Omer Charlet. La Rochelle. Chrétiens au bûcher. Cathédrale.

Dans le transept nord de la cathédrale Saint Louis de La Rochelle, on peut voir deux immenses toiles d'Omer Charlet : "le martyre de Saint Barthélémy et celle qui nous intéresse aujourd'hui : "Chrétiens sur le bûcher".

La toile a été peinte en 1860 et offerte par le peintre à la cathédrale.

L'oeuvre n'est pas sans évoquer un "Radeau de la Méduse" mystique.

Sur un océan de flammes, les martyrs se tiennent serrés sur le plancher du supplice. Ils apparaissent à notre regard comme à travers une trouée de fumées grises qui cachent en partie le brasier et s'élèvent sur la droite et la gauche jusqu'au ciel.

Sur la gauche, une femme, visage tourné vers les hauteurs que lui désigne du doigt un homme qui la soutient, serre le bras d'une jeune fille qui se réfugie contre elle, la main sur sa poitrine, comme un enfant qui cherche à trouver la chaude protection de sa mère.

Ce pourrait être Sainte Eugénie attachée avec sa famille sur le bûcher, en 257. Sa gorge offerte permet de le supposer car il fut nécessaire de la lui trancher, les flammes n'ayant pas achevé la suppliciée.

Derrière le groupe, une femme tient une croix qu'elle présente pour lui donner courage à une autre martyre.

Sur la droite, un groupe représente un couple. Il est difficile de réaliser qu'il est en train de subir le martyre! L'homme a la tête levée, la femme qui se couvre pudiquement de son manteau, tourne la sienne de côté comme si elle n'était pas concernée.

Les Chrétiens sont représentés dans des pauses théâtrales. Ils occupent, comme on le dirait d'acteurs de tragédie, tout le plateau de la scène!

Le peintre se montre ici très convenu, très académique. Le réalisme de la souffrance et de l'angoisse ne le préoccupe pas! Ce décalage avec la réalité donne au tableau une dimension quasi onirique, quasi surréaliste.

Au sommet de la pyramide, un homme ouvre les bras. Les flammes en forme d'ailes du brasier en bas de la toile sont ici les ailes couleur de cendres de celui qui s'élève.... L'homme s'envole... mais en regardant plus attentivement,on voit qu'il est soutenu, hissé par les autres...

On passe de l'individualisation des couples et des figures à cette métaphore du salut qui n'est pas individuel mais collectif...

Géricault. Le Radeau de la méduse. Détail. 1819

Il est frère de l'homme qui, soutenu par ses compagnons, lève le bras au-dessus des morts et des mourants du Radeau de la Méduse.

Les formes s'estompent, les visages se dissolvent dans la fumée, les corps se dématérialisent... Cette partie de la toile paraît plus audacieuse, proche de la palette impressionniste. Elle nous permet de pressentir quel peintre immense aurait pu être Omer Charlet, s'il avait osé...