Le jardin du père Forest et les petites maisons villageoises qui avaient subsisté vaille que vaille rue Caulaincourt ont été détruits en 1899 pour laisser place à l'hippodrome de Montmartre prévu pour l'exposition universelle de 1900.
Les architectes en sont Henri Cambon, Galeron et Duray. Henri Cambon est un habitué des rues montmartroises. Il est l'architecte de la Villa des Arts rue Hégésippe Moreau et de plusieurs immeubles dont un dans une rue qui m'est chère, la rue André Del Sarte.
Immeuble de Cambon rue André Del Sarte.
La façade est de style "Beaux-Arts", un style néo classique qui mêle allègrement des éléments architecturaux divers dans un éclectisme qui ne craint pas la surcharge. Le portail du Petit Palais en est un bel exemple. Ce style qui prend la suite du Napoléon III ne plaît pas aux gens de "bon goût"...
Et pourtant, cette profusion, cette générosité architecturales semblent bien fantaisistes et imaginatives aujourd'hui!
Jacques Tissot. Conductrices de chariots à l'hippodrome.
Un restaurant qui donne sur la piste fait le tour de l'hippodrome. Il est l'oeuvre de Niermans, celui-là même qui édifia le Moulin rouge. "Le Grand Restaurant" (quelle originalité!) est le nom de cet établissement.
Au Moulin Rouge. Louis Anquetin.
A la fois luxueux et "artiste" il est un fleuron hélas disparu du style 1900. Un grand peintre injustement oublié, Louis Anquetin, venu en presque voisin de la rue Clauzel y réalise des fresques murales représentant des chevauchées de Walkyries ou de Dianes chasseresses.
Le cirque Bostock
L'hippodrome est mal géré et après quelques années il est loué à Franck Bostock qui y installe sa ménagerie et son cirque. Nous sommes en 1903 et de nombreux cirques existent déjà dans la capitale, à commencer par le cirque Fernando (1875) sur le Rochechouart où les peintres de la Butte trouvent de nombreux modèles.
Le cirque Bostock se distingue de ses rivaux par un grand nombre de numéros de domptage de fauves et de félins qui forment plus de la moitié du spectacle.
Cirque Bostock. La dompteuse.
Cirque Bostock. Le dompteur d'éléphants.
Les éléphants sont également de la revue. Buffalo Bill lors de sa tournée européenne y donne plusieurs représentations.
Quelques numéros originaux à l'époque attirent les Parisiens : des fakirs indiens sur des planches cloutées, des avaleurs de serpents, des acrobates lilliputiens...
Mais le cirque connaît à son tour des difficultés et remplit difficilement les gradins. Il quitte la rue Caulaincourt et part sous d'autres cieux en 1909.
L'ancien hippodrome se met à la mode en organisant des projections cinématographiques qui font courir les foules. Il est repris de 1909 à 1910 par la Compagnie des Cinémas Halls, puis par The Royal Bio avant d'être racheté en 1911 par Léon Gaumont et entamer sa carrière de cinéma géant et célébrissime.
En 1930, l'ancienne salle est détruite. La structure métallique qui faisait l'admiration de tous est réduite en morceaux de ferraille avec le même vandalisme qui sous Pompidou et avec son aval détruira les Halles de Baltard.
Mais contrairement à l'affligeant ensemble qui s'élevera à la place des Halles défuntes, un bâtiment fonctionnel et bien proportionné remplace le vieil hippodrome. Il est dû à l'architecte Henri Belloc.
Le Gaumont. A droite la rue Caulaincourt, à gauche la rue Forest.
La salle est spendide, à la fois sobre et élégante, marquée par le style Art-Déco. Elle serait aujourd'hui avec le Rex un des joyaux architecturaux parisiens des années 30.
Voici comment "la Cinématographie Française" le décrit dans son numéro du 20 juin 1931 :
"Par les grandes baies, transparaît, le soir, la lumière éblouissante du hall. Enfin tout en haut, se découpe sur le ciel le sommet de l'établissement qui de loin attire les regards sur la façade toute rose."
Dans l'immense salle un jeu architectural de gradins lumineux ajoute à la magie du lieu.
La salle est remaniée et réduite à moins de 2000 places quand elle se transforme en Cinérama entre 1961 et 1967. Elle retrouve ses proportions majestueuses après cet épisode "Cinérama" (dont le nom annonce sinistrement le futur "Castorama")
Mais il est trop tard. Cette renaissance est de courte durée. Le public ne suit pas. Les immenses salles ne sont plus à la mode et l'on commence à assister au saucissonnage des anciens cinémas...
La société Gaumont vend la salle à des promoteurs incultes, des financiers pur jus.
La suite vous la connaissez...
... Pour ne pas terminer sur une note tristounette, signalons que le fameux orgue Christie du Gaumont a sauvé sa peau!
... Il a pris place dans le pavillon Baltard de Nogent rescapé ...
Que sa petite musique ne soit pas trop nostalgique et qu'elle réjouisse les oreilles des amoureux du cinéma et de Paris...
Rue Caulaincourt (1) Père Forest Lautrec.
Rue Caulaincourt. (4). du 1 au 42.
Rue Caulaincourt (5) Louis Nucera, André Warnod...
Rue Caulaincourt (6) Dernière partie.
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Liens :
Rues de Montmartre
Place Pigalle (1) Abbaye de Thélème. Le rat mort.
Boulevard de Rochechouart (1) première partie.
Montmartre. Rue Yvonne Le Tac. (1) L'Abbaye d'en-bas.
Montmartre: rue des Abbesses (1)
Rue Ravignan (1). Montmartre. Des Abbesses à la place Emile Goudeau.
Rues de Montmartre. Classement alphabétique.
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