Je suis étonné qu'Oléron, l'île lumineuse, ait inspiré si peu de peintres... bien sûr il y a le plus célèbre, Omer Charlet qui créa quelques chefs d'oeuvre d'inspiration religieuse (exception faite de l'émouvante "orphelines de la mer") mais à part lui, il est difficile de nommer d'autres artistes de valeur.
Les orphelines de la mer (musée Hèbre, Rochefort)
Et pourtant le musée de Saint-Pierre consacra en 2008 une exposition à deux d'entre eux. Deux et pourtant un puisqu'ils sont père et fils et portent le même nom : Lessieux.
Le premier Ernest-Louis, né en 1848 et le second Louis-Ernest en 1874. Ils ne sont pas toujours facile à différencier et leurs prénoms facilitent la confusion!
Aujourd'hui intéressons-nous au plus jeune que l'on a l'habitude d'appeler Louis, gardant Ernest pour le père.
Notons, n'en déplaise à la fierté oléronnaise qu'Ernest se fixa à Menton où il mourut et où la ville reconnaissante érigea un buste en son honneur. Il est vrai cependant qu'il fit l'acquisition d'une maison au village du Colombier à la Cotinière où il aima séjourner. Louis y passa plus de temps que son père, heureux de trouver un refuge où se reposer de la vie parisienne.
La maison s'appelait "les ajasses", ce qui en patois local désigne les pies.
Pie jeune (Louis Lessieux)
Petite émotion au passage car la maison de mes grands parents, dans le Pas-de-Calais s'appelait "les agasses", presque le même mot d'un patois à l'autre.
Louis fut en partie parisien. Il avait son atelier Villa Brune. Il me ramène un instant à Montmartre car il fut en 1890 à l'Ecole des Arts Décoratifs de Paris élève de Luc Olivier Merson, l'auteur de l'immense et spectaculaire mosaïque du Sacré-Coeur.
Il fut influencé par son père et peignit, surtout à ses débuts, de nombreuses aquarelles. Plusieurs sont exposées dans le petit musée de Saint-Pierre. Celles d'Ernest comme de Louis ne sont pas très originales et peinent à traduire la lumière si paticulière de l'île.
Cependant Louis sut parfois se détacher de l'influence paternelle et se montrer plus audacieux, ne cherchant plus à reproduire la réalité mais n'hésitant pas à utiliser des couleurs plus franches qui le rapprochent parfois des nabis. Il fut d'ailleurs plus que son père oléronnais et séjournait plus souvent que lui dans l'île.
Certaines de ses plus belles oeuvres ont La Cotinière pour sujet. Cette huile est selon moi une de ses plus belles toiles, plus expressive et plus vivante que ses aquarelles. On y voit une parenté avec Pont-Aven et surtout les Nabis.
Une de ses réalisations les plus spectaculaires fut la décoration des salles de l'hôtel de l'Horizon.
Il aimait la Cotinière où il posait souvent son chevalet et il n'est pas étonnant qu'un tel décor lui eût été confié pour cet établissement qui donnait sur le port.
Louis Lessieux réalisa les fresques et les toiles entre 1925 et 1932. Il y représentait quelques sites de l'île et quelques uns de ses habitants.
Ce n'est qu'en 1977 que le nouveau propriétaire "débarrrassa" les murs de toiles qu'il jugeait démodées. Elles furent démontées et vendues à la salle des ventes!
Le propriétaire précédent avait gardé pour lui quelques oeuvres qui ornaient la petite salle et qui de ce fait ont été sauvegardées.
L'hôtel de l'Horizon a changé de nom plusieurs fois mais il existe toujours sur le port. Il s'appelle depuis 1987 "L'Ecailler" et sa décoration manque totalement d'intérêt!
On connaît d'autres aspects de l'oeuvre de Louis Lessieux qui réalisa quelques affiches comme celle du cognac Otard
C'est une des plus réussies, associant femme et alcool dans la même sensualité délicate.
Il reçut commande d'affiches touristiques assez traditionnelles.... Plusieurs de ses aquarelles servirent à illustrer des calendriers!
Enfin il accompagna parfois son père dans ses voyages en Europe et en Afrique du nord.
Il s'inscrit dans la tradition des peintres orientalistes et n'est sans doute pas le plus inspiré.
Mais nous voilà loin de l'île qu'il aima et qui fut son véritable port d'attache. Il lui a déclaré son amour sans se lasser, toujnours ému par sa beauté et sa lumière changeante. C'est à Paris qu'il mourut en 1938, Villa Brune, loin de son île lumineuse.