Quel rapport avec Montmartre?
Ni Rousseau ni Séraphine ne sont de notre village et pourtant… Les peintres que l'on appelle "naïfs"l ont toujours aimé Montmartre.
La Butte est déjà un tableau qui leur ressemble, avec ses dômes blancs, ses arbres en son jardin vertical où s'accrochent de petits personnages...
… Et puis… c'est à Montmartre qu'eut lieu pendant des années la "foire aux croûtes" où les peintres qui ne vendaient pas leurs toiles les exposaient en espérant trouver un acheteur providentiel!
Le Sacré-Coeur que certains continuent de décrier est en lui-même un monument naïf, une ville orientale, un narthex ouvert sur la houle des toits...
Louis Vivin le peignit plus de dix fois! Il fit partie avec Bombois des vendeurs de la "Foire aux croûtes".
Cette toile paraît simple et pourtant, rien de réaliste… le monument est déplié, vu simultanément de face et de côté… On peut remarquer le même personnage démultiplié gravissant la Butte. L'inattendu, l'étrange sont présents dans un paysage qui semblait sans mystère.
Lorsque Uhde (le découvreur de Séraphine Louis) organisa une exposition des peintres qu'il aimait et qu'il avait souvent rencontrés à Montmartre, il l'intitula "Les peintres du cœur sacré".
C'était un beau titre. Référence au monument emblématique en même temps qu'à l'aspect amoureux du geste de peindre sans prétention, avec un regard clair, avec le cœur simple.
Dans cette riche exposition j'ai choisi quelques œuvres que j'ai particulièrement aimées. Je n'ai pas insisté avec Rousseau qui connaît la gloire qu'il mérite ni avec Séraphine la mystique aux fleurs tourmentées aujourd'hui mondialement reconnue.
Voilà Ferdinand Desnos, cousin du poète. Un autoportrait qui fait penser à Chagall, avec des chats joueurs, amis des artistes.
Il a été ami des écrivains et poètes (il a fait un portrait d'André Breton) et a représenté Léautaud avec qui il partageait l'amour-passion des chats.
André Bauchant s'est réfugié dans la peinture à son retour du front en 1918. Lui qui était pépiniériste et aimait ses fleurs, lui qui était amoureux fou de sa femme, il retrouva sa pépinière saccagée et sa femme frappée de folie.
Il y a dans ses toiles de la douceur et de la tristesse mêlées.
J'ai découvert un peintre que je ne connaissais et qui m'a plu avec ses rivages oniriques et ses vagues d'opéra : Dominique Peyronnet.
Il peint avec application et sans effets. Ses paysages ont la précision inquiétante des rêves.
…. Et maintenant nous entrons dans une salle consacrée à une des stars de la peinture naïve : André Bombois.
Nous lui avons déjà consacré un article lors de l'exposition qu'organisa en son honneur le musée Maillol...
Il est assurément le plus sensuel des peintres de cette exposition. Le seul à peindre des femmes nues et à réaliser à sa manière son "origine du monde!
Il va droit au but et n'essaie pas d'atténuer son intérêt pour ce sexe qui l'attire (pas de censure s'il vous plaît, notre homme n'agressa personne et prit pour modèle sa femme dont il aima les rondeurs sensuelles).
Bien différent est René Rimbert qui fut dessinateur pour l'Etat Major pendant la première guerre mondiale. Il eut pour admirateur Max Jacob et s'il fut classé parmi les naïfs c'est après avoir exposé une toile représentant l'apothéose du douanier Rousseau.
On y voit le douanier s'élever, palette à la main, vers les nuages où la muse est entourée d'Ingres, Delacroix, Courbet, Cézanne et Renoir. Ces maîtres sont ceux qu'admire Rimbert qui a compris avant bien des critiques d'art qu'il n'y avait pas de frontière hermétique entre le Douanier et les grands maîtres reconnus.
On devine en bas du tableau, Rimbert derrière sa fenêtre jouant de la flûte et accompagnant ainsi le Douanier dans son voyage glorieux!
la plupart de ses toiles représentent la ville, avec ici et là de rares passants esquissés. Le silence, l'espace font penser à Chirico.
Pour terminer cette visite personnelle il faut bien saluer le douanier Rousseau et Séraphine Louis, les seuls peintres nommés dans le titre de l'exposition.
Par leur prestige ils attireront au musée Maillol des amateurs d'art "naïf" et leur permettront peut-être de voir briller au ciel de leur panthéon personnel quelques étoiles nouvelles!
J'ai oublié d'ajouter cet autoportrait de Jean Eve que Nicole aime particulièrement pour sa douceur mélancolique. Il y a quelque chose chez ce peintre de la précision trompeuse de Magritte. Le paysage est tableau et le tableau sur le chevalet est paysage. Entre les deux le peintre incertain hésite à effacer un peu plus les contours de la réalité menacée où il vit.