S'il est un Dieu dans les nuages
Qu'il revienne un instant sur terre
Et qu'il jette un regard de père
Sur cette femme sans bagages
Qu'a-t-elle encore à déclarer
Qui la retienne d'embarquer
Ni compte en banque ni livret
Ni pièces d'or ni bracelet
Son corps est plus léger que l'air
Il n'a jamais eu de prison
Il n'est pas le propriétaire
D'un terrain ou d'une maison
Et pourtant elle est arrimée
Au lit de fer de la clinique
Avec des tubes de plastique
Ancrés profonds dans ses poignets
Sur son visage un masque gris
Lui interdit de respirer
Le ciel et les rues de Paris
Où elle aimait tant divaguer
Qu'a-t-elle encore à déclarer
Qui la retienne d'embarquer
Plus un ami plus un amant
Pas un enfant pas un parent
Tout ce qu'elle a c'est un cancer
Qui dans sa gorge est installé
Aucun voyou pour le voler
Aucun scalpel pour le trancher
Il se vautre et il se prélasse
Avec l'air de n'y pas toucher
Il distribue ses métastases
Comme il enverrait des baisers
Il pèse et pose, il prend son temps
Il va et vient sans s'étonner
Il la goûte du bout des dents
Pour mieux savourer la curée
S'il est un Dieu dans les nuages
Qu'il donne l'ordre à ce cancer
D'aller plus vite et plus sauvage
Pour la laisser quitter la terre.
lien : Poème pour Elisabeth (cancer)