Enfin une exposition consacrée au plus montmartrois des Montmartrois, bien que suisse!
Il y a chez cet artiste considérable tout ce qui caractérise un homme généreux et engagé. Il est constamment du côté des pauvres gens du maquis et d'ailleurs, il est de toutes les luttes pour la justice et pour la paix, il est sensible à la condition animale et recueille les chats abandonnés. Il a créé l'icône la plus universellement connue de Montmartre, le fameux chat noir!
L'expo commence, dans la première salle, par rappeler sa fascination pour le chat, animal libre, sauvage, et beau comme un danseur qui ne se lasserait jamais de danser et dans son sommeil rêverait qu'il danse.
Ses peintures de chat sont parmi les plus belles qui aient jamais été créées.
Parce que ce peintre doué aimait les chats, les observait, les admirait et recueillait dans sa maison qu'il avait appelée Cat's Cottage ceux qui avaient besoin d'être soignés et nourris.
Il savait restituer sa douceur comme sa sauvagerie, son besoin de confort comme de liberté. L'exposition permet de découvrir quelques sculptures et des dessins qui viennent des collections permanentes.
Les chats auraient pu être l'objet unique d'une belle exposition. Espérons qu'elle sera organisée un jour! En attendant, Steinlen repose sous des rochers dans le cimetière Saint-Vincent, à 300 mètres du musée. Quand je lui rends visite pour peu qu'il y ait un rayon de soleil, un chat dort sur sa tombe, en attendant que vienne leur "apothéose" et qu'un chat plus décidé que les autres les entraîne sur la Butte, là où s'élève le Sacré-Coeur et où commença la Commune.
L'expo se poursuit comme elle peut dans des salles souvent trop exigües. On y rencontre le caricaturiste ou l'illustrateur de livres et de chanson.
Steinlen participa à de nombreux journaux comme sur cette couverture de La Feuille où il montre Zola à terre, lynché par les anti-dreyfusards.
Il est un des principaux illustrateurs du Mirliton, journal du Chat Noir d'Aristide Bruant.
les deux salles suivantes n'en font qu'une pour l'homme engagé.
Dans la première ses engagements politiques, sa révolte contre les injustices, sa fraternité avec la Commune.
La Commune
Le cri des opprimés. La Libératrice.
Dans ce tableau inspiré par la Liberté guidant le peuple de Delacroix, Steinlen représente le Révolution qui avec son flambeau désigne la forteresse à abattre. Cette forteresse évoque sans doute le Sacré-Cœur que Steinlen représente dans son "Apothéose" submergé par les chats!
On devine la statue du Veau d'or, symbole des pouvoirs de l'argent. Autour de la Libératrice, les mains dont les chaînes sont brisées se lèvent comme autant de cris.
Steinlen n'adhère à aucune chapelle, à aucun parti, mais il est de toutes les luttes qu'il estime justes et de tous les combats pour le peuple opprimé.
Il aime représenter ce peuple de travailleurs dont il se sent proche. Il va à Courrières après la catastrophe et peint les mineurs et les trieuses de charbon, dans une palette sombre et douloureuse.
Les Charretiers
Il porte grande attention aux femmes. Celles des petits métiers....
La porteuse de pain
La fille du faubourg
Celles qui sont contraintes pour survivre de se prostituer et celles qui malgré un statut social plus privilégié subissent les lois de l'homme. On dirait aujourd'hui du patriarcat.
L'expo se poursuit à l'étage supérieur prés de l'appartement et l'atelier de Suzanne Valadon. Le Christ est bien sûr dans le camp des pauvres et des petits, devant une hiérarchie trop nourrie et enrichie...
L'Intrus
"J'ai tenu à faire comprendre d'un coup d'œil la discordance absolue qui existe entre l'Eglise actuelle et l'évangélisme initial."
L'Apôtre
Bien sûr il est horrifié par la Grande Guerre. Il se rend dans les tranchées et dessine sans répit pour témoigner... Il montre également la conséquence du carnage sur les plus humbles, contraints à l'exode là où leurs villages ont été détruits.
L'exode
La Gloire
Un couloir étroit et sans recul expose quelques dessins et rares toiles de nu. Outre qu'il est très malcommode de les regarder, j'avoue qu'ils ne m'ont pas emballé.
La dernière salle est consacrée à Masseïda, gouvernante d'origine Bambara que Steinlen engagea en 1910 après la mort de sa femme.
Détente
Il prend plaisir à s'inspirer de Manet ou de Gauguin mais les portraits qu'il peint ou qu'il dessine de Masseïda montrent combien il la respectait. Il lui léguera d'ailleurs de nombreuses toiles.
C'est avec Masseïda que se termine l'exposition qui réussit à donner l'envie de mieux connaître Steinlen dans sa force, sa diversité et sa sensibilité.
Mais je choisis pour finir cet aperçu de ma visite un tableau qui est accroché devant "l'Intrus". Il s'agit de "la famille" on pourrait presque dire "La Sainte Famille" tant il s'inspire de la Renaissance. Ici le père n'est pas charpentier mais mineur de fond (le pic à son côté) et l'enfant n'est pas blotti contre ses parents mais il se dirige vers les autres, vers l'avenir. Allégorie de la confiance que voulait avoir Steinlen dans un monde meilleur et plus juste.
Que peindrait-il aujourd'hui?
Liens avec les articles du blog dédiés à Steinlen
Steinlen dans les collections permanentes du Musée. Chats et lunes
Steinlen les affiches et les chats