Cette petite rue de Montmartre ressemble comme une jumelle à sa voisine, la rue Cauchois.
Comme elle , elle fait un angle droit et possède une impasse....
Mais alors que l'impasse Cauchois a été rattachée à la rue, l'impasse Marie-Blanche a gardé son nom et son autonomie.
Notre rue est longue de 140 mètres et large de 8,40, ce qui fait d'elle une voie modeste mais fière de son emplacement, entre les rues Lepic et Joseph de Maistre, dans un quartier vivant et touristique.
Son classement date de 1863 mais aucun renseignement ne nous est donné sur l'origine de son nom. S'agit-il d'un propriétaire comme Monsieur Cauchois voisin, de la femme ou de la fille d'un propriétaire comme Mlle Berthe de la rue Berthe? Mystère et boule de gomme. Peut-être un Montmartrois érudit pourra t-il nous renseigner!
Mise à jour : Deux Montmartrois plus savants que moi (Hélène et Pierre) m'ont informé que la mystérieuse Constance n'est autre que la fille de Mr Doré, propriétaire des terrains sur lesquels la rue a été bâtie.
Ce que nous savons en revanche, c'est qu'à l'origine elle s'appelait rue Sainte-Marie Blanche.
Ce qui signifie, à mon avis, Sainte-Marie près de la barrière Blanche (place Blanche) afin de la distinguer de la rue Sainte-Marie à l'est de la Butte (aujourd'hui Paul Albert).
Plus étonnante encore est l'impasse qui fut tout à tour : impasse Constance, passage Sainte-Marie, impasse Sainte-Marie Blanche avant de terminer en 1873 en impasse Marie Blanche.
La rue a pour premier numéro une biscuiterie de luxe qui revendique la résurrection des galettes qu'aurait fabriquées la mère Debray, célèbre meunière de Montmartre.
Pourquoi pas? La Butte n'est pas à une légende près!
La biscuiterie a été créée par Gilles Marchal, le pâtissier que nous avons déjà rencontré à l'angle des rues Ravignan et Garreau où les gâteaux dispendieux font des caresses aux papilles et des trous aux porte-monnaie!
A côté du Véjuice, un bar à jus bio, le numéro trois a perdu sa teinturerie. Le souvenir de la boutique est conservé grâce à une vieille photo de 1902. Elle s'appelait "A l'Espérance" ! De quelle espérance s'agissait-il? D'une teinture réussie? D'un commerce qui marcherait bien?
De l'autre côté, au 2, le Marylin Institut vous propose lui aussi des teintures, mais pour vos cils...
Au 5, une vieille boutique est celle d'un bottier. L'enseigne est une botte de sept lieues, très utile pour grimper sur la Butte.
Le 6 est un "hôtel de charme" qui vend sa situation "à deux pas du café des 2 moulins où a été tourné le film Amélie Poulain"! Qui aurait cru que cette Amélie ferait partie un jour des gloires mythiques de Montmartre avec la Goulue et Mimi Pinson!
Le 7 a abrité en 1880, à son retour d'exil, Jean Baptiste Clément, notre poète communard du Temps des Cerises.
Le 10, immeuble à pan coupé construit au milieu du XIXème siècle a pendant quelques années abrité l'atelier de Fernand Cormon où Van Gogh et Toulouse Lautrec firent quelques visites.
Fernand Cormon (1845-1924) y travailla avant de s'installer dans de plus vastes espaces, 104 boulevard de Clichy.
Peintre académique très apprécié puisqu'il reçut des commandes pour, entre autres, des plafonds du Petit Palais, des fresques de l'hötel de ville, du Museum d'histoire naturelle... il est néanmoins célèbre grâce à l'œuvre qui est, toutes proportions gardées, sa Joconde :
Caïn, (conservée au Musée d'Orsay.)
La rue fait un angle droit, laissant devant elle l'impasse Marie Blanche où se dresse ce qu'il reste de l'hôtel gothique de l'Escalopier (voir article sur ce lieu étonnant).
Nous regretterons qu'en face de ce qu'il reste du petit hôtel particulier, des promoteurs aient eu l'autorisation de lancer un lourd programme de construction, appartements de luxe donnant, comme le dit la pub sur "un parc arboré".
Le parc arboré, c'est le cimetière!
Nous prenons maintenant la portion de rue qui va vers la rue Joseph de Maistre. L'immeuble le plus remarquable est le 14.
Il est dû à l'architecte Cambon (1894) qui a réalisé non loin de là, en 1890, la Villa des Arts, le plus vaste ensemble d'ateliers d'artistes construit à la fin du XIXème siècle et qui vit passer, entre autres, Toulouse Lautrec, Cézanne, Signac, Renoir, Dufy....
A l'entresol vécut un de nos Montmartrois les plus emblématiques : Pierre Mac Orlan (1882-1970). Lui qui avait connu sur la Butte une existence difficile s'était juré de n'y jamais revenir après avoir épousé Marguerite Luc, la fille de Berthe du Lapin Agile.
Il y revint pourtant en 1957 pour y acheter un entresol dans cet immeuble cossu. Mais le temps avait passé, la Butte s'était embourgeoisée et Mac Orlan s'y ennuya.
Il reçut souvent, pour tromper son ennui, son ami Blondin et sa chanteuse préférée, Monique Morelli.
Elle venait lui soumettre les versions (orchestrées par Léonardi) de ses poèmes.
Mac Orlan revendit en 1961 son entresol et s'installa définitivement avec Marguerite à saint Cyr sur Morin. Elle y mourra 7 ans avant lui, après 50 ans de mariage.
Un dernier immeuble mérite notre attention, c'est le 17, construit par l'architecte Emile Dalmand en 1904. Dalmand quelques années plus tôt, en 1900, avait constuit le 48 rue Joseph de Maistre.
Rue où nous arrivons maintenant...
... J'avoue que ce qui m'a le plus ému dans cette petite rue, c'est de savoir que mon ancienne voisine de la rue Paul Albert, Monique Morelli y était venue, y avait chanté... elle qui est restée fidèle à Montmartre et qui repose à une centaine de mètres plus bas, dans le cimetière, sous une pierre où est gravé un poème d'Aragon écrit pour elle.