Aujourd'hui, je viens dire au revoir aux quelques visiteurs qui sont entrés chez moi par la porte qui
reste ouverte et qui ne connaît pas les serrures. Je prépare mon sac de voyage, je plie mes teeshirts et mes futes. Je tasse, j'entasse. A nous deux l'Indonésie, Java et ses volcans, Bali et ses
sourires.
Avant de m'évanouir dans les airs, à bord de la Singapour Airline, je suis passé rue Nicolet à deux pas de chez moi et j'ai rencontré Verlaine. L'âme grise de Verlaine comme chante
Barbara.
Le petit hôtel est resté tel que Verlaine l'a connu. Il était habité par son ami, Charles de Sivry, musicien au Chat Noir et demi frère de Mathilde Mauté dont Verlaine tombe amoureux et qu'il épouse en 1870 alors qu'elle a à peine 17 ans. Quelques poèmes de la Bonne Chanson lui sont consacrés.
...J'ai presque peur en vérité
Tant je sens ma vie enlacée
A la radieuse pensée
Qui m'a pris l'âme l'autre été...
L'irruption de Rimbaud dans la vie de Verlaine va fracasser l'apparent bonheur familial. La naissance d'un fils, Georges, ne change rien au combat impossible du poète
fasciné par l'adolescent génial. L'histoire est connue, des départs, des retours, des luttes. Mathilde qui accepte après la Commune de reprendre la vie conjugale mais subit des violences
terribles de Verlaine constamment îvre. Mathilde qui ira en Belgique tenter de ramener avec elle un mari qu'elle persiste à aimer. Mathile qui finira par abandonner tout espoir et refusera les
repentances et les poèmes...
...Ecoutez la chanson bien douce
Qui ne pleure que pour vous plaire
Elle est discrète elle est légère
Un frisson d'eau sur de la mousse...
Ce matin, j'ai vu passer des ombres derrière cette fenêtre de la chambre. Paul, Mathilde, Georges, ils étaient là tous les trois dans une parenthèse de bonheur.