J'ai commencé à prendre ces photos à mon retour d'Oléron, le 20 novembre.
Saison grise où l'hiver pousse ses hallebardes mais où parfois le soleil résiste, avec ses oriflammes et ses touches de peinture, jaunes comme les tournesols de Van Gogh ou les feuilles du Gingko dans le square Louise Michel.
21 novembre place de Clichy. Cette même femme aux chaussettes roses, depuis des années au même endroit avec sa vie dans des sacs poubelles...
22 novembre, square Louise Michel. Deux amies au soleil.
23 novembre. Square Louise Michel. Têtes qui roulent...
24 novembre. Square Louise Michel. Le soleil du Gingko.
25 novembre. Rue du Cardinal Guibert. Elégance des chevaux...
26 novembre. Escaliers du Sacré-Coeur. Chevelure peinte par Van Gogh...
27 novembre. Parvis du Sacré-Coeur. Danse dans le ciel gris.
28 novembre. Rue du Calvaire. Guitare rouge.
28 novembre.. six chevaux rue du cardinal Guibert...
29 novembre. La nuit tombe... un dernier rayon de soleil square Louise Michel... le chat noir s'électrise....
30 novembre, dernier jour du mois des morts. Cimetière Montmartre.
Dans la nuit du 30 novembre au 1er décembre, la neige est venue pour annoncer Noël!
1er décembre. Avenue de Clichy. Le plus vieux métier du monde ou Le plus triste...?
2 décembre. Depuis ma fenêtre en pensant à mon frère Jean-Loup qui peignait les toits de Paris.
3 décembre. Parler avec les mains au-dessus de l'échiquier des bouteilles.
4 décembre. Bisou au sommet sous les bonnets
5 décembre. La dame aux pigeons. Square Louise Michel.
6 décembre. La saison des corbeaux. Square Louise Michel.
7 décembre. Réincarnation de Dali? Place du Tertre.
8 décembre. La nuit tombe. Place Clément.
9 décembre. Rue du Cardinal Dubois. Le guetteur.
10 décembre. Arbre. Square Louise Michel.
11 décembre. Rue Gabrielle.
12 décembre. Le Sacré-Coeur a le blues! Il paraît que c'est en hommage à Johnny enterré à Saint Bart....
13 décembre. La tour Eiffel vue de Montmartre (la rue du Cardinal Guibert).
14 décembre. Le père Noël sur 2 chevaux, en attendant les rennes!
15 décembre. Rayons du soir entre les branches.
16 décembre. Sur les marches du Sacré-Coeur.
17 décembre. Reflet dans le velux. Rue Muller.
18 décembre. Square Louise Michel. Ambiance hivernale..
19 décembre. Coucher de soleil rue Foyatier.
20 décembre. Etat d'urgence dans le square Louise Michel. Il y a de la drague dans l'air!
21 décembre. Parapluie pour Paris-pluie!
23 décembre. Chipie, la chatte libre du square, se met à l'abri!
24 décembre. Guitariste rue du Calvaire (la bien nommée!)
25 décembre. Pattes et pas précautionneux dans les escaliers de la rue Paul Albert.
26 décembre. Rue Androuet. Miss.Tic. Clin d'oeil à Godard : Ana Karina "Je ne suis pas infâme, je suis une femme!"
27 décembre. Soir glacé. A travers les branches dans le square Nadar.
28 décembre. La statue vivante. Escaliers du Sacré-Coeur
29 décembre. L'Elysée Montmartre. Un pâle rayon après la pluie glaçante.
30 décembre. Square Louise Michel. Certains s'ancrent l'un à l'autre pour faire face à la tempête, les autres risquent de s'envoler.....
31 décembre. Passage des Abbesses.
Un précieux conseil est gravé sur les contremarches, pour ce dernier soir de 2017 et pour tous les jours de 2018!
La rue Androuet qui relie la rue des trois Frères et la rue Berthe réserve toujours des surprises. Elle est une exposition en plein air d'œuvres qui sont selon la définition littérale des manifestations du Street Art...
Hommage au Christ Jaune de Gauguin
Nous y avons rencontré à plusieurs reprises Jacques Servoz, un peintre aux vigoureuses compositions qui rappellent Rouault et les traits s'encre noire comme le plomb qui entoure le verre aux franches couleurs des vitraux....
Le fauvisme, Pont Aven, Gauguin, Basquiat ont fécondé l'art engagé de cet artiste qui va à la rencontre des passants et des touristes....
Le jour de Noël 2017, je suis passé dans la rue et j'ai été arrêté par les grands visages colorés du Christ.
Noël! Un enfant dans une crèche, un bœuf et un âne, des anges qui chantent dans le ciel. Me sont revenus les souvenirs d'enfance, les santons de Provence dans la cheminée de mes grands-parents, les flammes des bougies, la messe de minuit et le retour délicieux dans la chaleur de la grande maison où fumait déjà le chocolat crémeux à côté de l'orange et des papillotes...
Comme il m'eût été impossible de penser ce jour-là à la mort de l'enfant que protégeait le regard de ses parents et celui des animaux paisibles dont le souffle posait une buée de tendresse sur la paille.
Aujourd'hui François, le pape qui porte le nom de l'homme qui parlait aux animaux et qui ouvrait son cœur aux plus pauvres et aux plus délaissés, a dit qu'il voyait l'enfant de la crèche dans ceux qu'il avait rencontrés en Syrie, en Birmanie, au Soudan... partout où les hommes étaient victimes de la folie de leurs semblables, de leurs guerres, de leur fanatisme...
Alors nul doute, le nouveau-né dans son étable de Bethleem et le visage humilié de la rue Androuet sont un seul et même homme.
C'est ce visage dont un œil paraît barré d'une croix qui est en fait un oiseau noir, aux ailes mazoutées de sang, ce visage est un appel à l'humanité : "Frères humains qui après moi vivez"...
Il dit la violence, la torture, l'humiliation... mais il est droit, il ne penche pas sous les épines... il a confiance malgré tout....
Peut-être croit-il en la résurrection comme les réfugiés croient en la fraternité des hommes?
Je republie aujourd'hui ce poème écrit pour Noël 2012 Pour les enfants tués qui n'ont pas de race sinon celle de l'humanité qui unit tous les enfants du monde. Noël en Palestine A deux pas du mur il est né Derrière un rideau de ferraille Dans un camp...
C'est le plus charmant hôtel de la rue qui en compte plusieurs. Il est harmonieux et ressemble à un château de contes de fées. C'est l'hôtel de la grande tragédienne du début du XIXème siècle : Mademoiselle Duchesnois (1777-1835).
Quelle rue que cette rue de la Tour des Dames où vécurent tant de gloires du XIXème siècle et où, au 1, au 3 et au 9 vécurent trois des acteurs les plus fameux du Théâtre Français : Mademoiselle Mars, Mademoiselle Duchesnois et Talma!
Et que dire, à quelques mètres de là, rue La Rochefoucaud de la maison, devenue musée, de Gustave Moreau, le peintre du rêve et du mystère?
Mademoiselle George (Baron Gérard)
Saint Saulve. Une rue porte son nom de tragédienne.
Catherine Joséphine Duchesnois est née en 1777 à Saint-Saulve près de Valenciennes où son père est aubergiste.
Elle occupe de petits empois de couturière et de servante avant de découvrir le théâtre en jouant dans une troupe locale. Elle a vingt ans et c'est le coup de foudre.
Elle vient à Paris où elle suit les cours de Florence, un acteur de la comédie Française qui ne l'encourage pas car elle manque de charme, elle est hommasse et ingrate selon ses détracteurs.
Elle est cependant engagée à l'essai pour quelques mois à la Comédie Française.
Et voilà qu'après des prestations tièdes et sans génie, elle interprète Phèdre et déclenche un tel enthousiasme que peu de temps après elle est engagée et devient sociétaire.
Phèdre restera son rôle de prédilection et les spectateurs qui ont pu la voir en ont parlé avec des tremblements dans la voix! .... Et chaque fois que la pièce de Racine sera programmée, ce sera à guichets fermés!
Mademoiselle George.
Les mauvaises langues ont prétendu que la promotion de Mademoiselle Duchesnois n'était pas due à son seul talent mais aussi à l'influence de Joséphine de Beauharnais qui, mécontente de la relation qu'avait nouée son empereur de mari avec une autre actrice de la Comédie Française, Mademoiselle George, avait tenu à lui donner une rivale de talent...
Mademoiselle George. Héliogravure d'après Gérard.
D'autres mauvaises langues (espèce invasive) affirment que l'Impératrice eut à s'en mordre les doigts (modérément) car Mademoiselle Duchesnois ne laissa pas l'empereur indifférent et eut avec lui deux ou trois rendez-vous galants.
La rivalité entre les deux actrices qui avaient des partisans tapageurs (les Georgiens pour l'une, les Circassiens pour l'autre) donnait du piment aux représentations.
Mademoiselle George, belle et sensuelle possédait plus d'atouts que sa "collègue". Elle était soutenue par Napoléon qui la préférait malgré tout à la Duchesnois; elle était également soutenue par une actrice de talent, femme d'influence, Mademoiselle Raucourt, amoureuse de la diva. Mademoiselle Raucourt était une lesbienne qui ne craignait pas de vivre son homosexualité, librement.
Le départ de Mademoiselle George pour la Russie où elle connaîtra un succès extraordinaire, va mettre fin aux hostilités et laisser la place libre à Mademoiselle Duchesnois qui règne pendant des années sur la scène du Théâtre Français
Bien qu'elle soit curieuse de la littérature de son temps et reçoive dans son salon les plus célèbres écrivains, comme Victor Hugo, Mademoiselle Duchesnois n'est pas passionnée par le théâtre romantique. Elle crée quelques pièces de ses contemporains mais c'est toujours Racine qui lui procure ses plus grands succès.
C'est en 1822, alors qu'elle a 45 ans qu'elle achète l'hôtel de la rue de la Tour des Dames. Ce petit château original a été construit en 1820 par un spéculateur notoire, le receveur Lapeyrière. Il est l'œuvre de l'architecte Auguste Constantin et il est considéré comme une des plus belles réalisations de l'architecture de la Restauration.
L'architecte Auguste Constantin (Fragonard).
Auguste Constantin (1790-1842) est associé avec Lapeyrière au lotissement du quartier Saint-Georges. Elève de Percier (auteur avec Fontaine qui a sa rue non loin de là, de l'arc de triomphe du Carrousel) il est aussi l'architecte du 7 rue de la tour des Dames.
Facade sur jardin
L'hôtel est élégant et romantique avec sa façade sur jardin et son avant-corps qui rythme le bâtiment. Sur rue la réussite est évidente. La façade concave est précédée d'une cour en hémicycle, ce qui lui donne son allure de petit château romantique.
Le portail est en pierres et prend l'allure d'un arc de triomphe miniature.
L'intérieur est richement décoré. Malheureusement l'hôtel ne se visite pas. Il appartient à des particuliers qui veillent sur lui jalousement.
Plafond du salon.
Mademoiselle Duchesnois habite pendant une dizaine d'années dans cette maison qu'elle aime et où elle reçoit artistes et romanciers.
Sa vie sentimentale n'est pas marquée par de grands éclats bien qu'elle eût mis au monde trois enfants de géniteurs différents sans jamais éprouver la nécessité de se marier.
Les zouaves à Philippeville;
Son premier garçon, Henri Raffin Duchesnois passe pour être le fruit d'un amour passager avec un homme aux mains caressantes, un harpiste talentueux. Mais quelques fins limiers en font le fils du général Savary, duc de Rovigo, qui le protégea quand il servit sous ses ordres en Algérie. Ce qui ne lui évita pas d'être attaqué par de vilains virus et de mourir en 1839 à Philippeville.
Bône. Aujourd'hui Annaba.
Son deuxième garçon, Anatole Raffin Duchesnois a pour père le marquis Anatole de la Woëstrine et il est mort lui aussi en Algérie, à Bône (aujourd'hui Annaba) en 1850.
Une fille enfin échappa grâce à son sexe à l'aventure algérienne. Elle s'appelait Rosamonde Joséphine Gélinet, son père, le commandant Gélinet l'ayant reconnue et aimée.
Buste de Joséphine Duchesnois
Avec le temps, va, tout s'en va... le talent aussi quelquefois...
Voici ce que dit Etienne de Lamothe Langon au sujet de la grande actrice :
" Ses qualités disparaissent et ses défauts augmentent. Ses forces qui s'épuisent, sa déclamation toute de l'ancienne école, sa haine pour la tragédie romantique nuisent à ses qualités."
En 1833, Mademoiselle Duchesnois quitte le théâtre. Décision difficile car il est sa vie et sa respiration. Elle trouve quelque consolation dans la religion. Mais comme la bougie qui s'éteint sur la scène, marquant la fin du dernier acte, elle s'éteint à son tour en 1835.
Elle est enterrée au père Lachaise.
Sa commune natale, Saint-Saulve éleva à sa mémoire un premier monument qui fut détruit par les Allemands en 1914.
Un deuxième monument le remplaça après la première guerre mais il fut à son tour détruit pour être fondu pendant l'occupation...
Il n'y eut pas de troisième monument et il n'y en aura sans doute jamais. Il ne nous reste que l'hôtel de la tour des Dames où, certains soirs, le passant romantique, entend une voix douce et forte à la fois dire des vers de Racine....
... les plus beaux vers de notre langue
...Les vers que mademoiselle Duchesnois ne cesse de chanter car comme chacun sait, la voix ne s'enterre pas....
Elle vole librement rue de la Tour des Dames où elle se mêle à celles de Talma et de Mademoiselle Mars....
Répétition avec Mademoiselle Duchesnois et Talma...
"Est-ce un malheur si grand que de cesser de vivre?"
Après Gainsbourg et Xenakis, c'est encore la musique qui est à l'honneur dans la rue Chaptal.
En effet, c'est au 17 que vécut un violoniste qui fut considéré comme un des plus virtuoses de son époque.
Henri Vieuxtemps par Barthélémy Vieillevoye (1828)
Il s'agit du Belge Henri Vieuxtemps (1820-1881). Interprète prodige, il fut comme Mozart, exhibé dès l'âge de 6 ans dans des concerts où la bonne société venait applaudir un phénomène.
Sa virtuosité qui le fit comparer à Paganini, lui fut préjudiciable, comme à ce dernier, car on oublia que le musicien fut aussi un compositeur, ami de Schuman, admiré de Berlioz.
Après une attaque qui le laissa en partie paralysé, il passa les dernières années de sa vie à Paris.
L'immeuble est inscrit sur le plan de protection patrimoniale. Sa façade dissimule un hôtel particulier dont les jardins donnent sur la rue Henner.
Nous y rencontrons une poétesse qui fut aimée de Charles Cros et qui y tenait un salon littéraire, un des plus brillants de Paris.
Il s'agit de Nina de Callias (1843-1884). Elle serait sans doute oubliée aujourd'hui si Manet ne l'avait peinte. Elle est la célèbre "Dame aux éventails" aujourd'hui au musée d'Orsay.
Charles Cros.
Elle eut pour amant le poète Charles Cros à qui elle inspira quelques poèmes de son recueil "Le coffret de Santal"....
..."L'odeur de tes cheveux, la blancheur de tes dents,
Tes souples soubresauts et tes soupirs grondants,
Tes baisers inquiets de lionne joueuse
M'ont, à la fois, donné la peur et le désir
De voir finir, après l'éblouissant plaisir,
Par l'éternelle mort, la nuit tumultueuse."
Cité Chaptal
Au 20 s'ouvre la cité Chaptal où habitait Fréhel l'année où elle offrit un verre à l'écolier Gainsbourg rencontré à la sortie de l'école. La voie est étroite et éclairée par la façade peinte en jaune de l'International Visual Théâtre, créé en 1976 et installé depuis 2004 au 7 cité Chaptal.
Emmanuelle Laborit (photo Pélerin magazine)
C'est un haut lieu de culture et de rencontres dédié au langage des signes et au spectacle. Il est dirigé par Emmanuelle Laborit, la bouleversante interprète des "Enfants du Silence".
Le Grand Guignol 1947
Ce théâtre à l'abri du tumulte et qui laisse libre cours à l'énergie créatrice abrita une des salles les plus tapageuses et les plus sanglantes de Paris : Le Grand Guignol ... qui donna son nom à un genre de spectacle arrosé à l'hémoglobine
C'est en 1897 qu'il ouvrit ses portes grinçantes... dans une chapelle qui avait été transformée en atelier par le peintre Rochegrosse.
Les auteurs des pièces qui y sont jouées sont souvent des écrivains de grand talent comme Jean Lorrain ou Courteline. A la fin du siècle, pour attirer un plus grand public, la mise en scène macabre prend le dessus sur le texte. L'auteur le plus prolifique est alors André de Lorde surnommé "le prince de l'épouvante".
Les sujets de prédilection sont les rapports entre soignants et malades, dans des asiles psychiatriques.
Dans les années 30, le cinéma d'horreur concurrence le Grand Guignol qui bat de l'aile et il faut attendre l'après guerre pour que de nouveaux auteurs comme Frédéric Dard lui redonne un peu de sang frais!
Mais ce ne sera pas suffisant et malgré quelques réussites et la prestation d'acteurs talentueux comme Roger Hanin ou Judith Magre, le théâtre ferme ses portes en 1963....
Rochegrosse dans son atelier.
Nous avons vu que le Grand Guignol s'était installé dans l'atelier de Rochegrosse, un peintre qu'il convient de mentionner maintenant...
Rochegrosse (1859-1938) commença sa carrière de peintre en réalisant des scènes historiques avant de rejoindre le symbolisme...
Il tomba amoureux de l'Algérie où il rencontra sa femme et où il vécut juqu'à sa mort après avoir quitté la rue Chaptal. Sa dernière période le classe alors parmi les peintres orientalistes.
Parmi les immeubles de la Cité, le 4 bis actuel mérite notre attention. C'est un bel hôtel de la première moitié du XIXème siècle qui donne une idée de ce qu'était la rue lors de sa création, quand le quartier se targuait d'être "la Nouvelle Athènes" et qu'il était loti d'hôtels particuliers et de jardins.
Le 21
Au 21, le linteau garde mémoire d'un laboratoire pharmaceutique comme il y en avait de nombreux à Paris. Des pharmaciens-Tournesol mettaient au point des remèdes qu'ils commercialisaient.
Scientia connut de nombreux succès avec des médicaments contre la décalcification, d'autres à base d'huile de foie de morue (oh l'horrible souvenir!) et d'autres enfin survitaminés... Il ne ferma ses portes qu'au milieu du XXème siècle et seul le linteau parle encore de lui...
Le 22
Le 22 abrite une galerie d'art de renom : "La Nouvelle Athènes". L'architecte de l'immeuble est Emile Hennequet, assez théâtral dans son style post haussmannien. Nous l'avons déjà rencontré avenue Trudaine où il signa dans la pierre plusieurs numéros.
Le 24
Le 24
Bien différent des hôtels de la Nouvelle Athènes, le 24 est un bel exemple de l'architecture du début du XXème siècle, avec ses larges baies, sa pierre blonde et ses décorations inventives, fleurs, visages, bouc....
Il est dû à l'architecte Henri Petit (1856-1926) que nous avons déjà rencontré au début de la rue. Nous avons vu qu'il était, lui aussi, amoureux de l'Algérie où il conçut de nombreux bâtiments dans le style qu'on a qualifié de "mauresque". Une de ses réussites est la Grande Poste d'Alger.
Le 26 est un bel immeuble qui comme beaucoup d'autres dans le quartier s'est édifié sur les jardins d'un hôtel particulier (hôtel de Serigny) plus ancien que ceux de l'époque romantique puisqu'il date de 1780.
Il a été remanié, restructuré au XIXème. La plupart de ses décors et de ses stucs ont été ratiboisés. Seul subsiste celui du grand salon, somptueux, avec ses quatre saisons peintes par Claude Bourgonnier.
Claude Bourgonnier (1860-1921) qui étudia avec Cabanel et Millet fut influencé d'abord par l'impressionnisme avant de préférer le symbolisme décoratif de se consacrer essentiellement à la peinture de fresques dans des hôtels particuliers et des bâtiments publics.
Aujourd'hui l'hôtel est un lieu de calme et de culture puisqu'il abrite la bibliothèque Chaptal.
Les habitants du 26 aiment leur refuge et y entretiennent amoureusement les plates bandes...
Le 27
Le 27 est encore un immeuble qui a été construit sur les jardins, à la fin du XIXème siècle. Son architecte, Eugène Blanchet a fait graver son nom sur la façade.
Le 32
Le 32 n'a pas l'honneur d'exister entre le 30 et le 34 où il s'est perdu! C'était une pension connue sous le nom d'Institution Landry dont on se rappelle le nom pour la seule raison qu'elle eut pendant neuf ans un illustre pensionnaire : Paul Verlaine.
Ses parents habitaient alors rue Truffaut (28).
Le poète parlera de son école dans "Mes prisons" :
"Une grille monumentale sur une cour pavée, menait au réfectoire de la pension."
"Tout cela a disparu pour faire place, bien entendu, à de belles maisons de rapport."
"C'était là qu'il y a trop longtemps, je commençais mes études après avoir achevé d'apprendre à lire, à écrire, à compter (mal), dans la petite classe élémentaire."
Angle de la rue Chaptal avec la rue Blanche.
C'est à Montmartre, rue Nicolet qu'il vivra, jeune adulte, avec sa femme Mathilde et son fils Georges.
Mais c'est une autre histoire.... soudain illuminée et bouleversée par une météorite nommée Rimbaud.
34 Le Dit Vin
Nous arrivons rue Blanche et passons devant un café qui rend hommage par un jeu de mot au vin boisson des dieux....
Alors, non loin de la vigne de Montmartre, comment ne pas citer quelques vers du poème "Vendanges" de Verlaine?
C'est par hasard que je suis passé devant sa tombe après être allé rendre visite à Monique Morelli et au chat roux qui dort au pied de son caveau.
Le bonhomme bleu, une main montrant le ciel et l'autre la terre a attiré mon attention.
J'ai lu le nom de celui qui avait élu domicile sous la pierre étrangement vermoulue où on l'a couché quelques jours après sa mort le 28 décembre 2016.
Quelle belle définition pour un homme que celle-là! Auteur, compositeur, promeneur! L'élégance de ne pas trop se prendre au sérieux et de rappeler que l'on est nomade dans le monde.
Je ne connais pas tous les liens de Pierre Barouh avec Montmartre mais j'imagine que dans sa jeunesse chantante il a fréquenté la Butte où vivaient nombre de ses amis chanteurs et compositeurs.
Il est certain que son studio Saravah était situé sur la Butte, passage des Abbesses où il tiendra le cap entre 1965 et 1977, année de sa vente...
Anouk Aimée et Pierre Barouh. "Un homme et une femme".
Comme tout le monde, j'ai dans la tête le refrain entêtant de la chanson qu'il a écrite pour "Un homme et une femme" de Lelouch (un vrai Montmartrois), avec la complicité de Francis Lai pour la musique. C'est sur le tournage du film qu'il rencontra Anouk Aimée qu'il aima et épousa.
Leur amour dura trois ans comme les amours intenses.
Et puis, il connut d'autres amours sans jamais renier personne. Dominique bien sûr, dix années de complicité et de créativité. Au sens propre du terme car ils ont un fils qui porte le même prénom que sa mère.
Je crois (bien qu'il soit un peu prétentieux de ma part de l'affirmer alors que je le connais si peu) qu'il n'y avait en lui ni ressentiment ni haine. Ce sont ses poèmes qui m'en convainquent.
Pourtant, la haine, il aurait pu la nourrir....
En effet, le flâneur, l'amoureux aurait pu ne jamais flâner, ne jamais aimer s'il n'avait été caché en Vendée pendant l'occupation. Il serait parti en fumée comme les milliers d'enfants juifs déportés et assassinés. Anouk Aimée, elle aussi avait été cachée dans un département voisin la Charente.
Est-ce la conscience de la précarité de la vie et de ses hasards qui firent de lui un humaniste, un vivant, un homme aux yeux ouverts sur les autres?
Un homme qui ne cessa d'être un passeur. Il aimait plus que tout faire connaître les artistes qu'il aimait. C'est à cette fin qu'il créa son propre label "Saravah" pour y recevoir Higelin, Brigitte fontaine, Maurane, Caussimon..
... les musiciens brésiliens et africains qu'il aimait d'une passion qu'il tenait à partager.
Il aima également le Japon, pays de sa femme Atsuko Ushioda avec qui il eut trois enfants.
Parmi eux sa fille Maïa qui comme lui chante la vie...
Le 28 décembre 2016, c'est un infarctus qui l'emporta. Le jour de son enterrement, le 4 janvier, il y eut autour de son cercueil décoré de pastels, la petite foule de ceux pour qui il comptait. Sa femme bien sûr et ses enfants, ses amis de toujours...
Claude Lelouch était là, avec Anouk Aimée, avec Francis Lai....
Comment ne pas rappeler un témoignage qui a pris un relief particulier avec les attentats de Paris?
Dans les années 70, une association caritative organise un concert afin de récolter des fonds. Pierre Barouh fait partie des artistes qui ont tenu à y participer. Comme souvent dans ces manifestations, la salle est indisciplinée et brouillonne.
Pierre Barouh prend le micro et chante a capella.
Les spectateurs font soudain silence et l'écoutent jusqu'à la dernière parole, recueillis et attentifs...
Ce concert avait lieu au Bataclan et le titre de la chanson était "Vivre".
" Moi si j'étais de bois
Je serais de ce bois qui fait les goélettes
Et je giflerais l'eau sans penser aux complots
Des grands fonds qui me guettent"
C'est ce qui dit le petit bonhomme bleu sur sa stèle.
Il montre les grands fonds de la main gauche et le ciel de la main droite.
Entre les deux, le promeneur poursuit son voyage.... et prend le temps de faire des ronds dans l'eau!
Elle fait partie des artistes qui vous impressionnent, au sens profond du mot. De ceux qui vous laissent sur la peau et dans la mémoire une trace indélébile, un tatouage en forme de sourire à la fois lumineux et las...
Jeanne Moreau!
Nous avons appris sa mort au cœur de l'été, dans la saison du soleil-roi et de l'insouciance.
Baie des Anges... Jules et Jim... Viva Maria...Eva.... Le journal d'une femme de chambre...Ascenseur pour l'échafaud... et... tant d'images dans le désordre qui tournent dans notre mémoire et font partie de notre tourbillon de vie!
Visage de celle dont la voix n'a cessé de nous accompagner de sa petite musique...
Chacun de nous a ses préférences pour tel ou tel de ses films.... Moi je n'ai pas oublié une seule seconde de Jules et Jim, l'histoire plus vraie que la vie d'un amour libre et joyeux et grave...
De retour à Paris, je suis allé au cimetière Montmartre où elle a été enterrée.
Enterrée!
Comme si on mettait dans la terre les écrans de lumière où Jeanne Moreau reste vivante de son éternité de cinéma.
Je pense au si beau film de Noémie Lvovsky : "Demain et tous les autres jours".
La mère qui perd la raison demande à sa fille où sont passés tous les anniversaires, les années de jeunesse... Sa fille répond : "dans une boîte au fond de l'océan".
C'est ça l'enterrement : Une boîte protégée par les profondeurs de la terre, avec bien vivants tous les moments de nos vies...
A quelques mètres de la dalle noire et brillante qui est posée sur Truffaut, elle "repose" ...si près...
Sous le ciment qui attend de recevoir le monument définitif, le nom de Jeanne Moreau, "Mademoiselle Jeanne Moreau", est gravé sur une plaque provisoire.
L'endroit est bien choisi, comme si, avant sa mort, mademoiselle Jeanne Moreau s'y était attardée et avait pensé qu'un jour ou une nuit, elle y serait bien, près de Truffaut qui l'avait aimée...
De l'autre côté de l'allée, c'est le cimetière juif.... Ce n'est pas Monsieur Klein mais Brauner qui est là, juste en face, avec sa sculpture du double visage et pourtant unique, celui du ciel et celui de la terre.
Si vous voulez vous promener dans le cimetière et vous arrêter un instant devant la tombe, c' est facile....
Une pleureuse vous montre le chemin, celle qui se penche douloureusement sur la tombe de Meilhac (Halévy son complice repose à une trentaine de mètres de là).
Vous prenez l'avenue Cordier après être passé devant Berlioz emprisonné dans un monument sinistre et noir, lui qui était passion et flamboyance...
Le jour où je suis allé au cimetière, il y avait un tournage : des cameramen, cadreurs, scripts.... une équipe était là, autour de Jackie Berroyer qui tournait "le malheur des autres".
C'est la vie qui continue, celle du cinéma qui respire de toutes les respirations disparues et de toutes celles à venir, le grand fleuve des images qui fertilisent notre vie.
Au revoir Madame, vous dont j'aurais aimé recevoir une flèche en plein cœur comme Charles Denner dans "La Mariée était en noir"!
Je n'ai pas la mémoire qui flanche quand je pense à vous...
Je reviendrai en espérant que sera claire et chaude la pierre que l'on posera sur vous et où les chats du cimetière viendront dormir en rond...
Je suis revenu le 30 novembre dans le cimetière. La tombe avait été achevée. Elle n'est pas de marbre blanc éclatant, elle n'est pas de marbre noire comme celle de Truffaut.... elle est grise, elle est triste, elle est banale....
Elle vous va si mal que je suis rentré le cœur lourd à Montmartre. Vite j'ai écouté vos chansons. Je suis sûr qu'un arc en ciel s'est posé sur vous...
C'est une courte rue (249 m) qui va de la rue Pierre Fontaine à la rue Blanche.
Elle a été créée en 1825 sur des terrains qui appartenaient à la famille Chaptal. Elle recevra le nom de son plus illustre représentant, le chimiste à qui l'on doit l'augmentation du taux d'alcool dans le vin par sucrage. Méthode appelée aujourd'hui "chaptalisation".
Notre savant aurait pu ne jamais honorer Bacchus si, conformément à ses vœux il avait persévéré dans la médecine. Mais, un jour où il pratiquait une dissection sur un jeune homme, il vit ce dernier se réveiller et se lever comme Lazare devant le Christ. Jean Chaptal en ressentit un tel effroi qu'il laissa là son scalpel pour entamer des études de chimie !
Bon! Il n'est pas désagréable que notre vignoble montmartrois ait pour presque voisin un tel bienfaiteur du genre humain amateur de bonnes bouteilles.
Le 1
A l'angle de la rue Pigalle, il y avait le grand café "GAVARNIE" connu pour ses belles entraîneuses. C'était un des nombreux repaires à Pigalle des trafiquants en tout genre. Mais si nous le mentionnons aujourd'hui c'est parce qu'il accueillit pendant les années de la 2ème guerre un jeune pianiste plein de talent, amateur de jazz... Louis de Funès!
Pointe entre la rue Chaptal et la rue Fontaaine
Les 2 et 4
Les 2 et 4, un peu austères sont dus à l'architecte L. Pelte. Ils datent de 1882.
Le 3
Le 3 est un immeuble lourdement cossu avec ses stalactites de pierre.
Les 6 et 8
Le 7
Le 7 aux larges baies et à l'architecture fin de siècle est dû à Henri Petit (1856-1926) qui avait choisi de vivre et de mourir en Algérie où il réalisa de nombreux bâtiments qui font aujourd'hui partie du patrimoine algérien de style néo mauresque.
L'immeuble est une de ses belles et trop rares contributions au bâti parisien.
Le 9 richement décoré est intéressant à plus d'un titre.
Il fut le siège de la société Goupil de 1860 à 1890. Adolphe Goupil est célèbre pour avoir été un des plus importants marchands et éditeurs d'art du XIXème siècle.
C'est dans sa galerie qu'à son arrivée à Paris, désargenté et vivant grâce à Théo son frère, Vincent Van Gogh exerça quelques mois l'emploi de vendeur.
C'est encore au 9 que vécut et mourut le grand compositeur grec Iannis Xenakis. On a oublié parfois qu'il fut adepte et collaborateur de Le Corbusier avant de se consacrer à la musique. Il se réfugia en France en 1947 à cause de la terrible guerre civile qui fit plus de 150 000 morts et causa l'exil de nombreux communistes (ce qu'il était).
S'il habitait dans ce bel immeuble, c'est rue Massé, au 17, qu'il avait un studio où il travaillait.
Le 10
Au 10, il y eut le siège de la Société des Auteurs, Compositeurs, Editeurs, créée en 1850. Il s'agit de l'ancêtre de la SACEM à laquelle Xenakis devait être inscrit!
Une belle sculpture rappelle cette histoire, avec muses musiciennes et en médaillon un Beethoven hirsute et mécontent
Le 11
Le 11 reçoit parfois la visite de pèlerins admirateurs de Serge Gainsbourg. C'est en effet à cette adresse que vécut pendant des années la famille Ginsburg. Le père est pianiste et se produit dans les bars du quartier, la mère est chanteuse lyrique, deux artistes passionnés qui donneront à leurs enfants le goût de la musique.
Joseph et Olia Ginsburg
Ils ont quitté la Russie pour se réfugier à Paris où ils n'imaginaient pas que les Juifs seraient un jour persécutés. Ils obtiennent la nationalité française mais sont contraints de porter l'étoile jaune, l'étoile de shérif comme dira Serge.
En 1941 ils quittent Paris pour se réfugier d'abord dans la Sarthe, ensuite près de Limoges. L'année de la rafle du Vel d'Hiv qui aurait pu emporter toute la famille si elle avait été présente à Paris, ils sont déchus de leur nationalité.
Juste en face du 11, l'école porte la plaque qui rappelle que 300 enfants de l'arrondissement furent arrêtés et exterminés.
Jane birkin et Charlotte Gainsbourg devant le 11.
Quelle belle revanche sur le malheur et sur la haine ce jour où fut apposée sur le mur une simple plaque, en présence de Jane et de Charlotte.... qui rappelait qu'un "artiste majeur" avait vécu à cet endroit!
Serge Gainsbourg a gardé bien des souvenirs de son enfance dans ce quartier. Un des plus marquants fut celui de sa rencontre avec Fréhel, alors très populaire, qui habitait cité Chaptal (elle mourra seule et misérable des années plus tard, rue Pigalle). Le jeune Lulu venait de recevoir la croix d'honneur dans son école et rentrait fièrement, en l'exhibant.
Fréhel passait par là et émue par le gamin se pencha sur lui.
Voici comment en parlera Gainsbourg :
"J'avais neuf-dix ans et voilà que je croise Fréhel qui ressemblait à un tas immonde et qui habitait à deux pas, dans l'impasse Chaptal où il y avait le Grand Guignol. Elle se baladait dans la rue avec un pékinois sous chaque bras, en peignoir, avec un gigolo à distance réglementaire, cinq mètres derrière, comme à l'armée. Je revenais de mon école communale et j'avais la croix d'honneur sur mon tablier. Fréhel m'a arrêté, elle m'a passé la main dans les cheveux, elle m'a dit : T'es un bon petit garçon (elle ne me connaissait pas!). Tu es sage à l'école, je vois que tu as la croix d'honneur, alors je vais te payer un verre. Je revois parfaitement la scène, c'était en terrasse du café qui fait le coin de la rue Chaptal avec la rue Henner. Elle s'est pris un ballon de rouge et m'a payé un diabolo grenadine et une tartelette aux cerises."
L'annexe 15 rue Chaptal.
Au 15 rue Chaptal, le café et sa terrasse sont toujours là. A nous d'imaginer Fréhel et ses deux pékinois, assise à côté de Lulu qui arborait sa croix d'honneur, peu de temps avant de la remplacer par l'étoile jaune, son "étoile de shérif".
On pense alors au scandale que provoqua la Marseillaise chantée en reggae...
On regrette que des esprits étroits n'aient pas compris qu'il s'agissait d'un hymne d'amour pour le pays et les gens qu'il aimait et pour qui il habillait de douceur et de sensualité les paroles guerrières.
Le 14
Le 14 ne paie pas de mine. C'est qu'il a été construit sur un jardin qui agrémentait un petit hôtel particulier qu'on peut apercevoir depuis la Cité Chaptal
Il fut en 1876 l'adresse de Maurice Barrès. L'écrivain n'aura pas l'occasion de croiser le jeune Lulu qui habitera la rue un demi siècle plus tard ! Il n'aura pas le loisir de lui expliquer pourquoi il écrivit : "Le Juif n'a pas de Patrie au sens où nous l'entendons. Pour nous, la Patrie, c'est le sol et les ancêtres, c'est la terre de nos morts. Pour eux c'est l'endroit où ils placent leur plus grand intérêt."
allée du 16
Ici une allée de grands marronniers conduit à un domaine enchanté où le temps s'est arrêté avec les romantiques.
Nous sommes dans le jardin qui entoure l'hôtel particulier d'Ary Scheffer, aujourd'hui devenu le musée de la Vie Romantique.
Nous avons consacré plusieurs articles à ce lieu hanté qui semble avoir traversé les années....
Le salon, le bureau semblent encore habités. De nombreuses toiles du peintre ornent les murs et dans les vitrines sont exposés des objets ayant appartenu à Georges Sand. Impressionnants sont les moulages des mains de Chopin et de Sand, si proches et cependant figées, comme interdites de se réunir avant la nuit et le départ des visiteurs, à l'heure où tous les rêves prennent le dessus...
... Et comment n'auraient-ils pas laissé d'empreintes tous ces artistes qui se retrouvèrent ici : Dickens, Tourgueniev, Géricault, Rossini, Delacroix ?
Chopin (Ary Scheffer)
C'est dans le jardin, dans la douceur de l'automne, saison romantique s'il en est, que nous nous arrêtons.... en écoutant chanter le piano de Chopin...
Nous poursuivrons la visite de la rue Chaptal la prochaine fois....
...C'est une rue qui ne se monte pas du col et qui sans faire d'histoire suit son petit bonhomme de chemin entre la rue Saint-Georges et la rue de La Rochefoucaud. elle est pourtant exceptionnelle car elle a gardé pour l'essentiel son aspect originel qui fait d'elle un musée architectural de la Restauration et de la Monarchie de Juillet.
Elle est ouverte en 1846 et porte le nom d'un des fils de Louis-Philippe, Henri d'Orléans, duc d'Aumale (1822-1897).
Nous sommes dans la période de la colonisation de l'Algérie et le duc D'Aumale s'illustre (si on peut dire) en prenant en 1843 la Smala d'Abd El Kader. Il est considéré comme un héros qui mérite bien que la nouvelle rue porte son nom!
Le jour viendra peut-être où une "communauté" demandera qu'on débaptise la rue, comme si effacer un nom c'était effacer l'histoire avec ses ombres.
La rue commence au niveau de la rue Saint-Georges, au cœur du quartier de la Nouvelle Athènes.
Certains immeubles sont construits selon les goût de la Restauration (bien que nous soyons alors sous la Monarchie de Juillet), c'est à dire avec sobriété, peu de décoration mais un rythme régulier. Ils sont en pierre de taille, scandés par des bandeaux d'appui horizontaux.
Nous sommes dans des années où l'urbanisation se développe avec des immeubles de rapport qui assurent de confortables revenus à la bourgeoisie triomphante. De grands programmes sont lancés dans plusieurs quartiers de Paris, Saint-Vincent de Paul, François 1er et Saint-Georges où se trouve notre rue...
Le 3.
Le 3 est aujourd'hui connu grâce au passage dans ses murs de Wagner, venu à Paris présenter son Tannhäuser.
A l'en croire, il n'a pas gardé un très bon souvenir de ce deuxième étage où il déménagea après avoir été chassé de la rue Newton par les travaux du Baron Haussmann!
"Je me suis donc mis à la recherche d'un autre logement et j'en trouvai un, misérable et lugubre, rue d'Aumale. Par un temps exécrable, il nous fallut déménager à la fin de l'automne. Fatigué par ces opérations et les répétitions, je fus finalement terrassé par une fièvre typhoïde."
Wagner travaille d'arrache-pied pour donner une version en français de son œuvre. Il y ajoute un ballet censé séduire les Parisiens. Mais c'est un fiasco! Sifflets, quolibets, cabale...
Il est vrai que cette cabale prend un tour politique et est menée par les anti-bonapartistes, saisissant l'occasion de s'opposer à Napoléon III qui a voulu que Wagner vienne à Paris et qui a donné l'ordre à l'Opéra de représenter son œuvre.
Après la troisième représentation, Wagner retire son œuvre et quitte Paris. Malgré la qualité de ses défenseurs (parmi lesquels Baudelaire, Mendès, Gounod) il ne reviendra pas et ce n'est que trente ans plus tard qu'un de ses opéras sera représenté sur la scène de l'Opéra (Lohengrin en 1891).
Le 6
Le 6 a pour architecte Emile Godeboeuf (1809-1879) qui s'est illustré en concevant la mairie du XVIème arrondissement et l'église luthérienne de la Résurrection dans le XVème.
Le 8
Le 10
Les 8 et 10 viennent rompre l'harmonie des immeubles à l'architecture plus simple du début de la rue. Ils sont spectaculaires et somptueux dans le plus pur style haussmannien. Ce style qui donne à Paris son unité et en fait une ville unique...
Leur architecte est Adrien Sibert et ils ont été construits en 1864, année de l'achèvement du lotissement de la rue.
Le 10 possède une remarquable cour en fer à cheval que l'on ne peut pas visiter, hélas. Paris est ainsi fait de trésors cachés derrières des façades hermétiques...
Mais par chance, je suis repassé par la rue un jour où le portail était entrouvert et où des travaux étaient en cours...
J'ai pu admirer la cour aux colonnes corinthiennes, les anciennes remises pour les voitures et la fontaine-abreuvoir pour les chevaux...
Le 9
Le 11
Le 12
Au 12, un historien un peu oublié de nos jours a vécu des années avant d'y rendre l'âme. Il s'agit de François Mignet.
Sa grande œuvre est son "Histoire de la Révolution Française" qui se démarque des écrivains-philosophes en privilégiant la narration, aussi objective que possible. Son "Histoire" connaît un grand succès et vaut à son auteur l'admiration du poète Heinrich Heine. tous deux resteront amis et Mignet sera très atteint par la mort de Heine qu'il accompagne lors de son enterrement au cimetière de Montmartre.
Une autre amitié indéfectible est celle de Thiers dont l'hôtel somptueux et ses jardins jouxtent la rue d'Aumale. Hôtel qui sera brûlé pendant la Commune. On connaît le rôle que joua Thiers pendant ces jours terribles. Ce personnage ne fait pas partie de ceux que les Montmartrois gardent dans leur cœur!
Le 14 qui fait partie du même ensemble ouvre sur une cour classée où étaient construites des écuries autour d'une fontaine-abreuvoir. La cour ouvrait à l'arrière sur les jardins de Thiers, ce qui permettait à Mignet de prendre ce raccourci pour rencontrer son vieil ami!
Partie des anciens jardins de l'hötel de Thiers. (aujourd'hui square Alex Biscarre).
Dans cet immeuble a vécu une des créatrice de bijoux les plus célèbres de Paris, Suzanne Belperron. Son histoire est liée à celle de la joaillerie. Venue à Paris (elle habita d'abord rue Lamarck) elle travailla pour Jeanne Boivin, sœur de Poiret, avant de gagner la maison Herz et de "révolutionner le monde du bijou par ses sculptures à la main de pierres précieuses". (Vogue)
Herz fut arrêté par la Gestapo et assassiné dans les camps. Suzanne devint résistante et risqua plus d'une fois sa vie. Après guerre, elle reprend son activité créatrice et travaille pour les stars d'Hollywood, pour les cours d'Europe ou pour les plus grands couturiers.
Elle meurt en 1985.
Le 15 n'est pas très original avec sa façade Louis XIII de briques et de pierres. Il est dû à Pigny architecte qui l'a conçu pour son beau-frère, le peintre chic et snob de la haute bourgeoisie : Edouard Dubufe.
Gounod, Pigny et Dubufe
Notons au passage que ces deux beaux-frères en avaient un troisième, Charles Gounod! Les trois hommes avaient en effet jeté leur dévolu sur trois sœurs Zimmerman. Charles Gounod épousa Anna, Jean-Baptiste Pigny épousa Berthe, Edouard Dubufe épousa Juliette. Il y avait une quatrième sœur, Zéa, qui fut l'épouse de Pigache, un médecin de Napoléon III!
Dubufe avait tant de commandes qu'il ne parvenait pas à les honorer toutes! On faisait queue dans son atelier et toute famille en vue se devait de faire portraiturer la maîtresse de maison...
Zola, ami de Cézanne, parlait de sa peinture "aux effets de crème fouettée"!
Les amateurs de théâtre auront l'occasion d'y goûter pendant les entractes dans la salle du foyer de la Comédie Française puisque le plafond est l'œuvre de Dubufe!
Un petit arrêt devant le 19, immeuble à pan coupé richement sculpté, dont une partie donne sur la rue Taitbout. Il date de 1854 et les sculptures sont l'œuvre de Joussot.
Il servit de siège à une des premières compagnies d'assurance, le groupe Prévoir créé en 1910, qui devint en 1923 Le Devoir...
Le 22
Le 23
Le 24 est un bel immeuble post haussmannien (1896) qui écrase un peu ses voisins. Son architecte est Ch. Michel.
C'est ici, au deuxième étage que passa plusieurs années de son enfance et son adolescence une chanteuse qui illustra la période Yéyé mais qui dès ses débuts eut une image à la fois romantique et moderne. Il s'agit de Françoise Hardy dont l'étoile n'a jamais pâli et qui les années passant s'est révélée écrivaine attentive et profonde.
Elle a 16 ans quand elle suit les cours du Petit Conservatoire....
Elle a voulu revoir l'appartement où elle vécut avec sa mère et sa sœur. Elle écrit à ce propos :
"Rien n'avait changé. Je me suis arrêtée à la porte de notre ancien appartement. Il y avait du bruit. Je n'ai pas osé frapper."
Peut-être pensa t-elle alors à une de ses chansons "La maison où j'ai grandi".
(...) Quand j'ai quitté ce coin de mon enfance
Je savais déjà que j'y laissais mon cœur.
(...)
Le temps a passé et me revoilà
Cherchant en vain la maison que j'aimais..."
Une plaque rappelle qu'au même 24 vécut Joseph Limon, un jeune homme, arrêté parce que résistant et déporté au camp d'Hersbrück en Bavière, où il mourut.
Savait-il que bien des générations avant lui, un autre Joseph Limon, âgé comme lui de 24 ans, fut fauché sur le champ de bataille de Waterloo?
Mémorail du crématorium d'Hersbrück
Le camp d'Hersbrück fonctionna moins d'un an mais plus de 4000 déportés y moururent...
Le 26 est représentatif de cette rue dont il est l'un des premiers qui ait été édifié (1849). Il date de Louis-Philippe et il s'orne d'un riche décor néo Renaissance.
Le 27
Toute la rue pourrait être classée tant elle est harmonieuse dans son unité qui conjugue pourtant plusieurs styles.
Elle est un bel exemple de la vitalité architecturale de Paris qui au XIXème siècle devint la capitale artistique de l'Occident!
Et cela malgré la "crème fouettée" d'Edouard Dubufe!
Il y a dans l'île d'Oléron un endroit unique où l'on a l'impression de marcher dans un paysage de début du monde, fait de sable et de ciel, d'eau et de forêt. C'est la plage qui va de Saint-Trojan à la baie de Gatseau.
Pas une maison, pas un pylône, pas une trace de présence humaine. La mer parcourue de courants violents n'en fait qu'à sa tête et nul ne s'est avisé de la dompter. Les imprudents qui se sont aventurés à s'y baigner ont parfois été avalés....
C'est sur cette plage que l'été, des amoureux de la nature viennent s'installer pour la journée, loin des foules et des cris des baignassoutes (comme on appelle ici les touristes balnéaires)!
Pour se protéger du soleil et du vent, ils ont construit des cabanes de bric et de broc, élevées avec le bois flotté et les branches des arbres morts. En effet à cet endroit, la dune a été attaquée et la forêt trop proche de la côte a péri peu à peu.
Une de ces cabanes plus grande que les autres ne manque pas d'attirer l'attention. Amoncellement de bois, bazar de troncs et de branches, improbable construction foutraque et pourtant solide. On peut parler à son sujet d'art brut....
Le toit de serviettes ou de branches qui la couvre pendant l'été a disparu mais il reviendra, espérons-le, l'année prochaine.
Les promeneurs qui s'y sont arrêtés y ont laissé une trace de leur passage, faisant de ce refuge un lieu de rencontre et de partage...
Les cabanes sont souvent, pour nous, liées à l'enfance, à ces jours où l'on aimait se construire une maison à soi, à l'abri des adultes, une maison où l'on se réfugiait quand on avait le cœur gros et où on refaisait le monde afin qu'il nous soit plus doux.
Avant de reprendre ma marche je m'y suis arrêté. J'y ai entendu des rires, des chansons, mêlés au rythme des vagues...
J'ai retrouvé l'enfant qui se cachait dans les dunes de Berck dans une hutte de branches et d'oyats...
C'est le pouvoir magique de la cabane du rêve... chacun y retrouve, mélancolique, des instants de sa jeunesse... douceur et solitude... soleil et pluie...
Après les tempêtes de l'hiver, il se peut que la cabane parte à la mer....
Le rêve, lui, reviendra, mouillé d'écume et de sel et il conduira d'autres architectes de l'éphémère à lui construire une nouvelle cabane....