Il ne viendrait à personne l'idée de surnommer Venise "Brantôme de l'Adriatique." Par contre, un certain Raymond Poincaré trouva judicieux d'appeler la petite ville de Brantôme "Venise du Périgord" en raison de sa situation dans une boucle de la Dronne et de ses cinq ponts! Oublions que Venise en possède plus de 400!
Non! Brantôme se suffit à elle-même. Elle a un nom illustre et n'a nul besoin de comparaison. Brantôme est une ville enchantée, sereine et joyeuse, une de ces villes où l'on aime s'arrêter quelques jours pour y écouter le vent et les murmures du passé.
L'église abbatiale, haute et claire, rappelle un épisode tragique de la Bible : le Massacre des Innocents.
Dès l'entrée, vous découvrez, au-dessus d'un chapiteau roman réemployé, un bas-relief du 13ème siècle consacré à l'événement.
Hérode, visage buté du tortionnaire, ordonne le carnage auquel il assiste sans broncher.
Il est assis sur une église. Un diable, perché sur le clocher lui souffle à l'oreille conseils et encouragements!
Les enfants sont égorgés, embrochés, étranglés, malgré les supplications de leurs mères.
L'épisode est relaté dans l'Evangile de Matthieu, chap 2 :
"Hérode se mit dans une grande colère et il envoya tuer tous les enfants de deux ans et en-dessous qui étaient à Bethléem et dans tout son territoire, selon la date dont il s'était soigneusement enquis auprès des mages.
Alors s'accomplit ce qui avait été annoncé par Jérémie, le prophète. On a entendu des cris à Rama, des pleurs et des lamentations. Rachel pleure ses enfants et n'a pas voulu être consolée parce qu'ils ne sont plus..."
Massacre des Innocents toujours recommencé dans le monde. Massacre qui atteint l'apogée de l'horreur et de l'ignominie avec la Shoah...
La partie droite du bas-relief montre les enfants dans une barque céleste qui les entraîne comme dans une montgolfière, vers les hauteurs célestes.
A droite de l'autel, sur le mur, un panneau de bois sculpté du XVIème siècle reprend le thème du massacre.
Il aurait été inspiré par le tableau et les gravures de Raphaël:
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Le panneau de gauche montre Charlemagne remettant à l'Abbé de Brantôme les reliques d'un Innocent. La tradition populaire donne le nom de Sicaire à cet enfant sanctifié par son martyre. Le nom de l'enfant n'est autre que celui de son assassin, un "sicaire" .
Le sicaire est un tueur payé pour accomplir son oeuvre. A l'origine son arme était un poignard, "sica" en latin...
La châsse contenant les reliques du bébé sont pieusement conservées et exposées dans l'église. Elles contredisent ceux qui prétendent que Sicaire aurait été un esclave d'Hérode, actif pendant le massacre, touché par la grâce et converti au Christianisme.
Un vitrail du 19ème siècle montre l'enfant vêtu de blanc, s'abandonnant à la violence et déjà auréolé de lumière...
Un enfant blond au teint clair, un tueur brun à la peau sombre! Alors que victimes et bourreaux appartenaient au même peuple de Palestine!
Un groupe imposant en marbre de Carrare, réalisé en 1902, vient parachever cette représentation du Massacre des Innocents. Le tueur brandit le poignard et écarte la main protectrice de la mère qui a ici des allures de Marianne républicaine. L'assassin est une allégorie de tous les envahisseurs tandis que la mère courageuse représente la France résistante.
Le groupe est dû au sculpteur Victor Zan dont on peut voir certaines réalisations ("La grève", "le grisou") à Saint-Etienne.
Avant de quitter l'église, un coup d'oeil au baptistère s'impose. Sur un mur, un bas-relief en pierre du 14ème sècle figure le baptême du Christ. La scène est assez sensuelle, avec cet ange qui dénude en souriant le nouveau baptisé et Saint-Jean qui soulève un pan de sa tunique et esquisse un pas de danse!
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