La rue des Trois Frères commence au carrefour avec la rue d'Orsel. La plupart de ses immeubles ont été construits au milieu du XIXème siècle (entre 1840 et 1860), ce qui lui donne son unité qui serait un peu monotone si la rue n'était capricieuse et courbe..
Le premier immeuble de style romantique a gardé ses façades harmonieuses sur la rue d'Orsel et la rue des Trois Frères. Au rez de chaussée, l'ancienne boulangerie 1900 a été remplacée par un magasin de vêtements pour hommes, comme il y en a de plus en plus dans ce quartier boboïsé.
Peinture fixée sur verre: Les Lavandières.
Les Moissons.
Par chance, la boutique a conservé le plafond de verre peint avec son ciel de printemps et ses peintures extérieures. Ce décor est signé de l'atelier Benoist et fils dont on peut voir d'autres réalisations dans notre quartier : la boulangerie du 128 rue Lamarck et celle du 159 rue Ordener, occupée aujourd'hui par une société de services.
Ces décors poétiques et fragiles font partie du charme suranné d'un Paris qui tend à disparaître. Ils devraient être classés et restaurés avant qu'il ne soit trop tard.
N°1 rue des Trois Frères.
L'immeuble, construit en 1850, est représentatif du style troubadour composite avec ses balcons gothiques, son tympan où un amour joue avec des guirlandes, ses salamandres et ses têtes de lions!
C'est le plus bel immeuble de la rue. J'imagine que pourrait apparaitre à la fenêtre une héroïne romantique, Marie Dorval ou Marguerite Gauthier (qui habitait en réalité un peu plus bas, rue des Martyrs).
Au N°2. "Act'2". Un magasin toujours très branché, tenu par des gens adorables dont le seul défaut est de fumer et de laisser parfois un léger parfum de nicotine sur les vêtements accrochés aux cintres!
Au N°6. Une jolie boutique : Dentelles et ribambelles. Pour les amateurs d'oursons et de miniatures pour maison de poupées.
Le dernier immeuble avant le carrefour, abrite un café à la mode "Le progrès" apprécié des artistes du quartier, des peintres et des écrivains qui redonneront peut-être à Montmartre un peu de son lustre d'antan...
Le carrefour permet la jonction des rues Tardieu (au milieu), Chappe (en haut à gauche), Yvonne le Tac (devant) et des Trois Frères (à droite et à gauche).
Mais au fait, il serait temps de s'interroger sur ce nom : les Trois Frères...
Evoque t-il un célèbre conte de Grimm, ou les courageux frères Debray, les meuniers qui tinrent tête aux Prussiens (mais qui étaient quatre!), ou un autre légende montmartroise?
Que nenni! une fois de plus, dans ce quartier qui fut héroïque et fauché, ce sont des propriétaires, alléchés par le fromage de la Butte, qui entreprirent le lotissement de leurs terrains à partir de 1840. Ils s'appelaient Dufour et lorsqu'ils envisagèrent d'acheter les terrains des meuniers, un peu plus haut, il paraît qu'ils se firent tancer par ces mots : "Vous ne pouvez pas être au four et au moulin!"
L'artère actuelle sur ses presque 400 mètres va jusqu'à la rue Ravignan mais avant 1868, la partie comprise entre la rue Drevet et Ravignan, s'appelait rue Léonie (du nom de la femme d'un....PROPRIETAIRE).
Ici ou là un détail architectural apporte un grain de fantaisie à l'ensemble un peu plat des façades de tous ses immeubles de rapport construits en leur temps pour être loués... et dont les appartements aujourd'hui se vendent comme des petits pains... disons plutôt des petits lingots d'or!
Et pourtant, ils bougent ces immeubles... Ils sont construits sur les carrières et qui sait s'ils n'ont pas la vélléité d'y retourner un jour!
Voilà un restaurant qui se veut "rigolo" et croit renouer avec la tradition spirituelle et vacharde des cabarets montmartrois où le client était mis en boîte. Mais n'est pas spirituel qui veut... L'accueil risque de vous congeler plutôt que de vous faire fondre!
Ne vous jetez pas dans la gueule du lion!
Au N°20, un immeuble qui rompt avec le style des autres. Il est plus tardif, construit à la fin du XIXème siècle. La pharmacie est presque en face d'un dispensaire célèbre, celui de Clémenceau...
23 rue des Trois Frères... La plus belle adresse de la rue. Ici Montmartre est vraiment Montmartre, un village de coeur et d'âme.
Ici, Georges Clémenceau créa un dispensaire. Il y travailla pendant plus de vingt ans!
Clémenceau par Nadar.
Clémenceau n'a eu à faire que quelques pas depuis sa mairie de la Place des Abbesses où il avait été nommé par Arago et le Gouvernement de Défense nationale.
Il est avant la lettre, un des précurseurs de ce qui deviendra la mèdecine du travail. Il est en effet révolté par les conditions effroyables dans lesquelles les ouvriers et les ouvrières sont contraints d'effectuer leur tâche. Il s'attaque notamment à l'utilisation de produits toxiques comme la céruse responsable de saturnisme. Il sera un des artisans de la loi qui l'interdira dans les travaux de peinture.
Sa rencontre avec Louise Michel a lieu dans ce quartier alors populaire où les deux, admirateurs de Blanqui et adeptes du "Ni Dieu ni maître" s'engagent dans la défense des plus démunis. Lui avec son dispensaire, elle avec son école pour les "enfants pauvres".
Ils resteront proches jusqu'à la mort de Louise Michel qui ainsi n'aura pas à déplorer l'évolution de son vieil ami anarchiste devenu en 1906, ministre de l'intérieur et briseur de grèves!
Les Trois Frères et le croisement avec la rue Drevet.
Croisement avec la rue Drevet, hier et aujourd'hui.
L'immeuble d'angle a été victime d'un incendie en septembre 2010. Il était squatté depuis des années...
Mais ici s'arrête notre première balade dans la rue des Trois Frères, à l'endroit précis où elle s'appelait jadis rue Léonie...
Nous pousserons jusqu'à la rue Ravignan très prochainement...
LIENS
.Rue des Trois Frères. 2ème partie
Rues de Montmartre. Classement alphabétique.
Montmartre. Rue de l'Abreuvoir.
Montmartre. Rue du chevalier de la Barre. (I). De Ramey à Lamarck.
Montmartre. Place des Abbesses.
Montmartre. Le Passage Cottin.
Montmartre. Rue Saint Rustique.
Montmartre. Impasse Traînée. Rue Poulbot.
Montmartre. Square Saint pierre. Square Louise Michel.