Par un jour très gris, nous sommes allés, Nicole et moi, au musée Maillol voir l'exposition
consacrée à Séraphine de Senlis mise à la mode par Yolande moreau dans le beau film consacré à cette artiste au coeur simple et à l'esprit visité par les anges et les démons. (voir : Séraphine de Senlis )
Nous sommes restés longtemps devant le grouillement inquiétant des fleurs carnivores et des feuilles griffues, le regard emprisonné dans la toile sans horizon, sans sortie sinon vers le haut et
le ciel..
Notre surprise fut grande, en quittant les salles de l'exposition de découvrir un artiste naïf, plein de vie et d'optimisme qui nous a aussitôt ensoleillés.
Camille Bombois dont le nom même fleure la nature et la vie simple est un
solide bourguignon qui après avoir été valet de ferme, lutteur de cirque, marin, ouvrier de tunnel dans le métro parisien et travailleur de nuit dans une imprimerie, parvint enfin à vivre de
sa passion, la peinture vers 1940. Après la première guerre et son retour du front il fut étonné de voir que sa femme, Eugénie Christophe qu'il avait épousée à la mairie
du XVIIIème et qu'il aima au point de ne pouvoir peindre qu'elle, avait réussi à vendre plusieurs de ses toiles. Ce qui l'encouragea à exposer dans les rue de Montmartre comme le
faisaient alors de nombreux peintres de talent (ce qui a hélas a bien changé!) Plus tard il sera remarqué par Mathot, un marchand de la rue des Martyrs qui vendra avec succès de nombreuses
toiles. Ainsi, Camille put-il installer son atelier rue Caulaincourt où il eut tout le loisir de peindre encore et toujours son grand amour.
Il aimait ses formes généreuses et la douceur de son visage. Il regardait
Emilie accomplir les gestes du quotidien avec infiniment de reconnaissance et de désir.
Son regard écarte les cuisses, fait remonter la robe, caresse la chaleur et le mystère de la femme.
Pour lui, le sexe est bien l'origine du monde comme le nomme Courbet, mais c'est aussi sa
vérité, sa permanence, le lieu où l'homme devient homme. Il s'y réfugie sans cesse, lui le bourguignon massif et nul doute qu'il se laisse féconder, qu'il laisse son esprit accueillir les
délicatesses et les teintes qui sont femmes.
De nombreuses toiles montrent des femmes qui soulèvent leur tablier ou
leur robe, très simplement, pour recueillir des cerises par exemple, ou des fleurs.
Sur celle-ci, nous voyons à droite une de ces femmes jambes entrouvertes. Au centre, sur le pavé une
autre se penche vers un minuscule chaton noir devant un petit garçon. On peut rêver longtemps devant cette peinture. La rue comme un chemin entre deux rangées de maisons qui sont comme des
jambes, avec en ligne de fuite ce trou d'ombre qui attire et ce chat au beau milieu qui quête les caresses. tout cela sous le regard d'un petit mâle
impressionné.
Un jeune mâle qui guettera plus tard entre les joncs ces baigneuses allongées dans la douceur de l'eau, les jeunes seins durcis, les jambes qui s'écartent...
Nous rentrons à Montmartre avec le sentiment d'avoir rendu visite à deux artistes étonnants et étrangement opposés : Séraphine qui ne peut retenir l'éclatement des cellules, des
cancers, des obsessions dévoreuses de lumière et Camille qui ramasse le monde et ses questions à l'intérieur des forme les plus douces et les plus voluptueuses.
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