Une belle exposition au musée de l'île d'Oléron à Saint-Pierre permet de voyager avec les peintres qui ont, de la fin du XIXème siècle au milieu du XXème aimé notre île dont ils ont voulu fixer sur la toile les lumières.
Si Oléron n'a pas en ce domaine les lettres de noblesse de la Normandie ou de la Provence, toutes deux immortalisées par les plus grands peintres, c'est qu'elle n'était pas à la mode et n'avait pas aux yeux des parisiens les qualités des régions susnommées (proximité de Paris pour l'une, charme dépaysant de la Méditerranée pour l'autre).
L'île a néanmoins inspiré des artistes, comme elle continue de le faire aujourd'hui, et la richesse de l'exposition en est une preuve éclatante.
Je n'ai pas voulu suivre le parcours proposé organisé par thèmes : Les ports, la côte, les moulins etc... mais j'ai sélectionné quelques unes des toiles qui m'ont particulièrement plu. Un choix subjectif bien sûr que je qualifierais d'amoureux. Je suis en effet amoureux d'Oléron et je pourrai chanter, un collier de langoustines autour des reins : "J'ai deux amours, Oléron et Montmartre..."
Départ des pêcheurs du Château d'Oléron (1938)
L'exposition s'ouvre avec une toile remarquable de Balande qui représente les pêcheurs quittant le port du Château. Le ciel tourmenté est de ceux que j'aime, comme j'aime ce paysage d'avant le pont, avec le fort Louvois et au loin le clocher de Marennes.
Balande qui est un enfant de Charente (Saujon) s'est formé à Paris, notamment dans l'atelier de Cormon à Montmartre. Quand il habite près de La Rochelle il se noue d'amitié avec Marquet dont l'influence est sensible dans son travail.
Une autre de ses toiles représente dans un style à la fois vigoureux et coloré le phare de Chassiron, le point extrême de l'île.
Beau paysage qui traduit bien la lumière précise de l'île surnommée "la lumineuse". Si l'influence de Corot y est manifeste c'est qu'Alphonse Velluet le connut et sur ses conseils décida de se consacrer aux paysages. Un petit détail amusant sur le nom du peintre qui se transforma en Combe-Velluet, s'inspirant du nom de sa femme Lucie lacombe. Cette modification visait à figurer dans les premières lettres afin d'être exposé dans les salons dans les premières salles qui avaient l'habitude de classer les peintres par ordre alphabétique.
Plus moderne dans son épure la rue de village de Louis Suire va à l'essentiel par sa composition entre lumière sur les murs blancs et ombre. Deux oléronaises coiffées de leur quichenotte animent sans prendre la vedette cette scène ensoleillée.
Louis Suire (1899-1987) est un peintre charentais qui avait connu à Paris le fauve Albert Marquet. Il avait une maison dans l'île de Ré mais explora à plusieurs reprises Oléron, notamment pour illustrer le livre d'Yvan Delteil paru en 1935 : "L'île d'Oléron, la dernière escale de Pierre Loti".
Sortie du chenal de Boyardville (Mario Pinetti)
Loin des scènes ensoleillées dont on a l'habitude, Pinetti privilégie les ciels gris et les nuances vertes des chenaux.
Italien d'origine Pinetti (1895-1964) remporta de nombreux prix dont une médaille d'or au Salon des Artistes Français. Grand voyageur, c'est à Oléron qu'il choisit de se fixer avec sa famille et d'installer son chevet dans les marais dont il aimait les nuances de gris soudain pailletés de soleil.
Les deux peintres oléronissimes sont le père et le fils Lessieux. Il y a souvent confusion entre les deux car l'un se prénomme Ernest Louis (1848-1925) et l'autre Louis Ernest (1874-1938)! Nous sommes allés à la rencontre de Louis Lessieux dans un article que nous lui avons consacré.
Plage nord de La Cotinière (Louis Lessieux. 1921)
Après les deux tableaux du fils, voici deux tableaux du père
Rue du Colombier à La Cotinière (Ernest Lessieux 1910)
Ce dernier tableau je le préfère aux innombrables aquarelles qui donnent parfois dans le cliché!
Peu de tableaux de tempêtes ou d'océan dans cette exposition. Parfois comme ici le jeu de la lumière sur l'eau qui ressemble à une rivière dans le pertuis. Tous les amoureux des rivages aiment ces moments où le soleil dessine à la surface de la mer ces grands chemins qui brillent comme des miroirs.
Anse de Saint-Trojan vue de Marennes (Castaignet - 1919)
Jean-Baptiste Castaignet (1852-1934) est clerc de notaire à Bordeaux et peintre une fois hors de son étude. Il aime les contrastes et les teintes sombres à la Courbet.
Bien que l'île d'aujourd'hui se prêtât aux représentations naîves avec ses petites maisons, ses cabanes de couleurs, ses bateaux bariolés et ses roses trémières, nous trouvons peu de représentants de cette école, comme celui, resté anonyme de cette rue de Saint-Pierre :
Ou comme cette vue de la plage du Château due à Willy, peintre sur lequel je n'ai rien trouvé.
Peut-être est-ce lui qui représenta ces navires de pêche sur l'océan à St Jean de Monts.
Toujours dans cette sensibilité nous découvrons une belle toile de Camille Laroche peinte en 1910 au nord de l'île. La plupart des oeuvres représentées sont peintes au sud de l'île, si on excepte Chassiron et Saint-Pierre, partie plus touristique et plus proche....
Place de l'église à Saint-Denis
Parmi les toiles qui m'ont intéressé figurent celles d'Yvon Massé :
Plage du port du Château ('Massé - 1944)
Les paysages sont peints avec légèreté et en ce qui concerne le quai de St-Trojan quelque chose de naïf là encore. Notons que le quai n'a pas beaucoup changé même si quelques cabanes se sont métamorphosées en restaurants (dont le très bobo "Poissons Rouges) et en galeries d'art.
On retrouve le quai aux cabanes de Saint-Trojan dans la toile d'Ernest chevalier. Le port modeste aux cabanes de planches a plu aux peintres, comme il plaît aujourd'hui aux photographes amateurs dont je suis.
Ernest Chevalier. Port et cabanes de Saint-Trojan (1900)
Ernest Chevalier (1862-1917) est un artiste très lié aux peintres de son temps, que ce soit Puvis de Chavannes ou, à Montmartre, Toulouse Lautrec et Satie.
Une toile nocturne et onirique d'Auguste Heiligenstein (1891-1976) qui vient de Saint-Denis, non pas celui d'Oléron mais celui de la Seine-Saint-Denis! Il est céramiste, émailleur, maître vitrier et peintre.
Deux toiles me paraissent fort belles, signées de P. Bonnin sur qui je n'ai rien trouvé et dont l'exposition ne nous dit pas un mot.
Je voudrais terminer par une aquarelle sans grand intérêt sinon celui de nous montrer deux moulins dans la ville du Château :
Le moulin de la quille de chien, au Château. (François Desnoyers - 1920)
Desnoyers (1894-1972) fut élève de Bourdelle avant de découvrir à Paris le fauvisme dont il sera un représentant.
L'intérêt de cette aquarelle est de nous montrer deux moulins parmi les nombreux moulins que comptait l'île (une parenté avec ma butte favorite). Celui qui est au 2ème plan a été sacrifié aux appétits des promoteurs, le second qui faillit être détruit a été sauvé ainsi que la maison du meunier. Il est aujourd'hui au milieu d'un parking de supermarché!
Je préfère terminer sur ce paysage incertain, animé par les pêcheuses à pied coiffées de leur quichenotte qui accrochent la lumière.
Départ de pêche à pied au Château d'Oléron (1914)
Un coup de chapeau aux organisateurs de l'exposition qui propose des fiches sur la plupart des peintres exposés et qui a sélectionné des œuvres de grand intérêt, déclarations d'amour à cette île changeante, miroitante, entre vents et marées. Une île qui supporte mal le pont qui l'enchaîne et semble ruer les jours de tempête pour se libérer et prendre le large!
Plage de Vert-Bois (Ernest Lessieux. 1910)