Peu de touristes descendent dans la crypte du Sacré-Coeur. Ils préfèrent escalader le dôme pour jouir d'une vue imprenable sur tout Paris.
Et pourtant, après un voyage en plein ciel entre gargouilles et clochetons, la visite de la crypte leur permettrait de passer de la lumière à l'ombre, de la clarté au mystère
On y accède par l'escalier qui part de la terrasse de la Basilique où posent parfois de jeunes Japonais en voyage de noces...
On chemine ensuite dans un fossé sur lequel s'ouvrent les vitraux et les oculi qui dispensent à l'église souterraine un peu de lumière...
De larges escaliers prévus pour pélerinages et processions, mènent à la crypte.
C'est une des originalités de ce lieu que ce vaste déambulatoire et son rayonnement de chapelles.
A l'origine le plan prévoyait une crype plus traditionnelle, limitée à l'espace du choeur et des transepts de l'église haute. Abadie avait prévu sous l'église haute "un circuit périphérique avec chapelles prenant jour sur une cour anglaise".
Le plan fut modifié et la crypte fut établie sous la totalité de l'église supérieure.
C'est donc son ampleur qui impressionne. Une ampleur de cathédrale souterraine, mystérieuse et sombre.
Une plongée dans le christianisme des origines, celui qui se réfugiait dans les catacombes...
Etrange paradoxe de ce monument, érigé à l'époque d'un christianisme bourgeois et susceptible, peu après la Commune, et qui évoque un autre christianisme, celui des premiers chrétiens épris de justice et de partage, massacrés par les puissants et contraints de se cacher... Comme leurs frères communards...
L'endroit le plus impressionnant se situe sous le choeur de la Basilique, à contresens. C'est une chapelle surélevée, construite sur le modèle roman.
La chapelle Saint-Pierre. C'est le point focal de la crypte, à la fois rayonnant et protégé...
C'est le coeur secret que les supports massifs des piliers et des murs entourent comme une forêt d'arbres millénaires.
Depuis le choeur de la Basilique, on y accède par de raides escaliers qui accentuent cette plongée dans la nuit transfigurée.
A tous ceux qui continuent de n'avoir que mépris pour ce monument qu'ill est toujours de bon ton de décrier, je conseille de s'arrêter un instant dans cette chapelle.
Cette masse de pierres, cette montagne puissante semble s'élever, s'élargir et tourner dans l'espace.
Ce labyrinthe ordonné conduit vers la statue aux bras ouverts qui repousse les murs...
Il faut s'asseoir dans cette chapelle. Le temps s'y abolit. On y est au coeur de la Terre.
Le christ au coeur offert est une oeuvre de Falcucci (1960). Il n'est pas, toutes proportions gardées, sans rappeler le Christ de Landowski, bras ouverts sur la baie de Rio!
Falcucci. Mise au tombeau.
La crypte est dépouillée, sans ornementation inutile. L'effet dramatique de l'architecture joue pleinement...
Quelques statues cependant sont installées dans le déambulatoire et les chapelles. Pour la plupart, elles ne sont pas géniales et reflètent l'académisme de l'art officiel.
Saint-Malo (Fagel)
Saint jean de Dieu soignant un malade (Fagel)
Les statuaires sont d'éminents représentants de l'art officiel et ils ont souvent obtenu des prix dans les salons. Ce qui est le cas de Léon Fagel (1851-1913) auteur d'un Saint-Malo assez conventionnel et d'un Saint-Jean de Dieu plus expressif.
Saint Bruno (Hubert Louis-Noël)
Hubert Louis-Noël a sculpté un Saint Bruno qui semble satisfait de lui. Il est aussi l'auteur de la statue plus inspirée du Cardinal Guibert dans la chapelle de la Piéta.
Parmi les autres statues du déambulatoire, on peut remarquer :
Sainte Geneviève, patronne de Paris...
Saint Denis, décapité un peu plus bas et qui porta sa tête jusqu'à l'endroit où fut édifiée la basilique de la ville qui porte son nom...
Saint Claude par Cabuchet (1895). Sculpteur connu pour avoir réalisé la plus célèbre statue du Curé d'Ars...
Saint Jean Baptiste de la Salle, élu par Pie XII patron des enseignants...
Saint François Xavier qui porta la bonne parole jusqu'en Chine... La statue est l'oeuvre d'André Besqueut qui était frère de la Compagnie de Jésus.
Saint Hubert...
Assurément la plus laide, la plus ridicule de toutes les statues... Le bellâtre esquisse un pas de danse, bassin en avant tandis que derrière lui les chiens aboient devant l'apparition du cerf qui porte le christ entre ses bois.
L'oeuvre est due à la duchesse d'Uzès, dont le nom d'artiste est Manuela. Elle l'a généreusement offerte à la Basilique. Il y a fort à parier qu'elle n'aurait trouvé de place nulle part ailleurs!
Léon Bloy pense sûrement à elle et à quelques autre lorsqu'il écrit :
"Toutes ces statues qu'on voit au Sacré Coeur sont d'une bêtise et d'une hideur de bonne presse qui dépasse l'imagination."
Il est vrai qu'il définissait aussi Rodin comme "Un plâtrier qu'on finira par enfermer"!
Deux statues récentes représentent saint Eugène et Sainte Cécile. Elles sont l'oeuvre de P.J. Lionnet et ont été installées dans la crypte en 2005. Très éloignées de la théâtralité de leurs consoeurs, elles renouent avec la simplicité et la sensualité de l'art roman...
Suite de la visite dans le prochain article: la crypte, chapelles de la piéta, de saint François, de la sainte famille.
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Liens : Sacre Coeur :
Sacré Coeur. Statues Saint Louis et Jeanne d'arc. Justice, Sainteté.
Montmartre. Crypte du martyrium.
Sacré Coeur de Montmartre. Clichés.
Listes des liens des monuments et lieux typiques de
Montmartre historique et moderne.