La vie a passé sur le jeune-homme qu'il était le jour de son mariage, quand il dessine ses dernières lithographies pour illustrer "LE MYTHOMANE" de Pascal de Blignières. Ou bien en est-il plus proche que jamais? Avec la même gravité, le même amour. Les deux étant inséparables.
"LE MYTHOMANE" est une histoire de maladie et de mort. Les corps y sont souffrants et dégradés. Mais l'hôpital, en pleine nature, est traversé de lumières et de chants d'oiseaux.
Le malade dans son lit pense à la liberté de l'oiseau : "Voilà en tout cas une interrogation à laquelle peut mener une grande fatigue maladive, savoir : Faut-il regretter de ne pas être un oiseau?"
"La tranquillité fragile d'un héron me fascine..."
Pour illustrer un moment plus léger du texte, un poème de fuite et de vent, Jean-Loup se souvient de Lascaux. Il y a dans son trait une vivacité un peu brouillonne, comme la course éperdue des biches qui ne savent dans quelle direction fuir.
Je me rappelle cette année-là. Sa main est moins sûre mais il la pose sur le papier et ne la détache qu'une fois le croquis achevé.
Ses dessins sont faits d'un seul trait qui ne reprend pas son souffle. Ils sont un cri continu. Une course sans relais qui ne cesse que lorsque le coureur s'écroule.
"Le mythomane est mort cet après-midi..." Le dernier dessin de Jean-loup illustre le poème ultime :
Un oiseau de nuit
Serre-t-il dans ses plumes
Un moignon d'idée
Nommée autrefois
"Regrets éternels"?
Minuit.
L'automne est vieux
D'un mois
Pénombre.
Oiseau, porte léger sur tes rémiges
L'on ne sait quoi
Qui fait les âmes,
Dans le vol silencieux
Où tu dois aller.
Jean-Loup est mort avant que ne soient éditées ses lithos.
Son dernier dessin: il y a tant de tourmente et tant d'élan dans cet envol... Un oeil qui semble pleurer de laisser ceux qu'il aime... un battement d'aile qui est dispersion vers la lumière.
Lien : Jean Loup Wacrenier. Huile. "Les passants"
(LE MYTHOMANE, de Pascal de Blignières avec onze lithographies de Jean-Loup Wacrenier. Editions Champfleury. Paris)