Après avoir ranimé le souvenir des cinémas du boulevard de Clichy, de la place et de l'avenue éponymes, complétons le tableau avec le boulevard Marguerite de Rochechouart (et à proximité).
Il y avait là onze salles dont ne subsiste aujourd'hui en tant que cinéma qu'une seule et unique et précieuse. Quelques unes n'ont pas disparu et ont retrouvé leur vocation théâtrale ou musicale.
Commençons par le 15 du boulevard. Une salle qui a son histoire dans l'épopée musicale de Montmartre. La Gaité Rochechouart.
Nous lui avons consacré un article complet, aussi ne nous répéterons nous pas.
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En 1923, le café-concert où ont chanté (entre autres) Mistinguett, Fréhel, Maurice chevalier disparaît dans les flammes. Reconstruit il poursuit sa carrière jusqu'en 1933 où il se métamorphose en cinéma.
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En 1941, ses propriétaires en sont dépossédés par les lois d'aryanisation de Pétain.
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Le cinéma ne ferme ses portes qu'une année avant de reprendre son activité lucrative, ayant trouvé repreneur trop heureux de l'acquérir à un prix bradé.
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Il ferme en 1987. Il devient un magasin CELIO. Aujourd'hui Celio a été remplacé par un bazar qui propose objets et ustensiles pour la maison...
Voisin à un numéro près, se trouvait le Delta Palace, au 17 bis boulevard de Rochechouart sur un espace arrondi que les habitants du quartier appellent encore aujourd'hui, à tort, place du Delta, du nom d'une rue voisine.
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Le cinéma a ouvert ses portes en 1925 et les a fermées en 1985 après avoir tenté de survivre en ne projetant que des films indiens, Bollywood surtout. Mais la population indienne n'était pas vraiment proche, plus près de La Chapelle que de Barbès.
Ce qui est intéressant pour les amoureux du passé et les archéologues des détails et des éléments qui survivent sous la "modernité" c'est que le magasin de fripes a gardé la structure et certains décors du vieux cinéma.
Modiano l'évoque en passant dans "Pedigree" : "Nous étions entrés à l'abri du soleil, dans l'obscurité d'une petite salle, le Delta."
Deux cinémas qui étaient à proximité non pas sur le boulevard mais dans la rue Marguerite de Rochechouart ont été démolis pour laisser place à deux des plus laids immeubles du quartier construits dans les grandes années vandales de Pompidou premier ministre qui trouveront leur apothéose sous sa présidence ave entre autres la destruction des Halles, chef d'œuvre de Baltard.
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En 1912 fut inaugurée une salle de music-hall qui fut en son temps, paraît-il "le plus beau dancing de Paris". Le Coliseum Cinéma-Music Hall possédait une belle salle de plus de 1000 fauteuils qui pouvait se métamorphoser en dance floor.
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en 1961 l'ensemble fut détruit au profit d'un garage Renault (aujourd'hui remplacé par un super marché) et un immeuble d'habitation massif et sans grâce.
Presque en face, il y eut une autre salle au 66 rue de Rochechouart : le Rochechouart-Pathé qui fut cinéma-brasserie de 1907 à 1956. Il eut le même sort que son voisin de l'autre côté de la rue et il se métamorphosa comme lui en immeuble banal et sans originalité. Je n'ai trouvé aucun document qui permette de transmettre son image évanouie.
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Remontons sur le boulevard pour évoquer un des plus vastes cinémas du quartier au 56.
Il s'agit du Palais-Rochechouart.
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Il est construit en 1912 dans le style composite des salles de cette époque. Sa riche décoration n'émeut pas les repreneurs qui en 1930 le rénovent façon élégante de dire qu'ils le détruisent pour ériger à sa place un cinéma massif de béton brut dont le seul ornement est une immense verrière.
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Sous le nom de Palais Rochechouart Aubert il peut accueillir plus de 1500 spectateurs
En 1969, selon Gainsbourg année érotique, il ne cède pas à la mode des films pornos qui prolonge quelques uns de ses congénères. Non, il cesse son activité de cinéma. Il devient un immense bazar qui bazardera sa camelote pendant plus de trente ans.
C'est en 2000 qu'il est anéanti. Il laisse place à un immeuble d'habitation qui abrite une filiale de Darty. Aujourd'hui Boulanger.
Le Trianon, 80 boulevard de Rochechouart. Par chance cette belle salle a survécu au grand saccage du boulevard. Un article lui est consacré sur ce blog. Sa carrière cinématographique commence en 1938 sous le nom de Cinéphone Rochechouart. Elle durera jusqu'en 1992. Le Trianon redeviendra un théâtre, Music Hall, une des salles de concert les plus actives de Paris.
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Son architecte Cassien Bernard n'est autre que celui du plus beau pont de Paris, le pont Alexandre III.
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Non loin du Trianon il y eut au 114 un petit cinéma ouvert en 1933 à côté de la Cigale et qui portait évidemment le nom de Studio La Fourmi!
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Il subsista jusqu'en 1986 aussi longtemps que sa voisine la Cigale qui, elle avait abandonné le music hall pour l'écran en 1927.
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La façade modern style a été ratiboisée comme beaucoup d'autres dans le quartier. L'intérieur de la salle en revanche a gardé quelque souvenir de son passé de théâtre.
C'est en 1987 qu'elle redevint une salle de concert dont le succès fut immédiat. La Fourmi sa voisine fut intégrée à la salle, faisant mentir la fable. C'est la cigale qui triompha et qui continua de chanter saison après saison après avoir dévoré la fourmi!
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Juste à quelques pas de là, 75 rue des Martyrs un autre lieu mythique de Montmartre nous attend.
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Il s'agit du célébrissime Divan Japonais, immortalisé par Lautrec et Yvette Guilbert entre autres gloires des années glorieuses du quartier. Un article est consacré sur le blog à cette salle avant qu'elle ne devienne cinéma.
Lorsque les revues ne firent plus recette, le Divan se transforma en "Comédie Mondaine" qui monta des pièces plus ou moins légères et le plus souvent boulevardières.
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C'est en 1930 qu'il céda à la mode du cinéma sous le nom de "Nouvelle Comédie Cinéma". Il changea encore de nom en 1980 "Amsterdam Pigalle" allusion aux rues chaudes de la capitale des Pays-Bas. Evidemment il proposait des comédies érotiques avant d'opter pour le porno pur et dur (!)
Il est redevenu salle de concerts en 1992, reprenant en partie son nom de naissance en l'élargissant à tous les pays : "le Divan du Monde" et consacrant sa programmation aux musiques venues de tous les horizons. Une belle renaissance.
Puisque nous sommes rue des Martyrs, continuons à grimper jusqu'à la rue La Vieuville, là où elle s'achève depuis le début de son ascension au chevet de Notre-Dame de Lorette.
Un peu à gauche, au début de la rue rien ne peut nous permettre d'imaginer qu'il y eut là, entre le square Jehan-Rictus et le premier petit immeuble, un cinéma de quartier qui échappait à l'ambiance du Rochechouart nettement érotisée pour accueillir un public familial.
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Le cinéma ouvrit en 1939 et ferma en 1960. Il n'a pas connu de métamorphose mais disparut corps et âme, ne laissant de souvenir que dans la mémoire des vieux Montmartrois.
Avec lui s'achève notre promenade sur le boulevard et à proximité.
Nous n'avons plus qu'à jeter un œil sur le plus beau, celui dont la résurrection a été une chance pour le quartier de Barbès. Le Louxor, au carrefour Rochechouart, Magenta, La Chapelle dresse ses disques solaires dans le ciel bleu ou gris de Paris.
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Son décor de mosaïques et de vitraux est exceptionnel.. Il a connu quelques avatars avant de devenir un centre de culture et d'échange où les réalisateurs aiment présenter leurs films.
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Il commence sa carrière en 1921 et il ne cessera ses activités qu'en 1983.
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Il est alors cédé à Tati qui l'utilise comme entrepôt. En 1986, il change d'activité pour muer en discothèque, "la Dérobade" puis "Megatown" pour des nuits gay.
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Mal géré, il ferme ses portes et il est laissé à l'abandon. Il se dégrade peu à peu dans une déchéance qui semble irréversible. C'était compter sans une association très motivée qui pétitionne, rencontre le maire, Delanoé, et obtient que la ville le rachète (2003) pour en faire après 10 ans de travaux, le lieu exceptionnel qu'il est devenu et qui fait de Barbès un pôle culturel du nord parisien.
Il est agréable pour moi de conclure cet article avec cette résurrection alors que nous avons déploré tant de vandalisme et de destruction irrémédiable dans ce quartier que nous aimons.