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Montmartre secret

Montmartre secret

Pour les Amoureux de Montmartre sans oublier les voyages lointains, l'île d'Oléron, les chats de tous les jours. Pour les amis inconnus et les poètes.

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Publié le par chriswac
Publié dans : #MONTMARTRE. Rues et places., #MONTMARTRE Peintres.Artistes.Clébrités
Rue Fromentin. Montmartre.

     C'est une courte rue étroite (100 mètres de long et 12 de large qui va de la rue Duperré au boulevard de Clichy.

Elle ne paie pas de mine et pourtant comme tant de rues parisiennes, elle nous réserve bien des surprises.

Rue Fromentin. Montmartre.

     Elle a été ouverte en 1850 et portait à son baptême le nom de rue Neuve Fontaine Saint Georges. Un nom un peu longuet qui se simplifia en Neuve Fontaine.

Eugène Fromentin. Autoportrait.

Eugène Fromentin. Autoportrait.

    En 1870, elle cessa d'être Neuve-Fontaine pour rendre hommage au peintre-écrivain Eugène Fromentin.

Rue Fromentin. Montmartre.

    Je connais cet artiste pour avoir vu le monument à sa gloire érigé au centre de la Rochelle (sa ville natale) et  le musée qui présente une trentaine de toiles peintes en Algérie, pays qu'il aima et dont il admira les fiers cavaliers.

                                                        Le Simoun (Fromentin)

     La rue commence au 1 avec une façade du somptueux Hôtel Halévy dont l'entrée se situe rue de Douai.

     L'immeuble a été construit sous le 2nd Empire pour la famille Halévy.

Rue Fromentin. Montmartre.
Rue Fromentin. Montmartre.Rue Fromentin. Montmartre.Rue Fromentin. Montmartre.

     Parmi ses plus célèbres occupants figure Georges Bizet qui s'y installa après son mariage avec Geneviève Halévy en 1869.

Il y travaille à la composition de Carmen. Il y accueille aussi la naissance de son fils, Jacques qui sera le grand ami de Proust

                                              Jacques Bizet par Elie Delaunay 1878

      Il meurt d'un infarctus en 1875, après les représentations catastrophiques de son œuvre, atteint par l'échec de cet opéra qui est aujourd'hui le plus représenté dans le monde!

Rue Fromentin. Montmartre.

     Le 5 est aujourd'hui l'atelier d'arts plastiques Rrose Sélavy.  Pas étonnant qu'il s'appelle ainsi puisque c'est là que le créateur de ce personnage, Marcel Duchamp eut son atelier.

                                      Marcel Duchamp en Rrose Sélavy par Man Ray

     Ce nom avec lequel il signa certaines de ses œuvres, notamment des "ready-made" a pour homophone, sa signification réelle : "Eros c'est la vie".

   On sait l'importance que le nom de Rrose Sélavy  eut chez les surréalistes et les dadaïstes, Desnos le reprenant à son compte.

                                                    Desnos par Man Ray

 

Rue Fromentin. Montmartre.

     Au 7, vécut pendant deux années, de 1899 à 1900, Maurice Ravel adolescent. Il connaissait déjà le 9ème arrondissement puisque sa famille avait habité six ans rue Victor Massé, l'ancienne rue du Chat Noir.

 

Rue Fromentin. Montmartre.

     Le 8 vit pendant quelques années s'ouvrir les portes d'un cabaret, le Monte Cristo qui abrita les rendez-vous clandestins des membres du groupe de résistants l'OCM (Organisation Civile et Militaire) dirigée par Jacques Arthuys et dont Vicky (la princesse russe Véra Obolensky) fut une des figures les plus héroïques. La plupart des membres de ce groupe furent arrêtés et exécutés. Vicky fut guillotinée en 1943 dans les prisons nazies.

                                                       Véra Obolensky (Vicky)    

 

Rue Fromentin. Montmartre.

     Au 10, il y eut le laboratoire pharmaceutique "Scientia" dirigé par un certain Perraudin, pharmacien de 1ère classe!

 

Rue Fromentin. Montmartre.

     Le 11 fut fréquenté par de joyeux noctambules au temps où il était cabaret et s'appelait "le Don Juan"! Nous sommes à deux pas de la place Blanche où l'on ne compte plus le nombre de cabarets qui apparurent, disparurent, ressuscitèrent, moururent à nouveau… comme autant de phénix!

 

     Le Don Juan naquit en 1891 et devint très vite un des hauts lieux où l'on vénérait la Fée Verte, quitte à lui offrir en sacrifice son foie, son cerveau et sa raison! L'absinthe y était dégustée selon le rituel immuable avec cuillère-passoire et sucre.

                                                         L'absinthe (Degas)

 

Rue Fromentin. Montmartre.

     Le cabaret garda la même adresse après la destruction du premier immeuble et l'érection (terme adapté au Don Juan!) du nouvel immeuble des années 30.

Rue Fromentin. Montmartre.

     Aujourd'hui l'hôtel Royal Fromentin garde mémoire du cabaret dont il a conservé le grand salon avec ses poutres et sa cheminée.

 

Rue Fromentin. Montmartre.

     Le 12 malgré son apparence bourgeoise a abrité dans ses murs un auteur prolifique de pièces sanglantes et terrifiantes : André de Lorde.

 

Rue Fromentin. Montmartre.

    Ce bibliothécaire débonnaire se transformait quand il rentrait chez lui en écrivain à l'esprit torturé. Il a écrit 150 pièces pour le Grand Guignol, théâtre voisin, rue Chaptal.

 

Rue Fromentin. Montmartre.

    Le 14 est le dernier immeuble qui ait quelque chose à nous raconter. C'est là que le peintre Giuseppe Palizzi (1812-1888) eut son premier atelier parisien.

Forêt de Fontainebleau (Palizzi)

Forêt de Fontainebleau (Palizzi)

     Ce romantique qui aimait les paysages napolitains, vint à Paris où il fréquenta Corot et Courbet. Il avait besoin de grand air et de nature et il fut un des premiers à apprécier la forêt de Fontainebleau et à s'y rendre avec Millet.

Retour de noce. (Palizzi)

Retour de noce. (Palizzi)

     Il s'installa à Grez sur loing et se fit construire une maison, "la villa Palizzi".  Il ne fréquenta donc la rue Fromentin que quelques années, à l'époque où elle s'appelait Neuve-Fontaine.

     C'est avec lui que l'on surnomma parfois le "peintre des ânes et des chèvres" tant il aimait les représenter, que nous quittons la rue Fromentin, peintre des chevaux arabes….

Rue Fromentin. Montmartre.

     Mais avant d'atteindre le boulevard de Clichy, nous passons entre les deux derniers immeubles : un Sex Shop et Jésus Maria!

 

Rue Fromentin. Montmartre.Rue Fromentin. Montmartre.

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Publié le par chriswac
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Rue Clauzel (1902) début à partir de la rue des Martyrs.

Rue Clauzel (1902) début à partir de la rue des Martyrs.

Rue Clauzel (juin 2018)

Rue Clauzel (juin 2018)

...La rue Clauzel, comme les rues de Navarin et Henry Monnier voisines, a été tracée en 1830 sur les terrains qui appartenaient au "sieur Bréda".

   Elle s'appelait à l'origine rue Neuve Bréda.

Rue Clauzel. Fin. Rue Henry Monnier et place Toudouze (à gauche)

Rue Clauzel. Fin. Rue Henry Monnier et place Toudouze (à gauche)

     Longue de 184 mètre et large de 9,75, elle change de nom en 1864 pour rendre hommage à un chef de guerre, le maréchal de France Bertrand Clauzel.

Bertrand (de) Clauzel.

Bertrand (de) Clauzel.

     Ce guerrier qui vécut de 1772 à 1842 a eu une carrière qui l'a mené de la Révolution à l'Empire en passant par Napoléon et Louis Philippe! De campagne d'Italie, en expédition de Saint-Domingue et en conquête de l'Algérie, il est de toutes les guerres coloniales. Il s'illustre au point d'être anobli par Napoléon et d'être nommé Maréchal de France par Louis-Philippe.

 

3 rue Clauzel.

3 rue Clauzel.

4 rue Clauzel. Un arbre! un arbre!

4 rue Clauzel. Un arbre! un arbre!

     Dans la Nouvelle Athènes, on aimerait que les rues évoquent plutôt les peintres, les poètes, les philosophes qui ne manquaient pas dans ce quartier.

Le 6

Le 6

    Le 6 a été l'adresse de Léon Roger-Milès (1859-1928) professeur au collège Rollin (aujourd'hui Jacques Decour) et homme aux multiples talents : journaliste, poète, critique d'art, écrivain….

           Salon de vente de Madeleine Chéruit, place Vendôme (Léon Roger-Milès)

      Il s'est intéressé à Rosa Bonheur à qui il a consacré une étude, à Millet et à l'histoire de l'art.

Rue Clauzel. Paris 9ème.

     C'est à la même adresse que vécurent, à partir de 1972, Jean Toussaint Desanti (1914-2002) et Dominique Desanti (1914-2011).

Rue Clauzel. Paris 9ème.

       Ces deux figures marquantes de la résistance et de la vie intellectuelle ont comme Sartre et Beauvoir vécu leur vie commune dans le respect de la liberté de l'autre. Leur livre le plus émouvant et le plus éclairant est sans doute "la liberté nous aime encore" dialogues (à trois!) avec Michel Droit.

   

Le 7

Le 7

     Le magasins du 7, les P'tits Bo' Bo, est bien adapté à ce quartier aimé des jeunes cadres dynamiques et néanmoins cultivés ! La rue des Martyrs et la rue des Abbesses répondent à leurs goûts: commerces de bouche luxueux, salons de coiffure branchés, magasins bio, boutiques pour les enfants et restaurants exotiques.

    L'architecte post haussmannien J. Biehler en est l'auteur comme de plusieurs autres immeubles un peu plus haut, rue Ordener ou rue des Cloys. 

Le 7 bis

Le 7 bis

Le 7 bis

Le 7 bis

    Le 7 bis est un bel immeuble aux proportions harmonieuses. Il a été transformé en résidence-autonomie, EHPAD sans le "D" de dépendance!

7ter rue Clauzel

7ter rue Clauzel

     Le 7ter, classé au plan de protection patrimoniale est un hôtel particulier construit en 1897 dans un style néo Renaissance. Il a été l'adresse pendant les quatorze dernières années de sa vie de  François Châtelet (1925-1985) plus historien de la philosophie que philosophe lui-même. Il est connu aussi par sa femme, Noëlle, sœur de Lionel Jospin.

 

7ter rue Clauzel

7ter rue Clauzel

  On sait qu'il a été l'initiateur avec Deleuze et Foucault (qui fut élève de Desanti)  du département de philo de l'Université de Vincennes.

Le 9

Le 9

    Au 9 a vécu un acteur à la filmographie impressionnante et à l'activité théâtrale foisonnante, parfaitement oublié aujourd'hui : Jules Mondos.

 

 

     

     Voici la une de Comoedia du 24 septembre 1832 qui relate les circonstances de la découverte de son cadavre.

Documents transmis par M.B. alors que je ne trouvais rien sur cet acteur. Merci à lui !

Documents transmis par M.B. alors que je ne trouvais rien sur cet acteur. Merci à lui !

         L'acteur  (1867-1932) qu'un critique vipérin surnomma "l'homme à la tête en caoutchouc" connut des difficultés après la première guerre pour trouver des engagements.

     Ses dernières années furent difficiles et il ne survécut pauvrement que grâce à ses économies. Quand, n'ayant plus de nouvelles de lui depuis cinq mois, des parents (pas si proches j'imagine) prévinrent la police, la porte de son appartement 9 rue Clauzel fut forcée. On découvrit son corps en décomposition dans son lit où sans doute il avait été victime d'une crise cardiaque.

    Parmi ses films, deux sont de Maurice Tourneur : Monsieur Lecoq et Maison de danse avec Charles Vanel et Gaby Morlay.

     On rencontre, toujours à cette adresse un personnage qui a son importance dans l'aventure artistique du XIXème siècle, le Père Tanguy. Nous le retrouverons un peu plus loin dans la rue, au 14 mais, commençons par la fin, c'est en 1891 que sa boutique est transférée pour les trois dernières année de sa vie, au 9.

                                                 Père Tanguy (Emile Bernard. 1887)

     Extrait du Mercure de France : "La maison Tanguy dépositaire des tableaux des principaux impressionnistes est transférée 9 rue Clauzel. Elle possède en ce moment une merveilleuse collection de toiles de Vincent Van Gogh (…"

Le 11

Le 11

     Le petit immeuble du 11 a été celui d'Alphonse Boudard (1925-2000), ancien résistant tombé dans la délinquance et qui grâce à la prison découvrit dans la bibliothèque de Fresnes, le goût de la littérature.

 

     Il écrit dans un langage naturel, direct, sans fioritures, brut et souvent argotique. Son premier succès est "La métamorphose des cloportes" adapté au cinéma par Granier-Deferre.

 

     Pour le plaisir quelques citations de Boudard qui ne sont pas exactement proustiennes mais sentent le vécu :

"Je pense qu'il faut se conduire en homme du monde avec les putes et en julot avec les bourgeoises"

"Un psychanalyste est un hommes qui va au Crazy Horse Saloon et qui regarde les spectateurs." 

Rue Clauzel. Paris 9ème.

     Au 14 nous retrouvons le Père Tanguy qui y eut sa boutique avant de déménager au 9. C'est un endroit historique dont l'importance n'est pas assez soulignée (sauf par le site de Bernard Vassor "Autour du Père Tanguy"). 

 

Rue Clauzel. Paris 9ème.
Rue Clauzel. Paris 9ème.

     Tanguy, communard, anarchiste, ami des peintres recevait là quelques uns des plus importants créateurs de son époque. La liste est impressionnante : Van Gogh, Monet, Pissarro, Renoir!

Le père Tanguy par Van Gogh.

Le père Tanguy par Van Gogh.

     Il avait été broyeur de couleurs avant de s'installer à son compte pour les vendre et exposer dans son arrière boutique les toiles des peintres qu'il aimait et qui lui confiaient des toiles en espérant qu'elles trouverait acquéreurs.

   Il avait, avant bien d'autres, aimé les peintres japonais dont il possédait des estampes  qu'il présentait rue Clauzel...

Le 15

Le 15

Le 16

Le 16

     Qui connaît aujourd'hui Arsène de Cey (1803-1887) romancier, auteur de vaudevilles qui vécut au 16. Parmi ses romans qui dépeignent les mœurs de son temps, on retiendra "La fille du curé" ou "La jolie fille de Paris".

 

Le 19

Le 19

     Il y eut longtemps une plaque commémorative sur l'immeuble du 19 qui prétendait que Maupassant y avait vécu pendant 5 ans.

   Grâce à la perspicacité de Bernard Vassor (site Autour de Tanguy) on sait qu'il s'agissait d'une erreur.

Le 17

Le 17

     C'est au 17 que Maupassant vécut, au 2ème étage et demi côté rue Clauzel et, à cause de la déclivité, au 4ème sur la rue Laferrière, à l'arrière de l'immeuble.

Bernard Vassor a consulté les Archives et a eu confirmation de ce qu'il pressentait. Une lettre de Maupassant à un ami lui avait mis "la puce à l'oreille".

Maupassant

Maupassant

       L'auteur de Bel Ami écrivait en effet qu'il était souvent importuné par des coups de sonnette intempestifs et insistants de gens qui croyant aller au Lupanar, se trompaient d'étage ! Or le lupanar avait pour adresse ce fameux 17!

   Un seul regret: la plaque enlevée du 19 n'a pas migré sur le 17!

   Amis de Maupassant, mobilisez-vous!

Rue Clauzel. Paris 9ème.

     Si nous revenons au 19, nous trouvons un autre artiste que nulle plaque ne commémore. Il s'agit d'Achille Mélandri (1845-1905), lié à l'histoire montmartroise puisqu'il fit partie des hydropathes d'Emile Goudeau et publia plusieurs poèmes dans leur journal.

Photo de Melandri

Photo de Melandri

     Il avait son appartement et son atelier photographique au 19. C'était un lieu de rencontres et de joyeuses soirées avec, entre autres, André Gill et Jules Jouy.

Des gloires de l'époque venaient se faire tirer le portrait, parmi lesquelles Sarah Bernhardt ou Victor Hugo.

                                            Sarah Bernhardt par Melandri

    Nous pourrions quitter la rue sur ce beau cliché de la star posant pour l'éternité s'il n'y avait encore une curiosité à mentionner, dix numéros plus loin, au 29.

                                                                        Le 29

 

     Un peintre allemand bien oublié y habitait : A. F. Korner (1815-1859).

Son titre de gloire est d'avoir proposé à Engels lors de son séjour à Paris en 1846, alors qu'il était étroitement surveillé, de lui servir de boîte aux lettres. C'est donc au 29 qu'Engels recevait le courrier de Karl Marx!

Rue Clauzel. Paris 9ème.

     Engels bien que pris en filature fréquentait les bals parisiens dont il garda un bon souvenir puisqu'il écrivit à Marx :

"Si les Françaises n'existaient pas, la vie ne vaudrait même pas la peine d'être vécue."

La lutte des classes oui, la lutte des genres non!

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Publié le par chriswac
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Agostina Segatori. Le Tambourin 62 boulevard de Clichy. Van Gogh....Agostina Segatori. Le Tambourin 62 boulevard de Clichy. Van Gogh....
Agostina Segatori. Le Tambourin 62 boulevard de Clichy. Van Gogh....Agostina Segatori. Le Tambourin 62 boulevard de Clichy. Van Gogh....

Elle est connue de tous... 

Et pourtant... Peu de gens se rappellent son nom!

 

Les passionnés de peinture sauraient la "reconnaître" sans pouvoir la nommer…. 

 

 

Manet

Manet

    Et comment pourrait-il en être autrement quand on a servi de modèle à Corot, Manet, Gérôme, Van Gogh...?

                      Agostina Segatori!

     Femme sensuelle aux traits bien dessinés et au regard profond, elle est la passion amoureuse la plus longue (trois mois) de Van Gogh pendant les deux années où il a vécu à Paris....

                                                                       Degas

     Avant son apparition dans la capitale, on ne sait pas grand chose d'elle sinon qu'elle a vu le jour en 1841 à Ancône, ville portuaire sur l'Adriatique connue aujourd'hui des cinéphiles pour avoir servi de cadre aux Amants Diaboliques de Visconti! 

 

     Comment est-elle venue à Paris? On raconte que Corot, lors d'un de ses voyages l'aurait remarquée et lui aurait proposé de le suivre afin de poser pour lui. Hypothèse contestée par certains historiens de l'art qui ont débusqué dans le centre de Paris une tante d'Agostina qui aurait invité la jeune fille à venir chez elle.

     La beauté naturelle, le visage décidé et rêveur à la fois, plaisent aux peintres. Corot est le premier à éclairer la toile de sa jeunesse.

                                                     Agostina (Corot 1866)

   Il la prend pour modèle pour sa Bacchante au tambourin

 

.. et pour la Lecture Interrompue 

 

     Elle pose également pour Manet, Gérôme et quelques autres, avant de rencontrer en 1874 Edouard Dantan.

                                            Autoportrait (Edouard Dantan)

     Il est peintre évidemment (d'un naturalisme assez conventionnel) et sensible aux attraits de son modèle! Tous deux vivent une liaison intermittente. Ils ont un fils, Jean-Pierre Segatori. Pas question pour Dantan qui est d'un milieu "honnête" (!) de le reconnaître! Il se montre moins gentleman que ne se montrera Utrillo avec Valadon et le petit Maurice!

                          Entracte à la Comédie Française (Edouard Dantan. 1886)

     En 1875 Dantan trouve chaussure à son pied et se marie. Agostina rencontre alors un certain Monsieur Morière dont on ne sait pas grand chose, sinon qu'il l'épouse et donne son nom au petit Jean Pierre ignoré de son vrai père.

     Agostina qui garde la tête sur les épaules et qui voit s'enfuir les années de jeunesse décide d'ouvrir un café, 27 rue de Richelieu. Peut-être en référence au tableau de Corot, peut-être aussi parce que cet instrument de musique fait partie du folklore de sa région natale, elle l'appelle "Au Tambourin".

                                               Au Tambourin, rue de Richelieu.

     Le quartier n'est pas celui qui convient le mieux à son établissement et elle déménage en 1885 au 62 boulevard de Clichy, au cœur du Montmartre des artistes et de la vie nocturne.

                                             Au Tambourin, boulevard de Clichy.

Le 62 boulevard de Clichy aujourd'hui.

Le 62 boulevard de Clichy aujourd'hui.

     Nous possédons peu de documents sur ce café qui eut pour habitués quelques uns des plus grands peintres de l'époque. Nous savons qu'il était décoré d'un mobilier en forme de tambourins. Ces tambourins étaient décorés par les peintres qui fréquentaient l'établissement : Gauguin, Van Gogh, Lautrec! Ils ont hélas disparu!

 

     Edouard Dantan aide son ancienne maîtresse à décorer les murs;  il y accroche quelques unes de ses toiles et il peint un bouc sur un tambourin.

     Parmi les relations amoureuses que noue Agostina, figure un peintre du nord, le suédois Auguste Hagborg qui vit à quelques centaines de mètres du Tambourin, 45 boulevard de Rochechouart.

                                              Jeune fille songeuse (August Hagborg)

 

Mais c'est avec un autre peintre qu'elle entre dans la légende, un autre peintre du nord!

                                                      Van Gogh peint par Lautrec.

      C'est au Tambourin que Vincent Van Gogh fait sa connaissance en 1887.

     D'après l'ami du peintre, Emile Bernard, ils se plurent aussitôt et vécurent une passion de plus de trois mois...

     Vincent vient en voisin depuis la rue Lepic où il vit chez son frère Théo. Le Tambourin devient sa cantine et comme il n'a pas les moyens de payer l'addition, il donne des tableaux (des natures mortes) à sa maîtresse qui les expose sur les murs.

                                      54 rue Lepic. Domicile de Théo Van Gogh

     Maxime Lisbonne publie dans sa Gazette du Bagne un petit article sur le Tambourin qui "n'a rien des auberges dont la nudité et le délabrement des murs fait la pauvre originalité. (...) C'est en effet madame Segatori, la propriétaire, qui a réuni, placé avec un sentiment artistique, les œuvres des maîtres qui ont transformé son établissement en une des plus intéressantes galeries de tableaux qui se puisse voir. Pour ajouter à l'attrait de son établissement, elle s'est adjoint les plus charmantes collaboratrices qui se puissent voir, fraîches fleurs écloses au soleil d'Italie et épanouies dans le rayonnement chaud de notre capitale."

     C'est au Tambourin que Vincent organise une exposition des estampes japonaises dont il a la passion et qu'il a achetées avec son frère chez le célèbre marchand Bing. 

                                             Hiroshige qui fascine Van Gogh

     Toujours au Tambourin, Gauguin, Anquetin, Bernard et lui exposent leurs œuvres en espérant les vendre. Anquetin et Bernard seront les principaux bénéficiaires de l'opération car ils vendent effectivement, chacun, une de leurs toiles. Vincent, comme on le sait, ne vend rien. La seule toile que vendra son frère pendant son séjour provençal est "la vigne rouge".

                   Emile Bernard de face et Vincent de dos au bord de la Seine à Asnières.

Agostina Segatori au Tambourin (Van Gogh)

Agostina Segatori au Tambourin (Van Gogh)

     La Segatori et Van Gogh restèrent proches, une fois éteints les feux de leur amour passager. Nous avons deux portraits de sa maîtresse peints par lui. Elle semble résignée et mélancolique sur le portrait peint au Tambourin.

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L'Italienne (Van Gogh)

L'Italienne (Van Gogh)

     Elle est plus solaire sur celui qui la campe sur un fond jaune, couleur des tournesols.... Elle porte le costume traditionnel de Ciociaro d'où serait originaire sa famille.

     Vincent quitte Paris en 1888 pour vivre son aventure de voyant et d'écorché. La Segatori voit peu à peu décliner son établissement. Le tambourin n'est plus à la mode, détrôné par les cabarets de Pigalle.

                                                            Place Pigalle (Utrillo)

     Le Tambourin est vendu pour devenir en 1893 le Cabaret de la Butte... et après quelques années le Cabaret des quat'z arts.

 

    Agostina Segatori avait été contrainte de vendre pour presque rien le mobilier, les tambourins décorés par des peintres aujourd'hui célèbres, les toiles qui ornaient ses murs et notamment les natures mortes de Van Gogh.

                                          Nature morte les coings (Van Gogh 1988)

     Elle ne parvint à survivre que grâce à la générosité de certains habitués de son établissement et surtout à celle du père Tanguy, qui si l'on en croit le site qui porte son nom la recueillit.

                                                    Le Père Tanguy (Van Gogh) 

    Elle meurt en 1910 et quitte notre monde avec le passeport pour l'immortalité provisoire que Vincent Van Gogh, son amant d'une saison, lui avait donné... 

 

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Publié le par chriswac
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Rue de Navarin. Montmartre. Truffaut. Gautier.
Rue de Navarin. Montmartre. Truffaut. Gautier.

    Voilà une rue dont j'ai longtemps hésité à parler tant sont lourds les souvenirs qui m'y attachent. Le temps a passé et je me résous à y revenir et à la revoir, changée et semblable...

    Elle a vu le jour en en 1830, en pleine époque romantique et elle porte le nom d'une victoire de la coalition franco-anglo-russe sur la flotte turco-égyptienne pendant la guerre d'indépendance grecque.

 

    

    Les massacres perpétrés par les Ottomans, grands experts en boucherie et futurs génocidaires du peuple arménien avaient bouleversé l'Europe qui décida d'intervenir

Chios. Un lieu de mémoire que l'on n'oublie pas l'avoir visité.

Chios. Un lieu de mémoire que l'on n'oublie pas l'avoir visité.

   Hugo qui habitera plus tard ce quartier avait écrit dans les Orientales quelques poèmes engagés dont le célèbre " Enfant ":

"Les Turcs ont passé par là. Tout est ruine et deuil.

Chio, l'île des vins, n'est plus qu'un sombre écueil (…)"

Rue de Navarin. Montmartre. Truffaut. Gautier.

     La rue commence côté pair avec un opulent immeuble de pierres qui donne également sur la rue des Martyrs, construit en 1903 et signé des architectes Elie Charlet et Henri Michel.

    Le maître boulanger qui y fait son pain est tellement apprécié des habitants du quartier qu'il n'a aucun mal à les faire marcher à la baguette.

 

Le 3

Le 3

Le 4. Une "dent creuse".

Le 4. Une "dent creuse".

                  Au 4, une vieille photo garde mémoire du bougnat qui y tenait boutique.

                      Aujourd'hui le bougnat a cédé la place au restaurant "Belle Maison".

 

Le 5

Le 5

Le 7 aujourd'hui

Le 7 aujourd'hui

Le 7 en 1906

Le 7 en 1906

    Le 7 a plus fière allure aujourd'hui qu'au début du XXème siècle mais il est resté comme à ses origines un hôtel. Il a seulement accroché quatre étoiles à son ciel.

    Il rend hommage à Sacha Guitry et joue sur une décoration théâtrale qui vous donnera l'illusion, une fois couché, d'être regardé par des spectateurs attentifs, dans les loges et les balcons du  papier peint !

Le 9

Le 9

     Le 9 est un petit hôtel particulier  de style troubadour qui portait en façade, dans la niche, une statue de la Vierge à l'enfant. Quand l'hôtel fut racheté pour devenir une maison close spécialisée dans les pratiques sado-maso, les habitants du quartier pétitionnèrent pour que fût enlevée la Vierge. Elle le fut et disparut corps et âme. Nul ne sait ce qu'elle est devenue. A moins que… l'Assomption l'ait ravie comme son illustre modèle.

 

     La dame de cérémonie s'appelait Christiane. Il y avait encore lorsque j'y ai vécu quelques chaînes et quelques instruments dentés fixés dans les murs du dernier étage. 

Pendant la deuxième guerre, les nazis le fréquentèrent, ce qui n'étonnera personne, le sadisme étant leur spécialité!

Le 11

Le 11

    Le 11 est l'un des rares immeubles à être inscrit au PLU (plan local d'urbanisme). Il a abrité le peintre Hébert de 1850 à 1880. Les deux premiers étages servaient d'habitation et les étages supérieurs d'atelier.

                                              Ernest Hébert. Autoportrait.

     Ernest Hébert (1817-1908) est un grand peintre injustement oublié bien qu'il eût son musée à La Tronche et dans le VIème arrondissement, dans l'hôtel de Montmorency-Bours. Ce dernier est fermé car l'immeuble classé a la tremblote et nécessite des consolidations. Il dépend du musée d'Orsay, où par chance quelques toiles de Hébert peuvent être vues.

                             La malaria. Ernest Hébert. (musée d'Orsay)

     Ce cousin de Stendhal, amoureux comme lui de l'Italie où il vécut après son prix de Rome, fut très apprécié pendant le 2nd Empire. On aimait alors ses portraits dont le réalisme se teintait souvent d'une atmosphère onirique qui permet d'y voir les prémices du symbolisme.

              Le baiser de Judas. Hébert. Prêt du musée d'Orsay au musée de La Tronche.

     L'immeuble sert de siège aujourd'hui au Conseil International de la Langue Française chargée de favoriser le rayonnement du français dans un monde presque entièrement contaminé par le globish!

 

Le 12

Le 12

     Le 12, petit immeuble anodin et sans charme a été le siège de nombreuses associations culturelles liées au Parti Communiste au temps où il existait vraiment!

                                                                  Aragon

     Parmi ces associations on peut retenir:

-la Maison de la Culture (1934) présidée par Aragon.

-"Ciné-Liberté" (Front Populaire) qui regroupait de nombreux techniciens et d'artistes engagés.

-L'Union des Théâtres indépendants" présidée par Charles Vildrac (plus de 300 troupes indépendantes).

Le 14

Le 14

     Le 14 (qui  serait aujourd'hui les 18-20) fut le domicile d'un écrivain, homme d'esprit, utopiste et combattant pour la liberté de penser: Louis Desnoyers (1802-1869)

    La plaque commémorative devrait être apposée sur  l'immeuble de briques des PTT au 20. Mais puisqu'elle est là, rappelons qui est ce Desnoyers.

Rue de Navarin. Montmartre. Truffaut. Gautier.

    Ses romans pour la jeunesse eurent un grand succès mais c'est surtout pour son engagement dans la création de la Société des Gens de Lettres qu'il est aujourd'hui connu. C'est lui qui rédigea les statuts de cet organisme chargé de protéger les auteurs et de prévoir un fonds de solidarité.

Rue de Navarin. Montmartre. Truffaut. Gautier.

     Une plaque rappelle que furent approuvés les statuts de cette Société, par près de 50 écrivains dont Dumas, Hugo, Lamennais...

Desnoyers en fut élu Président, battant son concurrent Victor Hugo de huit voix.

Le 16

Le 16

     Au 16, Paul Vayson, peintre provençal qui se fit édifier un hôtel particulier en 1879 rue Fortuny, eut son atelier. Quand il était au travail, des bêlements devaient retentir dans la rue car on ne compte pas le nombre de toiles qu'il exécuta avec bergères, bergers, moutons, brebis, béliers, agneaux! Son monument à Avignon représente comme il se doit, une bergère et son troupeau!

 

 

  Il a également participé au décor d'un des plus beaux restaurants de Paris, le Train Bleu de la Gare de Lyon où il a peint la ville d'Hyères.

 

Le 17

Le 17

   Le 17 fut jadis un hôtel dont les fenêtres donnaient sur le parc Botherel en face. Il portait le nom du grand collège de l'avenue Trudaine voisine, le collège Rollin aujourd'hui Jacques Decour.

 

Les 18-20

Les 18-20

Rue de Navarin. Montmartre. Truffaut. Gautier.

     Les 18-20 (jadis le 14, l'immeuble du début de la rue, à l'angle avec la rue des Martyrs ayant fait disparaître deux numéros) sont un pesant ensemble dont la masse écrase la rue. Ils occupent pourtant ce qui était le plus bel endroit du quartier : l'hôtel Botherel et son parc .

 

 

     L'endroit fut un vivier intellectuel et de nombreux écrivains ou artistes y vécurent. L'hôtel  construit vers 1830 par le Baron Botherel, ami des arts et des lettres, eut pour habitants : Amédée Achard, Louis Desnoyers, Anaïs Fargueil, Théophile Gautier, Nerval, Auguste Vacquerie, Fortunata Tedesco…. et j'en oublie!

 

    Le plus célèbre d'entre eux fut Théophile Gautier qui collectionna les adresses parisiennes. C'est pendant les années 1840-1841 qu'il prend possession des 1er et 2ème étages. En bon sportif, il aime grimper aux arbres, faire sa gymnastique dans le parc et dit-on pratiquer la pêche en faisant jeter chaque dimanche des poissons vivants dans le bassin. (information sur le site du Père Tanguy).

                                                          Théophile Gautier

     Il héberga son ami, condisciple du lycée Charlemagne et ancien voisin de la rue du Doyenné, Gérard de Nerval qui commence en 1841 à fréquenter la maison de santé du Docteur Blanche rue Norvins.

                                                           Gérard de Nerval

     Parmi les autres habitants :

                                             Anaïs Fargueil (1819-1896) fut une comédienne qui eut un certain renom dans le théâtre de vaudeville.

                                          Caricature d'Anaïs Fargueil par Marcelin

                                                Auguste Vacquerie (1819-1895) poète et dramaturge qui eut des liens étroits avec Hugo. Cette amitié fut à l'origine de la rencontre de son frère Charles avec Léopoldine Hugo, de son mariage en 1843 et la fin tragique des deux époux.

                                         Victor Hugo et auguste Vacquerie

 

 

 

Le 19

Le 19

Le 22

Le 22

Rue de Navarin. Montmartre. Truffaut. Gautier.

     Le 22 hébergea pendant la 2ème guerre mondiale la famille Aznavourian, Micha et Knar ainsi que leur fils et leur fille.

                                                         La mère d'Aznavour

     Charles Aznavour évoquera ses souvenirs de la rue de Navarin :

"Au rez-de-chaussée vivait un couple d'homosexuels juifs. Ma sœur jouait des morceaux de musique juive pour eux."

     La relation la plus marquante fut celle du père et de la mère d'Aznavour avec le couple Manouchian, Missak et Mélinée qu'ils hébergèrent. On sait que le groupe Manouchian fut exécuté et que la célèbre affiche rouge présenta ses membres comme des criminels et des étrangers.

 

Le 23

Le 23

     Le 23 est l'inévitable catastrophe architecturale que l'on trouve dans chaque rue (ou presque de Paris). Arrière d'un garage-parking du 20 rue Clauzel, il illustre bien l'indigence et le radinisme de constructions faites pour le profit et rien d'autre!

Le 24

Le 24

     Pour le 24, juste un petit signe à Etienne Daho qui, débarqué de sa Bretagne, y vécut à son arrivée à Paris. Notons qu'aujourd'hui il se partage entre Londres et Montmartre, rue Durantin.

 

Fin de la rue vers la rue Henry  Monnier

Fin de la rue vers la rue Henry Monnier

Le 33

Le 33

     Le 33 est le dernier immeuble de la rue qui soit digne d'intérêt. Une plaque y est apposée qui rappelle qu'un des plus grands cinéastes français y vécut pendant son enfance…

 

    On sait que le petit François était né sous de mauvais auspices, sa mère Janine l'ayant mis au monde "clandestinement" pour éviter la "honte" à sa famille bourgeoise de donner vie à un enfant dont le père était inconnu. Le petit fut placé en nourrice et il fallut attendre le mariage de sa mère avec Roland Truffaut pour qu'il retrouve une vie familiale.

 

    Plus tard Truffaut recherchera l'identité de son père et découvrira qu'il s'agissait de Roland Lévy, un Juif qui du fait de son origine aurait été rejeté par une famille traditionnelle au catholicisme teinté d'antisémitisme.

 

    Quand il tourne les 400 Coups, film en partie autobiographique Truffaut situe le logement de la famille du petit Antoine à deux pas de la rue de Navarin, place Toudouze.

 

     On retrouve Montmartre à plusieurs reprises dans ses films. C'est rue de Steinkerque, au pied du Sacré-Coeur qu'habite Antoine Doinel, c'est à l'hôtel du 39 avenue Junot qu'il est veilleur de nuit dans  Baisers Volés.

 

    La rue de Navarin s'achève rue Henry Monnier (où vivaient les grands-parents de Truffaut). Le cinéaste a vécu des années difficiles dans ce quartier et il n'est pas étonnant qu'il ait pu écrire :

"L'adolescence ne laisse un bon souvenir qu'aux adultes ayant mauvaise mémoire"

Rue de Navarin. Montmartre. Truffaut. Gautier.

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Le Petit Moulin. Rue Tholozé. OJI.

Les touristes qui montent à l'assaut de la Butte par la rue Tholozé, avec en toile de fond le célébrissime moulin de la Galette, ne peuvent passer sans remarquer…. le Petit Moulin...

Le Petit Moulin. Rue Tholozé. OJI.

Minuscule, à l'angle de la rue Durantin, il semble sorti d'un livre de contes pour enfant ou d'une bande dessinée naïve...

Van Gogh

Van Gogh

    Il a choisi de rendre hommage à son illustre confrère  de la Galette qui fut peint et repeint par des Renoir ou des Van Gogh, en choisissant de s'appeler Petit Moulin!

Le Petit Moulin. Rue Tholozé. OJI.

    Son enseigne un peu foutraque et rouillée représente un moulin de bric et de broc dont les ailes n'auraient aucune velléité de tourner dans le vent...

  

Il fut peint par Renoux, du temps où il était unicolore et où l'artiste de rue OJI n'avait pas habillé ses murs de fresques.

Les flamants roses d'OJI rue Berthe.

Les flamants roses d'OJI rue Berthe.

OJI, on le connaît sur la Butte avec ses flamants roses qui se plaisent rue Berthe où depuis des années, nul nettoyeur, nul tagueur sauvage ne les a outragés. 

 

On les retrouve sur les murs du restaurant qui semble plus petit encore, entre les pattes de ces échassiers géants. 

 

Ils sont accompagnés d'autres volatiles, goéland, toucan et rouge gorge...

 

 

Le Petit Moulin. Rue Tholozé. OJI.

… Et d'un canard-jouet, tel qu'on en vend plus bas sur le boulevard, pour les jeux érotiques!

 

Le Petit Moulin. Rue Tholozé. OJI.

Au rez de chaussée, les herbes tropicales évoquent un douanier Rousseau en cavale

Le Petit Moulin. Rue Tholozé. OJI.

     Un regard d'enfant curieux semble suivre les touristes qui passent dans la rue Durantin. On retrouve cette importance du regard dans d'autres réalisations d'OJI....

 

Le Petit Moulin. Rue Tholozé. OJI.

     Un bandeau intermédiaire entre le rez de chaussée et le premier représente la ville avec ses toits, ses tours et ses murs..

On peut y apercevoir l'artiste de rues en train de travailler….

Le Petit Moulin. Rue Tholozé. OJI.

Sur les murs pignons des immeubles mitoyens, une autruche attentive nous surveille!

Le Petit Moulin. Rue Tholozé. OJI.

Tandis que s'envole une montgolfière énigmatique avec la signature d'Oji et quelques flamants qui se posent des questions...

Le Petit Moulin. Rue Tholozé. OJI.

L'ensemble est une réussite par la couleur, la gaité, l'irruption dans la ville d'un monde fantastique qui fait la part belle à l'enfance…

 

OJI est connu dans le milieu de l'art de rues. Il est modeste et généreux je crois et c'est une chance pour nous qu'il ait pu métamorphoser ce coin de rues!

 

Le Petit Moulin. Rue Tholozé. OJI.

Avant les flamants ce furent des cochons tout aussi roses qui occupèrent l'espace, accompagnés du jeu de mot usé sur l'homophonie l'art et lard.

"De l'art ou du cochon"!

Le Petit Moulin. Rue Tholozé. OJI.

     Remontons un peu plus loin… Je suis un assez ancien Montmartrois pour l'avoir connu du temps où il avait pour nom : Les Canons.              

Un nom qui remplaçait l'ancien qui était….

"le Petit Moulin"!

On peut donc être et avoir été!

Les canons de Montmartre

Les canons de Montmartre

     Les "canons" jouaient sur le double sens du mot : petit verre de vin et pièce d'artillerie. On sait que la Commune commença le jour où les Versaillais vinrent reprendre aux Montmartrois qui les avaient payés les fameux canons destinés à défendre la Butte contre les Prussiens. Un autre restaurant, rue Paul Albert porta ce nom avant de devenir le Botak et dissimuler sous une vilaine tapisserie les fresques représentant les fameux canons et leurs défenseurs.

Le Petit Moulin. Rue Tholozé. OJI.

   Mais revenons à nos moutons, à nos flamants roses plus exactement…. et allons boire un canon au Petit Moulin à la santé de ceux qui mettent de la couleur dans nos rue et aux utopistes de tout poil!

                                                          Léo par OJI

 

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Statue de Berlioz. Square Berlioz. Place Adolphe Max.

Statue de Berlioz. Square Berlioz. Place Adolphe Max.

La rue de Calais à partir de la rue Blanche.

La rue de Calais à partir de la rue Blanche.

     C'est une courte artère qui va de la rue Blanche à la rue de Vintimille.

Elle a été tracée au milieu du XIXème siècle sur les jardins du Nouveau Tivoli (3ème du nom) apprécié pour ses montagnes russes, son labyrinthe et son tir aux pigeons vivants importé d'Angleterre.

 

      On avance le chiffre de 300 000 pigeons tués pour amuser les bourgeois.

                                 (Photo airedalesareafailure. wordpress.com) 

    

     Le massacre cessa en 1842 quand le jardin fut vendu pour qu'y soient construites les rues de Calais, Douai, Vintimille, Ballu et la place Adolphe Max dans un quartier que les artistes avaient mis à la mode et qui fut surnommé sans modestie "la Nouvelle Athènes".

Prise de Calais par François de Guise le 9 janvier 1558. (Picot)

Prise de Calais par François de Guise le 9 janvier 1558. (Picot)

     La rue longue de 153 mètres (et large de 12) rappelle l'attachement du pays à la bonne ville de Calais qui après avoir été anglaise pendant deux siècles fut reprise à l'ennemi par les armées royales sous le commandement de François de Guise en 1558.

La rue de Calais. Montmartre. Berlioz.
La rue de Calais. Montmartre. Berlioz.

     La rue s'ouvre avec à l'angle rue Blanche, un restaurant côté impair et un hôtel côté pair. Mais l'immeuble le plus "glorieux" est situé au 4

 

     Dans ce bâtiment construit en 1856 a vécu pendant 13 ans, jusqu'à sa mort,  un des plus grands musiciens français : Hector Berlioz.

La maison de Berlioz, rue Saint-Denis. (Mont-Cenis aujourd'hui).

La maison de Berlioz, rue Saint-Denis. (Mont-Cenis aujourd'hui).

     Nous l'avons déjà rencontré sur la Butte, rue du Mont-Cenis (alors appelée rue Saint-Denis) où il avait loué une maison campagnarde et où il emménagea avec sa jeune femme Harriet Smithson. Ils aimèrent Montmartre, village paisible à l'écart de l'agitation parisienne; leur fils Louis y naquit et c'est là que fut composé "Harold en Italie".

 

En 1836 il fallut se résoudre à regagner Paris à cause de la fatigue des interminables transports entre la capitale et le village.

Harriet Smithson

Harriet Smithson

     Harriet reviendra vivre rue Saint-Vincent en 1848 jusqu'à sa mort et son inhumation dans le vieux cimetière Saint-Vincent (ses restes seront transférés plus tard au cimetière Montmartre dans le caveau de Berlioz).

Marie Recio. Un portrait sauvé de la destruction. Musée Berlioz, la Côte Saint-André.

Marie Recio. Un portrait sauvé de la destruction. Musée Berlioz, la Côte Saint-André.

     Quand il vient habiter rue de Calais, le compositeur vit avec l'autre femme de sa vie, Marie Recio. Il déménage du 17 rue de Vintimille où il n'est resté que quelques mois et qu'il quitte à cause d'un loyer soudain augmenté. Toute sa vie Berlioz aura lutté pour trouver des logements au loyer abordable. 

4ème étage du 4 rue de Calais

4ème étage du 4 rue de Calais

     Il habite au 4ème étage de l'immeuble qui trop vite construit va nécessiter de sérieuses consolidations. Il sera obligé de descendre avec armes et bagages au 2ème pendant le temps des travaux. 

"Notre maison était sur le point de s'écrouler tant elle était mal bâtie".

La rue de Calais. Montmartre. Berlioz.

    Pendant ces travaux, Marie Recio qui supporte mal le bruit et les poussières part chez une amie à Saint-Germain en Laye. C'est là qu'elle meurt, le 13 juin 1862.

Berlioz ne se remet pas de la disparition de celle qu'il avait épousée 20 ans plus tôt et qui au début, avant d'être conseillée et formée dans l'art du chant, "miaulait comme une douzaine de chats."

"Le coup a été affreux (…) Je ne sais comment je vais achever ma vie isolée"

Louis Berlioz

Louis Berlioz

     Le 4 rue de Calais n'aura pas été bénéfique, affectivement parlant. L'appartement n'est pas assez vaste pour que le fils de Berlioz, Louis, ait une chambre lorsqu'il lui rend visite entre deux expéditions. Louis qui au début avait voulu fuir ce père habité par l'amour exclusif de la musique, devenu marin puis capitaine, meurt de la fièvre jaune à la Havane. Et c'est rue de Calais que son père apprend sa mort alors que depuis quelques années leurs rapports s'étaient harmonisés et que Louis lui écrivait ces mots prémonitoires : 

 

 "Tu es mon Dieu, tu es tout ce qu'il est possible à l'homme de cœur et d'intelligence d'aimer. Il me semble que nos existences sont liées, elles sont les torons d'une corde, si l'un se brise, l'autre se brisera. Ils ne peuvent exister l'un sans l'autre, ils forment un tout."

     Nous sommes en 1867, deux ans avant la mort de Berlioz. 

    

Si les années de la rue de Calais furent terribles, elles furent aussi fécondes. Berlioz y écrit ses dernières œuvres dont l'ampleur impressionne : Les Troyens,  Béatrice et Bénédict.

 

Il rédige Les Grotesques et la musique, A travers chants.

Il met un point final à ses Mémoires.

La rue de Calais. Montmartre. Berlioz.

   Il meurt le 8 mars 1869. Son service funèbre est organisé dans l'église de la Trinité  inaugurée deux ans plus tôt.

    Il est enterré au cimetière Montmartre (voisin lui aussi) où ses deux femmes passent avec lui leur éternité oublieuse.

 

    Berlioz suffit au renom et à la gloire de la rue de Calais. On reste impressionné et ému devant le modeste logement du 4ème étage où le musicien des tempêtes, des révoltes, des tendresses vécut treize années.

 

     Nous ne quittons pas le 4 où un autre musicien habita quelques années après Berlioz. Il s'agit d'Antonin Marmontel (1850-1907), bien oublié aujourd'hui. Il fut pourtant connu pour ses pièces pour piano et pour son enseignement au Conservatoire de Paris.

 

      Son père, pianiste lui aussi est un peu plus connu par les élèves célèbres qui suivirent son enseignement : Bizet, d'Indy… et une fillette d'une dizaine d'années que son père allait immortaliser après qu'elle se fut noyée dans la Seine : Léopoldine Hugo.

 

     Les immeubles de ce début de rue sont typiques de l'architecture du milieu du XIXème siècle, non pas celle de la haute bourgeoisie de style haussmannien opulent et inventif mais de celle de propriétaires soucieux de rentabiliser leur placement.

                                                                     Le 5

 

La rue de Calais. Montmartre. Berlioz.

                                                        Le 7

Le 9

Le 9

La rue de Calais. Montmartre. Berlioz.
La rue de Calais. Montmartre. Berlioz.

    Le 9 est un peu plus inventif bien qu'il reprenne les codes de l'époque romantique. Il est orné de macarons peu inspirés mais décoratifs!

Le 11

Le 11

     Le 11 a abrité une chanteuse qui fut célèbre à la Belle Epoque : Anna Thibaud (1867-1948). Elle avait commencé par un répertoire grivois comme on l'aimait alors avant de reprendre les succès d'Yvette Guilbert et de créer des chansons plus sentimentales.

 

    Si sa grande période s'achève avec la guerre en 1914, elle n'en continua pas moins à se produire jusqu'à 70 ans. Certaines mauvaises langues (ou mauvaises oreilles) prétendent que son succès était dû à ses décolletés plongeants et aux clins d'œil coquins dont elle agrémentait ses romances.

 

     Un de ses plus grands succès fut la chanson "Quand les lilas refleuriront" qui sera reprise sans discontinuité jusqu'à Tino Rossi, Guy Béart, Marie Laforêt….

 

"Quand les lilas refleuriront

Parfumant l'air de leur haleine,

Combien d'amoureux mentiront.

Quand les lilas refleuriront

Pour tous les baisers qui s'égrènent

Que de blessures saigneront…"

La rue de Calais. Montmartre. Berlioz.

     Toujours au 11, avant de déménager pour le boulevard Pereire, vécut Robert Planquette (1848-1903) qui est connu pour avoir écrit la célèbre marche le Régiment de Sambre et Meuse et pour de nombreuses opérettes presque toutes oubliées, à l'exception de Rip et surtout des Cloches de Corneville qui eurent en leur temps une carrière mondiale.

Les Cloches ne lui portèrent pas chance car c'est en revenant d'une répétition de cette opérette qu'il prit froid et mourut!

 

La rue de Calais. Montmartre. Berlioz.

   Le 12 est un hôtel particulier harmonieux que nous regardons afin d'avoir le courage de découvrir, en face le 13-15...

La rue de Calais. Montmartre. Berlioz.

    Le 13 -15!  La catastrophe architecturale de la rue de Calais.

    Plus laid, plus indigent, plus agressif tu meurs! Et dire qu'il n'est pas le seul de son espèce à avoir métastasé dans les vieux quartiers de Paris!

La rue de Calais. Montmartre. Berlioz.

     Au 16 se trouve l'ancien hôtel d'Auguste Perdonnet (1801-1867) qui fut ingénieur. Il participa à la réalisation de la ligne Paris-Saint Germain, au viaduc de Meudon. Nadar l'a photographié. Son cliché fait penser au tableau de Mr Bertin par Ingres. Même pose satisfaite, même sérieux autoritaire!

 

La rue de Calais. Montmartre. Berlioz.
La rue de Calais. Montmartre. Berlioz.
Le 20

Le 20

Les 18 et 20 sont élégants et originaux tandis que le 19 plus opulent est un hôtel particulier.

 

La rue de Calais. Montmartre. Berlioz.

     Sur la façade du 21 une plaque rappelle que la première église de la Trinité construite par l'abbé Modelonde, premier curé de la paroisse, y était implantée. Elle était en bois polychrome et elle resta en service jusqu'à l'inauguration en 1867 de la nouvelle église voulue par Haussmann et construite sur les plans de Théodore Ballu (dont l'hôtel particulier est non loin de là, rue Ballu). 

La rue de Calais. Montmartre. Berlioz.

    Les 22-26 qui terminent la rue abritèrent le Comité Central des Œuvres Sociales EDF-GDF créées par Marcel Paul. C'est un ensemble vigoureux, destiné à inspirer confiance dans la santé financière de ces entreprises. Il était en réfection quand je l'ai photographié, néanmoins il est possible d'en avoir une idée!

 

    Les locaux furent occupés en 1951 quand l'organisation présidée par Marcel Paul fut dissoute par le gouvernement de René Pleven. Les salariés occupèrent alors les bâtiments avant d'être évacués manu militari par la police.

    Au 4ème étage du 26, Edouard Vuillard eut son atelier avant de l'installer à quelques mètres de là, rue de Vintimille, à l'angle avec la place Adolphe Max.

La rue de Calais. Montmartre. Berlioz.
La rue de Calais. Montmartre. Berlioz.

     Et maintenant nous quittons la rue de Calais pour découvrir quelques arbres, peut-être rescapés de l'ancien Tivoli. Le square porte le nom du grand homme de la rue de Calais, Hector Berlioz.

Une statue le représente, debout, tête levée vers le ciel …

 

 

 

 

 

     Elle remplace l'originale due à Alfred Lenoir (auteur entre autres du monument à César Franck, square Rousseau, de la France de Charlemagne du pont Alexandre III et des médaillons des Goncourt au cimetière Montmartre). Elle fut enlevée par les Allemands sous le régime de Vichy pour être envoyée à la fonte comme des dizaines de ses consoeurs!

                                       Statue de Berlioz par Alfred Lenoir.

    On voit que la statue moderne a renoncé au très haut piédestal de l'ancienne. Est-ce pour rendre justice au musicien qui avait écrit :"Il faut collectionner les pierres qu'on vous jette, c'est le début d'un piédestal"?

 

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     Huit ans avant sa mort, Gustave Moreau peint cette toile, auto-portrait symbolique et crépusculaire.

Gustave Moreau. Orphée sur la tombe d'Eurydice. Musée Gustave Moreau. Rue de La Rochefoucauld.

     Orphée pleure la mort d' Eurydice, la deuxième mort, la mort définitive.

La première fois Eurydice a été mordue par un serpent

Elle a été emportée dans le royaume des ombres

La deuxième fois, ressuscitée par le pouvoir de son époux, elle s'apprête à revenir à la lumière quand Orphée impatient, rompant le marché conclu avec Hadès, se retourne pour la voir... et la perdre définitivement.

                                       Orphée ramenant Eurydice (Corot)

Gustave Moreau. Orphée sur la tombe d'Eurydice. Musée Gustave Moreau. Rue de La Rochefoucauld.

 

     Le poète qui charmait les animaux sauvages et faisait se lever le soleil, abandonne tous ses pouvoirs.

Au pied d'un arbre foudroyé, il s'agenouille comme on le fait sur une tombe.

Sa lyre inutile est accrochée aux branches sèches.

La nature qui vibrait à son chant dépérit autour de lui. Les arbres entrent dans un automne mortifère. Leur feuillage rouge sombre se teinte de noir calciné.

Le fleuve stagne comme un marécage. Les roches se couvrent de mousse, de moisissure verte.

Gustave Moreau. Orphée sur la tombe d'Eurydice. Musée Gustave Moreau. Rue de La Rochefoucauld.

    

Orphée tourne le dos au monument de pierre érigé pour son épouse.

Il se laisse aspirer par la terre vers le gouffre où elle a été entraînée.

 Sa tunique beue glisse sur lui. Son corps dépossédé de l'amour se dénude non plus pour les caresses mais pour la voracité de la mort.

Gustave Moreau. Orphée sur la tombe d'Eurydice. Musée Gustave Moreau. Rue de La Rochefoucauld.
Gustave Moreau. Orphée sur la tombe d'Eurydice. Musée Gustave Moreau. Rue de La Rochefoucauld.

     On sait que la toile peinte en 1891 a été inspirée à Gustave Moreau par la mort en mars 1890 de celle qu'il appelait sa meilleure amie, Alexandrine Dureux.

Moreau considérait les femmes comme fascinantes et dangereuses. Leur corps blanc est attirant et fatal. C'est Salomé exigeant la tête de Jean-Baptiste, c'est Hélène flattée de son pouvoir sur les hommes, indifférente aux massacres qu'elle provoque.

Or dans ce tableau dont elle est absente la femme conserve son pouvoir de vie et de mort.Elle est celle sans qui le poète ne peut survivre, celle sans qui ses dons s'épuisent...

   

L'inspiratrice a emporté avec elle ce qui donnait au poète l'envie de chanter.

Mais c'est elle encore qui inspire cette toile...

Cet adieu à la beauté et à la création...

Ce chant du cygne.

Orphée inconsolable sera taillé en pièces par les bacchantes jalouses de l'amour qu'il continue de porter à Eurydice

Sa tête détachée du corps roulera au bord du fleuve avant d'être enterrée.

Même sous terre, là ou règne l'oubli, elle continuera de chanter le nom d'Eurydice.

....

     Le peintre prête à Orphée une douleur qui n'est qu'en partie la sienne. Alexandrine n'est pas Eurydice. Elle est la confidente précieuse mais elle n'est pas l'amante et l'amoureuse qui donne sens à la vie de l'homme.

Moreau qui s'est représenté sous les traits d'Orphée pleure une femme qu'il est incapable d'aimer comme un amant. Il pleure une femme qui est intouchable comme le serait une mère. Il pleure la souffrance qu'elle provoque en lui, mêlée de ressentiment et de remords. Il s'abandonne, il pose devant lui comme ultime réparation sa voix qui fait lever le soleil.

Une voix qui continuera de chanter, séparée de son corps, comme les œuvres du peintre continueront d'enchanter après sa mort. 

Le symbolisme trouve ici une de ses plus belles illustrations!

Gustave Moreau. Orphée sur la tombe d'Eurydice. Musée Gustave Moreau. Rue de La Rochefoucauld.

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Bernard Nicolau Bergeret. Reservoir de Montmartre. Exposition photos.

 

Bernard Nicolau Bergeret. Reservoir de Montmartre. Exposition photos.

 

Bernard Nicolau Bergeret. Reservoir de Montmartre. Exposition photos.

     Sur les grilles du vieux réservoir de Montmartre (9bis rue Norvins) des photos sont fixées qui attirent le curieux et l'amusent car elles jouent avec les clichés et les mots.

 

Bernard Nicolau Bergeret. Reservoir de Montmartre. Exposition photos.

     C'est une invitation à entrer dans l'élégant bâtiment néo-Renaissance qui comme chacun sait, après avoir recueilli les eaux de l'Ourcq et de la Dhuys pour arroser les Montmartrois s'est reconverti en siège pinardier de la Compagnie du Clos de Montmartre. Illustre compagnie qui promeut le grand cru de la vigne voisine.

     Une fois de plus, comme à Cana, l'eau s'est transformée en vin!

     Sur la Butte tout est possible!

Bernard Nicolau Bergeret. Reservoir de Montmartre. Exposition photos.

 

     Avant d'entrer, prenons le temps de regarder les photos sur les grilles.... Comme je suis attiré par les chats, je commence par ce matou sur un livre ouvert. Le jeu entre le texte et la photo ne sera compris que par ceux qui ont vu "le Silence des Agneaux"!

Bernard Nicolau Bergeret. Reservoir de Montmartre. Exposition photos.

 

Bernard Nicolau Bergeret. Reservoir de Montmartre. Exposition photos.

 

.... Ce serment ne conviendra phonétiquement qu'aux gens du sud qui n'ont pas de paume mais une pomme de la main!

Bernard Nicolau Bergeret. Reservoir de Montmartre. Exposition photos.

 

Bernard Nicolau Bergeret. Reservoir de Montmartre. Exposition photos.

 

     Un proverbe contestable aujourd'hui puisqu'en Macronie, les retraités qui n'ont que 1200 euros pour survivre viennent de se faire taxer d'une trentaine d'euros par mois!

On peut tondre un veuf!

 

 

Bernard Nicolau Bergeret. Reservoir de Montmartre. Exposition photos.

 

    A l'intérieur du Réservoir, les photos sont exposées sous les affiches des vendanges. Le photographe est présent, prêt à donner des explications aux touristes, notamment anglophones, qui traduisant mot à mot les expressions ou proverbes, restent perplexes!

Comment comprendre  "the cups" c'est moi!

 

Bernard Nicolau Bergeret. Reservoir de Montmartre. Exposition photos.

 

     Ces jeux de mots et de photos sont bien dans l'esprit gouailleur et créatif de Montmartre. Bernard Nicolau Bergeret m'a confié que le hasard avait été à l'origine de son travail. Alors qu'il rentrait chez lui après être passé à la boulangerie, il vit sur la table les bols de riz que sa compagne avait préparés pour le repas. Il posa le pain sur la table à côté des bols. Or il s'agissait de deux baguettes!

La première photo et la première légende s'imposèrent alors...

Bernard Nicolau Bergeret. Reservoir de Montmartre. Exposition photos.

          Je pense donc j'essuie

Bernard Nicolau Bergeret. Reservoir de Montmartre. Exposition photos.

 

Bernard Nicolau Bergeret. Reservoir de Montmartre. Exposition photos.

 

Bernard Nicolau Bergeret. Reservoir de Montmartre. Exposition photos.

 

Un voile pour magnifier la création divine! Pas sûr qu'il soit plus accepté dans nos rues que celui qui la dissimule!

Bernard Nicolau Bergeret. Reservoir de Montmartre. Exposition photos.

 

... Du Monde diplomatique de surcroît!

Courbet doit esquisser un sourire....

Bernard Nicolau Bergeret. Reservoir de Montmartre. Exposition photos.

 

Bernard Nicolau Bergeret. Reservoir de Montmartre. Exposition photos.

 

     Emile Goudeau qui a donné son nom à la place du Bateau Lavoir, avait lui aussi joué sur son nom en créant le "Club des Hydropathes". Lui qui aimait la dive bouteille, choisit d'appeler son assemblée de joyeux lurons, Club de ceux qui se soignent avec de l'eau pour tout remède!

Bernard Nicolau Bergeret. Reservoir de Montmartre. Exposition photos.

 

.... Le photographe me pardonnera la qualité moyenne de mes reproductions qui sont des photos de ses photos. Les curieux courront  voir l'exposition qui ne dure que jusqu'au 31 mai.

Bernard Nicolau Bergeret. Reservoir de Montmartre. Exposition photos.

A vous de jouer. Quelle pourrait être la légende de cette photo?

    

 

    Un dernier sourire : tout le monde connaît le tableau de Magritte avec sous une pipe parfaitement représentée, la légende : "Ceci n'est pas une pipe".

     Une photo d'un des albums de Bergeret a pour légende "Ceci est une pipe"... et je vous laisse deviner ce que représente la photo que je ne peux reproduire ici sous peine de censure!

Bernard Nicolau Bergeret.

Expo de photos tirées de trois albums :

-C'est la faute aux mots

-Volume d'oeufs

-Sorti de ter

 

Disponibles sur son site  photos

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Notre-Dame de Lorette et le Sacré-Coeur.

Notre-Dame de Lorette et le Sacré-Coeur.

Eglise Notre-Dame de Lorette. La chapelle du baptême. Adolphe Roger.

     Si vous entrez dans l'église par la porte de gauche, vous vous retrouvez devant la loge de l'accueil installée dans la chapelle de la Mort et de la Résurrection. L'endroit est si détérioré, si sinistre que l'on craint un instant que la Mort l'ait emporté!

 

     La résurrection artistique est de l'autre côté, vers la porte de sortie, dans l'or et le bleu de la chapelle des Baptêmes récemment restaurée!

Eglise Notre-Dame de Lorette. La chapelle du baptême. Adolphe Roger.
Eglise Notre-Dame de Lorette. La chapelle du baptême. Adolphe Roger.

     Il s'agit d'un ensemble remarquable qui prend place dans l'histoire de la peinture du XIXème siècle à Paris....

     N'en déplaise à ceux qui font la fine bouche devant les fresques religieuses de cette époque!

Eglise Notre-Dame de Lorette. La chapelle du baptême. Adolphe Roger.

     Quand il fallut décorer l'église, dans un quartier en pleine expansion, apprécié des artistes et des femmes légères qu'on appellerait bientôt "lorettes", la peinture de trois chapelles, après concours, fut confiée en 1832 à des peintres de renom qui formaient une école picturale appelée Ecole des Nazaréens.

Chapelle de la Vierge (Victor Orsel)

Chapelle de la Vierge (Victor Orsel)

Chapelle de l'Eucharistie (Alphonse Périn)

Chapelle de l'Eucharistie (Alphonse Périn)

     Il s'agit de Victor Orsel (chapelle de la Vierge, aujourd'hui dégradée), Alphonse Périn (chapelle de l'Eucharistie) et Adolphe Roger (chapelle des Baptêmes).

     Seule a été restaurée celle des Baptêmes grâce à un fonds américain : le World Monument Fund, notre pays ne faisant pas toujours de la préservation de son patrimoine une priorité absolue!

Eglise Notre-Dame de Lorette. La chapelle du baptême. Adolphe Roger.

     Les trois peintres étaient amis et admiraient les Nazaréens allemands qui, comme eux, avaient fait le voyage en Italie pour étudier les Primitifs qu'ils considéraient comme leurs maîtres. Les sujets religieux étaient pour eux symboliques de la condition même de l'homme et susceptibles de concerner tous les hommes, même incroyants. La Vierge et son enfant pouvait représenter toute maternité humaine et le Christ en croix toute agonie. 

Eglise Notre-Dame de Lorette. La chapelle du baptême. Adolphe Roger.

     Adolphe Roger (1800-1880) choisit de représenter les rites du baptême en mettant en valeur les protagonistes, sans que l'œil soit attiré par un paysage d'arrière plan. En cela il est influencé par les icônes byzantines plus que par les peintres primitifs qui, en rupture avec leurs prédécesseurs, introduisirent la nature, montagnes, fleuves, arbres dans leur composition. 

 

Le fond d'or semble fait de plaques du métal précieux...

 

Eglise Notre-Dame de Lorette. La chapelle du baptême. Adolphe Roger.
Eglise Notre-Dame de Lorette. La chapelle du baptême. Adolphe Roger.

     De part et d'autre, Adam et Eve sont représentés. A gauche sous l'arbre de la Connaissance du Bien et du Mal, après avoir mangé le fruit défendu, et à droite au moment où ils sont chassés du Paradis....

     La composition est symétrique... D'un côté l'arbre et le serpent, la branche s'élevant au-dessus du couple, de l'autre le bras de l'ange. D'un côté Adam et Eve, parallèles, dans une position identique de repli sur eux-mêmes, de l'autre s'en allant, douloureux, vers l'inconnu. 

Eglise Notre-Dame de Lorette. La chapelle du baptême. Adolphe Roger.

   La tête penchée sur la main droite, ils se ressemblent et pourtant, la bouche d'Eve reste ouverte tandis qu'Adam la recouvre du poing comme s'il voulait effacer ce moment où il a mordu dans le fruit ...

   La bienséance du temps a conduit le peintre à cacher la nudité du couple. Eve est recouverte de ses cheveux et d'une inutile ceinture de feuilles, la même que l'on retrouve sur Adam.

Eglise Notre-Dame de Lorette. La chapelle du baptême. Adolphe Roger.

  De l'autre côté, les voilà déjà vêtus de peaux de bêtes. Adam se dissimule toujours, tête baissée tandis que sa femme lève la tête. On pense à la fresque de Masaccio où l'homme se cache le visage dans les mains tandis que la femme se tourne, visage nu et comme aveugle vers le ciel...

 

Les deux fresques sont, selon moi,  les réalisations les plus belles de la chapelle...

 

Eglise Notre-Dame de Lorette. La chapelle du baptême. Adolphe Roger.

     La scène du baptême est plus convenue. Au centre le Christ, les bras écartés et qui semblent devoir s'élever jusqu'à leur position sur la croix.

Eglise Notre-Dame de Lorette. La chapelle du baptême. Adolphe Roger.

A la droite du Christ, Jean Baptiste accomplit le rituel, entouré par des anges un tantinet inexpressifs.

 

Eglise Notre-Dame de Lorette. La chapelle du baptême. Adolphe Roger.

    Au-dessus de la scène, la Trinité, Père, fils et Esprit couronnent l'âme du nouveau baptisé qu'ils accueillent dans leur lumière. L'ensemble est assez convenu mais c'est la couleur franche et la clarté de la composition qui frappent. Adolphe Roger a retrouvé ici quelque chose de la magie naïve et savante des primitifs.

     Parmi les autres décorations de la chapelle, les plus originales représentent les rites du baptême ( certains aujourd'hui tombés dans les oubliettes).

Le SEL... 

Dans la bouche de l'enfant étaient déposés quelques grains de sel, élément vital qui protège de la corruption. 

L'EAU...

     A l'origine le baptisé était plongé dans l'eau, symbole de la mort de l'homme ancien et naissance de l'homme nouveau. 

 

Le SOUFFLE... ou exorcisme...

    Le prêtre souffle sur la tête du bébé afin de chasser au loin le mal ...

 

    Le peintre a représenté au-dessus  l'ange du Mal, un serpent enroulé autour de lui, poursuivi par le bon ange qui tape dans les mains comme s'il voulait effrayer une vulgaire vipère!

Et comme souvent (j'allais écrire "toujours") le mal a plus d'allure, plus de caractère quant il apparaît sous le pinceau des peintres que le bien, fade et conventionnel!

LA SALIVE...

    Le prêtre mouille son doigt de salive et touche les oreilles et les narines de l'enfant. 

Le rite porte le nom d'Ephpheta, ce qui en araméen signifie "Ouvre-toi".

 

LE SAINT CHRÊME....

    Avec l'huile sainte, le signe de croix est tracé sur le crâne de l'enfant. 

 

     On comprend, à voir l'étendue des surfaces peintes qu'il ait fallu plus de quatre ans à Adolphe Roger pour les réaliser. Notons ici qu'il innova dans la technique puisqu'il mit au point avec Orsel un procédé "à la cire froide" qui associait les qualités de la fresque (vivacité, naturel des coloris) à celles de l'encaustique ou cire chaude (vertus hydrofuges). Malgré ces précautions, les deux peintres ne purent éviter "l'irréparable outrage" des années!

Eglise Notre-Dame de Lorette. La chapelle du baptême. Adolphe Roger.

    D'autres scènes ornent les piliers. Elles rappellent des baptêmes célèbres et des conversions de populations lointaines.

... Tout d'abord le baptême de Clovis et Clotilde par Saint-Rémi... avec intervention volatile de l'Esprit Saint qui bénit le Saint chrême et l'ampoule qui servira à oindre les rois de France!

Eglise Notre-Dame de Lorette. La chapelle du baptême. Adolphe Roger.

... Le baptême des Péruviens avec l'ange et le saint évangélisateur François Solano qui avait des dons divinatoires puisqu'il sut prédire la date de sa mort et le tremblement de terre qui dévasta le Pérou!

Eglise Notre-Dame de Lorette. La chapelle du baptême. Adolphe Roger.

... Le baptême de l'empereur Constantin qui selon nombre d'historiens ne lui aurait été administré que sur son lit de mort.

    La légende veut qu'après avoir vu des signes miraculeux apparaître dans le ciel avant une bataille décisive, il eût décidé de se faire chrétien et eût été baptisé par Saint Sylvestre.

Eglise Notre-Dame de Lorette. La chapelle du baptême. Adolphe Roger.

... Enfin, le baptême des Ethiopiens par Saint Philippe (qui fait allusion à un passage des Actes des Apôtres où Philippe baptise un eunuque éthiopien).

     L'aspect académique de ces scènes peut lasser mais la couleur, le relief des personnages sur le fond bleu, la simplicité des visages peuvent nous toucher.

Eglise Notre-Dame de Lorette. La chapelle du baptême. Adolphe Roger.

     Pour terminer la visite de la chapelle, il faut lever les yeux au ciel et découvrir la coupole bleue avec ses étoiles. Les grandes figures qui tournent avec elles bien qu'assises sur leur trône, s'envolent dans un bruissement rose et blanc, couleurs mystiques.

"Un soir fait de rose et de bleu mystique"  (Baudelaire.)

 

Eglise Notre-Dame de Lorette. La chapelle du baptême. Adolphe Roger.

     Grâce à cette belle restauration, Adolphe Roger va peut-être retrouver sa place dans l'histoire de la peinture du XIXème siècle.

   Parmi les peintres proches du courant nazaréen, seul Ingres n'est pas tombé dans l'oubli et c'est dommage.

... Il y a dans son œuvre, servie par la science de son art, une naïveté qui le rapproche de ses maîtres Primitifs. Sur le ciel d'or ou sur le ciel bleu, les visages graves ou sereins sont ceux d'hommes et de femmes qui, délaissant un instant leurs soucis quotidiens, entrent de plain pied dans une légende, un conte de fées pour les uns, une vérité religieuse pour les autres!

 

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Van Gogh. Vue de Montmartre, carrières et moulins. 1886.

Van Gogh. Vue de Montmartre, carrières et moulins. 1886.

Tout a été dit ou presque sur ce géant... mais on a tendance à privilégier ses périodes les plus géniales, celles de Provence et d'Auvers, en n'insistant pas sur ses années montmartroises, celles qui ont été décisives et où il est devenu le peintre de la lumière tourmentée et de "l'explosante fixe"!

Van Gogh. Le jardins de Montmartre 1887.

     Car c'est bien ici, à Montmartre qu'il est devenu Van Gogh! C'est ici qu'il a laissé sa mue de peintre du nord, adepte de Rembrandt et de sa sombre lumière, compagnon des peintres de son pays habitués des intérieurs et des besogneux...

 

     Il ne reste que deux années à Montmartre, de 1886 à 1888. Et quelles années! Quelles amitiés! Quelles rencontres! Quelle métamorphose!

                   Van Gogh. Montmartre. Carrières et moulins 1887.

      C'est en mars qu'il débarque (certains parlent de février, mais quelle importance?) sur l'invitation de son frère Théo qui travaille chez Goupil, le fameux marchand d'art plus attiré par les peintres à la mode que par les novateurs.

                                                              Théo Van Gogh.

     Théo qui avait été embauché par Goupil pour être responsable de sa succursale de La Haye (Goupil et Cie est un des plus importants marchands d'art européen) est appelé sur sa demande à Paris où il rêvait de vivre pour rencontrer les peintres nouveaux qui écrivaient sans que les gens de goût s'en rendissent compte, l'histoire de la peinture moderne.

                                         Goupil et Cie boulevard Montmartre.

     En 1881 il devient gérant de la succursale du boulevard Montmartre qui s'intéresse à ces novateurs alors que la maison Goupil, pour satisfaire sa clientèle continue de vendre rue Chaptal les peintres pompiers qui sont alors à la mode. Un Edouard Detaille par exemple, peintre de scènes militaires,  se vend 50 000 francs (125 000 euros) alors qu'un Monet, s'il trouve preneur, part à 680 francs (1650 euros)!

                                Edouard Detaille. Commandant Berbegier.

                   Théo admire son frère et tient, après la mort de leur père,  à le faire venir à Paris où se joue la modernité. Quand Vincent arrive, il a déjà 33 ans et il s'est affirmé, enfermé, dans une tradition qui ne lui convient pas.

25 rue Victor Massé. Première adresse de Vincent (chez Théo) à Paris.

25 rue Victor Massé. Première adresse de Vincent (chez Théo) à Paris.

     Théo habite alors 25 rue Victor Massé et c'est donc là que débarque Vincent, dans cette rue où au n°12 le cabaret du Chat Noir s'était installé en 1885. C'est un des plus beaux immeubles de la rue, de style Louis-Philippe Renaissance, construit par Davrange et Durupt. Le plus beau des immeubles parisien où Vincent séjournera. Pour peu de temps!  Trois mois!

 

54 rue Lepic. 2ème adresse de Vincent chez Théo.

54 rue Lepic. 2ème adresse de Vincent chez Théo.

     La deuxième adresse de Vincent, toujours chez Théo, sera un peu plus haut sur la Butte, au 54 de la rue Lepic. C'est là qu'il passera la plus grande partie de son temps parisien (de 1886 à 1888) jusqu'à son départ pour la Provence.

3ème étage (volets fermés).

3ème étage (volets fermés).

L'appartement était au troisième étage et la fenêtre de Vincent donnait vers le sud-ouest, sur les immeubles d'en face et le mur pignon qu'il a peints à plusieurs reprises.

Van Gogh à Montmartre
Van Gogh à Montmartre
Van Gogh à Montmartre
Van Gogh à Montmartre
               Atelier de Cormon, 10 rue Constance.

Atelier de Cormon, 10 rue Constance.

      Les premiers mois, Vincent fréquente l'atelier de Cormon, non loin de la rue Lepic, 10 rue Constance.

    Cormon se décourage vite de corriger un étudiant qui n'a plus l'âge ni le caractère de recevoir ses conseils. 

 

                                                   Le harem (Cormon)

    Il est alors à la mode et parmi ses élèves, Van Gogh va faire la connaissance de plusieurs jeunes peintres, attentifs aux leçons du maître, comme Emile Bernard qui va devenir un véritable ami et un confident.

                                                Emile Bernard (Autoportrait)

      Il est le vrai "copain" de Vincent et lui rend fréquemment visite rue Lepic. Ils vont ensemble chez le père Tanguy et font tous deux son portrait :

 

Le père Tanguy par Bernard (gauche) et Van gogh (droite)
Le père Tanguy par Bernard (gauche) et Van gogh (droite)

Le père Tanguy par Bernard (gauche) et Van gogh (droite)

     Le père Tanguy est un personnage haut en couleurs (c'est le cas de le dire!). Ouvrier broyeur de couleurs puis marchand lui même, cet ardent communard est un admirateur des peintres novateurs qui se rencontrent dans sa boutique 14 rue Clauzel et voient dans l'arrière salle les toiles qu'il expose et qu'il essaie de vendre. Pissaro, Monet, Renoir,  Gauguin, Lautrec et Vincent font partie de ses clients et amis!

     Le portrait de lui le plus célèbre est celui que Vincent a peint sur fond d'estampes japonaises qui provoquaient son admiration et dont on sait quelle influence elles eurent sur son art.

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      Vincent découvre peu à peu l'importance de la couleur et de la lumière. C'est pas à pas, jour après jour que la mutation s'accomplit. Parmi les artistes qu'il admire, il y a un peintre dont on parle peu et qui a eu sur lui une influence considérable, c'est Monticelli dont les toiles sont vendues rue de Provence, chez Debarbeyrette et dont Théo sur les conseils de son frère fait l'acquisition d'une d'entre elles.

                                                   (Monticelli)

 

     Un peu plus tard, une fois dans cette Provence qui est le pays de Monticelli, Vincent écrira à son frère : "Je suis sûr que je continue son œuvre, ici, comme si j'étais son fils ou son frère (...) reprenant la même cause, continuant la même œuvre, vivant la même vie, mourant la même mort."

    Il me semble pourtant que ce peintre a une touche lourde et peu lumineuse. Peut-être représente t-il pour Vincent une transition entre les deux époques de sa propre peinture, un sas vers la liberté du geste et l'audace. 

     Parmi les autres peintres que Vincent rencontre à Paris, Gauguin, son aîné aura une importance toute particulière. Il est le maître quand Emile Bernard est le compagnon! Gauguin, comme Van Gogh est fasciné par les Japonais que l'on découvre alors. 

 

     Sur ce cliché exceptionnel pris à l'initiative d'André Antoine (debout) dans son théâtre Libre de la rue Blanche, on peut voir à l'extrême droite Gauguin, à l'extrême gauche Emile Bernard et à côté d'Antoine, la pipe à la bouche Van Gogh.

   La photo a été pris en décembre 1887. Un an plus tard, après une dispute, Vincent se tranchera l'oreille, à Arles. On distingue sur la table le fameux bonnet en lapin avec lequel il se représentera avec les pansements qui entourent son visage.

 

   Pendant les quelques mois qu'il vit à Paris, Van Gogh, comme Gauguin et quelques autres peintres fréquentent les mêmes lieux parmi lesquels un restaurant du boulevard de Clichy, le Tambourin.

               Le cabaret des Quat Z' Arts en 1893, à l'emplacement du Tambourin.

                         Aujourd'hui des dessous féminins remplacent le restaurant!

 

  Imaginez que pour payer sa pension dans ce restaurant sans prétention, Vincent s'était engagé à fournir deux à trois toiles par semaine, des natures mortes, que la dame du lieu espérait vendre (en vain)!

     Cette dame est un ancien modèle professionnel (peint par Manet ou Corot), la Segatori. Nous avons d'elle deux portraits réalisés par Van Gogh :

                                                   La Segatori (Van Gogh 1887)

L'Italienne (Van Gogh) 1887

L'Italienne (Van Gogh) 1887

    Elle a été sa maîtresse dès leur rencontre au printemps 1887. Leur "passion durera quelques mois et elle reste la femme qui a le plus compté pour lui lors de son séjour parisien.

 

     C'est dans son établissement  qu'il expose ses toiles sans succès. C'est encore là que ses amis Emile Bernard et Louis Anquetin, ayant plus de chances, vendent leur première toile lors d'une exposition collective avec lui et Gauguin.

                                         Louis Anquetin. Le Mirliton (chez Bruant) 1886-7

 

Le restaurant périclita et la Segatori dut se résoudre à brader pour quelques sous les dizaines d'œuvres de Vincent qu'elle possédait!

 

      C'est chez elle qu'il avait exposé des dizaines de gravures japonaises achetées avec Théo rue Chauchat, chez Siegfried Bing, un fou de Japon!

                                                 Maison Bing, rue Chauchat.

     L'influence des artistes japonais sur les Impressionnistes est connue mais il importe, pour comprendre la peinture de Van Gogh, de se rendre compte à quel point il fut marqué par cet art. Ce sont ses peintures provençales qui en seront les plus évidentes preuves, à tel point qu'il écrira à Théo que si les Impressionnistes allaient dans le midi c'était qu'ils y trouvaient "l'équivalent du Japon"!

           Vincent commence par reproduire fidèlement les œuvres qu'il admire (notamment celles de Hiroshige)

                                  Le pont sous la pluie (inspiré d'Hiroshige). 1887. Van Gogh.

                              Prunier en fleurs (1887) Van Gogh

Prunier en fleurs (1887) Van Gogh

     A Montmartre, à l'instar des Impressionnistes, il va poser son chevalet en plein air. Le "village" lui plaît, avec ses terrains vagues, ses jardins qui résistent encore  à la grande spéculation immobilière.

     Un de ses thèmes de prédilection est le moulin de la Galette. On sait que le meunier-homme d'affaires Debray donna ce nom à deux moulins. Tout d'abord à l'ancien Radet, transporté à l'angle des rues Lepic et Girardon, puis à l'ancien Blute-Fin et sa terrasse sur tout Paris.

Vincent encore "hollandais" dans sa peinture commence par peindre l'ancien Radet. Trois toiles le représentent dans une tonalité sombre, assez sinistre.

 

 

 

 

 

    

 

Il suffit de quelques mois pour que le virus impressionniste ait fait son chemin et lorsque Vincent peint l'ancien Blute Fin, la couleur, la lumière, l'atmosphère ont changé! Du ciel, de l'air, des courants de soleil vont vibrer ses paysages. 

 

 

Potagers et moulins à Montmartre

Potagers et moulins à Montmartre

Le Blute-Fin (moulin de la Galette)

Le Blute-Fin (moulin de la Galette)

La terrasse du Blute-Fin 1887

La terrasse du Blute-Fin 1887

Le Blute fin. 1886

Le Blute fin. 1886

     Les restaurants et les cabarets montmartrois fréquentés par Vincent sont évidemment nombreux mais ils ne font pas, sauf exception, le sujet de ses peintures.

     Nous avons vu le Tambourin où il a peint la Segatori. Il a également peint le jardin des Billards en Bois, rue Saint Rustique (aujourd'hui "La Bonne Franquette"). 

 

Van Gogh à Montmartre

    Le lieu était apprécié des peintres qui s'y retrouvaient fréquemment. Toulouse Lautrec y invite Vincent pour y siroter la Fée Verte, l'absinthe...

                                Croquis de Van Gogh pour "la Guinguette".  (1886)      

          Vincent y peint une toile "la Guinguette" aujourd'hui exposée à Orsay.

 

     C'est le plus souvent en se promenant autour de la rue Lepic qu'il trouve son inspiration, dans ce Montmartre où les potagers entourent les moulins, où les carrières ouvrent des brèches dans le paysage, où le maquis continue d'attirer les pauvres et les originaux. Ce Montmartre d'après la Commune dont les amoureux de notre quartier ne cessent de rechercher les vestiges.

                                       Chemin en pente à Montmartre (1886)

 

Scène de rue à Montmartre. Le moulin à poivre.

Scène de rue à Montmartre. Le moulin à poivre.

Parmi les tableaux qu'il réalise alors, on trouve cette "Scène de Montmartre : 

     Le moulin à roues servait de support publicitaire, quant au moulin à Poivre, entre les drapeaux tricolores il avait été construit en 1830 près du moulin de la Galette. Il servait à moudre les grains et les pigments pour les couleurs. Il a été détruit en 1911 pour permettre le percement de l'avenue Junot.

Le tableau de Vincent est remarquable par son apparente naïveté qui annonce Utrillo, par ses couleurs franches et par ce ciel tourmenté. 

Quelques fois, Vincent peint le boulevard de Clichy 

                                                         Boulevard de Clichy

 

Ou la ville qui apparaît mouvante, immense depuis les hauteurs de Montmartre. 

 

Van Gogh à Montmartre
Van Gogh à Montmartre

     Bientôt il va prendre la direction du sud et c'est là que son génie va éclater, c'est là qu'il va dépasser tout ce qu'il a appris à Paris, s'émanciper de ceux qui l'ont impressionné pour devenir le peintre unique, celui qui déjà se représentait par touches rapides, par éclats de couleurs comme un soleil en expansion , en risque de dissolution...

 

     Son histoire avec Montmartre n'est pas tout à fait terminée cependant. Le 17 mai 1890, il revient à Paris, chez Théo qui a changé d'adresse et habite 8 Cité Pigalle, au troisième étage.

 

     Vincent Van Gogh est né le 31 janvier à cette adresse!

    Oui, Théo a eu un fils avec sa femme Johanna et c'est le prénom de Vincent qu'il a choisi!

    Ce choix ne plaît pas au peintre qui souffre d'avoir reçu en 1853 le prénom de son frère mort l'année de sa naissance en 1852. Mais dans cette famille les "Théo" et les "Vincent" se donnent de génération en génération!

     Vincent ne reste que trois jours à Pigalle avant de partir pour Auvers.

                                                                      Cité Pigalle

     Sur l'invitation insistante de Théo, il revient à Pigalle le 5 juillet 1890. Il devait y rester une semaine mais il part le jour même après avoir rendu visite à Tanguy rue Clauzel, être allé chez un brocanteur où Théo avait remarqué un Bouddha intéressant, avoir passé un moment chez Lautrec et avoir déjeuné en famille Cité Pigalle. 

     Il ne reviendra pas à Montmartre.

    Son coeur cessera de battre à Auvers, deux jours après le coup de pistolet qu'il se tirera le 27 juillet dans la poitrine, peignant de rouge sa chemise et faisant s'envoler les oiseaux.

 

 

       Ce n'est pas à Montmartre mais à Auvers qu'il sera enterré.

      Théo mourra quelques mois après lui dans une clinique psychiatrique d'Utrecht.

      En 1914, Johanna le fera inhumer à côté de son frère.

     

 

La vigne rouge. Le seul tableau de son frère que théo parvint à vendre.

La vigne rouge. Le seul tableau de son frère que théo parvint à vendre.

     C'est pourtant ici, à Montmartre, que s'est joué son destin de peintre, grâce à ce frère attentif et amoureux qui l'invita à se lancer dans une des plus grandes aventures artistiques du XIXème siècle.

Van Gogh à Montmartre

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