Il a fallu s'y résigner… Maman ne pouvait plus rester chez elle.
Nous avons espéré ardemment qu'elle ne quitterait son appartement que la nuit où elle s'y endormirait, en douceur, s'éloignant dans un tunnel ouvert sur la lumière, avec là-bas, lui tendant les bras, son père tant aimé, sa mère, son fils et sa fille enfin retrouvés….
Mais non! Son corps robuste de fille du nord, a tenu bon dans les tempêtes, comme un marin à la barre. Un marin qui peu a peu a perdu le pied marin et s'est mis à chavirer, à tomber sur les tapis et ne pouvoir se relever, avec son chat inquiet à ses côtés.
Il a fallu s'y résigner, tout laisser, tout abandonner, 60 ans de souvenirs qui avaient poussé dru dans cet appartement où vivait la tribu, 7 enfants!
Il a fallu, après les urgences et l'hôpital, s'exiler dans un EHPAD, bâtiment où l'on concentre les vieux qui vivent trop longtemps.
Nous l'entourons, nous passons des heures avec elle, nous répondons sans dire la vérité à ses questions pour savoir quand elle rentrera chez elle avec son chat.
Mais maintenant je sais quelque chose que je ne savais pas.
J'ai eu tant de mal ces dernières années à l'aimer sans penser à moi, en oubliant mes plaies...
Je ne comprenais pas qu'à son âge on pût ressembler au nourrisson que son instinct protège et dont la survie ne dépend que des autres.
Je ne savais pas qu'un jour
dépouillée de tout
étrangère à toute souillure
dans une banlieue au nom de fleurs
elle serait reine.