Le square Louise Michel est très fréquenté.
On y voit des touristes, des retraités, des enfants, de faux sourds-muets venus de l'est, des tresseurs africains, des jardiniers en tenue verte, des statues vivantes, des lapins jetés là comme des déchets par leurs maîtres qui s'en sont lassés, des hérissons et ... des chats.
D'où viennent-ils ?
Certains qui cherchent la caresse ont été abandonnés la veille de grands départs en vacances, d'autres plus sauvages sont nés dans un creux de rochers, en haut du jardin.
La plupart ont de la chance, une Association s'occupe d'eux, les tatoue, les vaccine, les opère.
Quelques bénévoles, des marginaux, des retraités, des poètes, les nourrissent en piochant parfois dans leurs maigres revenus.
On entend déjà le choeur des bien-pensants : Quelle honte! Consacrer de l'argent à des bêtes alors que tant d'enfants crèvent de faim!
On a envie de demander à ces philanthropes ce qu'ils font pour ces enfants, quelle part de leurs économies ils leur consacrent.
On ne leur demande rien.
On sait.
Pas besoin d'être bouddhiste pour savoir que la compassion est une sensibilité, un don.
Certains l'ont d'autres pas.
Ceux qui pour leur souffrance la possèdent ont le coeur assez grand pour y accueillir les enfants et les animaux, les hommes et les bêtes...
Ceux qui pour leur confort ne la possèdent pas, ont l'esprit assez froid pour juger les autres et garder au chaud leurs économies et leur assurance-vie...
Donc... il y a dans le square Louise Michel des hommes et des femmes, surtout des femmes qui viennent, de plusieurs stations de métro parfois, pour nourrir les chats.
Savent-ils que Louise Michel est rentrée de son exil néocalédonien avec quelques-uns des chats qu'elle soignait, les plus vieux, ceux qui sans elle seraient morts?
Savent-ils que la chanson bien connue "C'est la mère Michel qui a perdu son chat" a été écrite pour se moquer d'elle?
Mais de qui se souvient-on aujourd'hui?
Des moqueurs ou de Louise Michel?
J'ai connu Pietro, un vieil Italien qui venait par tous les temps, escaladait, la nuit tombée, les grilles du jardin et parlait aux chats comme le faisait un autre Italien venu d'Assise, François de son prénom.
Pietro est mort. Il a sans doute rejoint François au Paradis où comme chacun sait les anges parlent l'italien qui est la langue de l'amour.
J'ai connu Alan qui avait recueilli 18 chats. Une pétition signée par ses voisins a exigé qu'il s'en aille ou qu'il abandonne ses chats. On a retrouvé Alan et ses 18 chats, morts et tranquilles. Ils ne gêneront plus les voisins. Ils ont rejoint Pietro et François.
Je connais gens de toutes sortes... une infirmière, une technicienne de surface, des retraités, un chômeur...
Ils viennent par tous les temps au rendez-vous du square Louise Michel...
Je les rencontre parfois, je leur apporte des provisions, je m'assieds un instant avec eux, je regarde les chats, je regarde Paris qui est si grand et si beau et je me dis que la Terre tournera autour du soleil tant qu'il y aura dans les jardins publics des gens comme eux...
Des gens qui parleront aux chats....
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Liens chats :
Les chats t'attendent, Pietro.
Chats du square Louise Michel. Montmartre.
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...Square Louise Michel : 14 juin.
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