J'avais depuis longtemps envie d'entrer dans ce minuscule restaurant idéalement situé en bas de la rue du Calvaire bien nommée pour l'épreuve qu'impose aux touristes l'ascension de son escalier abrupt.
La façade est gaie et parfois un gros nounours repu est assis à côté de l'entrée, laissant entendre par son air satisfait qu'il sort de table, comblé et extatique.
Il y a quelques années le restaurant s'appelait "Chez Marie", nom qu'il avait reçu dès sa création.
Et qui lui porta chance pendant une trentaine d'années. Une fois Marie à la retraite, c'est l'Artiste qui prit la place.
J'y suis allé malgré ma méfiance et la réputation pour le moins médiocre de la plupart des restaurants de la Butte.. Un jour d'anniversaire, après avoir lu quelques avis proches de la glorification publiés sur des sites connus des consommateurs venus des quatre coins de la planète (qui n'en est pas moins ronde) j'ai franchi le seuil. "Salut l'Artiste!"
L'accueil est souriant, chaleureux, ensoleillé. Le lieu paraît un peu trop resserré, bas de plafond et décoré de reproductions d'affiches et de tableaux qui forment un camaïeu indistinct et luisant.
Mais dans ce fouillis, émerge une fresque qui a aussitôt attiré mon attention de catophile, que dis-je, de catolâtre absolu. Une fresque venue du temps de "Chez Marie"
Au pays du Chat Noir de Bruant, les matous sont partout chez eux.
D'autant plus que leur plus grand admirateur, Steinlen qui habitait sur l'autre versant, leur a consacré la majeure partie de son œuvre, hymne à leur beauté, leur sauvagerie, leur noblesse, leur nonchalance.
Le peintre qui a créé la fresque s'appelle J. Meyali. Il a daté son travail de 1995. Point final. Je ne peux en dire plus sur cet artiste après avoir cherché en vain sur la toile quelques renseignements, quelques bribes de sa vie. Rien, rien de rien.
Je lance un appel à mes amis Montmartrois (et autres) au cas où ils auraient quelque information qui me permettrait de rendre hommage à ce peintre méconnu qui peut-être paya son écot grâce à sa joyeuse assemblée de chats.
C'est évidemment à Steinlen qu'il fait penser, surtout avec ses chats au premier plan, moins avec ceux qui singent des attitudes humaines à l'arrière plan. Steinlen n'aurait jamais abaissé les félins jusqu'à leur donner des allures humaines!
Les stars de cette assemblée qui trinque et fait la fête, ce sont le blanc et le noir aux yeux d'or.
On les retrouve presque identiques, passant la tête au-dessus du comptoir pour jeter un œil dans la salle sur les consommateurs qui envahissent leur espace. Ils n'ont pas l'air d'apprécier cette intrusion, pas plus qu'ils ne participent à la fiesta alcoolisée de leurs congénères.
Ce sont donc de vrais chats qui n'aspirent qu'au calme, à l'harmonie, éventuellement à la caresse d'un humain capable de les comprendre et de s'abaisser à leur hauteur!
Si vous voulez les rencontrer, entrez avant ou après les heures d'affluence, vous serez bien accueillis et pourrez, si vous en avez envie, boire un petit verre.
Mais, je vous donne un conseil d'ami, n'y mangez pas.
Je ne veux pas être méchant, je ne dis que ça.
Croyez-en le regard mécontent de ces matous.