Le 7 février, grand soleil sur Montmartre, mes pas me conduisent une nouvelle fois dans ce grand jardin. Sans m'y attendre, je tombe (c'est le
mot) sur Fred Chichin, nouvel habitant inattendu du lieu. Il n'y a qu'une chappe de ciment, un petit bouquet et une guitare miniature. Il doit se sentir bien à l'étroit celui qui
était énergie et poésie, celui qui avec les Rita Mitsouko mettait le rythme et le rêve dans notre quotidien. Quelques mots ont été écrits sur la guitare :
<Quelques vents lunaires t'ont emporté gratter sur une étoile>.
Non loin de lui, un autre guitariste. Fernando Sor. Artiste espagnol qui dut quitter son pays où il ne remit jamais les pieds après la défaite de Joseph Bonaparte en 1813. Il avait en effet pris parti pour les Français. A paris, il connut un véritable succès et profita de la mode dont jouissait la guitare. Il écrivit une Méthode pour la guitare qui n'est pas démodée aujourd'hui. Sa fin de vie fut une lente descente dans le désespoir et la souffrance. Il perdit sa femme puis sa fille. Il fut atteint d'un cancer de la langue qui le tortura des années. Quand il mourut en 1839, il fut inhumé à Montmartre dans une tombe anonyme. Il fallut attendre 1934 pour qu'elle fût identifiée et qu'un hommage fût rendu au guitariste de génie.
Encore un musicien et un créateur. Alors que le saxophone qu'il a inventé déploie ses chants rauques et profonds dans le monde entier, la tombe de Sax est à l'abandon. La croix,
comme les branches mortes semble emportée par un vent du grand large... Peut-être le souffle de tous ceux qui lancent vers nous, grâce au saxophone l'ouragan des chants venus du plus secret et du
plus chaud du coeur humain. Berlioz n'est pas loin de là, lui qui, curieux de toute nouvelle sonorité, écrivit la première oeuvre pour saxophone : le chant sacré pour sextuor à
vent.
Et il est là Berlioz, sous un marbre noir et un médaillon académique... Il aurait fallu un facteur Cheval,
un sculpteur volcanique pour accueillir cet homme-là. Certainement pas ce marbre obtus dont la seule vertu est d'être assez poli pour refléter le ciel et les arbres. Sur un côté de la tombe, deux
autres noms sont gravés côte à côte : Harriet Smithson, Marie Recio. Les deux femmes officielles d'Hector. Au début une passion à l'état brut pour l'interprète d'Ophélie et de
Juliette... Elle est l'inspiratrice de la Symphonie Fantastique, la mère du seul enfant du musicien, Louis. Elle est cette femme malheureuse qui sombra dans l'alcool avant la congestion cérébrale
qui la paralysa. Son mari fuyait déjà le domicile conjugal avec Marie Recio qu'il épousa quelques mois après la mort d'Harriet. Il ne gagna pas forcément au
change, tant elle était possessive et exigeante. Elle tenait à chanter dans les concerts de son mari alors que ce dernier qui parle très peu d'elle dans ses mémoires, prit le temps d'affirmer
qu'elle <miaulait comme deux douzaines de chats>!
Une tombe pas vraiment réussie pour Leo Delibes. la fin du XIXème siècle ne donnait pas souvent dans la légéreté
architecturale. Les amoureux de Coppélia, de Sylvia ou de Lakmé ne s'y retrouveront pas. Pas plus les amateurs de la Cour du Roi Pétaud !
Impossible de quitter le cimetière sans rencontrer le plus mélomane des animaux malgré la perfide appréciation de Berlioz!!!
Lien : le cimetière saint Vincent fin d'annee
Lien :
Cimetière Montmartre. Classement
alphabétique. Calvaire et Saint-Vincent.