C'est une des photos que je préfère.
Celle de l'âge des possibles, de tous les rêves, de tous les amours...
Et pourtant un de ces amours, présent sur la photo, va bientôt disparaître.
Hiris, la petite chienne.
Mon grand-père l'avait choisie pour l'accompagner à la chasse. Malgré tous les dressages, elle a toujours refusé de se prêter au jeu. Au moindre coup de fusil, elle détalait et s'aplatissait sous les buissons.
Hiris aimait ma mère. Elle avait choisi son camp. Quand ma mère a commencé à fréquenter mon père, elle est devenue triste.
Quelques jours avant le mariage, elle a profité d'une porte ouverte pour s'enfuir.
Un char allemand l'a écrasée.
il y avait aussi un chat, Frimousset.
Il avait une spécialité... Il se perchait sur une armoire, sous un fauteuil, derrière les rideaux, à l'heure où l'on fermait portes et fenêtres pour la nuit.
On l'appelait, on le recherchait dans le jardin, on insistait, on s'inquiétait.
Frimousset, heureux d'être le centre du monde, ronronnait d'aise.
C'est ce ronron qui a fini par le trahir.
Dans le jardin de la maison d'Arras...
La grande maison du boulevard Vauban. Pendant la guerre la famille en a été chassée et les Allemands y ont installé leurs officiers.
Dans l'exode vers le sud, ma mère n'a eu le droit d'emporter qu'une seule valise. Une valise si lourde que chacun s'en est étonné.
Arrivés à Marseille, on l'a ouverte et on n'y a trouvé que des lettres !
Le garçon que ma mère fréquentait alors était poète et un peu baratineur.
Il avait la plume prolixe!
Je devrais me méfier, c'était mon père.
Chez ses grands parents... Elle ignore alors que plus tard, elle vivra à Paris.
Le goût des plages immenses et de la mer...
Bien que fille d'un Marseillais, elle est née à Calais, elle a passé tous ses étés d'enfant et de jeune fille sur la Côte d'Opale... et elle nous a transmis cette attirance pour les mers sans limites et pour les marées...
La photo est trouble, ce n'est pas Doisneau qui l'a faite... Heureusement d'ailleurs, car comme chacun sait, le fameux "baiser de l'Hôtel de Ville" est un faux. Un baiser de comédiens.
Les années sont passées sur ce baiser-là.
Lourdement.
Avec leurs souliers ferrés.
Mais aujourd'hui, ce baiser tremblant, je veux penser que c'est de lui que nous sommes nés, mes trois soeurs, mes trois frères et moi...
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Liens :
Poème. Mère. Quatre-vingt-dix ans.
Poème. Ma mère (3) Anniversaire.
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