Willette pour le Chat Noir, rue de Laval (aujourd'hui Victor Massé)
Les deux frères ne s'entendent pas, ou alors comme chien et chat (à cause d'une rivalité féminine)! C'est pour concurrencer Rodolphe que Gabriel ouvre son cabaret à proximité du Chat Noir.
Le nom aurait été trouvé par Willette pour se moquer du mauvais caractère un tantinet buté de Rodolphe et de sa crinière rousse.
Caricatures de Willette :
- Il fut un temps où je portais la farine au moulin...
_ Mais j'en avais plein le dos de Pierrot et de sa farine...
- Et il est mort depuis...
- Là ousqu'est mon mouchoir?
- Mes amis tout ça est à vous... pour de l'argent! Buvez et multipliez!
- C'est pour la réparation de la Butte qui s'écroule sous le poids de ma gloire
- De l'audace, de l'audasse et encore de l'audasssse et toujours de l'audasssssse! (Willette)
Gabriel Salis surnommé le léopard ou encore le don Quichotte de Montmartre, moins autoritaire que son frère entraîne avec lui une partie des habitués du Chat Noir, à commencer par Willette qui accroche dans la grande salle son tableau peint après la Commune "la fédérée de la place du Tertre".
Tableau inspiré par un poème de Richepin qui sera plus ou moins copié par Bruant :
"Le drapeau rouge autour du corps
Lui allait mieux qu'un linceul d'or
Elle est tombée la gueule ouverte
A Mont-merte".
Parmi les artistes qui participent au "décor" en accrochant quelques unes de leurs œuvres, nous trouvons Steinlen, celui-là même qui a créé pour Salis l'affiche devenue icône de Montmartre.
Nous trouvons encore Georges De Feure peintre symboliste qui avait son atelier à proximité, rue de l'agent Bailly et qui mérite d'être redécouvert.
Georges de Feure (femme dans la neige)
L'Âne rouge connaît un grand succès avec la venue de la bande des Hydropathes de Goudeau et avec quelques personnalités marquantes de la bohême montmartroise. Il suffit de citer Verlaine, Charles Cros, Xavier Privas, Marcel Legay, Gaston Couté, Paul Delmet, Willette, Steinlen, Bottini.... Toutes ces figures montmartroises habituées de l'Âne rouge n'en fréquentent pas moins d'autres cabarets, d'autres lieux mythiques aujourd'hui qui se réclament de leur célébrité.
Gabriel Salis dans son cabaret (caricature de Lepetit)
Gabriel Salis contribue à l'ambiance joyeuse et impertinente. Il se réjouit de voir s'anémier le Chat Noir de son frère tandis que son Âne est en pleine forme.
Rodolphe Salis tente de retrouver le succès en organisant des tournées dans toute la France et en innovant avec le théâtre d'ombres dont certaines silhouettes sont conservées au musée de Montmartre. La dernière séance eut lieu en 1896, après quoi Rodolphe pris d'une folie destructrice s'acharna contre le mobilier et la décoration de son établissement, hâtant sa mort définitive.
Il meurt l'année suivante, en 1897. Gabriel Salis eut-il du remords, retrouva -t'il l'affection perdue pour son frère? Toujours est-il qu'il vendit son Âne rouge peu de temps après, en 1898.
Son acquéreur fut André Lesage, dit Andhré Joyeux, compagnon de la première heure et chansonnier apprécié qui n'eut pas le temps de faire ses preuves à la tête de son cabaret car, atteint d'un cancer à l'estomac, il se suicida en septembre 1899.
Il ne reste que quelques années de vie à notre Âne rouge qui est racheté en 1900 par Mauricette Renard puis en 1903 par Léon de Bercy, chansonnier, parolier, membre du Club des Hydropathes et ami de Bruant avec qui il écrit un dictionnaire de l'argot, mais mauvais gestionnaire qui abandonne le pauvre Âne en 1905.
C'est la fin du cabaret mais pas de son nom. Un certain monsieur Choulot ouvre un restaurant qui garde pour sa publicité l'enseigne devenue célèbre.
Quelques années plus tard le nom disparaît à son tour. Les fourneaux du restaurant s'éteignent et c'est une boulangerie qui s'installe à sa place. Fin de l'Âne Rouge!
Le Paprika qui aujourd'hui occupe son emplacement n'a pas détruit la céramique originelle au-dessus de la porte avec notre âne rouge gourmand, tenu en laisse par une femme nue virevoltante! Ultime relique du célèbre cabaret!
L'auberge du clou, 30 avenue Trudaine, fait partie de l'histoire montmartroise. Il était difficile d'imaginer qu'elle serait un jour sacrifiée malgré les protestations des riverains et des amoureux de Montmartre. Voilà! C'est chose faite, elle a été saccagée et remplacée il y a quelques mois par un établissement aseptisé et sans âme qui fait partie d'une chaîne : le Season Martyrs, "restaurant healthy au cœur de Pigalle"!
"Season" un nom angliche pour être branché et faire comme si le mot ne venait pas du français "Saison" et "Martyrs" pour rappeler la rue voisine plus "bobo" que l'avenue Trudaine qui est la véritable adresse du restaurant.
Martyrs, c'est bien choisi au fond pour un lieu historique saccagé
Il faut rappeler ce qu'était ce lieu et l'importance qu'il a eue dans la vie mouvementée et créatrice du quartier.
Il est créé en 1881 par Jules Mousseau, acteur qui jouit d'un certain renom pour avoir joué avec succès dans l'Assommoir, pièce tirée du roman de Zola. Mousseau a pour associé Paul Tomaschet dont la femme (la mère Tomas) figure dans l'encadrement de la porte sur le cliché ci-dessus.
Jules Mousseau (à gauche) dans l'Assommoir).
Le succès de l'auberge est immédiat. Il est dû en bonne partie à Depaquit. Ce dernier s'est brouillé avec Rodolphe Salis et pour marquer son irritation décide de ne plus fréquenter le Chat Noir. Il quitte ce cabaret avec toute sa bande des hydropathes et trouve refuge à l'auberge du clou!
Depaquit, maire de la Commune libre de Montmartre.
Une précision sur le nom de l'établissement. Il est dû à une habitude que l'on trouve dans d'autres cabarets, celle de planter sur le mur des clous qui permettent aux artistes fauchés d'accrocher un tableau afin de payer leur écot.
Les murs sont vite surchargés et il faut entreposer les oeuvres dans la cave! D'autant plus que neuf grandes toiles de Willette occupent une bonne partie des surfaces disponibles! Malheureusement ces toiles ont disparu comme beaucoup d'autres qui ornaient les cabarets de Montmartre.
Un autre artiste de Montmartre, et non des moindres, participe au décor. Il s'agit de Steinlen, le peintre des chats, l'humaniste du Cat's cottage.
Dans la cohorte qui suit Depaquit on trouve Alphonse Allais, Jehan-Rictus, Léon Paul fargue, Alfred Jarrry... Que du beau monde, des artistes marginaux qui mettent de l'ambiance dans les cabarets montmartrois qu'ils fréquentent.
Dans la grande pièce du rez de chaussée trône un vieux piano qui malgré ses notes déficientes permet à Erik Satie d'improviser de courts récitals qui servent à régler ses additions fortement alcoolisées par l'absinthe.
Satie (Valadon)
C'est à l'auberge du clou que Satie rencontre Valadon pour qui il éprouve illico une passion dévorante. La liaison durera cinq mois, ce qui n'est pas mal à Montmartre. Il n'est pas sûr que Suzanne ait éprouvé la même attirance pour le musicien mais ce qui est sûr c'est que ce dernier eut l'imprudence de lui présenter un de ses bons amis, Paul Moussis, qui séduira la jeune femme et l'épousera.
Un autre musicien aime se mettre au piano, c'est Achille de Bussy, le futur Claude Debussy! Il vient sans doute mettre en pratique les leçons qu'il a reçues d'Antoinette Mauté, sa prof qui le reçoit non loin de là, rue Nicolet où sa fille Mathilde élève son fils George, fruit de son mariage avec Paul Verlaine qui s'est enfui loin du logis familial avec Rimbaud.
Courteline (Charles Léandre)
Un des habitués les plus fidèles n'est pas musicien mais écrivain. Courteline a sa table située à un endroit stratégique d'où il peut observer et entendre. Il note dans ses carnets les réparties les plus savoureuses susceptibles d'être réutilisées dans ses pièces. Il est au fond l'inventeur des "brèves de comptoir".
"Le chalet" du 5 rue d'Orchampt où habita Courteline.
Il ne fait défection qu'en 1903 lorsqu'il quitte Montmartre, le cœur brisé, pour s'installer dans un quartier en pleine expansion du côté de Picpus. Il a 45 ans et il vit cet exil comme un adieu à sa jeunesse excentrique et bohême. Il cesse d'écrire neuf ans plus tard, loin de son "cabinet de travail" de l'auberge du clou.
Pour le plaisir, quelques phrases qu'il a peut-être écrites à l'auberge du clou :
"On change plus facilement de religion que de café".
"L'alcool tue lentement. On s'en fout. On n'est pas pressés."
"Les pianos devraient être frappés de deux impôts. Le premier au profit de l'Etat, le second au profit des voisins." (j'imagine qu'il ne parlait ni pour Debussy ni pour Satie!)
"Je ne vais pas à la messe car c'est à l'heure de l'apéritif."
Maurice Chevalier et Mistinguett.
Parmi les derniers clients célèbres on peut citer Raimu qui peut-être venait jouer aux cartes à se fendre le cœur, Maurice Chevalier et Mistinguett...
Le clou peu avant sa "transformation"
le Seasons Martyrs!
Et de nos jours, il y a quelques mois, à l'abri du silence covidien, en l'an de grâce 2021, l'auberge du clou a rendu son âme qui faisait partie de la grande âme de Montmartre. Rien ne rappelle son existence 30 avenue Trudaine, pas une plaque, pas une décoration....
Un habitant révolté rapporte ce qui lui a dit un ami américain : "C'est comme si on transformait le Lapin agile en Mc Do".
S'il est un endroit qu'aimait Utrillo c'est bien ce croisement entre les rues Saint-Vincent et du Mont-Cenis. Montmartre y tentait de survivre et résistait tant mal que bien aux assauts de la spéculation immobilière.
Il fallait se hâter de sauver ne serait-ce qu'en images le vieux village qui sur ce versant nord voyait disparaître une à une ses vieilles maisons. Utrillo qui ne peignait pas toujours en s'inspirant de cartes postales venait de la rue Cortot voisine où il vivait avec sa mère Suzanne Valadon et Utter depuis 1912. Il n'avait à parcourir que deux cents mètres à peine!
Le triste carrefour aujourd'hui! Sur la droite l'école reconstruite, au 2ème plan l'immeuble qui a écrasé la maison de Berlioz et en face l'autre immeuble qui l'a devancé.
Le même carrefour en 1912...
Au 1er plan la maison de Berlioz, en face l'autre maison villageoise. Les deux maisons ont été remplacées par les grands immeubles ingrats. et écrasants!
Triste spectacle! Le même endroit aujourd'hui
Songez qu'il y avait là la grande ombre de Louise Michel qui avait été directrice de l'école 26 rue du Mont-Cenis, celle de Berlioz qui avait vécu trois ans dans la maison d'en face, et un peu plus bas le vieux cimetière du village où quelques Montmartrois devenus célèbres reposaient.
Berlioz avait "choisi" Montmartre pour des raisons financières, les loyers sur la Butte incommode d'accès étant bien inférieurs à ceux pratiqués dans Paris et notamment dans le quartier à la mode de la Nouvelle Athènes pourtant construit sur les terrains de la vieille commune de Montmartre
Angle actuel Saint-Vincent, Mont-Cenis.
La maison avait alors pour adresse 10-12 rue Saint-Denis (aujourd'hui 22-24 rue du Mont-Cenis). La rue ne changera de nom qu'après le rattachement de Montmartre à Paris, par un décret de juillet 1868, un an avant la mort du compositeur.
Harriet Smithson par Dubufe.
Berlioz y emménagea en 1834 et y resta jusque fin1836. C'est là que naquit son fils Louis, fruit de l'amour du compositeur et de l'actrice irlandaise Harriet Smithson.
Maison côté jardin
Pendant cette période paisible, le jeune garçon vécut librement : "Nous avons une vue superbe sur la plaine Saint-Denis et un grand jardin où notre garçon court, crie et rit de toutes ses forces".
Le jardin et le puits.
La maison à gauche et la montée de la rue du Mont-Cenis.
La maison et l'escalier en 1905
Berlioz composa pendant ces années intenses Harold en Italie, Sara la baigneuse sur un poème de Victor Hugo (1834), la cantate "le cinq mai" (1835), l'opéra Benvenuto Cellini (1836), tout en appréciant la beauté de la campagne montmartroise : "Notre jardin est magnifique, on ne se lasse pas du coup d'oeil de la plaine Saint-Denis..."
Maison côté rue Saint-Vincent.
Maison angle St-Vincent et Mont-Cenis
Mais la solitude en couple avec enfant finit par peser et les charmes campagnards par lasser.
"Il n'y a que les rossignols ici qui, tout le jour et toute la nuit, chantent sous nos fenêtres et commencent à me fatiguer."
Les hivers sont longs loin d'un Paris qu'il est difficile de gagner quand les chemins boueux entravent la circulation des calèches : "Nous sommes seuls ici, dans une maison isolée. Dans l'été nos amis viennent bien nous voir, mais l'hiver les abords sont si rudes qu'ils s'abstiennent volontiers d'encourir embourbage."
En 1836, après un hiver particulièrement rude, la famille Berlioz revient vivre à paris, rue de Londres.
Rue Saint-Vincent. Sur la gauche le mur du vieux cimetière.
En 1844, c'est la séparation, sans divorce, et Harriet comme si elle voulait se rapprocher de l'endroit où elle avait été heureuse s'installe rue Blanche, puis rue Saint-Vincent. Elle mourra dix ans plus tard et sera enterrée dans le vieux cimetière du village. Berlioz n'aura cessé de prendre soin d'elle, d'assurer tous ses frais, d'être présent pendant sa maladie.
Cimetière Saint-Vincent. Tombe d'utrillo.
C'est dans le petit cimetière Saint-Vincent (où sera inhumé Utrillo) qu'elle est enterrée, non loin de la maison qui donnait côté nord sur cette rue Saint-Vincent. En 1864, ses restes seront transférés au cimetière de Montmartre où deux ans plus tôt avait été enterrée Marie Recio, la 2ème femme de Berlioz.
Louis Berlioz, l'enfant qui aima Montmartre et y vécut ses années insouciantes, meurt en 1867 de la fièvre jaune à La Havane. Deux ans plus tard, son père meurt à son tour et rejoint dans la même tombes ses deux épouses.
Il reste donc montmartrois et passe avec les femmes qu'il a aimées son éternité temporaire.
Utrillo s'attacha à la maison de Berlioz, comme à un lieu hanté. Les murs se fissuraient et parfois devaient être étayés. De l'autre côté de la rue un massif immeuble de briques grises avait mangé le ciel, mais le jardin subsistait, les ombres du couple romantique se devinaient à travers les fenêtres.
De nombreuses toiles représentent la petite maison proche de l'immeuble qui lui fait face rue du Mont-Cenis.
Maurice Utrillo pouvait s'imaginer enfant, jouant près du puits, aimé par sa mère artiste et par un père qui l'aurait reconnu.
Le peintre connaissait les menaces qui pesaient sur la maison qui se délabrait. Des amis et admirateurs avaient bien tenté de la sauver en créant la Fondation Berlioz.
Un pélerinage fut même organisé le 13 décembre (anniversaire de Berlioz) 1908 au cours duquel fut apposée la plaque qu'Utrillo ne manqua de représenter sur la façade de la rue du Mont-Cenis.
Pendant quelques années le pèlerinage fut maintenu. Une souscription fut proposée pour racheter la maison et en faire un musée. Mais ce fut un échec et la dernière propriétaire, Mademoiselle Barbier ne put lutter contre l'expropriation et la destruction. Un gros immeuble gris et disgracieux enlaidit définitivement la Butte...
Sur la façade, bien piètre hommage à la demeure disparue, des moulages grossiers représentent la maison et le puits. Une nouvelle plaque fut aposée en 1984.
Si la maison disparue de Berlioz reste vivante malgré le vandalisme immobilier, ce n'est pas grâce à cette plaque mais à Utrillo qui fut aussi, à sa façon, un romantique, c'est à dire un homme de tourments habité par des forces contraires et qui avec des couleurs comme Berlioz avec des notes de musique contribua à embellir le monde.
Il serait logique que la rue d'Athènes fût rattachée au quartier de l'Europe, or il n'en est rien puisqu'elle fait partie du quartier Saint-Georges, un quartier dont une partie a été édifiée sur les terrains communaux de Montmartre.
Rue d'Athènes vers la rue de Clichy
Mais.. en réalité il n'est pas si étonnant que cette rue fît partie d'un quartier qu'on appelait, par sa richesse créatrice et le nombre d'artistes qui l'habitaient "la Nouvelle Athènes"!
Jardins de Tivoli
En 1826, à sa création, la rue s'appelle rue de Tivoli, ce qui est naturel puisque comme plusieurs rues du quartier elle est édifiée sur l'ancien parc de Tivoli.
Elle ne devient rue d'Athènes qu'en 1881.
Début de la rue d'Athènes à partir de la rue de Clichy
Longue de 211mètres et large de 12, elle commence rue de Clichy (19) et se termine aux 38 rue de Londres et d'Amsterdam.
Début de la rue côté impair
Premier numéro
Le 1, abrite un café "le Hollywood" qui était déjà là au début du XXème siècle.
Intérieur du Hollywood
Le 1 bis (1840) est classé et mérite de l'être.
Non seulement il est digne d'intérêt architecturalement parlant, de style Louis-Philippe avec son décor composite.
il fut l'adresse quelques années de celle qui allait devenir la plus grande star de son temps, Sarah Bernhardt.
Immeuble modeste comparé aux hôtels particuliers qu'elle habitera et notamment à celui de la rue Fortuny qu'elle se fera construire et qui a pour propriétaire actuel un certain Dominique de Villepin!
Le 3
Les 2 et 3 n'ont pas grand chose à nous raconter sinon qu'ils ont été touchés en janvier 1918 par les bombardements allemands. Le 3, immeuble de rapport, date de 1830 et présente une décoration plus riche que celle que l'on trouve habituellement sous la Restauration.
Le 3bis
Le 3 bis est classé. Il date de 1857 et a pour architectes "Roze Henri et fils". Malgré mes recherches je n'ai trouvé que peu de renseignements sur ces architectes sinon, conservé aux Archives un "Nouveau projet de Halles" pour Paris accompagné du plan d'un nouveau quartier d'habitation "les Innocents". On sait que la commission chargée d'étudier les projets préféra celui de Baltard (en 1845). Un ensemble remarquable détruit pendant les années vandales de Pompidou.
4 et 6 sont un même immeuble élégant du début du XXème siècle. Il y eut à l'emplacement du 6 un hôtel particulier qui appartint à Jules Jaluzot, fondateur des magasins "Au Printemps".
De son époque subsiste au Printemps Haussmann les belles façades fin de siècle et les rotondes (façades enlaidies par la surélévation commise dans les années 60)
Le 5.
Le 7.
Le 8
Le 8 d'une indigence architecturale consternante a détruit pour créer des bureaux et salles de réunion un bel immeuble appartenant à la famille Montblanc, acquis en 1892 par la Société des Agriculteurs de France.
Une salle de théâtre à l'italienne y fut alors construite, remarquable par son architecture et sa décoration. Pendant des années elle accueillit, outre les réunions des agriculteurs, des concerts et récitals (de 1894 à 1925).
Congrès de la Société en 1913
Il n'en reste rien aujourd'hui sinon le souvenir photographique! Les agriculteurs sans utiliser de pesticides ou autres produits calamiteux ont fait disparaître ce bel ensemble pour nous offrir une de ces constructions qui enlaidissent la ville.
10-12-14-16
Les quatre immeubles pairs suivants quasi identiques sont représentatifs des immeubles de rapport de la période de la Restauration.
Le 21
Le 21 est un hôtel qui a changé de nom et qui d'hôtel d'Athènes est devenu hôtel ATN!
Il est connu pour avoir été celui où pendant des années, de 1921 à 1932, Maurice Ravel occupait une chambre chaque fois qu'il rendait visite à ses amis qui habitaient en face, au 22.
Le 22
Ses amis étaient les Godebski.
La famille Godebski par Bonnard
Cipa Godebski et sa femme Ida recevaient dans leur salon leurs amis les peintres Vuillard et Bonnard, le poète Valéry et Maurice Ravel. Pour Ida, Ravel écrivit sa sonatine et pour les deux enfants du couple, Jean et Mimi, "Ma mère l'oye".
Réunion musicale chez Cipa Godebski (assis à gauche) avec son fils jean... Accoudé au piano Maurice Ravel. (D'Espagnat).
Le 23
Encore un hôtel, le Villathéna, au 23. Il compte trois étoiles dans son ciel de lit mais sa principale étoile est son architecte, Edmond Navarre (1828-1937) qui venait superviser les travaux en voisin car il était un véritable enfant du IXème arrondissement où il naquit et mourut!
Villa Louis
Il a conçu plusieurs immeubles et hôtels particuliers dans Paris mais s'est rendu célèbre surtout pour la villa Louis de Lion sur mer dont les céramiques Art-nouveau sont dues à Alexandre Bigot (celui de l'église Saint-Jean aux Abbesses, du Castel Béranger de Guimard, du Céramic Hôtel avenue Rapp et de tant d'autres chefs d'oeuvre dont l'immeuble fantastique de la rue d'Abbeville....
Rue d'Abbeville, grès de Bigot
Edmond Navarre 53 rue Nollet (grès de Bigot)
Notons qu'il collabora avec Edmond Navarre pour l'hôtel particulier de la rue Nollet dans le XVIIème.
Le 26, dernier numéro de la rue est une belle maison d'angle construite en 1830, la première sur les terrains de la Folie Tivoli.
Notre Dame de Bonne Nouvelle
Elle est due à l'architecte Hippolyte Godde (1781-1869) très en vogue dans la première moitié du XIXème siècle, représentatif de l'architecture néo classique. À Paris, il a participé à la reconstruction de l'Hôtel de Ville incendié sous la Commune, il a construit plusieurs églises (Notre Dame de Bonne-Nouvelle, Saint-Pierre du Gros Caillou, Saint-Denys du Saint-Sacrement....)
Nous sommes maintenant au coeur du quartier de l'Europe et sortons des limites de l'ancien Montmartre. Nous remontons donc vers la Butte sans imiter le pas de ma mère l'oye qui rappellerait une trop sinistre époque!