Parfois il faut bien descendre de la Butte pour aller à Paris comme disent les Montmartrois. C'est l'occasion de découvrir à quel point la ville est une fête.
Quelle belle surprise en effet d'assister à une "invasion" pacifique, sur le boulevard Haussmann et place Diaghilev, d'animaux ronds comme des caresses !
Ils sont nés sous les mains d'un sculpteur dont le nom lui-même évoque la solidité de la pierre et le chant de baryton du basson .
Michel Bassompierre. J'aime jouer avec les noms surtout lorsqu'ils s'accordent avec la réalité. Le basson est un instrument à vent de la famille des bois dont le chant est grave (bas son) et rond. Vivaldi l'a invité dans plus de trente de ses concertos.
Il va bien avec les sculptures qui se sont installées sur le boulevard et qui évoquent à la fois la force tranquille de la pierre et la grave harmonie du basson.
Le gorille n'a nulle intention agressive. Lui qui a été décimé au point d'être menacé de disparition, passe sur le trottoir, comme les promeneurs, le regard intéressé et doux, histoire de nous rappeler que nous sommes de la même famille...
L'ours le plus grand, dressé sur ses pattes, derrière l'Opéra, face aux terrasses des Galeries où se pressent les touristes, évoque un King Kong pacifique, incapable de faire du mal, curieux et amical.
Il pourrait envoyer promener d'un coup de patte les homoncules qui le photographient. Mais non, il est attentif et accueillant. Il se dresse comme un humain. Il n'est pas un animal de foire, dressé pour amuser ou effrayer. Il est un lien entre deux mondes qui se respecteraient, qui apprendraient à se connaître.
Comme un hommage à l'Opéra, Il esquisse avec grâce un pas de danse place Diaghilev.
L'ours polaire est venu lui aussi. Tout en lui évoque la banquise, la blancheur infinie, la pureté des matins glacés.
Un petit chien noir s'était réfugié entre ses pattes, le jour où j'ai pris cette photo. Il s'appelle Onyx et il se sentait si bien, si protégé, qu'il n'avait plus aucune envie de retrouver le sol.
Michel Bassompierre rend hommage à François Pompon et comme lui il nous invite à la douceur, à la main qui se tend et rencontre la plénitude.
Ses animaux ont quelque chose de la sensualité des fruits.
Il y a encore des ours d'or, ceux du conte de Boucle d'Or sans doute...
Celui qui n'ose frapper à la porte de l'église Saint Louis d'Antin. Peut-être l'aurait-il tenté si l'église avait été consacrée à Saint François qui assurément l'aurait accueilli avec ces mots : "Bienvenue mon frère ours"!
Cet autre ours d'or n'a pas besoin de lunettes pour pécher le saumon!
Il y a les ours d'argent, couleur des clairs de lune, qui s'enfuient sans vraiment s'inquiéter et qui n'ont aucune envie de se réfugier dans les Grands Magasins!
Et puis il y a les ours bruns qui nous rappellent ceux que nous martyrisions lorsque nous étions gamins mais qui ne nous ont jamais quittés malgré leur poil en partie pelé et leur œil arraché.
Ceux-là sont bien dans leur peau, joueurs ou malicieux. Ils nous invitent à la tendresse et au regret de ne pouvoir les prendre contre nous comme nous le faisions jadis.
Et voilà.... J'aimerais en rencontrer d'autres encore, marcher dans la ville comme dans un paradis perdu.
Je voudrais remercier l'artisan du rêve qui nous invite à traverser le miroir et à marcher sur les boulevards, guidés par l'ours blanc qui connaît le chemin vers l'étoile polaire !
Quelques confidences de Michel Bassompierre écrites sur le socle des sculptures :